Chapitre 2 : Le choix du groupe


L'apparition des sylvains se déroule exactement comme contée : il y a d'abord une lumière vert clair, de la couleur des nouvelles pousses au printemps, puis qui s'intensifie, devenant émeraude, puis des silhouettes sveltes se découpent en ombre projetées. Enfin, tout s'éteint sur une note cristalline, ne restent que ces êtres majestueux, vêtus des couleurs de la forêt. C'est encore plus beau et pénétrant que je ne me l'étais représenté. Ne serait-ce que leur arrivée, celle-ci est somptueuse et déclenche les vivats d'une foule pourtant inquiète.

D'un geste de la main, ils invitent la foule au silence. Le public est tout ouïe. Et c'est d'une voix aussi ancienne que le temps, mais toujours aussi puissante que le Patriarche Raphaël entame son discours :
« Bonjour, amis Humains. Je suis honoré d'être parmi vous aujourd'hui, et, bien que l'affaire qui m'amène est des plus sérieuses, je ne peux que me réjouir d'en être l'annonciateur car la coopération de nos peuples ne pourra que renforcer les liens tissés par l'Armistice.
Une coopération rendue nécessaire par le réveil d'une relique d'Avant-Guerre. Les Anciens, dans leur folie, avaient scellés une fraction du Soleil. Bien que moins puissante que l'astre entier, elle est bien plus proche et sera certainement énervée d'avoir passé tant de temps enfermée. Une fois libérée, cette divinité laissera exploser sa rage, nous balayant sur son passage. Hélas, nous ne sommes plus assez puissants pour la sceller à nouveau...

Mais il reste une solution ! Nous pouvons consolider le sceau existant afin d'éviter la catastrophe. Mais le temps presse, aussi nous ne pouvons envoyer un groupe trop important, sans que la logistique ne nous ralentisse de trop. Des érudits de notre peuple iront, afin de guider le groupe sur la restauration du sceau. Leurs connaissances et leurs dons sont indispensables au succès de cette quête capitale. Des nains se joindront à l'expédition pour leurs capacités de terrassement et leurs science des sous-terrains car l'édifice s'est affaissé au cours du temps. Enfin, et c'est la raison de ma venue parmi vous, de jeunes humains seront nécessaires pour leur agilité, leur souplesse et leur vivacité. Ils seront de précieux alliés, pour les tâches physiques comme intellectuelles. Nos vieux esprits ont parfois du mal à se confronter à de nouvelles expériences, et même les nains peuvent avoir besoin de soutien malgré leur force. C'est à cette polyvalence qui fait la force de votre race que je rends hommage.

Malheureusement, le voyage ne sera pas sans risque. Pour nous assurer de la réussite de la mission, il nous faut impérativement des personnes calmes, capables de raisonner sous la pression avec des corps aussi affûtés que leurs esprits. Des héros, prêts à risquer leurs vies pour la survie des trois espèces. Des héros qui ne seront jamais oubliés. Des héros qui graveront leurs noms dans l'Histoire.

Pour nous assurer de la qualité de ces compagnons, nous avons décidé de la première personne qui, nous en sommes sûrs, ne refusera pas notre invitation, saura être une meneuse et, par son lignage, est résistante à notre charme. Il s'agit d'une jeune humaine courageuse, altruiste et pragmatique. J'ai nommé Colline Verchamps, la fille de votre Héraut ! »

A cette annonce, répond une vague de murmures qui se répand. Nous nous tournons tous trois vers une Colline pivoine. Visiblement, la nouvelle est un choc autant pour elle que pour son père.
« Viens avec nous, ne sois pas timide, lui enjoins la voix pleine de sagesse de la Matriarche Jadielle en la désignant. Comme si la main de l'Elfe était dangereuse, la foule s'écarte devant son autorité, qui laisse une haie d'honneur grotesque jusqu'à la scène. C'est plus de temps qu'il n'en faut à Colline pour se reprendre. La fierté de tout un peuple repose sur ses épaules. Et, bien qu'écarlate et intimidée, c'est la tête haute et le maintien droit qu'elle avance vers les ambassadeurs.

La Matriarche reprend :
« Bien entendu, tu ne seras pas seule. Nous comptons sur ton discernement pour réunir au plus vite les volontaires les plus qualifiés. Nous nous occuperons de découvrir s'ils résistent à nos attraits. Il nous faut des gens âgés entre seize et vingt-deux ans, capables de travailler en bonne intelligence. Nous avons besoin de leurs noms pour le coucher du soleil. T'en sens-tu capable ? »

Le port altier et la mine résolue, elle énonce un « oui » entendu par tout le monde, sans même l'aide de la magie elfique. Mais ce que je remarque le plus, c'est la fierté et l'inquiétude dans le regard de son père. La fierté d'avoir une enfant si noble et l'inquiétude de savoir qu'elle participe à une entreprise si dangereuse. Et j'imagine déjà que ce regard sera celui que mes parents auront sur moi au moment où je leur annoncerai ma volonté de participer. Et l'espoir qu'ils placeront dans une faiblesse pour les sylvains qui me recalerait.

Quand elle redescend, la marée humaine entre elle et nous est toujours fendue en deux. La marée s'écarte et s'agite sur son passage, à la fois craintive et respectueuse, chacun murmurant son commentaire. Mais Colline reste de marbre, blanche comme le soleil d'été, comme si toute vie l'avait quittée.

D'un même mouvement, Sylvain, Fred et moi avançons à sa rencontre et l'escortons loin du monde encore sous le choc. Nous nous rendons chez Sylvain, qui habite le plus près, et nous asseyons autour de la table, dans le silence le plus complet. Les minutes passent et personne n'ose prendre la parole. Personne ne sait quoi dire. On en a tous rêvé la veille, mais de la pensée à l'action, il y a tout un monde.

Je finis par prendre mon courage et m'éclaircit la gorge :
« Hum, hum... Ta décision est d'une bravoure incroyable et ne peut qu'être admirée. Aussi j'aimerais prendre part à cette aventure pour t'accompagner et te soutenir dans ton choix.
– Non, s'écrie-t-elle ! C'est hors de question ! Moi-même je n'aurais jamais accepté si les elfes ne m'avaient pas tant suppliés de leurs regards, comme s'ils plaçaient tous leurs espoirs en moi. Il est hors de question que je risque la vie d'un de mes précieux amis !
– Mais enfin ! Nous serons avec des elfes ! Ils nous protégeront de leur magie !
– Ils ne sont pas tout puissant, eux aussi sont faillibles !
– Peut-être mais c'est pour le bien de tous !
– Non, c'est faux, on sait très bien que c'est uniquement pour être au plus près des elfes, on sait tous que tu es un amoureux. Pas vrai, lance-t-elle aux deux autres restés silencieux ?
– Si, répond Sylvain, mais si c'est le cas, il n'aura pas l'autorisation de participer, alors pourquoi ne pas le proposer ? D'ailleurs, moi aussi j'aimerais venir, participer à quelque chose de grand, quelque chose qui nous dépasse.
– Ah bon ? Et toi, Fred ? J'imagine que tu veux venir aussi, s'exclame-t-elle violemment !
– Venir, répliqua l'intéressé avec un petit sourire ? Venir risquer ma vie, non merci, autant laisser à ceux qui ont assez profité de l'existence y aller...
– Enfin quelqu'un de sensé, le coupe-t-elle.
– Mais, repris Fred, ne pas participer à la plus grande aventure de notre temps en restant ici sans rien pouvoir faire d'autre que m'inquiéter, très peu pour moi !
– Mais c'est vraiment la réunion des abrutis ici !
– Et tu la présides, conclut Fred, son sourire s'agrandissant.
Là-dessus, Colline se lève précipitamment et sort en courant. J'ai vu ses yeux briller de larmes.
Pas un de nous ne sait quoi faire, ensuite. Un ange passe. Puis un autre, avant que nous ne nous remettions de nos émotions :
– On fait quoi là ?
– On va voir nos parents, puis on tente de convaincre Colline, ça semble bien, non ? Réponds-je avec entrain.
– C'est parti alors.

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