Épilogue

Evelyn

Il m'a abandonnée.

C'est cette pensée qui se fraye un chemin dans mon esprit.

Encore.

Elle me donne mal à la tête. Mal à la poitrine. Mal au cœur.

J'ai l'impression que ce dernier n'est plus qu'un tas de confettis qui s'est envolé et s'est dispersé pour ne plus jamais revenir. C'est donc ça, avoir le cœur brisé, déchiré en morceaux. La sensation qu'on ne pourra plus aimer personne comme on a aimé quelqu'un.

Mais… c'est mon meilleur ami. Celui dont je suis tombée amoureuse.

Celui qui est parti. Qui est revenu pour mieux repartir. Laissant derrière lui une mère désespérée et larmoyante, des amis dévastés, des Mentors devenus les membres d'une famille.

Et tout ça pour ça. Pour lui. Pour un homme qu'il n'a pas vu depuis dix ans. Un homme qui l'a abandonné, qui a abandonné son fils sans remords. Qui a pensé que conquérir le monde, c'était le chemin du bonheur.

Soudain, éclipsant la souffrance, un goût d'amertume. De rage rouge sang, de haine dégoulinante.

Tel père, tel fils.

Je n'ai plus envie de pleurer, de me morfondre, de me noyer dans ma tristesse. J'essuie mes yeux embués par les larmes avec mes épaules, les liens toujours en train de me cisailler la peau. Les autres parlent, mais c'est un bruit de fond dans mes oreilles. Le sang bat à mes tempes.

J'ai envie de hurler.

Je sens qu'on défait la corde qui retient mes poignets, puis qu'on retire le bâillon qui me recouvre la bouche. Pourtant, je ne bouge pas. Yeux plissés dans le vide, ongles qui se plantent dans mes paumes.

— Evelyn !

Ma mère me prend dans ses bras, son parfum censé m'apaiser imprègne mes narines, mais je ne me détends pas. Mon père vient sceller cette étreinte, me caresse la tête. Plus loin, je vois Kayla qui pleure, à genoux, dans les bras de M. Forestier, en sang. Aaron se précipite vers Rachel. Les Anciens, toujours sonnés d'avoir vu leur neveu et petit-neveu déguerpir, restent isolés des autres, le temps d'avaler le morceau. Mes amis se retiennent de s'abattre.

Mes parents me lâchent. J'entends les portes du Centre d'Entraînement qui s'ouvrent derrière moi ; un courant d'air frais me traverse et me donne la chair de poule.

Après m'être retournée, j'aperçois l'État qui se dessine dans l'encadrement des portes. Ça fait si peu de temps qu'on l'a quitté, et pourtant, tant de choses ont changé. En me remémorant mon arrivée ici, en début d'année, je me demande comment ma vie a pu autant déraper.

J'étais censée aller à Victor Hugo pour ma dernière année de collège. M'amuser avec Zarah. Rigoler et me disputer avec mes parents, comme une ado se doit de le faire. Décrocher mon brevet avec un peu de chance. Me préparer pour la suite de mon parcours scolaire. Une vie ordinaire et bien rangée.

Et même ici, dans cet État Secret des Créateurs, alors que je commençais à m'acclimater à ces nouvelles règles, ces nouvelles possibilités, le Chef des Destructeurs a tout chamboulé. Carl Nelson a tout chamboulé.

Et Rafael lui a emboîté le pas.

Mon visage devient de marbre et je me tiens droite, déterminée. Je ferme les yeux.

Ils paieront. Tous les deux.

C'est une promesse.

Une promesse que je compte bien tenir.

***

Rafael

Il le croit.

Carl Nelson, son père, le Chef des Destructeurs, croit que Rafael est de son côté. 

Bien. C'est ce que Rafael souhaite.

Jouer les agents doubles ne va pas être une mince affaire. Mais s'il parvient à faire échouer les plans de Carl… et à prévenir ses amis et sa mère pour qu'ils puissent être prêts le moment venu… Il aura fait ce qu'il a à faire.

Il a détesté faire ce choix-là. La détresse dans les yeux de sa mère… Le choc dans ceux de ses amis… Et Evelyn.

Evelyn.

Laisse-moi être avec toi, Evelyn. Je te quitterai plus.

C'est ce qu'il lui a dit. Ce sont ses mots.

Et il les a piétinés. Réduits en cendre.

C'est une nouvelle trahison. Un nouvel abandon. Un nouveau départ. Cette fois-ci, elle est au courant.

Mais cette fois-ci, pourra-t-elle lui pardonner ? Il a peur de la réponse.

Alors il se concentre sur son but. Gagner la confiance de son père, de Joyce et de l'armée. Récupérer toutes les informations possibles. Les transmettre à ses proches et au reste de l'État. Sans déchirer sa couverture.

Oui, il fait tout ça pour eux. Pour le bien des Créateurs et Gardiens.

Vraiment ? demande une petite voix vicieuse dans son esprit. Tu es sûr qu'il n'y a pas autre chose ?

Il en a honte, mais il sait que son père lui a manqué. Qu'il a envie de réapprendre à le connaître. Qu'il veut recréer ce lien entre eux.

Et peut-être, peut-être, le raisonner. Lui faire abandonner son plan de conquête. Son père finira par devenir fou, s'il continue ainsi. Conquérir l'État. Conquérir les mondes des livres. Conquérir le Vrai Monde, aussi. C'est ainsi que Carl appelle le monde dans lequel nous vivons, nous, Lecteurs et Lectrices.

Protéger sa famille. Ramener son père sur le droit chemin. Et, quand tout sera fini, régler le problème des discriminations contre les Gardiens, les Gardiens-Créateurs et les Destructeurs.

Oui. Rafael peut le faire. Il va le faire, peu importe le prix à payer.

C'est une promesse.

Une promesse qu'il compte bien tenir.

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FIN.

Wow. Ça fait bizarre de se dire que j'ai fini ce livre.
Comme vous avez pu le voir dans la petite note en tout début de roman, ceci est une réécriture. Et j'ai pris beaucoup, BEAUCOUP de temps à la terminer (voir "Note explicative" dans la partie suivante).
Merci infiniment d'avoir lu jusqu'ici ❤ J'espère que l'histoire vous a plu. Elle n'est pas parfaite, au contraire, elle a beaucoup de défauts, mais je suis contente de l'avoir écrite.

Pour celleux qui sont curieux•ses de savoir pourquoi j'ai pris tant de temps à finir l'histoire et pourquoi il n'y aura pas de suite, swippez en bas 👇

Encore un grand merci à vous ❤
J'espère vous retrouver très bientôt sur d'autres histoires.

À une prochaine fois,

Stella

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