Chapitre 2
Le lendemain, je me surprends à me lever tôt, sans réveil. D'habitude, mes insomnies se caractérisent plutôt par des réveils nocturnes...
Je décide donc de m'installer à mon bureau, ouvre mon carnet et m'empare d'un stylo.
J'aime écrire depuis que j'ai appris à tenir un stylo. On peut même dire que c'est ma passion. À tout moment de la journée, de la soirée ou même de la nuit, je noircis plusieurs pages de mon petit cahier. Le seul souci, c'est que je déteste qu'on lise mes textes sans ma permission, que ce soit des connaissances ou non. Résultat, mes parents sont assez frustrés de ne pas pouvoir y jeter un œil...
Je finis mon histoire la plus récente avec une rapidité qui m'étonne moi-même, puis pose mon crayon sur l'établi, le sourire aux lèvres. Finir une histoire, c'est toujours encourageant pour la suite !
Comme toute personne normale, je cligne des yeux. Soudain, une lumière venue de nulle part m'aveugle, me prenant de court : j'en tombe de ma chaise. Le temps de reprendre mes esprits, je ferme les yeux un instant, puis les ouvre et m'assois à nouveau sur mon siège. L'éclat inconnu a disparu. Je me frotte les paupières, puis ris doucement.
Je suis folle, ma parole !
Je ferme le petit cahier et le fourre dans mon sac de cours. Mon réveil sonne alors pour m'annoncer que c'est l'heure de me lever, de m'habiller et de faire ma toilette, ce que je fais sans tarder. Puis j'attrape mon sac, le pose dans l'entrée et me rends dans la cuisine pour prendre mon petit-déjeuner tranquillement... Mais, quand je vois le regard dur de ma mère et qu'elle me salue assez sèchement, je sens qu'une discussion s'impose sans que je l'ai demandé.
- Chérie, il faut qu'on parle.
Après avoir pris un bol et un paquet de céréales, je prends place à la table à manger et me sers sans la regarder, ce qu'elle m'ordonne de faire et que j'exécute.
- Pourquoi avoir été aussi amère avec Rafael et Kayla, hier soir ?
C'est plus fort que moi : j'éclate d'un rire jaune, les mains agrippées à la table.
- Pourquoi cette question, Maman ? La réponse est pourtant évidente !
- Evelyn...
Je me lève brusquement, faisant valser ma chaise, et plonge mon regard dans celui de ma mère, face à moi.
- Ils ont disparu sans laisser de nouvelles, voilà le problème. C'est bon, je peux y aller, ou tu as quelque chose à ajouter ? (Je ne lui laisse pas le temps de répondre.) Parfait, parce que j'ai cours, moi !
D'un pas précipité, j'enjambe le siège au sol et, sans prendre la peine de le remettre sur pied, je prends mon sac et m'en vais.
Évidemment, j'aurais dû me douter que mon comportement inhabituel n'échapperait pas à Zarah et qu'elle me questionnerait...
- Rien, je fais juste mon ado en pleine crise... marmonné-je entre mes dents serrées.
Pour commencer notre deuxième journée au collège, nous avons cours de sport. Volley, plus précisément. Notre professeure est Mme Marchal, une femme petite, mais autoritaire.
Dès qu'elle a fini l'appel, elle nous demande de faire dix tours du gymnase pour nous échauffer.
- Si tu veux mon avis, c'est plutôt pour nous torturer, commenté-je en trottinant à la hauteur de Zarah.
Elle hausse les épaules.
Les tours du stade terminés et les filets installés, Mme Marchal veut que nous nous entraînions par binôme pour commencer. Bien sûr, je choisis mon amie et nous prenons une balle dans le bac prévu à cet effet pour jouer.
- Puisque je vois que vous avez un bon niveau de maîtrise, vous allez commencer les matchs un contre un ! s'écrie l'enseignante au-dessus des bruits de balles.
Elle nous explique rapidement le système de rotation, puis nous débutons le premier affrontement.
Zarah gagne contre moi, étant assez forte en sport. Je dois me forcer à rester positive pour continuer à jouer.
Viennent ensuite les matchs deux contre deux, le premier contre Rafael et son ami, Angelo Casalta, un rouquin aux yeux bruns, qui est aussi le "clown de la classe", si on veut. Je remarque une certaine maîtrise de la part des deux garçons et de mon amie, comme s'ils avaient fait ça toute leur vie...
Je fais de mon mieux pour battre nos adversaires. Enfin, je crois que c'est plutôt pour battre Rafael, même si je sais très bien que c'est peine perdue, vu la capacité physique qu'il a acquise. Chaque fois qu'il marque un point, je grogne de frustration.
À la fin de cette partie, il se plante devant moi et tend la main.
- Bien joué.
Impassible, mes yeux passent de ses doigts à son visage. Puis, tout comme hier, je m'éloigne de lui, sans lui serrer la main.
Alors que je souhaite ne pas penser à lui, partout où je vais, j'entends des exclamations d'admiration, d'excitation, ou des gloussements. Qui ne me sont pas adressés, bien sûr. Peu importe s'ils retentissent dans les vestiaires, dans les couloirs ou dans la cafétéria.
- Rafael est trop fort !
- Rafael est trop beau !
- Rafael est trop musclé !
- Rafael est trop... Oh mon Dieu, Rafael est là !
Ça me donne envie d'arracher la tête de toutes les filles, surtout celle d'Elisabeth, car elle n'arrête pas de me suivre et de demander des conseils pour séduire mon ex-meilleur ami. Seule Zarah est là pour me soutenir.
Qu'est-ce que Rafael a d'aussi exceptionnel ? D'accord, il a mûri - physiquement. Et alors ?
- Evelyn ? C'est vrai que tu es la meilleure amie de Rafael ? Tu sais si je peux lui plaire ?
Je vais craquer, c'est certain. Dans la cantine, en plus. À la vue de tous les collégiens, de tous les surveillants, de nombreux professeurs et gens de l'administration. Tant pis, j'en peux plus : je tape des poings sur la table et mon plateau, ainsi que celui de Zarah et ceux des groupies, bondissent, puis atterrissent sur l'établi avec un claquement.
- Fermez-la ! C'est juste un foutu mec, bordel ! Un mec tout à fait normal !
Tous les yeux sont tournés vers moi. Ils sont souvent écarquillés, témoignant d'un choc pour la plupart des adolescentes. Je parcours la foule du regard, paupières plissées. Je tombe sur lui, debout, prêt à m'approcher. En un seul regard, j'essaye de lui montrer toute la haine que je lui voue, ne faisant pas attention à l'éclair de tristesse qui vient de passer dans ses yeux. Puis j'attrape mon plateau, le range sauvagement dans l'étagère conçue pour et fuis toute cette attention négative qu'on me porte.
Malheureusement, pendant tout le reste de la journée, on me fixe et me parle avec une certaine froideur. J'essaye de faire profil bas pour ne pas m'attirer les foudres de tout le monde, mais sans succès. On me renie déjà. Mon amie reste avec moi, mais garde le silence. Elle ne trouve sans doute pas les mots justes pour m'adresser la parole.
Rafael tente plusieurs fois de me parler, mais je réussis toujours à l'éviter. Heureusement, d'ailleurs, parce que je l'aurais peut-être déjà assassiné de quelque façon que ce soit s'il avait pu m'approcher à moins d'un mètre.
Je me laisse tomber sur mon lit quand j'arrive à la maison. Toute cette colère accumulée m'a épuisée...
On toque à la porte de ma chambre. Je lance un "entrez" un peu étouffé par les draps, mais l'individu pénètre dans ma chambre.
- J'ai reçu un coup de fil de Victor Hugo.
Dès que la voix de ma mère parvient à mes oreilles, je me renfrogne, mais me mets en position assise et croise les bras.
- Ah ouais ? Je croyais qu'il était mort.
- Ce n'est pas le moment de plaisanter, Evelyn.
Oh, crois-moi, ton ton et ton visage me le font bien comprendre !
- Il paraît que tu as critiqué Rafael, ajoute-t-elle en tapant du pied, une main sur la hanche.
Je lève un sourcil, prête à utiliser mon sarcasme.
- Oh, on ne peut plus critiquer personne, maintenant ? (Ma génitrice plisse les yeux.) J'ai juste dit qu'il était tout à fait normal, Maman. Je vois pas ce qu'il y a de vexant là-dedans !
Elle s'écarte de l'encadrement et désigne l'escalier de la main.
- Tu vas aller t'excuser tout de suite. Et pas seulement pour aujourd'hui.
- Tu rigoles, j'espère ! C'est plutôt lui qui devrait s'excuser, tiens !
Les joues de ma mère deviennent rouge pivoine et la main qu'elle tendait se transforme en poing.
- Evelyn Daphné Meyer ! Tu vas t'excuser IMMÉDIATEMENT !
Je sais que j'ai dépassé les bornes et que ça ne date pas seulement de ce matin. Je sais aussi que je n'ai aucune envie de demander pardon à un traître, mais je n'ai pas le choix.
Je descends les escaliers, ma génitrice sur les talons. Elle m'ouvre la porte d'entrée en reprenant son souffle.
- Temps que tu ne t'es pas excusée, ne compte pas sur moi pour t'ouvrir.
Je respire profondément, puis me dirige juste en face, où habitent les Nelson. Leur maison est identique à la nôtre au niveau du design. Je sonne et Kayla ouvre. Tel un robot, je lui demande où est son fils et elle me désigne la porte de sa chambre, gentille malgré mon comportement. Je monte lentement les marches. Ça me fait bizarre de revenir ici après un peu moins de deux ans sans visite. Je toque et, quelques secondes après, Rafael apparaît dans l'ouverture en levant les yeux au ciel.
- Oui, Maman, je vais mettre mes vêtements au sale...
Il m'aperçoit alors et se fige net. Un sourire fleurit sur ses lèvres.
- Oh, c'est toi.
Quatre petits mots qui ne m'aident pas à savoir quelle attitude adopter. On reste ainsi une minute, dans le mutisme complet. Puis il s'efface et j'entre automatiquement dans la pièce. Il ferme la porte et se tourne vers moi, qui regarde l'un des murs.
- Tu viens pour...? demande-t-il avec espoir.
- M'excuser.
Il s'adosse à la porte de sa chambre et hausse un sourcil, l'air espiègle.
- Toi, t'excuser ? interroge-t-il d'un ton taquin. Ça m'étonne...
- Normal, c'est ma mère qui me l'a demandé. Même ordonné. Alors... (Je mime des guillemets sans le regarder.) "Je m'excuse".
- Pas de sincérité, pas de pardon. Tu devrais le savoir, Meyer...
Mes yeux rencontrent les siens. Je m'avance vers lui et place mon visage à quelques centimètres du sien.
- Effectivement. Mais on ne m'a pas précisé qu'il fallait l'être.
Je me détourne et gagne la porte pour m'en aller.
— Pas besoin de t'excuser, tu sais... dit-il dans mon dos avec une pointe de déception dans la voix. Traiter quelqu'un de "tout à fait normal" n'est pas un crime.
Plutôt mourir que de lui avouer que je suis parfaitement d'accord.
De retour à la maison, ma mère veut que je lui confirme le fait que je me suis excusée. Elle appelle même Kayla, qui passe le téléphone à Rafael. Apparemment, il veut bien dire que je me suis excusée correctement...
Je m'enferme dans ma chambre et commence à écrire un poème dans mon carnet. Un poème sur ma colère, ma haine et, même si j'ai du mal à l'avouer, ma tristesse. Mais je ne pleure pas pour si peu.
Je m'apprête à fermer mon petit cahier d'écriture, quand, soudain, le même rai de lumière qu'avant m'arrive pile dans les yeux. Je cligne donc vivement de l'œil pour améliorer ma vue remplie de points blancs, rouges et noirs.
Bon sang, ça fait mal !
Ma vision se stabilise et j'en profite pour jeter un œil dans la direction du vif éclat. Sa luminosité a diminué et je peux enfin voir sa provenance. J'écarquille les yeux en voyant que l'origine de cette source lumineuse n'est autre que mon carnet. Ça me semble pourtant impossible... Je me frotte les yeux, comme dans la matinée. La clarté n'est plus qu'une douce lueur aux bords orangés, mais elle est bien là. Elle est bien réelle.
Il faut que j'en parle à quelqu'un. À une personne de confiance... Le problème, c'est que j'ai l'impression que Zarah s'éloigne de moi. En fait, je me rends compte que depuis quelques temps, elle est plutôt occupée... Par exemple, un jour plus tard, j'essaye d'aborder le sujet de mon carnet scintillant, mais elle semble dans ses pensées. Pendant toute la semaine, soit elle est avec moi, distante, soit elle est à une de ses nombreuses activités sportives.
Une énième journée s'écoule, nous séparant de dix jours de la rentrée. Mon amie était absente, aujourd'hui...
Voulant vérifier que mon carnet brille toujours, je me poste dans un coin du couloir, où il n'y a presque personne, vu que c'est l'heure de sortie la plus tardive, et sors mon cahier. Mais, le temps de l'ouvrir, on me le prend des mains. Je lève la tête et tombe sur Elisabeth.
- Tiens, tiens, voyons ce que nous avons là...
Je tente de m'en emparer, mais une de ses sbires s'interpose entre elle et moi. J'écarquille les yeux : il ne faut pas qu'elle voie l'éclat du carnet, au risque de me faire repérer ! Je pousse la jeune fille face à moi et m'apprête à récupérer mon bien, quand quelqu'un d'autre attrape l'objet. J'en souffle de frustration et m'avance vers l'individu sans sonder ses traits.
- Mlle Meyer.
La voix me stoppe net. Je baisse les yeux vers le visage de mon professeur de français et recule en jetant des regards à droite et à gauche...
Les vipères ont disparu !
- Ne t'inquiète pas, elles auront droit à un petit avertissement de ma part.
Je hoche la tête, puis détourne le regard.
- Tu n'as pas l'air de te sentir coupable pour quelqu'un qui pousse intentionnellement ses camarades.
- Vous allez me punir ? demandé-je de but-en-blanc.
- Ça dépend... lâche M. Forestier en glissant mon petit cahier sous son aisselle. Te sens-tu coupable ? Réponds sincèrement.
C'est MOI, la "victime". Pas le contraire.
- Pas du tout.
Il acquiesce, fixe mon carnet, puis moi pour finir.
- On peut faire un compromis : tu me laisses lire tes textes et je ne te punis pas.
Je secoue vivement la tête. Hors de question qu'il lise mes textes ou pire, découvre le rai de lumière !
- Très bien.
Il commence à partir avec ce qu'il m'appartient. Je le rattrape et me plante devant lui.
- Eh ! Vous avez dit que vous ne me puniriez pas si je vous laissais lire mes textes !
Il secoue la tête.
- Je n'ai jamais dit que je te le rendrai quand même.
- Mais...
- Ce que je t'ai proposé, c'est que tu me donnes ton carnet de ton plein gré, mais tu ne l'as pas fait.
Il tente de m'éviter, mais je me remets sur son chemin, plus renfrognée que jamais. Il s'arrête et me dévisage avec un air que je ne lui connais pas.
- "Je ne dois bousculer mes camarades sous aucun prétexte" cent fois, pour demain.
Et il marche vers la sortie d'un pas assuré, tandis que je le foudroie du regard. En plus d'être en colère devant son comportement inhabituel, je panique pour mon carnet : et s'il parvenait à découvrir ce que je cache ? Et s'il en parlait à mes parents ? Remarque, c'est peut-être pas si mal, finalement : j'aurais enfin des réponses sur ce qui dure depuis plus d'une semaine !
Cette hypothèse devient de plus en plus probable : en rentrant chez moi, mes oreilles perçoivent les voix de quatre personnes différentes et il se trouve que ce sont mes parents, mon enseignant et Kayla. Ils sont tranquillement installés dans le canapé et les fauteuils, et boivent du thé, du café... comme s'ils étaient amis. Dès qu'ils m'aperçoivent, ils se taisent. Cela m'agace, bien évidemment, et je ne peux m'empêcher de poser une multitude de questions, auxquelles ils ne répondent pas.
Je décide de me rendre au cours de basket où doit être Zarah, après avoir fini mes devoirs et acheté mon matériel scolaire au magasin du coin. Elle n'est pas là, ce qui renforce ma théorie sur ses éventuels mensonges. Le lendemain, même chose, je me dirige vers le centre d'animation où elle est censée faire du hip-hop, mais elle n'est pas présente. Je commence à me poser des questions...
Rafael cesse d'essayer de me parler. D'ailleurs, j'ai l'impression que lui aussi m'évite. Par contre, son ami Angelo ne me lâche pas d'une semelle, tel un garde du corps. Sauf que les gardes du corps sont sérieux et possèdent un minimum d'intelligence... Quelques jours plus tard, il commence à rester avec Rafael. Quand je lui adresse la parole, il me salue, mais me sort ensuite une excuse bidon pour s'enfuir, qui, j'en suis sûre, est fausse.
Je surprends Zarah et mon ancien meilleur ami en pleine discussion, qui semble de la plus haute importance. Dès qu'ils me voient, c'est le silence total. Angelo s'est même ajouté au groupe.
Je sens qu'on me cache quelque chose. Et sans doute quelque chose de commun aux quatre adultes et aux trois adolescents, car je les vois me regarder bizarrement. À différents moments, bien sûr, mais de la même façon. Ce qui accroît mon irritation, de sorte à ce que, le 20 septembre, alors que les sept cachottiers sont rassemblés chez moi - sans doute pour parler d'une certaine Evelyn -, je craque.
- MAIS VOUS ALLEZ ME DIRE CE QU'IL SE PASSE UNE FOIS POUR TOUTES ?!
Un silence s'abat sur nous, tandis qu'ils se tournent vers moi en soupirant.
- Jane, je pense que c'est le moment... murmure mon père à sa femme en baissant ses yeux bleus.
Ma génitrice plonge son regard dans le mien en m'approchant et m'attrape les mains, avant de les serrer affectueusement.
- Ma puce, il me semble que nous te devons quelques explications...
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Tin tin tin tiiiiiiiiiin...
La suite au prochain épisode.
Qu'est-ce que vous pensez de l'étrange lumière qui sort du carnet d'Evelyn ? À quoi cela mène ? Quelle est la révélation des parents d'Evelyn et des autres, à votre avis ?
(J'aime le suspens. 🤭)
Stella
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