Un nouveau monde... encore. Première partie - Peter
Malgré mon nouveau corps plein de muscle et de santé, je culpabilisais pour tout ce que j'avais mangé. Quatre tranches de bacon. Deux pains dorés, deux verres de jus d'orange et un peu d'œufs, le tout surmonté d'une énorme quantité de sirop.
Quand les effets du vœu seront terminés, je vais me retrouver tellement gros que je devrais refaire toute ma garde-robe...
Xilena prit la dernière bouchée de son assiette et s'essuya les lèvres avec une serviette en papier.
— Bon, je retourne à la réalité. Faut que j'aille en cours. Et toi, tu vas faire quoi ?
Je haussai les épaules. J'hésitais un peu ; au début, j'avais songé à aller simplement en cours. Ensuite, l'idée de me parader dans ma nouvelle apparence m'avait semblé plutôt attrayante. Et maintenant, je commençai à me dire que rester cacher ici et m'amuser serait tout aussi bien. Mais dans la dernière option, mon corps ne me servirait à rien, puisqu'il n'y aurait personne pour faire genre d'être impressionné.
Alors que je réfléchissais, j'entendis du bruit venant des escaliers. Quelqu'un les descendait, et j'osais espérer que ce n'était qu'Amy. Je n'avais pas envie de me retrouver face à face avec Théo encore une fois. Mais ce fut bel et bien lui qui apparut à l'entrée de la salle à manger.
Pendant un instant, l'instinct me dicta de fuir avec Xilena. Mais quand mon cerveau se mit à analyser ce que j'avais sous les yeux, je fus incapable de comprendre quoi que ce soit.
— Un petit avertissement, dit Théo qui s'était appuyé contre le chambranle. Sois vous me suivez, soit vous quittez ce monde. Dans la deuxième option, je vous conseille de ne pas revenir avant demain.
Seul le silence lui répondit alors que j'essayais encore de m'expliquer ce que je voyais. Ses cheveux étaient pâles, presque blancs. Ses yeux étaient ceux d'un chat. Et ses oreilles pointues comme ceux d'un... Oh...
— Qu'est-ce que t'as fait... ? souffla Xilena.
Au même instant, ce fut au tour d'Amy de faire son entrée. Pendant une seconde, j'avais cru que c'était plutôt un énorme colibri, avec ses ailes qui vibraient à une telle vitesse qu'elles en produisaient un son d'hélicoptère. Mais le corps qui en était rattaché était sans aucun doute celui d'Amy, avec quelques dizaines de centimètres en moins. Je ne savais même pas si elle mesurait ne serait-ce qu'un mètre. Sa tête était à la hauteur de celle de Théo, mais ses pieds étaient assez éloignés du sol pour risquer de se faire mal si elle tombait.
— Vous voulez venir ou pas ? insista Théo. Je vais pas vous attendre toute la journée.
J'échangeai un regard avec Xilena. Elle semblait penser la même chose que moi, soit : c'est quoi, ce bordel ?
— Je peux savoir pourquoi t'as l'air d'un elfe ? Et Amy à une fée ?
— On va à un bal costumé, dit Théo avec sarcasme.
— On va dans le vrai monde, rectifia Amy en donnant un léger coup de poing dans l'épaule de Théo. De l'autre côté du dôme.
— Sans moi, dit Xilena. Faut que j'aille en cours.
Théo pouffa à l'argument, mais la laissa toute de même passer quand elle se leva pour quitter la pièce.
— T'es la meilleure de la classe et ton père risque plus de te frapper pour une mauvaise note. En quoi il faut absolument que t'ailles en cours ?
Xilena s'immobilisa devant le placard qui nous servait de portail, puis secoua la tête.
— Tu as bien raison...
Elle ouvrit la porte, réfléchit quelques secondes, puis la referma pour s'appuyer dessus en croisant les bras.
— OK ! Je vais venir. Même si je sens que je vais le regretter.
— Cool ! fit Théo avec un grand sourire. (Il se tourna vers moi et son sourire disparut aussitôt.) Toi, par contre, je te veux pas dans mes pattes. Dégage, Pe... (Il grimaça, avant de terminer sa phrase :) Peter. Tu m'empêches encore de m'exprimer ?
— Ça date d'hier, dis-je dans un soupir. Bof, je peux pas simplement rester ici ?
— Non, la maison va disparaitre... probablement.
OK, très bien ! Puisque c'est ainsi...
— Je vais venir.
— Je t'ai dit que je voulais pas de toi, dit Théo en plissant ses yeux de chat.
— Et j'ai pas envie de retourner dans notre monde, alors t'as pas le choix !
Théo sembla sur le point de s'énerver pour de bon, ses sourcils étrangement fins froncés comme des accents circonflexes, mais se calma presque aussitôt, un petit sourire aux lèvres. Ce qui était plus inquiétant encore que ses crises de colère.
— Soit, tu peux venir. Dans ce cas, faut que tu changes d'apparence. Je souhaite que tu sois un troll.
— Théo ! s'exclama Amy en donnant un nouveau coup de poing contre son épaule.
Mais il était trop tard pour le résonner : le mal était fait. Si lui était coincé entre l'envie de se moquer et mon vœu d'empêcher qui que ce soit d'y parvenir, je m'étais déjà désintéressé de lui, fouillant la table devant moi à la recherche d'une cuillère. Je la retournai et vérifiai mon reflet avec angoisse et fut soulagé d'y voir que j'avais toujours le même visage, sans le teint verdâtre ni les défenses de sanglier sortant d'entre mes lèvres. J'étais toujours le même beau gosse que ce matin.
— Ça a pas marché, dis-je, partagé entre la joie et la perplexité. (Je levai les yeux pour croiser ceux de Théo, lui lançant un sourire arrogant par la même occasion.) Ton vœu est annulé par le mien. J'avais souhaité être beau gosse. C'est ce que j'avais dit. Je crois pas que ce soit possible qu'un troll soit beau gosse.
— Mais si, ils ont juste des critères différents, grogna Théo. Alors... un nain, peut-être ? Je souhaite que tu sois un nain beau gosse.
— Arg, tu m'énerves ! Je veux pas être un nain.
— Mais apparemment, les nains peuvent être beaux gosses. Lève-toi !
J'obéis en grimaçant. Aussitôt sur pied, je remarquai que j'étais beaucoup plus petit qu'avant. La table de la salle à manger m'allait aux épaules.
Je regrettais d'avoir décidé de rester. Au loin, même Xilena avait le visage contracté pour s'empêcher de rire.
— Jolie, la barbe, souffla Amy. Ça te donne un côté très viril.
Je portai une main à mon menton et frissonnai en sentant tous les poils s'entortiller entre mes doigts. Elle devait bien faire plus de dix centimètres de long !
— Je suis poilu, dis-je avec horreur.
— Xilena, c'est ton tour ! fit Théo d'un air menaçant. Je souhaite...
— Chut ! s'exclama-t-elle aussitôt. Je peux choisir moi-même ! (Elle leva les mains devant elle, paumes vers le ciel comme pour dire : « admirez mon génie ! » avant de lancer :) Je souhaite pouvoir devenir invisible à la demande.
Elle abaissa les bras et nous fit un grand sourire plein de fierté. Ça, c'est ce que j'appelle l'intelligence.
Et comme pour faire un test de ses nouvelles capacités, elle claqua des doigts et disparut aussitôt de notre vue. Un second clac signala son retour dans le spectre du visible.
— C'est trop classe, fit Amy en secouant lentement la tête, impressionnée. Pourquoi j'y ai pas pensé ?
— Parce qu'il est temps d'y aller, dit Théo en frappant dans ses mains.
Il s'interrompit une seconde pour réfléchir, les yeux dans le vague. Il nous dévisagea tour à tour, Amy, moi et Xilena, puis se tourna vers la porte d'entrée. Nous nous regroupâmes derrière lui, prêts à le suivre, sauf Amy qui était plutôt au-dessus, flottant près de son épaule.
— J'ai l'impression d'être un quatre fantastique, dis-je dans un petit rire nerveux.
— Merci, dit Théo. C'est vrai qu'avec une nouvelle coupe de cheveux, je pourrais facilement ressembler à Chris Evans. Et toi, à la chose.
Et mon vœu, alors ? Il vient de se moquer de moi ? C'est Branda qui s'affaiblit, ou quoi ?
— Ce n'était pas une moquerie, dit Théo comme s'il avait lu dans mes pensées. Rien qu'une gentille remarque.
Je fronçai les sourcils, préférant ne pas insister. Théo pouffa d'un dernier rire, avant de reprendre son sérieux. Il inspira, leva une main et croisa ses doigts étrangement longs, comme pour nous apporter un peu de chance.
— Je souhaite que le dôme nous soit visible, avec une porte de sortie.
Rien ne sembla se passer. Théo s'approcha lentement de l'entrée et l'ouvrit pour regarder dehors. Je penchai la tête sous son bras pour voir que le décor de banlieue était toujours là, mais le voisin d'en face avait disparu. À la place, il y avait un mur opaque, presque transparent, qui nous permettait d'apercevoir au travers les voitures et les immeubles de la véritable ville qui se cachait derrière. Et au travers de ce mur, une ouverture.
— Tu crois pas que Branda sera furieuse de savoir ce qu'on fait ? dit Amy.
— Probablement, affirma Théo. C'est pourquoi il faut courir.
Sans nous laisser le temps d'assimiler ses paroles, il se précipita vers le trou dans le dôme, propulsé comme une fusée par ses longues jambes et ses nouvelles capacités d'elfe. Amy, Xilena et moi, nous ne pûmes qu'essayer de le rattraper.
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