Le dernier jour. Deuxième partie - Amy
J'avais passé une nuit de rêve, dans tous les sens du terme. C'était à la fois étrange et irréel, le genre où on se réveille avec un mélange d'hilarité et d'envie caché. Et à la fois merveilleux et fascinant, comme la plus pure des histoires d'amour qui démarre sans prévenir, aussi sec qu'un baiser sur un coup de tête.
C'était ce que j'appelais la magie de la littérature.
Théo était étendu à côté de moi. Il dormait encore. C'était donc officiel ; il avait survécu à cette nuit. Nous avions changé le cours des choses, et je n'étais pas peu fière de moi.
J'avais envie de rester là éternellement à le regarder. Il était tellement paisible dans son sommeil, c'était rare de voir Théo ainsi. Mais aujourd'hui, c'était ma dernière chance de profiter des vœux. Je devais aller dans le monde d'à côté et faire tous les souhaits que je n'avais pas faits plus tôt. Par exemple ; guérir de ma maladie. Avoir des billets d'avion pour des vacances dans les Bahamas. Des cartes d'achats illimités pour mes magasins préférés. Souhaiter que mon père accepte enfin qu'on aille un chien.
Souhaiter que Théo ne retombe plus jamais dans ses idées noires.
Je repoussai doucement une mèche brune devant les yeux. Il se réveilla ensuite, battant des paupières en tentant de focaliser son regard sur moi. Il eut l'air étrangement calme pendant quelques secondes, avec un petit sourire niai aux coins des lèvres, avant que le présent ne le rattrape et qu'il sursaute dans le lit.
— Oh, j'y crois pas... c'était pas un rêve !
— Eh non, dis-je en éclatant de rire. C'était on ne peut plus réel.
Théo se laissa retomber contre son oreiller en marmonnant un « ouah... » Il fixa le plafond un moment, perdu dans ses pensées, avant de tourner la tête vers moi.
— J'arrive pas à le croire. T'es trop bien pour moi.
— Et pourtant, je suis avec toi ! Je te lâche plus ! Va falloir que tu apprennes à m'endurer.
Théo pouffa d'un petit rire.
— J'ai connu pire comme torture.
Je m'approchai pour me blottir dans ses bras, ma joue contre son torse. J'entendais les battements de son cœur. Il était calme, même serein. C'était la première fois que je voyais Théo comme ça.
— C'est le dernier jour pour le monde d'à côté, pas vrai ?
— Ouaip.
— Alors tu devrais y aller.
— Je veux pas t'abandonner...
— T'inquiète pas pour moi, je vais pas sortir de la maison. Va profiter des vœux. Tu n'auras jamais cette chance à nouveau... Mais souhaite pour moi que je sois riche, OK ?
— Compte sur moi, répondis-je dans un rire.
Mais je ne bougeai pas du lit, continuant à paresser contre lui. Il s'écoula près d'une demi-heure avant que je n'aie la force de me lever et de m'habiller sous le regard amusé de Théo.
— J'y vais maintenant... mais ne fais rien de stupide en mon absence, hein ?
— Voyons... Tu me connais.
Oui, justement.
J'enfilai mon blouson au-dessus de ma robe de bal. C'étaient les seuls vêtements que j'avais avec moi, mais ce n'était pas grave. Je ne comptais pas aller bien loin ; rien que dans une dimension parallèle.
— Je te le dis une dernière fois, dis-je en le pointant d'un doigt menaçant vers Théo. Ne fais rien d'idiot.
Théo répondit d'un sourire provocateur et fit semblant de dormir. Je levai les yeux au ciel, me demandant vaguement d'où me venait ces sentiments que j'éprouvai pour lui, puis lâchai un « bye ! » avant de quitter la pièce.
J'allai dehors, descendit le balcon et marchai lentement sur le trottoir, en direction de chez moi. C'était loin, à près de vingt minutes environs, mais j'avais espoir qu'un bus me trouve entre temps. Et je n'eus presque pas à attendre, car un véhicule s'était déjà arrêté devant moi.
— Où allez-vous comme ça, jeune demoiselle ?
— Vous le savez très bien, répondis-je avec un grand sourire au chauffeur.
J'entrai dans le bus et fis trois pas dans le couloir entre les bancs, et d'un seul coup, je me retrouvai dans le salon de notre maison du monde d'à côté. Je souris au phénomène, mais c'était un sourire nostalgique. C'était la toute dernière fois que j'allai le vivre.
— Hé, mais c'est la princesse ! Comme ça s'est passé avec ton prince pas si charmant ?
Je pouffai en m'avançant vers la salle à manger, d'où provenait la voix de Xilena. Je tirai une chaise pour m'y assoir et dévisageai pendant une seconde Xilena et Peter qui attendait impatiemment ma réponse.
— Vous serez étonné d'apprendre que Théo peut être très charmant, quand il veut !
— Vous l'avez fait ? demanda Peter.
— Ça te regarde pas !
— Ça veut dire qu'ils l'ont fait, dit Xilena en hochant la tête.
Je lui fis la grimace, mais j'étais trop de bonne humeur pour ne serait-ce que faire semblant d'être offensé. Je pigeai un morceau de bacon dans l'assiette de Peter, puis me redressai en observant tout autour de moi.
— Allez, mangez plus vite. Je veux faire un gros vœu pour changer le monde. Et Branda, elle est où ? J'ai une question à lui poser. Branda !?
— Elle était ici y'a dix minutes, tu l'as manqué, dit Peter.
Mais je m'obstinai à crier son nom, encore et encore, tel un maitre qui avait perdu son chien. J'apercevais Peter et Xilena s'échanger des regards ennuyés, mais je n'y faisais pas attention. Enfin, au cinquième appel, la porte d'entrée s'ouvrit et Branda entra dans la maison. Je me levai de ma chaise et fonçai vers elle.
— Branda ! J'ai une faveur à te demander. Est-ce que Théo peut venir ici ? Allez, c'est le dernier jour ! Et il a oublié Krishen, il ne risque pas de faire de problème ! Ça lui ferait du bien au moral de s'amuser un peu ! S'il te plait, il en a besoin.
Branda eut un sourire chaleureux, mais garda le silence un long moment, dans le simple but de faire du suspense. Je me sentais bouillir d'impatience. Je savais qu'elle allait dire non, mais j'espérais tout de même.
— Bien sûr qu'il peut. J'attendais seulement que tu poses la question.
— Quoi ! m'écriai-je d'un sursaut. Mais c'est... c'est machiavélique ! Merci beaucoup, beaucoup !
Je tournai les talons et me précipitai vers le placard qui nous servait de portail.
— Pas la peine, Amy, je peux le faire apparaitre ici.
— Mais pourquoi tu as attendu que je pose la question si tu avais déjà prévu de le lui permettre ? dis-je en me retournant vers elle.
— Peut-être que je te testai...
Branda claqua des doigts et un mince filet de fumée bleue s'échappa du point d'impact. Aussitôt, un bruit mat résonna du canapé, comme si quelque chose, ou quelqu'un, venait de tomber dedans. Je me précipitai dans cette direction et y trouvai Théo, étendu sous les couvertures qu'il avait ramenées de son lit. Il regardait partout d'un air un peu confus, avant qu'il capte enfin et qu'un énorme sourire étire ses lèvres.
— Je suis dans le monde d'à côté, murmura-t-il pour lui-même.
Théo se redressa, ses couvertures serrées autour de la taille. Il était torse nue et j'étais à peu près sûre que la partie inférieure de son corps l'était tout autant.
Finalement, Théo remarqua ma présence. À l'instant où nos yeux se croisèrent, je ne pus résister à l'envie de l'embrasser.
— Oh, prenez-vous une chambre ! s'écria Peter depuis la cuisine.
— Jaloux ! répliqua Théo.
Peter ne répondit rien à la provocation. Je tournai la tête dans sa direction et vis qu'il échangeait un long regard avec Xilena. Il n'a peut-être pas besoin d'être jaloux, pensai-je en réprimant un sourire en coin.
— Je peux vous laisser, maintenant ? demanda Branda. J'ai quelque chose d'important à faire.
— Qu'est-ce que c'est ? fit Xilena.
Branda l'a dévisagea pendant quelques secondes, puis son regard passa vers Peter puis moi, et Théo en dernier. Puis redressa les épaules d'un air fier.
— Vous n'avez pas à le savoir.
Puis elle quitta la maison, claquant la porte bien fort derrière elle.
— C'est suspect, fit Théo. On l'espionne ?
— NON ! m'exclamai-je en même temps que Peter et Xilena.
Théo explosa de rire et secoua la tête. Voir Théo joyeux était toujours aussi bizarre et j'avais l'impression qu'il me faudra un moment avant de m'y habituer.
— Je plaisantais. Je suis pas suicidaire.
— Merci de le préciser, dit Peter dans un soupire.
Il avala un morceau de bacon avant de se lever de table et nous rejoindre dans le salon. Xilena le suivit à un pas de distance. Théo et moi étions sur le canapé, et malgré qu'il y avait de la place pour trois, même quatre si on se tassait bien, je pouvais comprendre leur malaise à savoir que Théo était toujours nu sous sa couverture. Peter s'installa sur le fauteuil et Xilena alla directement sur ses genoux. Je soulevai un sourcil, amusé de leur soudaine proximité, mais tous deux ignorèrent complètement ma question muette.
— C'était quoi, le gros vœu que tu voulais faire ? demanda Xilena.
— Une ile paradisiaque.
— Avec un mini bar à volonté ? proposa Peter.
— Et des danseuses hawaïennes ? ajouta Théo.
Je lui envoyai une claque dans le biceps du dos de la main et il éclata aussitôt de rire.
— OK. Toi, en danseuse hawaïenne.
— Commence donc par souhaiter avoir des vêtements ! lança Xilena.
— Arrête, je sais que tu baves devant mon corps si parfait, fit Théo en passant les doigts sur les muscles qu'il n'avait pas.
Je lui balançai une nouvelle claque et il consentit enfin à reprendre un peu de sérieux. Qui l'eu cru qu'un jour, ce serait lui le plus joyeux de la bande.
Comme il ne semblait pas pressé de s'habiller, Xilena fit le vœu à sa place. Et contrairement à son look habituel, il fut bientôt vêtu d'un teeshirt rouge à l'effigie de Mario Bros. Théo baissa la tête en même temps de se lever, faisant glisser la couverture, et nous explosâmes tous de rire en remarquant son short au motif hawaïen bleu, vert et rose fluo. Il avait aussi des tongs jaunes aux pieds.
— Eh bien, je suis prêt pour la plage...
— Je t'ai jamais vu porter autant de couleur, ça fait mal aux yeux ! rigola Peter.
— Manquerait plus qu'il soit blond aux yeux bleus, ajouta Xilena, un sourire en coin.
— On a déjà vu le résultat, quand il était un elfe, dis-je, un poil amusé.
— J'ai déjà été un elfe ? s'étonna Théo.
Un malaise flotta entre nous alors que Théo nous dévisageait à tour de rôle, en quête de réponses. Il n'avait pas oublié cette journée, mais elle était tellement floue dans son esprit qu'il en confondait des partis avec des rêves. Il valait mieux changer de sujet avant qu'il ne pose plus de question.
— Et si tu faisais ton gros vœu, Amy ? demanda Peter d'un air un peu nerveux.
— Pas tout de suite, fit Xilena. Attendez-moi...
Elle se leva d'un bond et monta les escaliers qui menaient aux chambres à coucher, à l'étage.
— Tout va bien pour elle ? demanda Théo.
Peter haussa les épaules, sans répondre.
— Je suppose qu'elle a simplement oublié de régler un truc important, dis-je. Comme ses parents.
— Oh, j'espère qu'elle s'y prendra mieux que la dernière fois, fit Peter en se mordant nerveusement la lèvre.
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