Ce qu'on n'aurait pas dû savoir. Troisième partie - Xilena
De retour à l'intérieur, le dôme disparut de notre vision. Nous savions qu'il était toujours là, mais il nous était impossible de le voir. Même en regardant au bon endroit, le paysage semblait continuer le long de la rue banlieusarde, avec ses petites habitations.
C'était vraiment bizarre, et quand même légèrement angoissant.
Derrière moi, les trois autres s'engouffraient dans la maison. Je me précipitai à leur suite, préférant ne pas rester dehors alors que je savais maintenant tous ses yeux qui étaient peut-être déjà posés sur moi. Aussitôt passé la porte d'entrée, qui menait directement au salon, je me sentis en sécurité. Mais rien qu'un peu.
— Je souhaite que les habitants de ce monde ne puissent pas nous voir, dit Théo d'un air sombre, avant de s'assoir sur le canapé.
— Et je souhaite ne plus avoir mal aux jambes, dit Amy qui n'attendait que ça depuis une éternité.
Malgré le vœu, elle s'allongea sur le canapé à son tour, posant ses pieds sur les genoux de Théo. Lui, visiblement perdu dans ses pensées, ne sembla même pas le remarquer. Il mit machinalement une main sur ses chevilles, comme pour les empêcher de glisser.
— Je le savais, dit-il enfin, cassant le silence qui s'infiltrait dans la pièce.
— Tu savais que Branda était un Djinn ? fis-je en fronçant les sourcils.
— Non... mais je savais qu'il y avait plus que ce qu'elle nous avait montré le premier jour. C'était trop beau pour être vrai.
— Et dire qu'on nous regardait comme si nous étions dans une téléréalité... marmonnai-je en frissonnant.
— Ils ont dû bien rire, continua Peter.
Tous avaient une mine sombre, comme si leur mort avait été annoncé... tous sauf Amy. Elle sortit son téléphone d'une poche de son jean et se mit à texter avec ses amies, le sourire aux lèvres. Bientôt, Peter et Théo la remarquèrent aussi, et nous nous mîmes tous les trois à l'observer, tel un petit animal dans un zoo. Amy leva les yeux pour nous dévisager au bout d'une longue minute.
— Quoi ?
— En vrai, tu t'en fiches complètement, dis-je en secouant la tête.
— J'avoue.
Amy éteignit son portable et se redressa sur le canapé, les jambes croisées. Elle se pencha légèrement vers moi comme pour me faire une confidence, malgré les deux garçons qui écoutaient tout ce qu'on disait.
— C'est l'avantage et le désavantage d'être canon ; tout le monde me regarde tout le temps, de toute façon. Mais tu peux pas comprendre.
Théo lâcha un long « ooooooh ! » impressionné, avant d'éclater de rire. Peter le prit complètement à l'envers.
— C'est pas vrai, Xilena est très belle ! s'écria-t-il.
Son visage vira au rouge en réalisant ce qu'il venait de dire. Théo en hurlait de rire en pointant Peter du doigt.
— Je souhaite que tu la fermes !
Le rire de Théo devint muet, mais il garda tout de même la position, la bouche grande ouverte, les yeux étroitement clos et le doigt en l'air. Il ne semblait même pas se rendre compte de rien.
— Bref, fit Amy en balançant ses cheveux blonds au-dessus de son épaule. Tu vois ce que je veux dire. J'ai un joli visage qui ne passe pas inaperçu.
— Au moins, tu ne manques pas de confiante en toi, dis-je en faisant la grimace. Tu dois être sacrément chiante pour être célibataire.
Le rire silencieux de Théo redoubla de puissance, les bras bien serrés autour de son ventre. Pour un peu, j'aurai cru qu'il faisait une crise. Peter, lui, n'osait plus rien dire, essayant de se faire oublier dans son coin.
— Je ne suis pas chiante ! s'indigna Amy. Matthew m'avait invitée à aller au bal avec lui et j'ai dit non !
Je ne savais plus quoi répondre. Matthew, c'était le mec le plus canon de l'école, avec des yeux si bleus et juste assez de muscles... Même moi qui ne suis pas branchée drama d'ado, j'avoue avoir un jour fait un rêve érotique avec lui. Une ou deux fois. Ou trois.
Même Théo s'était arrêté de rire pour la dévisager d'incompréhension.
— Tu as dit non ? répétai-je. Pourquoi ?
Amy soupira longuement en baissant la tête. Elle avait enfin perdu ses airs supérieurs.
— J'aurai ressemblé quoi ? dit-elle platement. À danser avec lui... et m'effondrer au milieu de la piste, devant tout le monde, à cause de mes jambes qui refusent de m'obéir ?
— Il n'y a plus de risque, dit Peter. Il te suffit de faire un vœu et tu pourras danser avec lui.
— C'est trop tard, maintenant. Il a trouvé quelqu'un d'autre. (Elle baissa la tête vers son corps en faisant la moue.) Quelqu'un de mieux foutu que moi.
Théo voulut dire quelque chose, mais il ne fit que jouer des mâchoires en écarquillant les yeux. Il venait enfin de se rendre compte que Peter l'avait rendu muet. Il se tourna vers lui pour lui lancer un regard noir et Peter fit semblant de ne rien remarquer, perdu dans la contemplation de ses ongles.
— Bref ! fit Amy en relevant la tête pour nous montrer un grand sourire. Voilà pourquoi je m'en fiche qu'on m'observe.
Théo essaya encore de parler, sans plus de résultat. Aux mouvements de ses lèvres, je devinais qu'il hurlait « PÉTEUR ! » alors que Peter l'ignorait complètement.
— J'irais pas au bal, continua Amy sans rien remarquer. Le jour venu, je ferais comme si j'étais atrocement malade.
— Tu trouveras surement quelqu'un d'ici là, dis-je dans un petit haussement d'épaules. T'as encore... quoi ? Deux semaines ? Et sinon, y'a aucun mal à y aller seule.
Amy haussa les épaules à son tour, un « peut-être » qui voulait dire non. Je n'insistai pas ; ce n'était même pas le sujet, à la base. Amy la populaire réussissait toujours à ramener les conversations sur sa personne, va savoir comment elle avait fait.
— Et sinon, le fait que nous sommes observés ? On peut en reparler ?
— Moi, ça me fait ni chaud ni froid, commenta Peter. Branda avait raison ; c'est comme n'importe où ailleurs. Tout ce qu'on a appris, c'est que nous ne sommes pas seuls au monde. Dans un sens, c'est plutôt réconfortant.
Amy leva un bras dans sa direction, comme pour souligner ce qui avait été dit. Je soupirai et tournai sur moi-même, à la recherche d'un endroit où m'assoir, mais toutes les places étaient déjà prises. Tout ce qui restait était sur le canapé, entre Amy et Théo, et je n'avais pas trop envie de me mettre à côté de lui quand il avait cet air au visage. Je m'installai au sol, adossé au fauteuil de Peter, et sortie mon téléphone pour voir l'heure ; ça faisait à peine une demi-heure que nous étions ici. Tant qu'à sécher un cours, aussi bien le sécher en entier.
— Qu'est-ce qu'on fait, alors ?
— Dans quel genre ? demanda Peter en se penchant pour me regarder de face.
— On reste là à ruminer, ou on fait quelque chose ? Quelqu'un aurait des vœux intéressants à faire ?
Théo laissa tomber son poing sur la table de chevet, puis se pointa la bouche avec cet air intimidant dans les yeux. Il voulait visiblement dire : « que quelqu'un souhaite que je puisse parler ! »
— Ignorez-le ! fit Peter d'un ton détaché.
— Il va se venger si tu ne lui rends pas la parole au plus vite, dit Amy.
Théo hocha la tête. Venant de lui, ce n'étaient pas des menaces à prendre à la légère.
— Oh, d'accord ! soupira Peter platement. Je souhaite que tu puisses parler, Théo.
Il en profita aussitôt pour lâcher toute sorte d'injures bien colorées, de quoi faire rougir Lord Voldemort. Peter se mordit la lèvre inférieure et baissa les yeux sur ses genoux.
— Ça va, t'en as assez dit ! m'exclamai-je après une minute entière. Bon sang, Théo, va te faire soigner.
— C'est ce que je fais, dit Théo en soupirant, comme s'il était soulagé d'un grand poids. Ça m'a fait du bien.
— Parle pour toi, dis-je en faisant la grimace.
Théo balança la main en l'air, comme pour effacer le moment. Il soupira à nouveau, un peu plus longuement, avant de revenir aux choses sérieuses.
— Tant mieux pour vous si ça ne vous inquiète pas plus que ça, qu'on soit observé dans un monde où habitent des djinns, et... des trolls et des fées, même. Je suis sure que c'est ce que j'ai vu, parmi la foule. C'est peut-être parce que je suis pas un littéraire et que je suis pas tellement fan de films, mais moi, ça m'a fait un sacré choc. J'ai pas trop envie de laisser couler sans rien faire ; je veux en savoir plus.
— Et comment comptes-tu t'y prendre ? demandai-je.
Théo baissa les yeux vers moi, qui étais toujours assise sur le sol. Son visage était sérieux, mais pas vraiment menaçant, ce qui était nouveau venant de lui.
— Je veux lire le livre.
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