La projection astrale de Séréna baignait dans une lumière orangée, comme si sa conscience avait été transférée à l'intérieur du cristal de l'esprit. Si son corps gisait toujours dans les profondeurs glacées du lac, allait-elle mourir ? Son cœur battait à tout rompre, une peur sourde lui nouait l'estomac.
L'appel de la magie résonnait en elle, plus fort que jamais. Séréna ignorait le moyen de réintégrer son enveloppe physique, alors elle se raccrocha de toutes ses forces au pouvoir de l'arcane de l'Esprit dont la porte était grande ouverte dans son subconscient.
Des images se mirent à défiler à toute allure devant ses yeux, trop vite pour qu'elle puisse toutes les comprendre et les analyser. Il s'agissait de souvenirs, mais... pas des siens. Les bribes de la mémoire de quelqu'un d'autre, des visages inconnus, des paysages étranges... mais pas tous, une forêt lui parut familière : l'odeur humide des feuilles en décomposition, le craquement des branches sous ses pieds, des souvenirs sensoriels qui n'étaient pas les siens. Pourtant...
Ramenée plus de dix ans en arrière par ces images, ses propres vécus vinrent se mélanger au reste, comme des interférences, comme si cette vision en particulier réveillait de vieux traumatismes : les blessures dissimulées d'une petite fille seule, terriblement seule. La sensation de froid et de solitude dans ce grand bâtiment, les cris et les rires des autres enfants résonnant dans le couloir sans qu'elle puisse y prendre part.
Personne ne peut s'occuper d'elle. Tous ces jours où elle avait espéré quitter ce foyer de la protection de l'enfance, mais à chaque fois, au dernier moment, on n'avait pas voulu d'elle... Faites-en ce que bon vous semblera... Cette plaie béante dans son cœur que rien ni personne n'était parvenue à apaiser. La douleur physique ressentie dans sa poitrine à chaque rejet, chaque regard indifférent.
Qui pourrait bien adopter la petite, l'insignifiante Séréna dont on s'était débarrassé comme d'une chose indésirable alors qu'elle venait à peine de naître ? Ses yeux se remplirent de larmes brûlantes, son souffle se fit court. Comment pourrait-elle accomplir de grandes choses ? Nul destin exceptionnel ne l'attendait nulle part, nul conte de fée avec un Prince Charmant. La vie l'avait frappée et jetée à terre suffisamment de fois pour qu'elle sache qu'elle ne valait rien.
Les paroles d'Armand un peu plus tôt dans la soirée se frayèrent alors un chemin dans l'océan tumultueux de ses pensées. La lumière qui brille au fond de vous, elle vous rend exceptionnelle et rayonnante. Ne laissez rien ni personne vous persuader du contraire. Puis ce fut au tour de la voix de Charlie : Tu feras de grandes choses Séréna. Nous en sommes tous persuadés, mais tu dois te faire confiance. Enfin, les encouragements du professeur Sylbaria : Ne laissez pas vos erreurs vous définir jeune fille. Ce que vous ferez de votre pouvoir ne dépend que de vous. Ne vous laissez pas gouverner par vos doutes. Vous ne pouvez vous le permettre. Des mots auxquels elle pouvait s'accrocher, comme des bouées de sauvetage. La chaleur de leur soutien infusa son être d'une force nouvelle.
Pour Damien, pour tous les autres Rêveurs victimes de la Corruption, elle ne pouvait pas échouer et se perdre ici au milieu de nulle part. Les visages de ses amis lui apparurent clairement. Damien et Tamara avaient été sa lumière dans les ténèbres, la famille qu'elle s'était choisie. Ses collègues de travail, Isabelle notamment, lui avaient prouvé qu'elle était une des leurs, qu'elle appartenait à quelque chose d'important : une équipe.
À présent, d'autres comptaient sur elle et pour elle : Lénaïc, qui lui avait sauvé la vie, Charlie, qui s'était révélée une amie fidèle et précieuse, et Armand... Le Prince qui l'avait protégée, veillée et soutenue alors même qu'elle avait manqué de mettre son royaume en danger. Des souvenirs d'instants partagés, des rires, des mots doux, des regards complices. Séréna ne pouvait nier l'attirance qu'elle ressentait pour lui. Ce n'était pas de l'amour, pas encore. Mais ça le deviendrait bientôt, et ce baiser qu'ils avaient échangé. L'intensité avec laquelle sa bouche avait réclamé la sienne était une preuve que les sentiments étaient réciproques. Une telle conviction ne pouvait être feinte.
Mon passé et mes blessures ne me définissent pas. C'est moi qui décide qui je veux être et comment mener ma vie. Je me forge mon propre destin. Elle serra les poings, ses ongles s'enfonçant dans ses paumes en dépit de son enveloppe charnelle inexistante. Elle se répéta ces paroles encore et encore pour qu'elles se frayent un chemin jusqu'aux tréfonds de son être, qu'elles repoussent les doutes et les blessures à l'arrière-plan de son esprit.
Pour sa famille de cœur, pour ses amis, pour les habitants de la Terre et du Monde Central, elle devait continuer. Ses pensées s'éclaircirent peu à peu, chassant les doutes et l'appel résonna à nouveau en Séréna qui l'aperçut enfin : un fil brillant qui semblait lui indiquer le chemin, la marche à suivre. Il ne s'agissait pas seulement de l'arcane de l'Esprit, ou même de magie arcanique. Pour suivre cette voie, c'était de tout son pouvoir dont Séréna avait besoin.
Elle se remémora l'éclat lointain de sa Lune qu'elle avait perçue plus tôt dans la soirée. Une lumière réconfortante, qui lui servit de conducteur pour convoquer sa magie des Rêves. Les portes des arcanes élémentaires étaient grandes ouvertes dans sa projection mentale, celle de l'Esprit également. L'Arcane de l'Âme lui était toujours désespérément inaccessible lorsqu'elle convoquait les autres, mais elle comprit vite que cela n'aurait pas d'importance.
Le pouvoir qu'elle mobilisa était d'une puissance qu'elle n'avait jamais atteinte auparavant, ce qui l'amena à se demander si elle découvrirait un jour un fond à ce puits de magie qui se trouvait en elle. Car jusqu'à présent, sa seule limite, c'était elle-même et son foutu syndrome de l'imposteur qui lui empoisonnait la vie depuis toujours.
La vague de magie entraîna Séréna dans son flux pour remonter le chemin, désormais tracé, qui la conduirait, elle l'espérait, vers les réponses qu'elle était venue chercher. Le déferlement de pouvoir emportait tout sur son passage : ses derniers doutes, sa peur de ne pas être à la hauteur et... Le verrou de la Reine sur sa magie des Rêves qui vola en éclats.
Elle sentit une explosion de liberté, une libération qu'elle n'aurait jamais pu imaginer. L'afflux magique fut tel, que Séréna sentit une brûlure intense à l'intérieur de son esprit, comme si tout son être conscient était en feu, elle perdait le contrôle ! Une douleur, comme des éclairs, la traversa. La brûlure de l'énergie était trop intense. Non... Non, pas maintenant, je ne peux pas échouer maintenant !
Chacune de ses tentatives pour reprendre la main sur ses pouvoirs se soldait par un échec. Mais elle était enfin arrivée au bout du chemin et la magie qui l'avait guidée jusque-là se mêla à la sienne, une présence, une force étrangère, mais, néanmoins familière, une aide inattendue. Cette source était moins puissante, mais son utilisateur en possédait une maîtrise parfaite.
Ce pouvoir quadrilla celui de Séréna, en contrôlant le flux déchaîné. Une sensation de calme s'installa, l'ordre émergeant du chaos. Les arcanes s'apaisèrent peu à peu, lui laissant le loisir d'apprivoiser sa magie des Rêves qui, enfin libre, s'exprimait de nouveau à son plein potentiel. Un immense soulagement l'envahit, son esprit recouvrant sa clarté. La tension dans ses muscles se relâcha progressivement. Elle obligea ses Songes désordonnés à rentrer dans le rang et entreprit de tisser une nouvelle trame sur laquelle elle conserverait le contrôle. Un décor prit peu à peu forme et de simple esprit égaré, elle se rêva de nouveau une enveloppe.
Le lieu lui était familier : la salle de réveil. L'endroit où elle avait ouvert ses ailes en tant que professionnelle de la santé, où elle avait acquis confiance et maîtrise dans son travail. Une zone de confort où elle prenait soin des autres et qui regorgeait de magie des Rêves. Le sommeil de ses patients y était certes induit, mais permettait une pratique libre du Tissage des Songes.
La salle était déserte, comme avant son ouverture tôt le matin. Les brancards vides étaient alignés dans un coin. Les scopes et les respirateurs en mode veille, l'odeur familière des antiseptiques assaillit ses narines. À l'extérieur, on percevait le bourdonnement de l'activité du bloc opératoire.
Près de la banque, où habituellement l'équipe soignante avait l'habitude de se réunir, se trouvait une femme qui lui parut familière. C'était la même personne qu'elle avait aperçu dans les souvenirs du Rêveur Noir. Toutefois, elle paraissait plus âgée, plus marquée. Elle sourit, et le cœur de Séréna manqua un battement. Ce sourire, elle le connaissait, elle le contemplait chaque matin dans son miroir. La contemplation de cette étrangère fit surgir en elle une vague d'émotions contradictoires.
— Chère enfant, commença l'inconnue d'une voix chargée d'émotion. Cela fait si longtemps.
— Votre voix, murmura Séréna, la bouche sèche. Je l'ai déjà entendue. Qui êtes-vous ?
Chaque mot résonnait en elle, éveillant des souvenirs et des sentiments profondément enfouis.
— J'espérais te retrouver depuis des années Séréna, mais tu étais trop loin de moi, je ne pouvais t'atteindre. Lorsque tu as enfin rejoint le Monde Central, j'ai fait appel au pouvoir que j'avais dissimulé à Sigrid pour entrer en contact avec toi. Mais je n'y parvenais que lorsque tu étais endormie ou affaiblie. Alors, je t'ai soutenue du mieux que j'ai pu dans toutes tes épreuves, et j'ai espéré qu'Estrella et les Hauts Mages aient la présence d'esprit de t'envoyer à la Grotte Sacrée pour la nuit des Lueurs Sélénites.
Le souffle de Séréna se bloqua dans sa gorge. Elle sentait son cœur battre si fort qu'elle craignait qu'il n'éclate.
— Mes espoirs n'ont pas été vains, reprit la femme, son sourire si semblable au sien, s'agrandit. Tu es là, plus puissante que je ne l'aurais jamais imaginé. Estrella a été bien naïve de croire que ce simple verrou magique pourrait te retenir. Sigrid me détient prisonnière dans sa forteresse depuis vingt-cinq ans. Elle a restreint mes pouvoirs à un murmure, mais ce murmure, je l'ai cultivé précieusement dans l'attente de ton retour.
Les mains de la Tisseuse de Rêves devinrent moites et des frissons coururent le long de sa colonne vertébrale. Elle tremblait de la tête au pied, sa bouche était sèche et les battements de son cœur désordonnés
— Grâce à l'apogée de la magie de la nuit des lueurs Sélénites, continua encore l'inconnue, je t'ai attirée jusqu'à moi, ma si chère, si vaillante, petite fille. Dans ce qui me paraît presque une autre vie, je m'appelais Tania Headson Mage de l'Esprit et Conseillère de la Reine Estrella du Monde Central. Et il y a bientôt trente ans, j'ai épousé un homme qui s'appelait Andreas Kellerwick...
Séréna avait tant de fois imaginé ce moment. L'espoir et la peur se mêlaient dans son cœur. Chaque mot de Tania éveillant des émotions qu'elle avait tenté de réprimer pendant des années... Elle dévisagea la femme qui lui faisait face. Ses cheveux noirs, qui tombaient en cascade sur ses épaules, avaient le même mouvement que les siens. À l'instar de Séréna, ses lèvres étaient fines et une petite bosse saillait sur son nez. Des taches de rousseur parsemaient ses joues.
À l'exception de ses yeux d'un brun chaud piquetés de vert émeraude, leurs visages étaient fort semblables. Un mélange de peur et d'excitation naquit dans son ventre, une boule d'émotion qui menaçait de déborder. La gorge de Séréna se serra et ses yeux se mouillèrent de larmes. Se pourrait-il qu'après vingt-cinq ans passés à l'imaginer, à l'espérer, elle se trouva réellement devant sa...
— Maman ? articula-t-elle avec peine.
L'émotion dans sa voix était palpable, chargée d'années de douleur et d'espoir refoulés. Pour toute réponse Tania ouvrit les bras et Séréna, en pleurs, s'y précipita, incapable de se contenir davantage.
Le contact physique, le sentiment d'être enfin accueillie, d'avoir trouvé sa place, firent éclore en elle un bonheur jamais ressenti auparavant. Sa raison acceptait enfin ce que son cœur avait su dès l'instant où ses yeux s'étaient posés sur cette belle magicienne Centralienne.
Elle la serra si fort qu'elle en avait mal, mais elle n'osait pas lâcher prise, de peur que tout ceci ne disparaisse. Tania avait un parfum de rose et de gingembre qui ravivèrent en Séréna des souvenirs inconscients, profondément ancrés : c'était l'odeur de celle qui l'avait portée.
Des larmes chaudes ruisselaient sur ses joues, la sensation réconfortante de ces bras autour d'elle était merveilleuse. Tania Kellerwick berça longtemps sa fille. Il y avait tant à dire, mais l'amour savait parfois se passer de paroles. La mère et son enfant se nourrissaient de la présence de l'autre, savourant ces retrouvailles qu'elles avaient toutes deux appelées de leurs vœux. Enfin Séréna se libéra de l'étreinte maternelle et posa la question qui brûlait ses lèvres :
— Alors, tu... Tu ne m'as pas abandonné volontairement ?
— Non Séréna, répondit Tania l'air grave. Ni ton père, ni moi n'aurions fait une chose pareille. Nous t'aimons et tout ce que nous avons été contraints de faire avait pour but de te protéger. N'en doute jamais. Si nous n'avions pas obéi à Sigrid la nuit de ta naissance, elle t'aurait tué. J'étais prête à donner ma vie pour empêcher cela. Je le suis toujours.
— Mais alors que s'est-il passé ?
— Je ne peux pas encore tout te révéler, car la malédiction que nous a jetée Sigrid n'est toujours pas complètement brisée. Séréna, écoute-moi, tu dois trouver la Chataignerie. Toutes les réponses que tu cherches sont à la Chataignerie.
Le ton de Tania se fit plus pressant, son regard brun brûlait d'une intensité féroce.
— Tu es immergée au fond de ce lac depuis trop longtemps, tu dois réintégrer ton corps ou il sera trop tard !
— Mais je... Non, je ne veux pas te quitter maman ! implora Séréna, des larmes roulant toujours sur ses joues. Pas si vite, je t'en prie !
— Tu le dois pourtant, ma chérie. Pour sauver Terra et Centralia, pour pouvoir nous secourir ton père et moi, tu dois trouver La Chataignerie. Et pour cela, tu dois partir maintenant. Sigrid va s'apercevoir que j'ai utilisé de la magie, cela va devenir dangereux pour toi, comme pour moi. Que la lumière de la lune éclaire ton chemin. Je t'aime Séréna.
Tania embrassa sa fille sur le front avant de repousser la projection astrale de la Tisseuse de Rêves. Le monde onirique se dissolvait autour d'elle, la chaleur de l'étreinte de sa mère laissant place à un froid mordant.
La salle de réveil disparut et sa mère avec elle, ouvrant un vide béant dans son cœur. Séréna était en proie à un tourbillon d'émotions contradictoires, mais possédait désormais une certitude qui réchauffait son cœur : elle avait été attendue et désirée.
Sigrid l'avait privée de l'amour de ses parents, mais il y avait bien eu deux personnes dans ce monde ou l'autre pour la chérir. Elle n'avait jamais été seule. Forte de ce nouveau savoir, elle essuya les larmes qui brouillaient sa vue et se sentit plus déterminée que jamais à mener ses prochains combats et découvrir le reste de son histoire dans ce lieu nommé la Chataignerie.
Mais dans l'immédiat, il lui fallait retrouver son chemin, car elle était à nouveau perdue dans le néant. Loin, très loin, Séréna aperçut son corps, dérivant au fond du lac, aussi pâle qu'une créature des profondeurs. Elle sentit la panique monter, mais la refoula.
Elle s'élança, usant de toute la puissance des arcanes élémentaires pour tenter de rallier son enveloppe physique, mais elle n'allait pas assez vite. Son cœur battait frénétiquement dans sa poitrine. Elle avait considérablement puisé dans ses réserves de magie pour rejoindre sa mère, et son pouvoir menaçait de lui faire défaut à présent. En dépit de tous ses efforts, elle ralentissait. Elle luttait pour garder les yeux ouverts, essayant de se proclipser, mais en vain.
Un froid glacé commença à l'engourdir. Elle devait être dangereusement proche de l'hypothermie. À bout de force, les portes des arcanes Centraliennes claquèrent les unes après les autres dans son esprit. Des frissons incontrôlables commencèrent à secouer son corps. Réfléchis putain, réfléchis ! Mais elle était si fatiguée, la tentation de s'abandonner à l'inconscience, si attrayante. Ses paupières devinrent lourdes, sa vision se brouillait.
Séréna se remémora alors, une situation similaire. Affaiblie par son combat avec Astrid et par la guérison de Tamara, elle avait aussi été tentée d'abandonner. C'était alors qu'elle luttait pour rester consciente que le pouvoir de l'Âme était venu à son secours. Elle cessa d'invoquer vainement les autres arcanes et ouvrit consciemment la sixième porte dans son esprit.
Elle s'était entraînée secrètement à cette technique. Zélie, Charlie et Lénaïc l'avaient mise en garde. Utiliser son énergie vitale pour alimenter sa magie était une manœuvre dangereuse. Beaucoup étaient morts en essayant. Elle-même en avait réchappé de peu la fois précédente. Néanmoins, la fin justifiait les moyens, alors elle s'employa à détourner la force qui nourrissait son âme pour alimenter son pouvoir. Doucement... Pas trop... Juste ce qu'il faut...
Sa Magie des Rêves s'éveilla. Un songe qu'elle gardait jusqu'à présent soigneusement dissimulé au fond de son cœur fit surface. Quelque chose, ou plutôt quelqu'un. Séréna eut une idée. Libérée de l'entrave magique de la Reine, elle était libre d'exercer son pouvoir. Elle se rappela sa Lune, si lointaine et pourtant si brillante.
Le tissage du Rêve était complexe, peut-être plus que tout ce qu'elle avait déjà accompli : Une robe dorée, des cheveux d'argent, des plumes chatoyantes, un tempérament aussi obstiné que le sien... En cette nuit des Lueurs Sélénites, son pouvoir des Rêves ne connaissait aucune limite.
Malgré la fatigue qui pesait sur ses épaules, elle tissa le Songe avec une précision et une détermination farouche. Sa création onirique achevée, Séréna chevaucha son rêve qui l'entraîna à bride abattue vers son corps dont le cœur ne battait plus que faiblement. Le vent glacé la frappait, mais elle tenait bon, son objectif clair dans son esprit. Avouerait-elle un jour à Armand que c'est à lui qu'elle avait songé pour retrouver son chemin ?
Trempée et transie de froid, Séréra revint à elle en toussant et crachant l'eau qu'elle avait involontairement ingérée. Allongés sur le sol, ses cheveux et ses vêtements ruisselaient d'eau glacée. Secouée de tremblements, elle parvint péniblement à se mettre à genoux. Ses muscles étaient engourdis, chaque mouvement, une épreuve. Elle se tenait juste au bord du lac qui paraissait aussi paisible qu'avant son immersion. Comme si l'aventure extraordinaire qu'elle venait de vivre dans ses profondeurs ne s'était jamais produite.
Pourtant, étroitement serré dans son poing, la Rêveuse découvrit une pierre brillant d'un doux éclat violet : un cristal de l'âme. Le poids de la gemme dans sa main représentait la preuve tangible de ce qu'elle avait accompli. Un renâclement attira son attention.
À quelques mètres d'elle, un Astralyon majestueux l'observait. Sa robe Palomino d'un doré chaud avait l'air aussi douce que de la soie. Sa crinière d'argent brillait dans la lueur des cristaux de la grotte. Ses ailes repliées aux plumes scintillantes frémissaient à chacun de ses mouvements. Et juste sous la corne, paraissant couronner sa tête, une tache blanche en forme de croissant de Lune surplombait des yeux verts où brillait une lueur d'intelligence. Séréna contempla, émerveillée, un sourire tremblant étirant ses lèvres, le plus beau Rêve qu'elle ait jamais tissé.
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