30. Sortir de la cage
Jungkook entra en trombe dans les toilettes du lycée. Lorsque la porte claqua contre le mur, le bruit se répercuta sur le carrelage et les deux garçons postés devant les lavabos sursautèrent.
– Eh ben, en voilà un qui a une envie pressante ! se mit à rire l'un d'eux.
Jungkook ne leur prêta pas attention. Le cœur en pleine course folle, il fonça dans une cabine libre pour s'isoler et referma le verrou derrière lui. Ses doigts tremblaient comme des feuilles. Il les bloqua entre ses paumes pour les empêcher de frémir, avant de laisser son dos reposer contre le mur, la respiration sifflante.
Ça le reprenait encore. C'était déjà la cinquième fois depuis le début de la semaine que ses poumons s'étrécissaient au point qu'il ne pouvait plus respirer, au point que son ventre, si noué, le faisait se tordre sur lui-même. C'était si fort qu'à chaque attaque de panique, Jungkook en venait à croire qu'il allait mourir d'asphyxie ou de douleur, ce qui n'arrivait jamais. Durant des minutes entières, il restait littéralement paralysé, essoufflé et souffrant, mais bien vivant.
Foutues crises ! pensa-il, une main contre son cou pour sentir son pouls.
Dans de tels moments, il ne rêvait que d'une chose : que Taehyung surgisse devant lui et l'oblige à le regarder droit dans les yeux – ses beaux yeux bruns, chauds comme l'été et brillants comme une étoile. Il rêvait qu'il lui murmure des mots rassurants. Peut-être même qu'il l'attrape par la manche en l'appelant « Kookie » de sa voix douce.
Kookie.
Mon moineau.
Son petit moineau à lui...
Il ne l'était plus. L'avait-il déjà été ?
– Tae..., sanglota-t-il.
Non, il ne devait pas ! Il ne devait pas penser comme ça. Il avait fait son choix et devait s'y tenir. Seulement... C'était si dur de rompre une amitié. Tellement plus dur que ce qu'il avait imaginé. Cela ne faisait que quatre jours et il avait déjà la sensation d'être perdu sans lui. Depuis quand était-il si dépendant de Taehyung ? Il s'était toujours débrouillé seul, sans l'aide de personne. Il devait continuer ainsi, comme il l'avait toujours fait.
Pour se calmer, il récita intérieurement ces affirmations qu'il savait irréfutables :
Il avait choisi. C'était son choix. Il devait assumer. Il ne mettrait plus la scolarité de Taehyung en danger.
Il les répéta jusqu'à les intégrer entièrement, puis, résolu, inspira profondément et essuya ses yeux du revers de sa manche. Il attrapa ensuite le verrou pour l'ouvrir d'un mouvement sec et sortit de la cabine. La pièce était maintenant complètement vide, ce qui l'arrangeait. Les deux élèves étant partis, il pouvait se diriger vers les lavabos sans avoir à affronter leur jugement et leurs remarques déplacées.
Devant le miroir, il resta de longues minutes à observer son reflet. Sa mine était vraiment affreuse. Depuis combien de temps n'avait-il pas dormi correctement ? Ses mains plongèrent sous le robinet et il aspergea ses joues d'eau fraîche pour chasser les images de ses derniers cauchemars. S'il les laissait hanter ses pensées en pleine journée, alors il n'aurait pas la force de se concentrer sur le plus important. Il devait se reprendre et rapidement.
Il avait choisi. C'était son choix. Il devait assumer. Il ne mettrait plus la scolarité de Taehyung en danger.
𓅪
Alors qu'il regardait ses pieds, Jungkook ne vit pas qu'il avançait droit sur quelqu'un. Ce ne fut que lorsque la personne se racla la gorge, comme pour le notifier de sa présence, qu'il leva la tête et remarqua Aerin, qui rejoignait son casier.
– Toujours dans la lune, Jungkook. Tu vas te prendre des gens en pleine face si tu ne fais pas attention où tu marches.
Jungkook la dévisagea. Longuement. Trop longuement. Alors Aerin soutint son regard en attendant qu'il daigne lui répondre. Il n'en fit rien, ne lui parla pas plus qu'il l'avait fait depuis sa rupture avec Taehyung. Après tout, elle l'avait trahi et il n'avait toujours pas digéré qu'elle aille cafter son passage à l'infirmerie. Pensait-elle seulement qu'il puisse lui pardonner aussi facilement ? Si c'était le cas, alors elle se trompait.
Pour le lui montrer, il la dépassa en silence, les yeux droit devant lui. Il devait retourner en cours et si, elle, se fichait d'être en retard, ce n'était pas du tout son cas.
– Tu vas me faire la tête encore longtemps ? l'arrêta-t-elle en soupirant. C'était pour t'aider que je l'ai fait !
Un rire creux échappa à Jungkook. Il fit volte-face.
– Tu n'as jamais rien fait pour m'aider.
Sa voix était froide, mais il y avait en elle une brisure que l'on ne pouvait ignorer. Il ne parlait pas de ce début de terminale. Et c'était une évidence, pour lui comme pour elle.
– Taehyung était là.
– Il ne l'a pas toujours été.
Il était arrivé en milieu d'année. Or Jungkook avait souffert pendant un an et demi, sans que jamais personne ne lui tende la main. Non pas qu'il aurait accepté d'en attraper une, du moins physiquement. Mais peut-être aurait-il apprécié le geste, l'intention.
– C'était plus facile de ne pas m'en mêler, admit-elle. À l'époque, je voulais juste être tranquille.
– Bien sûr. Puis les choses ont miraculeusement changé en ce début d'année et tu t'es dit que la tranquillité était surfaite.
Les épaules d'Aerin s'affaissèrent.
– Écoute, j'apprécie Taehyung, je déteste Jongin. Comme Taehyung n'est plus là pour te protéger, je prends le relais. C'est tout.
– C'est lui qui te l'a demandé ?
Elle garda étonnamment le silence et Jungkook comprit que son intuition était bonne. La déception le prit à revers et une petite douleur lui piqua le cœur. S'il avait vu en Aerin une alliée, à présent, il doutait de ses motivations à l'aider, c'était certain.
– Tu aurais dû continuer à ne pas t'en mêler, fit-il plein d'amertume. Désolé que tu te sois sentie obligée de le faire.
Il tourna les talons mais Aerin le stoppa avant qu'il ne parte.
– Il m'a demandé de garder un œil sur toi, c'est vrai. Mais ce n'est que pour ça que je le fais ! Je regrette d'avoir été si passive l'année dernière. Tu n'as pas l'air de le croire, mais oui, les choses changent. Les gens changent, Jungkook. Et toi aussi, tu pourrais changer.
Jungkook serra les poings, le regard sur ses chaussures.
– Je n'en suis pas si certain.
– Tu en es capable, tu l'as déjà prouvé. Tu refuses juste de recommencer.
– Ne fais pas comme si tu me connaissais.
– Taehyung te connaît, lui. Il n'aurait pas autant donné s'il pensait le contraire.
Les lèvres de Jungkook se mirent à trembler. Il se retourna avant qu'elle ne le remarque.
– Justement, il s'est trompé, lâcha-t-il. Et il a bien trop donné pour moi. De toute façon, c'est fini et c'est bien mieux comme ça.
Sur ces mots, il disparut au fond du couloir, trop vite pour lui laisser la chance de répliquer.
Jungkook était fatigué de tout ça. Il ne supportait plus de parler de Taehyung. Encore moins de le voir. Ça leur arrivait de se croiser un peu partout dans le lycée. Souvent. Et à chaque fois, cela rappelait à Jungkook ce qu'il avait perdu. À chaque fois cela ne faisait qu'amplifier le vide qu'il ressentait. Ils étaient à présent des inconnus, Taehyung et lui. Et c'était douloureux.
C'était douloureux de le savoir avec d'autres, de l'entendre rire avec d'autres, de le voir câliner Hyungsik. C'était d'autant plus dur de le surprendre à détourner le regard lorsqu'ils se rencontraient. Et pourtant, il y avait en Jungkook une contradiction qui faisait rage, dans sa tête et dans son cœur. Son cœur s'accrochait encore à son ami, incapable de faire son deuil, quand sa tête, elle, le persuadait qu'il avait bien fait de s'éloigner.
C'était insensé. Il était complètement insensé.
Les paroles de Taehyung lui revinrent brusquement en mémoire :
« Je ne vois pas qui dans ce monde, s'il est un minimum sensé, voudrait s'infliger ça – à moins qu'il ne veuille se punir, ce qui me fait drôlement penser à ton cas. »
Jungkook le savait, au fond de lui. Il avait beau le nier, c'était la vérité. Il avait cherché à se punir en restant près de Jongin. Peut-être même se privait-il de l'amitié de Taehyung pour les mêmes raisons. Le savoir ne l'aidait pas plus que l'ignorer, cependant. Comment pourrait-il faire autrement ? Aerin avait tort en disant qu'on pouvait changer. Certaines choses, certaines personnes ne changeaient jamais. Car le passé était immuable et c'était un fait.
𓅪
Il faisait sombre, dans la salle de classe. Les rideaux avaient été tirés en début de cours, mettant une barrière entre Jungkook et l'extérieur. Il ne pouvait plus voir le ciel. Alors, une main sous le menton, il s'occupait à faire courir son stylo sur la page de son cahier d'histoire, faiblement éclairé par l'écran de télé installé par Mme Lim devant le tableau.
Jungkook n'aimait pas les films qu'on leur faisait voir à l'école. Généralement, tous portaient sur la guerre ; des reportages morbides et violents, qui repeignaient le sang en noir, la terre en gris et le ciel en blanc. C'était une vision terrible pour lui, ces corps étendus, inertes et maculés de ce qui ressemblait à de l'encre mais qui n'en était pas. S'il regardait trop longtemps, la nausée finissait toujours par le rattraper et des tâches lumineuses lui recouvraient les yeux. Alors, pour ne pas trembler, pour ne pas céder à l'angoisse que ces images lui procuraient, il enfermait sa concentration dans ses dessins, faisant son possible pour écouter la bille du stylo rouler sur le papier et non la voix sinistre du reporter qui contait les morts.
Un moineau. Une hirondelle.
Un nuage. Un soleil.
Son cahier était devenu une fenêtre donnant sur l'extérieur. Ou plus exactement, sur un extérieur tiré de son imagination, beaucoup moins plaisant et vivant que le vrai. C'était toutefois un pis-aller qui offrait un semblant de liberté dont il se contentait.
Durant l'heure entière, il dessina jusqu'à que la fin du cours soit annoncée par la sonnerie. Il ne l'entendit pas plus qu'il ne vit la classe se vider. Aussi, la chaise à ses côtés ne fut plus occupée qu'il ne le remarqua même pas. Concentré, il s'appliquait à tracer les contours des plumes, le bout de sa langue coincée entre ses lèvres. Mais alors qu'il reposait son stylo sur le papier pour un nouveau trait, une main passa devant ses yeux et lui arracha le cahier, si violemment que le mouvement fit rouler la mine sur toute la moitié de la page.
Interdit, Jungkook regarda son oiseau partir loin de lui et une vague de tristesse le submergea. Il n'avait pas eu le temps de terminer la deuxième aile, et une épaisse ligne noire barrait désormais l'abdomen de l'animal, comme si l'on venait de lui décocher une flèche en plein cœur.
– Non..., parvint-il à dire faiblement.
Encore un oiseau qui ne volerait jamais.
– Mme Lim ne serait pas ravie d'apprendre que son élève préfère gribouiller sur son cahier que suivre les cours. Je devrais peut-être la prévenir, qu'en dis-tu ?
Jungkook ne répondit pas. Son regard était maintenu sur le cahier que Jongin agitait devant lui. Il songea brièvement à le récupérer. Mais tendre le bras, plier les doigts, le lui piquer... Les chances pour qu'il y arrive sans initier de contact étaient nulles. Si peu d'actions pour autant de risques, mieux valait abandonner l'idée. Jungkook n'était pas suffisamment courageux pour cette opération suicide.
– Relax, reprit Jongin. Je ne suis pas un monstre, Jungkook. Je ne vais pas te balancer. Pour te montrer ma bonne foi, je vais même effacer les preuves pour toi.
Un bruit de déchirement se fit entendre et Jongin froissa la feuille dans sa paume pour en former une boule presque indépliable. À cet instant, Jungkook fut pris d'une envie dévorante. Celle de crier, de se lever, de l'attraper par le col et de le pousser si fort qu'il en tomberait mort. Il ne fit rien de tout ça. À la place, sa respiration se fit courte et ses muscles se mirent à trembler, tandis que son cri restait coincé dans son ventre et que lui restait assis sur sa chaise, paralysé jusqu'à la plante de ses pieds.
À quoi venait-il de penser ?
Le regard auquel il s'accrochait reflétait maintenant une noirceur qui le terrifiait. La sienne. Il se recroquevilla sur lui-même et ferma les yeux aussi fort qu'il le put pour y échapper.
Cette situation devait cesser.
Elle devait cesser, avant qu'il ne devienne ce monstre qu'il redoutait.
Les paupières closes, il se mit à prier silencieusement, quand la porte de la classe s'ouvrit soudain, coulissant contre le mur jusqu'à taper contre la butée.
– C'est fou comme on ne peut jamais te laisser sans surveillance, Jungkook.
Une salve d'espoir regonfla son cœur et il tourna la tête sitôt qu'il entendit son prénom. Aerin avançait vers eux, sans offrir la moindre attention à Jongin qui maugréa :
– Et devinez qui vient encore ruiner l'ambiance...
Il n'eut pas le temps d'ajouter quoi que ce soit d'autre. Aerin lui arracha le cahier des mains et le tendit à Jungkook.
– Range tes affaires, on y va, lui ordonna-t-elle.
Comme toujours, sa voix était douce mais son intonation ferme. Le bras en suspens, elle attendit que son camarade s'active, mais il ne bougea pas. Alors, sans un mot, elle prit elle-même le sac de Jungkook, fourra sa trousse et son cahier dedans, puis passa une des sangles sur son épaule déjà chargée du sien.
– En te souhaitant une bonne soirée, Kim Jongin, fit-elle, sarcastique, en se dirigeant vers le couloir.
Jungkook n'eut pas d'autre choix que de la suivre pour ne pas la perdre de vue. Il n'avait aucune intention de rester seul ici. Mais alors qu'il passait la porte de la classe, son instinct le poussa à se retourner vers Jongin et son ventre se tordit dans tous les sens. Cela ne dura que quelques secondes. En voyant la haine dans ses yeux, il comprit que jamais cette situation ne cesserait. Elle ne ferait qu'empirer, toujours un peu plus chaque fois que quelqu'un le secourrait.
Le cœur battant à vive allure, aussi vive que celle de ses pas dans ceux de Aerin, Jungkook prit une grande inspiration et laissa échapper sa frustration :
– Rends-moi mon sac, Aerin ! Tout de suite !
Elle s'arrêta aussitôt et fit volte-face à quelques mètres du hall principal, une expression neutre sur le visage, comme la majeure partie du temps.
– C'est ta manière de me remercier de t'avoir aidé ?
– C'est ma manière de te dire d'arrêter de te mêler de mes affaires.
Aerin souffla bruyamment et balança le sac aux pieds de Jungkook qui s'empressa de le ramasser.
– Tiens, le voilà, ton sac.
Elle ne reçut qu'un regard meurtrier en guise de remerciement et ne se priva pas de le rendre.
– C'est bon, j'ai compris que tu m'en voulais. Tu peux pas passer à autre chose ?
– Non.
– T'as vraiment un sale caractère, c'est pas croyable !
Jungkook ricana.
– Personne ne t'a demandé de le supporter. Ah, si ! pardon. Taehyung te l'a demandé.
Aerin croisa les bras sur sa poitrine, les sourcils froncés.
– Tu t'en prends aux mauvaises personnes, Jungkook, j'espère que tu en as conscience. Si tu avais autant de répondant avec cet abruti de Jongin, crois-moi que tu n'en serais pas là.
– Tu as raison, je serais sans doute à l'hôpital ou au fond de mon lit après qu'il m'ait fait payer mon insolence.
Elle soupira.
– Il y a pleins d'autres moyens de le contrer. Tu ne changeras jamais rien si tu restes aussi inactif. Tu veux être une victime toute ta vie ?
Jungkook réagit au quart de tour.
– Je ne suis pas une victime ! rugit-il.
– Pourtant tu te comportes comme tel.
Ses yeux s'écarquillèrent violemment et il ouvrit la bouche pour répondre. Mais il n'émit aucun son. Il n'en fut pas capable, les mots de sa camarade venaient de se loger dans son ventre et il était sur le point de les vomir. Aerin ne savait rien de lui. Il n'était pas une victime. Il était même très loin de l'être.
Il serra les poings à s'en faire mal tandis qu'il essayait de réprimer son dégoût.
– Si cette situation te convient, alors reste comme ça, ce n'est pas mon souci, reprit Aerin. Peut-être qu'un jour tu réaliseras que tu as fait une erreur en repoussant ceux qui t'ont tendu la main.
Elle le dévisagea quelques secondes. Puis, ne faisant face qu'à son silence, elle décida de l'abandonner, de traverser le hall et de quitter le lycée sans un regard de plus.
𓅪
Il avait les yeux suspendus aux nuages, la main sous le menton, mais son esprit était ailleurs. Il ne remarquait pas les oiseaux fendre le ciel ; il avait cessé de les observer. Les paroles d'Aerin tournaient en boucle dans sa tête depuis des jours, bien qu'il faisait tout pour les arrêter. Pourquoi n'arrivait-il pas à penser à autre chose ?
Quelque chose l'agaçait dans le discours qu'elle avait tenu. Peut-être était-ce le sentiment qu'elle avait raison et que lui avait tort. Il n'était pas une victime, l'idée même de passer pour tel l'écœurait. Et pourtant, c'était ce qu'il était aux yeux des autres et ça lui coûtait d'admettre qu'il avait sa part de responsabilité là-dedans. Il avait laissé ses camarades lui coller cette étiquette dans le dos, sans jamais protester, sans jamais chercher à se défendre.
Comme Aerin l'avait si bien souligné, il n'en serait pas là s'il se permettait la même insolence qu'il réservait à ceux en qui il avait confiance. Hyungsik, Taehyung, Aerin, sa propre mère... Tous ces gens connaissaient son côté indocile et entêté, sa capacité réelle à se défendre par les mots. Mais lorsqu'il s'agissait de Jongin, de Mirae ou encore d'autres, les mots étaient aussi efficaces qu'un coup de bâton contre le vent. Comment pouvait-il physiquement se défendre face à eux ? Son caractère était certes un combattant prometteur, mais il était évident que son corps, lui, ne ferait pas long feu dans une arène. Au moindre contact, celui-ci déclarerait forfait.
À cause de sa condition, Jungkook était coincé. En cage. Et il ne savait pas comment se libérer. Tout était tellement plus facile lorsque Taehyung était là... Taehyung était le seul à avoir su repousser les barreaux de sa volière pour en faire un espace plus vaste et vivable, bien qu'il n'ait jamais trouvé la clé pour l'en sortir. Il lui manquait tant.
Jungkook soupira et ferma les yeux, abandonnant le ciel pour le visage de son ami qu'il imaginait sous ses paupières. Durant de longues minutes, il repensa à leur relation. À la manière dont Taehyung l'avait approché, mis en confiance, apprivoisé. À sa patience et sa bienveillance, à toutes ses idées farfelues pour le guérir et lui redonner un peu d'espoir.
Il se souvenait de ce jour, dans son salon, quand Taehyung avait mis un coussin sur ses cuisses et l'avait incité à poser sa tête dessus pour travailler les contacts indirects. Jungkook était devenu livide en entendant sa proposition, mais il avait tout de même accepté l'exercice et avait été fier de l'avoir réussi, malgré le petit incident qui s'était produit. Un rire discret lui échappa alors qu'il se repassait la scène. Taehyung lui avait fichu la trouille de sa vie avec son éternuement, au point qu'il en était tombé et s'était pris la table basse dans le dos. Si sur le moment il n'avait pas trouvé ça drôle, aujourd'hui, c'était un souvenir qu'il chérissait car il lui rappelait les efforts et les concessions que Taehyung avait toujours faits pour l'aider.
En y pensant, Jungkook se posa la question : et lui, en avait-il fait, des efforts, des concessions ? Il en doutait sincèrement. Plutôt, il était convaincu que non. Taehyung avait constamment donné lorsque lui n'avait fait que recevoir. Il s'était battu à sa place quand lui n'avait fait qu'abandonner. Est-ce que tout aurait été différent s'il s'était défendu ? S'il avait été ne serait-ce qu'un peu courageux ?
Son cœur se serra face à l'évidence. Et tout devint alors plus clair, comme si l'on venait de lui enlever ses œillères.
Depuis le début, Jungkook avait le pouvoir de tout changer, l'opportunité de s'échapper. Comment pouvait-il ne le réaliser que maintenant, que cette cage dorée dans laquelle il se pensait enfermé n'avait en réalité jamais eu besoin de clé ?
Taehyung l'avait compris bien avant lui. C'était la raison pour laquelle il n'avait pas tenté de l'en sortir. Conscient que le forcer ne rimerait à rien, il lui avait simplement ouvert la porte et, d'une main tendue, avait espéré qu'il sorte de lui-même. Malheureusement, Jungkook n'avait jamais saisi sa chance. Au contraire, il l'avait même repoussée, au même titre qu'il avait repoussé la main de Taehyung.
Aerin avait raison : il avait fait une erreur en l'écartant de sa vie et en croyant aux mots cruels de Jongin. Il n'était pas un boulet sous simple prétexte qu'il était ami avec Taehyung. C'était parce qu'il n'avait jamais rien fait pour régler ses problèmes et qu'il avait tout remis sur les autres qu'il se sentait comme un poids.
– Aerin...
Maintenant qu'il en avait conscience, il ne pouvait plus fermer les yeux. Peut-être n'était-il pas trop tard pour agir. Il l'espérait.
– Tu sais, je... Je ne suis pas heureux.
Il attendit qu'elle tourne la tête vers lui ou dise quelque chose, mais elle n'en fit rien. Alors, Jungkook referma la bouche et déglutit, tandis qu'une horrible pensée s'immisçait dans sa tête. Et s'il faisait machine arrière ? Tant qu'il ne le formulait pas à haute-voix, il avait encore la possibilité de fuir. De faire comme si de rien n'était, comme si la solution ne lui avait pas effleuré l'esprit.
Il chassa cette envie aussitôt. Il ne pouvait pas être aussi lâche. Il se l'interdisait. Cette décision, il ne la prenait pas que pour lui. Il la devait à quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui lui était trop cher pour renoncer.
– Je veux que les choses changent. Je veux changer. Je veux me défendre.
Il savait qu'Aerin l'entendait, bien qu'elle s'obstinait à feindre le contraire. Il comprenait sa réaction. Il l'avait repoussée, elle aussi. Pour autant, il ne se laissa pas ronger par les remords. Désormais, ce serait à lui de donner. À lui de faire un pas, un effort. À lui de se défendre sans dépendre.
Il était temps de sortir de la cage et d'avancer.
Il était décidé à aller jusqu'au bout.
– Je vais demander à voir M.Kwang..., déclara-t-il. Et je vais dénoncer Kim Jongin.
Et tandis que son regard se reportait sur le ciel, un sourire s'esquissa doucement sur les lèvres de Aerin.
𓆩ꕥ𓆪
Cui-cui, mes moineaux sont de retours ! 🤗
Je suis franchement contente d'arriver enfin à cette partie de l'histoire, où Jungkook se décide enfin à faire preuve de courage et à affronter l'ennemi. Je suis fière de lui, mon oisillon, snif...
Et puis, c'était beaucoup trop déprimant ces derniers chapitres. Vous ne pensez pas qu'il est temps de retrouver notre Taekook tout fluff ?
En attendant d'y être, je vous bécote tendrement et vous dis à la prochaine ♡
PS : ma bêta-lectrice (qui connaît les tenants et aboutissants de l'histoire, a dit que ce chapitre était truffé d'indices, haha. Je dis ça juste vous frustrer, bien sûr. Du love !)
Astëlya
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