07. Sous son aile



Taehyung trottina jusqu'au garçon en se massant l'épaule. Son sac de cours était un peu trop lourd pour les circonstances et son petit sprint avec ces quelques kilos sur le dos avait laissé ses muscles endoloris et légèrement crispés. Il décida de ne pas s'en préoccuper et garda sa pleine attention sur son cadet qui l'attendait.

Ce dernier le fixait d'un air étrange, comme à peu près chaque fois que ses yeux se posaient sur lui.

– Est-ce que ça va ? demanda bêtement Taehyung.

– Pourquoi t'as fait ça ? riposta immédiatement Jungkook.

– Fait quoi ?

Le plus jeune souffla ouvertement pour montrer son agacement et ses bras se croisèrent sur son torse, ce qui lui donna un petit côté insolent.

– Mentir. Me défendre.

La bouche de Taehyung s'ouvrit de surprise.

– Je t'ai défendu parce que...

Il fronça les sourcils pendant qu'il cherchait ses mots.

– Parce que ça m'a énervé qu'elle parle de toi comme ça. Mais je n'ai pas menti.

– Si, tu l'as fait, soutint le brun.

– Je préfère rester avec toi qu'avec eux, en quoi est-ce un mensonge ?

– Tu ne me connais pas. Et on n'a jamais passé de temps ensemble. Comment peux-tu affirmer ça ?

Oh, ils l'avaient fait pourtant. Certes, très brièvement. Et cela ne s'était pas souvent produit, c'était aussi vrai. Mais ça comptait néanmoins pour Taehyung qui avait apprécié ces rares moments, même s'ils n'avaient eu que peu d'interactions et que leurs discussions s'étaient toujours faites courtes.

– Je n'ai pas besoin de te connaître pour le savoir, répondit-il tout bas. Je suis intimement convaincu par le fait que tu vaudras toujours bien plus que ces idiots.

– Arrête ça...

– Tu sais, eux ne le voient peut-être pas, poursuivit-il. Mais moi je le vois, tout le bon qu'il y a en toi. Et ça me donne qu'une envie, celle d'être ton ami.

Le soulagement emplit instantanément son cœur. Ça y est, il l'avait enfin dit. Et ce sentiment de légèreté le poussa à apporter plus de précision à ses paroles :

– J'aimerais qu'on devienne amis.

Mais le silence s'installa et il eut soudainement peur d'avoir fait une bêtise en lui avouant ceci. Pourtant, l'émotion passa sur le visage de Jungkook qui baissa la tête pour se cacher.

Ce qui n'échappa pas aux yeux de Taehyung.

– Oh ! s'exclama-t-il avec un sourire. Tu rougis, c'est mignon !

Béat d'admiration devant ce constat, il se pencha pour observer ses jolies joues colorées sous tous les angles, envahissant sans s'en rendre compte l'espace personnel du plus jeune, mais bien trop heureux pour entendre les nouvelles mises en garde murmurées par celui-ci. Cela dura quelques secondes.

Et sûrement une ou deux de trop, car la voix de Jungkook se fit brusquement bien plus audible :

– Je t'ai dit d'arrêter !

Taehyung esquissa un mouvement de recul face à cette réaction plutôt agressive et il lui fallut un petit temps pour s'en remettre. C'était bien la première fois que le craintif Jeon Jungkook haussait autant le ton. Ce dernier avait relevé les yeux vers lui et la contrariété ainsi que la colère inondaient son regard et lui donnaient un air menaçant.

– Arrête de venir me déranger tout le temps, arrête de me coller, arrête de t'obstiner à vouloir me parler à longueur de journée ! cria-t-il. T'es juste chiant et fatiguant. Laisse-moi tranquille un peu, je n'ai pas besoin de toi !

Taehyung resta tout bonnement interdit et aucun son ne passa la barrière de ses lèvres. Les bras ballants le long du corps, il ne pouvait plus ni bouger ni parler. Jungkook lui avait complètement coupé le sifflet, en plus de lui avoir comprimé la cage thoracique.

Il ne comprenait pas pourquoi il lui disait toutes ces choses blessantes. Et encore moins pourquoi ses mots le touchaient autant. C'était déjà arrivé auparavant, mais il lui sembla que la petite douleur ressentie s'était accentuée, maintenant qu'il lui avait fait part de son intention de devenir son ami. C'est vrai, il lui avait ouvert son cœur et se sentait à présent très honteux d'avoir été aussi naïf. D'avoir cru qu'une relation entre eux serait possible ou rien qu'envisageable.

De son côté, Jungkook parut remarquer la mine déconfite de son camarade car ses traits se radoucirent et il se mit à bafouiller quelques phrases inintelligibles, avant de se corriger à voix basse :

– Je... Je ne... Je ne voulais pas dire ça.

La culpabilité s'était emparée de son timbre, ce qui déstabilisa de nouveau Taehyung. Mais avant même qu'il ne puisse formuler quoi que ce soit, Jungkook prit encore la fuite, tournant aussi sec les talons pour détaler à toute vitesse.

Oh non, ça n'allait pas se passer comme ça ! Il n'allait pas le laisser s'échapper sans rien faire.

Ses membres déjà prêts pour l'effort et sa détermination revenue au galop, il ordonna :

– Jungkook, reviens-là !

La course reprit aussitôt et Taehyung jura au moins cinq fois en le pourchassant.

Du mieux que possible, il le suivit à travers les grandes rues de Séoul, slalomant pitoyablement entre les divers citadins pour ne pas les bousculer. Après seulement quelques minutes, ses poumons le brûlaient et ses mollets lui faisaient mal. Il maudit intérieurement son manque d'endurance physique et se promit d'y remédier à l'occasion – sans doute jamais. Le sport, ça n'avait jamais été son truc. Il ne savait même pas combien de temps il tiendrait ainsi avant de finir liquéfié sur le bitume, le regard mort et le souffle aussi lourd que celui d'un buffle.

Bon sang, Jungkook ne lui faisait vraiment aucun cadeau. C'est qu'il courait vite pour un petit gars, en plus ! pensa Taehyung. Il n'allait vraiment pas ralentir ? Ce n'était pas possible. Combien de temps allait-il le faire tourner en bourrique ?

Les yeux rivés sur son objectif, il oublia le temps d'un instant de faire attention à ce qui se trouvait autour de lui et trébucha maladroitement sur une plaque d'égout. Par chance, il parvint à se rattraper de justesse avant de toucher le sol, mais lorsque ses prunelles rejoignirent l'horizon, la panique le submergea.

En quelques secondes à peine, il avait réussi à perdre son camarade de vue.

– Mais c'est pas vrai ! pesta-t-il.

Sa tête tourna dans tous les sens et il inspecta les environs, à sa recherche. Personne n'avait le pouvoir de se volatiliser en un claquement de doigt. Jungkook devait bien être quelque part, mais où ? Au moment où il perdait espoir, Taehyung repéra le grand parc sur sa gauche et une lumière clignota dans son esprit. À tous les coups, le garçon aux moineaux avait décidé de couper par là en s'imaginant pouvoir le semer.

Mauvais coup, Jeon, se dit-il en se ruant vers l'entrée du jardin public.

Taehyung émit un petit rire à la fois satisfait et arrogant. Il ne fallait pas le prendre pour un lapin de trois semaines. Il était né avant lui. Par logique, il avait donc déjà testé toutes les conneries possibles et inimaginables avant lui.

Il lui était tant arrivé, durant son enfance, de fuguer après s'être fait gronder par ses parents et d'aller se fourrer dans les bosquets du square près de chez lui pour ne pas qu'ils le retrouvent. Parfois, il allait même se glisser dans les toboggans couverts des aires de jeux et y restait jusqu'à ce qu'ils perdent patience et lui promettent de répondre à chacune de ses exigences – ce qui avait, bien entendu, été un leurre à chaque fois, mais Taehyung avait toujours été aussi capricieux que crédule et jamais il n'avait retenu la leçon.

Ce fut donc sans surprise qu'il aperçut le brun filer entre deux imposants chênes encore garnis de leurs feuilles. Il s'élança vers lui sans réfléchir et héla désespérément son prénom, ce qui ne fit pas ralentir le concerné pour un sou.

La fatigue s'installa progressivement en eux et ce manège qui durait tournait presque au ridicule. C'était vraiment dérisoire. Pourtant, ni l'un ni l'autre ne semblait prêt à abandonner la partie et ils continuaient de zigzaguer entre les plantes sempervirentes de l'espace vert.

Cependant, lorsque Taehyung remarqua que le plus jeune perdait en vitesse, il en profita pour frapper d'un coup fort. À quelques pas derrière lui, il prononça l'impensable :

– Jungkook, arrête-toi tout de suite si tu ne veux pas que je te touche !

Le garçon se stoppa net dans sa course, paralysé, et Taehyung s'en voulu à l'instant même où il réalisa ce qu'il venait de dire. Comment avait-il pu ?

La vérité, c'était qu'il venait d'atteindre les limites de sa patience pourtant immense et avait fini par sortir cet abject chantage. Il ne savait même pas d'où celui-ci lui était venu. Jamais il n'aurait pensé être capable d'une telle bassesse ; il ne se reconnaissait pas et c'était ça le plus terrible. Dans le feu de l'action, il avait simplement désiré que Jungkook s'arrête et avait prié pour trouver quelque chose qui le forcerait à le faire. Il n'avait pas réfléchi. À présent, la seule chose qu'il voulait était de laver sa sale bouche au détergent.

Haletant, Jungkook fit volte-face pour lui jeter un regard mauvais. Un regard noir, heurté, dans lequel déception et sentiment de trahison régnaient. Une expression qui tordit l'estomac de Taehyung.

– C'est dégueulasse... d'utiliser ça contre... m-moi.

– Je sais... Je sais, excuse-moi...

Tous deux courbèrent le dos et gardèrent leurs mains appuyées sur leurs cuisses le temps de reprendre leur souffle. Leurs cœurs battaient à tout rompre et leurs yeux ne se quittaient pas. D'un côté comme de l'autre, ils repensaient à ce qui venait de se passer, partant de l'échange avec Mirae jusqu'à maintenant, dans le parc.

Au bout de quelques minutes, la respiration de chacun finit peu à peu par se réguler et le coup de chaud qu'ils avaient ressenti pendant la course-poursuite fut balayée par l'air frais de ce mois de novembre.

N'en pouvant plus, Taehyung se débarrassa de son sac de cours devenu incroyablement lourd et le lâcha sans ménagement sur le sol. Il s'étira douloureusement et prit enfin la parole :

– Qu'est-ce que tu voulais dire alors, si ce n'était pas les mots blessants que tu m'as balancé à la gueule ?

Oui, il avait clairement été trop loin en le menaçant pour qu'il s'arrête, mais il ne fallait pas oublier qu'il était celui qui avait été blessé en premier. Touché en plein cœur, Jungkook baissa la tête vers le sol avant de la remonter aussitôt vers le ciel. C'était typiquement lui de faire ça, ricana intérieurement Taehyung, plein d'amertume. Peut-être était-il un poil trop susceptible et rancunier. Ou peut-être avait-il déjà encaissé trop de rejets.

– Je me doute que tu rêves de pouvoir t'envoler pour que je te fiche la paix, déclara-t-il, mais ce n'est pas possible et pour l'instant, tu es bloqué avec moi.

Jungkook écarquilla les yeux avant de les poser sur lui.

– Tu...

– Je t'ai suffisamment observé pour comprendre au moins deux-trois choses à ton sujet, expliqua-t-il un peu plus sèchement que désiré. Mais là n'est pas la question. Pourquoi tu me repousses tout le temps ?

– Parce que tu ne devrais pas me parler.

Taehyung eut une énième fois l'impression que ce qu'il lui disait allait à l'encontre de ses réelles pensées. Le ton définitif qu'il avait employé jurait considérablement avec son regard peiné qui avait encore fuité vers ses chaussures.

Si au départ Taehyung avait cru que Jungkook le détestait, il avait ensuite eu l'intuition que quelque chose l'empêchait simplement de s'ouvrir à lui, et la profonde tristesse installée sur son visage le confortait dans cette hypothèse. Il avait plusieurs fois fait face à cette expression, comme lorsqu'il refusait ses invitations parce que la bande à Jongin se trouvait dans les parages, et il ne l'aimait pas du tout. Il ne l'avait jamais aimé, car celle-ci le chagrinait beaucoup. Il détestait voir les autres souffrir, ce n'était pas nouveau. Mais Jungkook...

Pour une raison inconnue, Jungkook semblait être devenu l'un de ses points sensibles.

Alors, il se calma et s'approcha de lui tout en se forçant à garder une certaine distance pour ne pas le braquer, puis il répondit doucement :

– Mais j'en ai envie, pourtant. De te parler, d'apprendre à te connaître... Je te l'ai déjà dit.

Jungkook releva brusquement la tête vers lui, surpris, et plongea cette fois droit dans ses yeux. Il essayait très certainement de juger la véracité de ses propos, Taehyung en était persuadé. Ce dernier toussa légèrement en sentant son cœur louper un battement mais il s'obligea à ne pas dévier son regard et tenta de lui transmettre à travers celui-ci toute sa sincérité.

Il avait déjà remarqué ça, auparavant. Jungkook avait une manière vraiment singulière de regarder les gens, très directe et assumée. Ou de le regarder lui, tout particulièrement, il n'aurait su dire. Tout ce qu'il savait, c'était que lorsqu'il le faisait, il avait la sensation d'être tout nu, vulnérable. Et c'était vraiment, vraiment perturbant de se faire sonder de la sorte, comme si l'on cherchait à découvrir le moindre de ses secrets ou lire dans son esprit.

Pendant quelques secondes, ils maintinrent leur position sans rompre l'échange visuel qui les unissait, avant que le plus jeune ne finisse par ordonner :

– Peu importe. Ne le fais pas, c'est tout.

– Pourquoi ? Donne-moi une seule bonne raison.

– Parce que je n'aime pas ça.

– Une vraie bonne raison, Jungkook.

Les paupières du garçon se fermèrent et il tritura nerveusement le tissu de son pantalon au niveau de ses cuisses.

– Parce que...

Un filet de voix, bas et fébrile comme un miaulement. Taehyung fit preuve de concentration pour l'entendre et surtout le comprendre.

– Parce que si tu restes avec moi, les autres finiront par t'embêter... comme Mirae l'a fait, murmura-t-il presque honteusement.

Taehyung papillonna des yeux quelques instants, abasourdi par l'absurdité de cette réponse. Alors c'était pour ça que Jungkook s'obstinait à le repousser ? Avait-il vraiment peur que les autres ne s'en prennent aussi à lui s'ils se parlaient ? C'était complètement ridicule. Comme s'il allait s'empêcher de le faire juste pour éviter de prétendues représailles ! Ce n'était absolument pas son genre.

– Et alors ? dit-il donc d'un ton dur et assuré.

– Et alors... ? répéta Jungkook, estomaqué. Tu... Tu n'as pas peur ?

– Je devrais ?

Taehyung se fit de nouveau analyser avec la plus grande minutie. Il le sentait encore, son regard perçant qui le scrutait avec insistance.

Il avait posé cette question avec un sérieux incomparable ; reflet de sa sincère curiosité à ce sujet.

Lorsque Jungkook comprit que ses propres craintes n'étaient pas forcément celles de tout le monde et qu'il s'était permis de décider à la place d'un autre, il soupira doucement et se détendit. Le silence les enveloppa dès lors dans un cocon agréable et réconfortant.

– Pourquoi tu souris comme ça ? demanda le plus jeune d'un ton méfiant au bout d'un moment. Tu as l'air idiot...

Taehyung pouffa.

– Parce que je suis content. J'ai souvent pensé que tu me détestais.

– Je- Je ne te déteste pas !

Jungkook rougit furieusement en prenant conscience de ce qu'il avait laissé échapper. Il baissa la tête, laissant volontairement ses cheveux dissimuler la teinte carmin de ses pommettes et reprit timidement :

– Je t'aime bien... Tu es le seul de la classe à être gentil avec moi.

Le cœur de Taehyung s'affola et il se retrouva totalement hébété, à court de réponse.

Alors comme ça, Jungkook l'aimait bien. Il l'appréciait, lui, Kim Taehyung, parce qu'il était gentil.

Craintivement, Taehyung chercha son regard, pour finalement détourner le sien à l'instant même où il le trouva. Puis il répéta cette action plusieurs fois, comme s'il n'osait pas s'y arrêter trop longtemps.

– C'est... C'est vrai... ? bredouilla-t-il sans y croire.

Il se sentait tellement maladroit actuellement. Ce qu'il ne savait pas, c'était qu'il était loin d'être le seul à se sentir comme ça.

Jungkook acquiesça d'un petit mouvement de tête et le sourire de Taehyung grandit davantage. Il s'entendit même glousser et s'insulta intérieurement pour être aussi niais.

Mais malgré la gêne que ce bruit lui avait provoqué, il tenta de l'ignorer et fureta les alentours pour repérer un banc juste au pied d'un arbre.

– Est-ce que...

Il se racla la gorge.

– Est-ce que tu veux qu'on s'assoit un peu ?

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– Qu'est-ce qu'ils te font ?

La question était tombée sans le moindre signe avant-coureur. Chacun assis à un bout du banc, ils étaient restés plusieurs minutes sans se parler, observant simplement la vie autour d'eux.

Les arbres qui agitaient leurs branches pour la plupart dénudées, ceux encore habillés malgré la saison, les enfants qui couraient sur le terrain de jeu le sourire aux lèvres, les quelques mamans passant avec leurs poussettes et les deux ou trois petits vieux qui profitaient d'une courte balade pour prendre un bol d'air frais.

Sans oublier les oiseaux qui chantonnaient au-dessus de leurs têtes. Jungkook avait passé la majeure partie de son temps le nez pointé vers le ciel. Cette fois-ci, cependant, il n'avait pas été question de vouloir s'échapper. Cela était de la pure contemplation, un plaisir qu'il s'offrait dès que la nature l'entourait.

Mais lorsque Taehyung, n'en pouvant plus de se retenir, avait ouvert la bouche pour l'interroger sur les brimades qu'il subissait, le garçon lui avait jeté un regard bref avant de le déporter sur ses chaussures dont un des lacets s'était défait pendant la course.

Comme pour gagner du temps, Jungkook remonta son pied sur la planche en bois et refit consciencieusement le nœud après avoir resserré les liens pour un meilleur maintien. Il n'avait pas eu besoin de demander plus de précisions, il avait immédiatement compris le fondement de la question même si celle-ci avait été dépourvue de contexte.

– Jungkook, si tu ne veux pas en parler c'est pas-

– Ils me...

Le plus jeune l'interrompit et déglutit douloureusement.

– Ils m'insultent souvent d'autiste, comme tu as pu le voir, ou bien d'alien, de coincé... Ils peuvent se montrer très créatifs parfois, rit-il sans joie. Mais au fond, ce n'est pas vraiment dérangeant, je m'en fiche.

Taehyung fronça les sourcils, mécontent. Les gens n'étaient-ils pas donc au courant que l'autisme n'était pas une insulte mais un trouble ? C'était aberrant.

– Quoi d'autre ?

– Parfois, ils me lancent des objets au visage ou mettent toutes sortes de trucs pas terribles dans mon casier. Mais ce n'est pas très grave. Je préfère ça à autre chose.

Jungkook s'exprimait avec un détachement volontaire mais on voyait bien qu'il n'était pas à l'aise. De son côté, Taehyung serrait les poings, silencieux et pourtant si furieux. Furieux à cause de ce qu'il entendait. Et plus encore en imaginant le reste. À cette autre chose dont Jungkook parlait et qui n'était pas si difficile à deviner.

– Est-ce qu'ils te touchent ?

Aucune réponse ne lui fut donnée.

– Est-ce qu'ils te touchent, Jungkook ? répéta-t-il alors, avec une telle dureté que le brunet sursauta.

– Parfois, finit par avouer ce dernier. Un jour, un élève de terminale a enroulé ses bras autour de moi. Il m'a serré très fort et je suis tombé dans les pommes. Depuis, ils s'amusent tous à tester mes réactions.

Taehyung inspira bruyamment et se pinça l'arête du nez. Il bouillonnait intérieurement et n'arrivait pas à se calmer. C'était inhumain de s'en prendre aux faiblesses des autres. Jungkook était si inoffensif et semblait si fragile. Comment pouvait-on lui faire vivre de telles horreurs ?

Aussi il repensa alors au chantage qu'il lui avait fait plus tôt et fut dégoûté de lui-même. Il ne comprenait pas comment le plus jeune arrivait à rester à ses côtés sans avoir peur. S'il avait été à sa place, il aurait sans doute continué de le fuir – encore plus maintenant qu'il l'avait menacé. Ce n'était en revanche pas ce qu'il désirait. Il ne voulait plus que Jungkook le rejette.

Alors, il laissa échapper ses pensées sans prendre le temps d'y réfléchir.

– Moi, je ne te toucherai jamais.

Se laissant uniquement guider par son instinct, il se leva promptement et s'accroupit devant lui.

– Je sais que je t'ai dit quelque chose d'ignoble tout à l'heure, mais jamais je ne le ferai.

Il avança sa main avec précaution jusqu'à celle de Jungkook, mais ce dernier l'éloigna par automatisme et leurs regards s'accrochèrent l'un à l'autre. Taehyung tenta de lui faire comprendre à travers celui-ci qu'il ne risquait rien avec lui, qu'il pouvait le croire et lui faire confiance. Son expression se fit plus douce encore et il lui adressa un sourire encourageant, lui intimant de reposer sa main là où elle s'était trouvée.

Malgré une certaine appréhension visible, Jungkook céda et replaça son poignet sur son genou, lentement, fébrilement, après avoir pris une grande bouffée d'oxygène pour calmer ses tremblements.

Une boule de chaleur se forma dans la poitrine de Taehyung et cela lui donna le courage de continuer. Ses doigts se tendirent jusqu'à la manche du manteau de son camarade qui ne cessait de l'observer, intrigué, puis il la pinça au niveau de sa large ouverture pour ensuite la tirer d'un petit coup sec.

– Je ferai comme ça, si tu me l'autorises.

Il ne savait pas d'où l'idée lui était venue, il avait simplement supposé que si le contact se faisait indirect, alors, peut-être que cela passerait. Et il avait eu raison. Jungkook était encore un peu crispé et ne bougeait pas d'un centimètre, pourtant, il le laissa faire sans rechigner, s'habituant autant que possible à cette proximité pour le peu inédite avec quelqu'un d'autre.

Cela suffisait amplement. Taehyung était satisfait. Il voulait que Jungkook puisse se reposer sur lui lorsque les journées d'école se feraient trop dures. Il voulait devenir son havre de paix, sa zone de confort. Qu'il puisse passer du temps en sa compagnie sans jamais souffrir de sa phobie, sans même avoir à y penser.

– Je te protégerai, Jungkook, souffla-t-il inconsciemment.

Parce que cette expression attristée l'obsédait, parce que son cœur solitaire ne cessait de pleurer en silence et que son être entier criait pour de l'aide, Taehyung voulait le prendre sous son aile.

Plus jamais Jungkook n'aurait à supporter un enfer pareil. Pas sous sa surveillance. Pas tant qu'il serait là.

– Je te protégerai.

Et là, il le serait ; il se le jurait.

Mais le plus jeune chuchota :

– Ce n'est pas ton rôle.

Taehyung leva le visage vers lui, quittant l'image de ses phalanges si proches de sa peau laiteuse, et vit ses yeux s'embuer.

– Il me reste un an et demi à tenir, je peux le supporter...

– Que ce soit un an ou deux, peu importe. Ce sera mon rôle désormais, décida-t-il avant d'exiger calmement. Regarde-moi.

Jungkook s'était mis à fixer l'horizon et cela ne lui plaisait pas. Alors, il réitéra sa demande en tirant une nouvelle fois sur le bout de son vêtement :

– Jungkook, regarde-moi, s'il te plaît.

Les lèvres du brun frémirent et une petite larme roula sur sa joue au même moment. Taehyung se fit violence pour ne pas l'essuyer du bout de ses doigts. Frustré, il tira encore plus fort sur la manche jusqu'à ce que son camarade s'exécute et pose enfin ses prunelles sur lui.

– Je te protégerai, lui répéta-t-il, les yeux dans les yeux. Plus jamais on ne te fera du mal.

Il s'assura d'apporter à son timbre le plus de conviction possible, puis prononça ces derniers mots dans un murmure :

– Je veillerai sur toi, je te le promets.

Une promesse douce et chaude comme un soleil de printemps ; douce et chaude comme une étreinte.

Les paupières closes, Jungkook l'accueillit jusqu'au plus profond de son cœur. Doucement, il se laissa aller, bercé par les notes d'un espoir nouveau.

Et ses sanglots se mêlèrent aux chants des oiseaux. 


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Bonsoir mes piou-pious. Bon eh bien voilà, je n'ai pas résisté à l'envie de publier ce soir même si mon dernier update date de quelques jours. J'espère que vous ne m'en voulez pas :p

Ce chapitre marque un grand tournant dans la relation Taekook ! Je l'aime vraiment beaucoup. Puis maintenant, on sait pourquoi Jungkook s'évertuait à garder ses distances avec Tae. Il avait juste très peur pour lui 🥺

Pour ce qui est de la suite, je tiens à vous dire que... eh bien je suis à court de chapitres en avance haha. Et au fond, je crois que je préfère. Je ne suis pas franchement faite pour écrire dans mon coin, je me rends compte. Du coup, désormais, j'écrirai puis publierai au fur et à mesure. Les updates seront donc encore plus irréguliers, mais cela ne veut pas dire qu'ils seront moins fréquents !

À bientôt 

Astëlya


PS : Je crois qu'il n'y a pas meilleur gif pour illustrer mon petit Jungkook et son habitude de regarder le ciel...


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