Chapitre V

Lorsque Elwana ouvrit les yeux, la première chose qu'elle remarqua fut le noir ambiant. Il faisait aussi noir que dans un four, et aucune source de lumière ne lui permettait de voir, si ce n'était qu'à quelques centimètres autour d'elle. Elle essaya de se relever, mais le cliquetis métallique des menottes qui entouraient ses fins poignets la ramena à la dure réalité. Son dos se reposa sur un mur froid, dont les pierres humides éraflèrent la peau sensible de la jeune femme.

Un sursaut traversa son corps lorsqu'un bruissement se fit entendre à sa droite. Les battements de son cœur s'emballèrent tandis que son front s'humidifiait de sueur. Lentement, elle tourna la tête vers la source du bruit. Un étrange garçon, dont les mèches de cheveux retombaient doucement devant ses yeux, était attaché par les même liens qui retenaient Elwana. Encerclant ses jointures dans une étreinte douloureuse, des traces bleutées marquait sa peau blanche. Celle-ci étant à ses côtés, elle put remarquer qu'il semblait agité, se débattant dans son inconscience, murmurant des mots incompréhensibles. Soudainement, il entrouvrit les yeux et regarda la jeune femme, balbutiant difficilement.

- Elwana...

Puis, le jeune homme retomba mollement contre le mur, ayant de nouveau sombré dans un sommeil bouleversé.

Elwana, face à ce spectacle, resta interdite. Elle le scruta du regard, cherchant dans sa mémoire, mais non, elle ne le reconnaissait pas. Et pour cause ! Elle ne le connaissait tout simplement pas ! Un gémissement la tira de sa contemplation. Tournant la tête cette fois-ci à sa gauche, elle put discerner, quoique difficilement, une autre forme. Celle-ci, contrairement à celle de droite, était féminine. Ses court cheveux en bataille s'arrêtaient à la naissance de sa nuque. Ses yeux étaient entrouverts tandis qu'un nouveau gémissement de douleur traversait ses lèvres. Sentant qu'on l'observait, elle tourna lentement la tête, croisant le regard d'Elwana. Les deux jeunes filles se toisèrent en silence. Finalement, ce fut Elwana qui prit la parole, doucement, afin de ne pas plus effrayer sa voisine.

- Je... Je m'appelle Elwana... Et toi ?

Un nouveau silence pesant lui répondit avant que la voix, rendue rauque par un long mutisme, ou un cri peut-être, ne lui réponde, d'un murmure qui se perdit dans le vide.

- Oikua.

Un crissement les coupèrent tandis qu'un grincement sourd retentissait dans la petite cellule. Une porte s'ouvrit, les gonds craquant doucement. La lumière du feu éblouit les deux jeunes femmes qui fermèrent les yeux. Peu à peu, une fois de nouveau habituée à la luminosité brûlante, elles rouvrirent leurs paupières.

Un homme d'une taille imposante se tenait dans l'embrasure de la porte. Dans son dos, trois ombre évoluèrent avant de s'arrêter à une distance respectable. D'une voix sourde, glaciale comme un jour d'hiver, l'étrange individu pris la parole.

- Je vois qu'ici, les filles sont plus fortes...

Alors qu'il achevait sa phrase, il leva un bras malingre, claquant entre eux ses doigts squelettiques. Ses trois acolytes entrèrent à leur tour, jetant au sol deux masses. Réitérant la scène, il vinrent ainsi trois fois, jetant respectivement deux autres formes puis une. Un rire froid éclata tandis que l'homme reprenait.

- N'oubliez jamais mes paroles. Une prophétie est faite pour être brisée. Et moi, je briserais la vôtre !

Partant dans un rire dément, il fit demi-tour, ses jambes décharnées suivant difficilement le rythme. Il sortit ainsi du sombre cachot, faisant de nouveau un signe de la main à ses comparses. Silencieusement, ceux-ci s'inclinèrent profondément avant de s'approcher des murs. Collant leurs flambeaux au tiges sur les murs, il embrasèrent chacune d'entre-elles avant de sortir en refermant la porte. Le cliquetis des clés résonna avant que les pas ne s'éloignent sourdement.

La pièce, désormais illuminée d'une lueur orangé, semblait d'autant plus effrayante. Les murs noirs suintaient, tandis que des gouttes d'une eau boueuse chutaient dans des clapotis réguliers. La porte, petite et maculée d'une substance graisseuse, était accessible par un escaliers aux marches glissantes et inégales. La pièce était vide, dénuée de toute forme de confort élémentaire. Un cachot, où même des animaux ne pourraient vivre. Après avoir détaillé la pièce des yeux, Oikua et Elwana se regardèrent mutuellement. Les deux savaient qu'elles étaient loin d'être présentables, vêtues de haillons et couvertes de saletés et de sang séché. Pourtant, savoir qu'elles n'étaient pas seules dans cet effroyable cauchemar avait un aspect... rassurant. Ce fut à cette pensée qu'Elwana se souvint du jeune homme allongé à son flanc. Tournant la tête, elle posa ses yeux violets sur ce dernier. Ses cheveux rouges brillaient doucement à la lueur du feu. Son visage était crispé, son corps parcourut de spasmes. Ses lèvres se mouvaient dans des murmures étranges tandis que ses sourcils se fronçaient. Finalement, ses yeux s'ouvrirent lentement, son regard orangé croisant le violet des yeux d'Elwana. Alors que cette dernière s'apprêtait à prendre la parole, Oikua poussa une exclamation de surprise. Elwana tourna la tête vers cette dernière, regardant la source de sa stupeur.

Allongé aux côtés de la jeune femme, un autre jeune adolescent reposait au sol. Ses cheveux d'argent, parcourus par les reflets rougeâtres du feu, tombaient doucement sur sa nuque. Il semblait paisible, un sursaut passager s'emparant parfois de ses paupières. Une fine marque rouge ornait son cou, de longs doigts y étant incrustés. Alors que les deux jeunes femmes le dévisageait, il papillonna lentement des cils avant d'ouvrir ses yeux encore brumeux de sommeil. Finalement, ne semblant pas remarquer sa position quelque peu délicate, il s'exclama en baillant.

- Où est encore passée cette idiote de servante !

Ne recevant pas de réponse, il regarda autour de lui, remarquant pour la première fois son environnement. Son visage passa de l'étonnement au dégout, tandis qu'il reprenait de nouveau, un air précieux sur la figure.

- C'est... dégoutant ici !

Alors qu'il allait continuer sur sa lancée, une expression d'horreur prit place sur son visage pâlit. Sa lèvre trembla tandis que ses yeux se vidaient. Surprises, Oikua et Elwana se tournèrent de nouveau, tombant nez à nez avec le rougeau. Celui-ci les dévisagea, perdu, avant de se tourner à son tour.

Le regard des quatre adolescents reposait désormais sur l'amas que les gardes avaient négligemment jeté au sol. Des sanglots étouffés s'en échappait, les corps étant traversés de soubresauts incontrôlés. Oikua lâcha un couinement, une larme roulant silencieusement le long de sa joue. Elle l'avait reconnu. Le corps de sa jeune sœur reposait là, entremêlé avec celui d'autres personnes dont les visages lui étaient inconnus. Finalement, l'un des corps glissa doucement, révélant une petite femme rondelette. Oikua ne la connaissait pas, mais ce fut au tour d'Elwana de sursauter. Ses lèvres s'entrouvrirent alors qu'une exclamation s'en échappait.

- Maman Alvinya ?!

Un sursaut traversa le corps d'Alvinya avant qu'elle ne relève son visage baigné de larmes vers sa fille. Elle qui était d'habitude toujour joyeuse... Elwana ne l'avait jamais vue dans cet état. C'est à cet instant qu'elle remarqua qu'Alvinya tenait un corps serré contre elle. Le sang de la bleuté ne fit qu'un tour lorsqu'elle comprit de qui il s'agissait. Un cri de détresse franchit ses lèvres tandis qu'elle hurlait, les larmes dévalant sur son visage d'albâtre.

- Maman Aldéria !

Le corps inerte de sa mère reposait dans les bras d'Alvinya. Tirant sur ses chaines à s'en faire saigner les poignets, elle essaya de se libérer. Tout n'était qu'un rêve, ça ne pouvait pas arriver... Pourtant, la vérité était bien là, dure et cruelle. Une lame de glace enfoncée dans le cœur.

Finalement, ce fut au tour de Laith et Uikios de découvrir cette vérité sanglante. Le corps d'une petite fille, gisait contre celui encore tremblant d'Alvinya. Le liquide vermeille s'écoulait d'une plaie béante qui traversait son cou potelé. Ses yeux, vitreux, ne reflétaient plus que la mort elle-même. Laith reconnu là une de ses élèves. Une enfant calme et sans histoire. Une fillette qui ne méritait pas ce sort. Les larmes refusèrent de couler tandis que des soubresauts s'emparaient de son corps. La mort ne le quitterais alors jamais... Aux côtés de la jeune enfant, pliée dans une posture improbable, reposait celui d'une jeune femme a la longue chevelure d'argent. Uikios fut saisi d'un tremblement compulsif tandis que ses yeux s'écarquillaient. Un hoquet franchit ses lèvres suivit d'un gémissement plaintif alors qu'il fermait les yeux fortement.

- N...non...

Alors que seuls les sanglots des quatres adolescents retentissaient dans l'immonde cachot, une clameur s'éleva au dehors. La porte s'ouvrit soudainement sur une jeune fille. Sa peau était si pâle qu'elle semblait translucide, et la lumière du feu traversait ses vêtements déchirés. Ses longs cheveux blancs tombaient au creux de ses reins et encadraient un visage qui, si il n'avait pas été couvert de tuméfaction, aurait put être digne d'un être féerique. Elle devait n'être qu'une enfant, son corps ne possédant aucunes formes proéminentes. Alors qu'elle tendait lentement une main maigre vers eux, ses lèvres s'entrouvrèrent pour laisser passer un mince filet de voix. Elle récita quelques paroles incompréhensibles et des symboles cabalistiques apparurent autour des chaînes noircies qui retenaient les compagnons d'infortune prisonniers. Une explosion retentit tandis que leurs liens se brisaient dans un bruit effroyable.

Alors qu'ils se relevaient chacun leur tour, elle les regardait, campée sur ses deux pieds avant de s'exprimer d'une voix forte.

- La révolution commence...

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