Chapitre III


Bercée par les doux remous de la rivière qui s'écoulait en contrebas de la falaise, Oikua écoutait les sons de la nature. Ses yeux vairons se posèrent sur l'eau aux reflets amarantes. Les pierres lumineuses d'oksidane brillaient doucement au fond du torrent tumultueux, faisant étinceler les gracieux kioan. La jeune fille regarda une de ces créatures qui c'était éloigné du groupe. Les écailles de l'étrange bête, aux couleurs coruscantes, flambaient au contact des oksidane. Un sourire mélancolique apparut sur les lèvres d'Oikua. Elle n'était pas la seule à être rejetée alors... La jeune fille se leva, étirant ses longs membres, avant de jeter un dernier regard à l'onde pure qui glissait tel un ruban de soie au pied de la falaise. Elle secoua doucement la tête, ses courts cheveux rose pâle se soulevant à ce mouvement. Une voix au loin cria son nom, la faisant se retourner pour apercevoir une jeune enfant, partageant une ressemblance troublante avec elle arriver en courant avec facilité dans le noir, souriante. Un sourire doux prit place sur son visage fin tandis qu'elle ouvrait les bras, cueillant sa jeune sœur au vol. Celle-ci n'avait que 9 ans, ce n'était encore qu'une Ikiai. Un rire cristallin s'échappa de la gorge de l'enfant, rapidement suivie par Oikua. Elle aimait sa sœur. Après tout, c'était la dernière personne qu'il lui restait. Raffermissant sa prise sur la taille de la petite fille, elle baissa la tête vers cette dernière avant de lui parler, d'une voix douce.

- Tu voulais quelque chose Ekinai ?

La dénommée Ekinai sourit espièglement avant de nicher sa tête dans son cou.

- J'ai trouvé quelque chose et je voulais te le donner !

Avec un sourire enfantin et innocent, elle descendit des bras de sa sœur, posant sa petite besace au sol avant d'en sortir tout ce qu'elle contenait. Des bocaux remplis de petites bêtes qui se tordaient lentement, tirant une légère grimace de dégout à Oikua. Des stylets de couleurs apparurent à leur tour, suivis d'un petit poanis. C'était un petit carnet, cousu main, dans lequel s'entassait des feuilles de fyuino, un arbre dont les feuilles, blanches comme de la craie, étaient utilisées pour le dessin ou l'écriture. Oikua l'avait fabriqué, il y a des élékas déjà, pour la petite Kinai, celle-ci aimant déjà dessiner depuis son plus jeune âge. L'adolescente était heureuse, Kinai l'utilisait toujours. Finalement, après avoir sorti une boîte de jioki confits, ces petits bonbons dont raffolaient les enfants, fabriqués à base du fruit du huijon, elle brandit fièrement une petite boîte crasseuse. Oikua eut un léger haut-le-cœur mais prit tout de même la boîte, attendrie par l'air fier de sa sœur. A l'aide de sa tunique courte, elle essuya la terre noire qui recouvrait l'étrange coffre. Ses yeux s'écarquillèrent en découvrant l'objet. Une fois nettoyé, le bois gris au reflets bleutés était juste magnifique. Elle reconnu immédiatement le constituant de la boîte comme étant du Nijali, le bois d'un arbre terriblement rare. La boîte était délicatement gravée, les ornements s'entrelaçant aisément. Au centre, des mots dans la langue perdue étaient ciselés, entourés par des pierres aux miroitements écarlates. Cherchant un mécanisme d'ouverture, Oikua tourna et retourna la boîte entre ses mains, appuyant sur chaque pierre. Finalement, un léger renfoncement se fit sentir sous ses doigts. Elle observa le minuscule bouton, taillé dans l'écorce même, et augmenta la pression dessus. Un léger cliquetis retentit, tandis que l'étrange réceptacle s'ouvrait dans un grincement sourd. La plus jeune récupéra une torche, dont les flammes ardentes illuminait doucement le contenu. Un joyau brillait doucement au fond, délicatement posé au creux d'un velours rouge. Oikua attrapa doucement la chaîne argenté, observant attentivement l'élégant collier. Un Okuos, cette créature mystique aux ailes de feu s'enroulait autour d'une croix, semblant garder jalousement la pierre qui miroitait faiblement au sommet. Les délicats reflets rouges rosés flattait l'œil d'Oikua qui ne put s'empêcher d'effleurer la perle du bout d'un de ses doigts. L'Alexandrite sembla s'embraser quelques instants avant de reprendre une couleur naturelle.

Ekinai souriait toujours lorsque sa sœur aînée tourna la tête vers elle. Elle tendit les mains, signifiant qu'elle voulait lui mettre le pendentif elle-même. Oikua se baissa donc à la hauteur de la jeune enfant, celle-ci passant ses mains froides autour du cou de son aînée avant de lui attacher le bijou. Un frisson glacé parcourut l'échine de la jeune fille avant qu'une douce chaleur ne se répande dans tout son être. Elle resta quelques instants là, immobile, bercée par la danse brûlante du feu dans son corps et son âme. Des hurlements haineux retentirent dans son dos, la faisant se retourner automatiquement. Elle put voir, comme au ralenti, les villageois courir dans leur direction. Les flambeaux qu'ils pointaient dans leur direction jetait des éclats effrayant sur les yunoli et kiopa dont ils étaient armés. Les lames effilées marquées des ombres noires, celle-ci farandolant follement dans la lueur vacillante des flammes, évitait pourtant toujours les bords sombres que formait l'obscurité du monde de Ryuiao. Oikua attrapa sa sœur par la main, partant en courant dans la direction opposée à celle de leur assaillants. Pourtant, de nouveaux ennemis menaçants apparurent de toute part, les encerclant rapidement. Forcée à reculées, les deux sœurs se retrouvèrent rapidement acculées, le bord de la falaise et la rivière orange semblant leur tendre les bras. Les cris des paysans et leurs regards de glace et de sang firent trembler les deux sœurs, un frisson d'horreur les traversant jusque dans leurs coeurs. Une clameur jaillit de la foule, enflammant les âmes tourmentés.

- Tuez-les ! Tuez les maudites !

Ekinai serra la main d'Oikua, faisant craquer les os de ses phalanges. Le tremblement de ses membres s'étaient intensifiés. La jeune enfant releva la tête, ses yeux vairons croisant ceux identiques de sa sœur. Le regard d'Oikua s'attarda sur la marque écarlate qui s'étendait sur le visage de la petite. La même que la sienne. La marque des Liuopa, les démons fous. Leur mère avait la même marque, les même yeux. Une malédiction qui toujours touchait les membres féminins de la famille. Les démons fous du péché. Oikua posa doucement une main sur la joue de sa petite sœur, voulant la calmer. Un cri plus fort la fit pourtant sursauter. Le morceau de terre sous ses pieds trembla avant de céder dans un effroyable craquement. Oikua vit la suite au ralentit. Les hurlements dans son dos se tarirent peu à peu jusqu'à se faner dans l'obscurité de glace, les images s'assombrissant à leur tour. Dans une tentative désespérée, la jeune femme aux cheveux roses tandis la main dans le vide. Ses doigts fins effleurèrent ceux encore potelés de l'enfant, ne parvenant pas à s'agripper à ceux-ci. La chute se fit comme trop lente. Oikua put voir l'expression effrayée de Ekinai tandis qu'elle approchait de sa mort. Finalement, un rocher termina sa route mortelle. Un craquement sinistre résonna dans l'air, se portant jusqu'aux oreilles de la jeune femme. Elle n'avait même pas put crier. Une flaque vermeille se forma lentement autour de la tête de l'Ikiai. Son cou formait un angle étrange, tordu dans un sens impossible. Ses bras étaient repliés vers l'arrière, pendants mollement au bord du rocher, flottant au gré de l'onde désormais rouge de sang. Ses jambes écartés, désarticulées comme celles d'une poupée de chiffon, étaient désormais immobiles. Un cri déchira l'air, vrillant la gorge de sa productrice. Oikua hurla de toute ses forces, son désespoir tranchant la vallée ténébreuse. Les larmes dévalaient son visage, son cœur se fendant. Les bruits autour d'elle parvinrent finalement à ses oreilles, les cris de victoire l'enrageant. Une pensée meurtrière passa dans son esprit avant de disparaître. Son regard s'attarda de nouveau sur le corps de sa jeune sœur. Un pas. Un pas et elle la rejoignait. Ensemble à jamais. Ses jambes avancèrent d'elles-mêmes et le vide la happa à son tour. L'air lui déchirait la peau, le sifflement lui brisant les tympans. Alors que ses yeux se fermaient, une ombre plus noire encore que le ciel l'entoura, se glissant lentement autour de sa taille avant de l'enserrer dans une étreinte glaçante. Oikua se dit seulement alors que la mort aurait mieux valu. Ses yeux se fermèrent lentement, ses oreilles sifflant affreusement, brisant son centre d'équilibre. L'inconscience l'accueillit peu à peu en son sein tandis qu'une voix, tranchante comme une lame soufflait au creux de son oreille meurtrie.

- Ton cœur est mort, la prophétie se brise...


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