Chapitre II
Laith regardait par la fenêtre, surveillant les jeunes enfants qui s'ébattaient joyeusement dans les hautes herbes violettes, se cachant dans l'obscurité ambiante. L'agréable lumière produite par les flammes du flambeau allumé à ses côtés projetait des ombres douces, illuminant le sol sur quelques mètres à l'extérieur. Promenant son regard à l'horizon, celui-ci s'attarda finalement sur le ciel d'encre, ses pensées s'égarant lentement. Les cris des enfants le ramenèrent pourtant rapidement à la réalité. La pause était finie, le cour allait reprendre. Les bambins s'installèrent à leur place, bruyants, avant de rapidement céder la place au silence lorsque leur maître tapa doucement dans ses mains. Il était grandement respecté ici, autant pour sa vive intelligence que pour ses méthodes pédagogiques : tout était dans la patience. Forcer un jeune n'était pas la solution pour qu'il apprenne ou comprenne.
Remettant en place une mèche de cheveux rouges, il se tourna vers le mur et prit un étrange stylet blanc. Les mots qu'il écrivit s'envolèrent doucement avant de flotter vers les apprenants, ceux-ci attendant, les yeux grands ouverts, émerveillés. Un élinay de lettres blanches apparut, cabrant ses longues pattes crochues avant de glisser dans l'air, traversant sans mal les flammes orangés des flambeaux. Sa crinière de fumée s'éparpilla doucement, les lettres s'en détachant formant d'autres élinay, plus chétifs. Ses pattes arrière, musclées, lui permirent de se propulser vers l'avant, le faisant atterrir sur le bureau de bois d'un des enfant. Tandis que ce dernier regardait l'animal, celui-ci se pâmait, n'omettant pas de mettre en valeur ses cornes élégantes et ses muscles saillants. Les autres, nouveau-nés, suivaient l'exemple en déployant leurs atouts, des ailes fines comme de la soie, transparentes comme du verre. De délicates nervures de diamant les parcouraient, brillant de mille feux lorsque la lumière les frappait.
Laith prit finalement la parole, laissant les enfants à leur contemplation. Il leur montra, aidé d'un jeune élinay encore farouche, les diamants qui ornait leurs ailes, leur expliquant les propriétés de ces cristaux rares. Le jeune professeur leur apprit tout ce que les enfants voulaient savoir, répondant avec pertinence aux questions posées.
L'heure des cours s'écoula rapidement, les enfants quittèrent peu à peu la petite salle en le saluant de la main. Laith rangea calmement la classe, remettant en place les chaises avant d'attraper son petit sac. Il put finalement sortir, puis, remettant son sac sur son épaule, se dirigea lentement vers la colline. La lumière des flambeaux plantés dans la terre meuble lui permettait d'éviter les nombreux rochers dispersés sur la route. Apaisé par la noirceur ambiante, Laith se laissa aller à la contemplation du paysage du Monde de Poiura. L'herbe violette s'étendait à perte de vue, avalée petit à petit par la mer noire et silencieuse qu'était l'obscurité. Comme des fleurs sortant de terre, quelques parcelles du sol ocre apparaissaient à travers l'étendue lavande. De nombreux arbres fruitiers poussaient au bord des chemins, réunissant des Alionis, dont le fruit amer se mangeait principalement confit et des Niuis, un arbre qui ne produisait son fruit, le précieux Iuis, que tous les 12 élékas. Sa récolte était très importante et les fruits étaient précieusement conservés, servant de remède contre la fièvre. Enfin, son regard s'attarda sur le Mireoinis. Cet arbre, existant depuis des élionas, était sacré sur ces terres. C'était l'arbre de Mireoi, l'élémentaire de l'air, son nom même étant tiré de celui de la divinité. Même si les autres éléments étaient également célébrés, Mireoi faisait l'œuvre d'un culte particulier. Toucher à cet arbre, qui selon la légende avait abrité l'élément de l'éducation, c'était s'assurer la mort. Laith hésita quelques instants avant de s'approcher de ce fameux résineux.
Dans son village, il était connu comme un adolescent calme et maîtrisé, pourtant, chacun ignorait le profond mal-être dont il faisait l'objet. De nature mélancolique, le jeune homme se repliait souvent sur lui-même, se perdant dans les méandre d'un passé trop vif.
Un soupir doux franchit les lèvres de Laith tandis qu'il s'asseyait face à l'arbre, enlevant ses chaussures avec lenteur. L'herbe fraîche sous ses pieds lui soutira un léger frisson tandis que les brins violets se glissaient entre ses orteils. S'allongeant, il ferma doucement les yeux tandis qu'il s'égarait lentement dans le royaume des songes.
Les hurlements de terreurs. L'odeur âcre du sang et de la fumée lui brûlait la gorge. Il était là, au milieu de ce massacre, perdu. Il porta une main à sa joue et la regarda, surpris. Elle était humide de ses larmes. Alors qu'il allait partir, une voix lointaine et inconnue, l'interpella, portée par le vent.
- Laith... !
Il ignora l'étrange voix, essayant de s'éloigner de ce spectacle atroce, mais ses pieds refusaient de bouger, comme plantés dans le sol. Le hurlement ce répéta tandis qu'une silhouette se formait sous ses yeux. Elle était trop loin pour qu'il puisse discerner les traits de son visage, mais il reconnu une femme aux formes plus développées qu'elle possédait. Laith la vit courir dans sa direction, incapable d'exécuter le moindre geste. Lorsqu'elle se planta devant lui, le souffle court, la première chose qu'il remarqua était ses cheveux bleus, coupés à la garconne. Quelques mèches rebelles se promenait devant ses yeux verts et ses pommettes rouges. Elle prit finalement la parole, essoufflée et le regard affolé.
- Laith ! J-je te cherchais partout ! J-j'ai perdu Uikios... Il...
Elle n'eut le temps d'achever sa phrase qu'une flèche noire lui transperçait l'estomac. Surprise, elle baissa la tête sur la pointe désormais rougis par son sang et lâcha une petite exclamation de surprise. Une gerbe écarlate jaillit de ses lèvres tandis que son corps chutait lourdement au sol, s'écrasant dans un bruit mat. Quelques soubresauts parcoururent sa chair avant que ses yeux ne se ferment pour toujours. Un cri franchit les lèvres jusqu'ici closes de Laith, hurlant un nom qui lui était pourtant inconnu.
- Elwana !!!
Tout devint flou autour de lui tandis que les explosions et hurlements se tarissaient, remplacé par un sifflement sourd.
Laith ouvrit brusquement les yeux, en sueur. Le cœur battant, il tourna la tête, découvrant un ruyin, ce petit insecte longiligne qui produisait ce sifflement agaçant. Résistant à l'envie de l'écraser, il ferma les yeux, se passant une main sur le front. Laith se mit à réfléchir, essayant de se remémorer son rêve. Peine perdue, il avait totalement disparu de ses pensées. Un soupir de découragement s'échappa de ses lèvres tandis qu'il se redressa, remarquant pour la première fois depuis son réveil sa main crispée dans l'herbe. Il relâcha la pression sur la végétation, prenant bien garde à ne pas en arracher, avant de se mettre debout. Il récupéra ses chaussures dans une main, sa besace dans l'autre, avant de doucement reprendre sa route vers sa maisonnette, ses pieds nus s'enfonçant légèrement dans la terre humide. Instinctivement, il porta une main au collier qui ornait son cou, collier donné par sa défunte mère. Ses doigts agrippèrent les fins ornements, caressant chaque recoins qu'il connaissait désormais par cœur avant de s'attarder sur l'aventurine qui se trouvait en son centre, dans un carcan d'or blanc. La pierre verte l'avait toujours fascinée, le représentant parfaitement selon lui : le calme et la patience. Il laissa finalement retomber le délicat joyau sur sa tunique en arrivant devant sa demeure. C'était une modeste maison faite de pierre et de bois. L'extérieur n'avait rien d'exceptionnel, si ce n'était le minuscule jardin. Différentes fleurs au parfum de miel s'y présentait, flattant l'œil des passants. Une torche était suspendue juste au-dessus, donnant une vue sur les sublimes couleurs, qui, passant du bleu au violet ou du jaune au orangé dans de légers dégradés, donnait un arc-en-ciel parfumé. Laith se pencha, humant les douces fragrances sucrées avant de rentrer dans la petite chaumière. La lueur vacillante du feu l'y attendait, les ombres dansantes l'accueillant chaleureusement. Laissant tomber ses chaussures au sol, il s'approcha de la cheminée, perdant son regard dans les flammes orangées. Adressant une courte prière muette au protecteur de son peuple, il releva la tête, le feu lançant des ombres douces sur son visage. Écoutant les doux crépitements que produisait celui-ci, il se perdit doucement dans ses souvenirs, le feu lui réchauffant agréablement les jambes.
Il n'entendit pas les pas dans son dos, ni même ne vit l'ombre inquiétante qui s'étendit entre ses jambes. Il ne sentit pas l'étrange odeur douceâtre avant que le mouchoir ne soit posé sur son visage. Son âme de professeur analysa l'odeur et son appartenance plutôt que de penser à se débattre. Du flysolis, cette fleur à l'odeur particulièrement enivrante, connue pour ses propriétés paralysantes et anesthésiantes. Il avait fait un cours dessus lors de la ehysas passée, montrant à ses élèves comment la manipuler avec précaution. Son esprit s'embrumait lentement, son corps s'engourdissant peu à peu. Les couleurs fanèrent sous ses yeux tandis que la pièce se mit à tourner à un rythme effréné. Son corps bascula sur le côté avant de s'effondrer brutalement au sol. Alors que ses pensées s'assombrissaient, il entendit un murmure glacial à son oreille, lui donnant un dernier frisson.
- La fin n'est que le commencement...
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