Chapitre I

Elwana regardait le ciel, silencieuse. L'immensité éternellement noire qui se déployait sous ses yeux était comme un grand drap de velours, sombre et pesant. Ses longs cheveux bleus flottaient doucement, soulevés par la brise légère. Un soupir franchit ses lèvres peintes tandis qu'elle s'appuyait sur sa main. L'herbe chatouillait agréablement ses jambes, effleurant ses chevilles délicates alors qu'elle glissait une main entre les brins rouges, entremêlant ses doigts fins aux filins écarlates. Finalement, elle saisit une touffe du feuillage rougit, tirant dessus. Celui-ci résista quelques instants avant de céder dans un craquement doux, l'herbe se fanant immédiatement. Elwana relâcha la verdure maintenant sèche, qui disparue en poussière en atterrissant sur le sol. La jeune femme ferma les yeux quelques instants avant de les rouvrir, se levant avec lenteur. Elle jeta un dernier regard au ciel avant de se diriger vers une petite maison, perdue dans la plaine. Ouvrant la porte, une femme d'une taille imposante se tourna vers elle, souriante.

- Bonsoir Elwana !

La bleuté la regarda avant de défaire sa ceinture, la posant sur la table basse. Son couteau glissa légèrement du fourreau et la femme devant elle claqua de la langue contre son palais.

- Je t'ai déjà dit, pas d'arme sur la table.

- Je sais Maman Aldéria... Pardon. Marmonna la jeune femme avant de se saisir de la lame, la faisant tournoyer entre ses doigts sous le regard exaspéré d'Aldéria.

Elwana alla s'asseoir sur son lit, composé d'une peau de Delrwin tannée, avant de se laisser tomber en arrière, sa tête heurtant l'oreiller. Aldéria retourna aux fourneaux, ne portant plus attention à sa fille, celle-ci s'étant de nouveau perdue dans la contemplation de son couteau. La lame, effilée et tranchante, était plantée dans un morceau de bois d'Eljian, cet arbre qui ne donnait des fruits qu'une fois tous les 8 élékas. Son bois était réputé pour sa robustesse mais aussi pour la facilité de sa manipulation. Dessus ce trouvaient gravés les symboles anciens de son peuple, décrivant les quatre éléments majeurs : Alioa, la Terre ; Loieo, le Feu ; Mireoi, l'Air et Dekaoine, l'Eau. Incrustées sous chaque symbole, des pierreries miroitaient dans la lumière tamisée de l'âtre. La rouge, andésine, représentait Alioa, mère protectrice. La violette, améthyste, Loieo, le vengeur. La rose pâle, spinelle, était destinée à Mireoi, l'éducation. La dernière, d'un orange profond, zircon, évoquait Dekaoine, la douceur. C'était les quatre protecteurs, les quatre exemples à suivre. Leur légende avait fait le tour du monde de Buuaka, peut-être même des autres mondes. Elwana posa finalement le couteau près d'elle, focalisant son attention sur le plafond de l'habitation, repensant au jour où elle l'avait reçu, le jour de ses 15 printemps. C'était l'âge terminal l'âge où l'on passait d'enfant, Ikiai à Nokiai, l'âge adulte. C'est à ce moment-ci que la porte s'ouvrit sur une femme rondelette, de petite taille, au visage jovial. Elle entra rapidement, laissant tomber son sac au sol avant de s'approcher de Aldéria.

- Bonsoir !

Elle était débordante d'énergie et joyeuse, chantonnant un air qui lui passait par la tête. Elle s'installa aux côtés de la seconde femme de la maison en souriant. Cette dernière se tourna vers elle avant de se baisser, l'embrassant tendrement puis se redressa.

- Bonsoir Alvinya. Tu as passé une bonne journée ?

La dénommée Alvinya s'étira, faisant craquer les os de sa nuque puis de son dos en gémissant doucement avant de prendre la parole.

- Une journée de travail comme les autres... Mais rentrer ici me remonte tout de suite le moral !

Comme si de rien n'était, elle se dirigea vers Elwana, s'arrêtant juste devant le lit de celle-ci. Elwana releva la tête vers la nouvelle arrivante, tandis que celle-ci lui souriait. Tout autant qu'Aldéria était responsable, Alvinya était le contraire même : irresponsable, mais toujours souriante. Son cœur était trop pur et généreux. La jeune femme lui rendit finalement son sourire, s'asseyant sur le bord du lit pour lui faire la bise.

- Bonsoir Maman Alvinya... Je suis contente de te voir...

La mère sourit d'autant plus, son cœur se réchauffant doucement à ses paroles.

- Je suis contente aussi ma chérie ! Je t'ai ramené un cadeau !

Joignant le geste à la parole, elle enfonça sa main dans sa poche, en retirant un nombre incalculable de choses, aussi étranges qu'inutiles. Parmi ces choses se trouvait un émoniu, ce drôle d'engin ressemblant à un minuscule parapluie tenant dans une main, servait à se protéger de n'importe quel temps une fois déployé. L'on y trouvait aussi son uniuyi, un petit coutelas, très répandu, qui servait principalement à évider les bêtes. Cependant, si l'on sait s'en servir, il peut devenir une arme dangereuse. Bien sûr, Alvinya savait l'utiliser, elle le maniait même avec une dextérité stupéfiante étant donné son degré d'insouciance. C'était même elle qui avait appris à Elwana à se battre. Enfin, après que le lit et le sol soient jonchés d'objets en tout genre, elle poussa une petite exclamation joyeuse, sortant une longue chaîne argentée d'où pendait un fin entrelacs. Le métal s'enroulait sur lui-même avec finesse et complexité, la luminosité ambiante jetant des ombres sur les coins de celui-ci. Au centre, une petite pierre bleue brillait faiblement, reflétant la lumière du feu qui se mouvait dans la cheminée de pierre. Une tanzanite, cette pierre plus rare que le diamant. Son regard se perdit dans le bleu profond du joyau, sous les yeux amusé d'Alvinya. Un sourire mystérieux collé sur son visage, celle-ci murmura, Elwana pouvant être ainsi la seule à l'entendre.

- Tu sais, c'est une pierre spéciale...

Sa curiosité étant désormais piqué par cette seule phrase, Elwana se pencha vers la femme devant elle, interrogative. Sa mère reprit alors la parole, un air pour une fois sérieux sur le visage.

- Cette pierre s'appelle...

Alors qu'elle allait parler, son visage passa rapidement, presque imperceptiblement, à la confusion avant qu'elle n'explose de rire.

- C'est bête, j'ai oublié !

La bleuté cligna des yeux, désorientée, avant de se passer une main sur le visage. C'était bien Alvinya, elle ne changerait jamais. Pourtant, un petit sourire prit place sur son visage, amusée du comportement de cette dernière. Elle se releva, glissa ses mains de part et d'autre de son cou avant d'accrocher le collier qui retomba gracieusement au creux de sa poitrine. La luminosité de la pierre sembla augmenter quelques instants puis redevint comme la mer calme. Une fois le collier solidement accroché à son cou, Elwana se rendit auprès d'Aldéria, se décidant à l'aider à préparer le repas. Le dîner se passa finalement dans la bonne humeur, une ambiance bonne enfant régnait dans la petite chaumière. Lorsque vint l'heure du couché, les trois résidentes se souhaitèrent bonne nuit, les deux plus âgés rejoignant leur couche, dissimulée par un lourd rideau de Juioa, tandis que la plus jeune rejoignait son lit. Se glissant sous la couverture de Delrwin, Elwana regarda le plafond quelques instants avant de finalement sombrer dans un profond sommeil, peuplé de rêves étranges.

Ce fut le grondement sourd qui réveilla Elwana. Alors qu'elle ouvrait les yeux, la terre se mit à trembler, secouant les murs de la maisonnée comme si ce n'était que de vulgaires brindilles. Les meubles s'écrasaient au sol, les poteries se brisant avec fracas. Le sol de terre battue se craquelait par endroit, les fissures grimpant tel du lierre le long des murs, avant d'aller lézarder la cheminée qui se fendit. La jeune femme se releva, sur ses gardes et saisit son couteau avant de sauter du lit, se précipitant vers la porte. Elle n'eut que le temps de voir une ombre se former sous ses yeux qu'un coup s'abattait sur son crâne, résonnant violemment dans celui-ci. Son corps s'écroula au sol tel une masse, ses oreilles sifflant tandis qu'un liquide poisseux s'écoulait de la plaie. Elle assista à la suite au ralenti. La maison s'écroulant dans un grand fracas, Aldéria et Alvinya qui s'écroulaient à ses côtés et cette ombre qui se penchait sur elle, un sourire froid sur le visage. La douleur prit le pas sur sa conscience et le voile rouge de l'inconscience tomba devant ses yeux, la dernière chose qu'elle entendit n'étant qu'un murmure à son oreille.

- Le miroir de l'Éternité doit être détruis...



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