Je veux que tu saches

Ladybug était combative, forte, généreuse, intelligente, belle...

En un mot, merveilleuse.

Adrien, sous le masque de Chat Noir, en était tombé follement amoureux.

Désespérément amoureux.

Car l'héroïne ne lui rendait pas ses sentiments. Elle le lui avait dit quand il s'était déclaré.

C'était un soir de patrouille ordinaire si l'on mettait de côté que c'était la Saint Valentin et qu'ils venaient de vaincre un nouvel akumatisé. Il avait voulu faire les choses bien : terrasse illuminée de bougies, dîner pique-nique aux chandelles, musique douce, vue sur la Seine. Le grand jeu, en somme.

Mais, cela ne fut pas suffisant.

Ladybug tenait délicatement la rose rouge qu'il venait de lui offrir, un peu comme si elle n'en croyait pas ses yeux. Son partenaire était sur des charbons ardents, il attendait sa réponse avec anxiété.

Au bout d'un moment qui lui parut une éternité, elle releva la tête et lui rendit la fleur. Chat Noir crut entendre son cœur se briser en même temps que la douleur fulgurante qui lui traversa la poitrine lui coupa le souffle.

- Chat, je suis touchée par tes attentions mais je ne peux pas y répondre, dit-elle d'un ton désolé.

- Pourquoi ? réussit-il à articuler malgré la gorge serrée.

Ses yeux le regardaient avec compassion et embarras. Elle l'aurait poignardé qu'il aurait eu moins mal.

- Nous sommes des superhéros, Chat, commença la coccinelle. Notre devoir passe avant tout le reste.

Très certainement alimentée par sa douleur, la colère commença à l'envahir.

- Mais nous ne sommes pas que des superhéros ! On a une vie en-dehors de, de ÇA ! s'exclama-t-il en écartant les bras avant de lui montrer sa bague.

- Oui mais c'est à Ladybug que tu t'adresses. Pas à la fille sous le masque.

- Je t'aime tout entière pour ce que tu es, avec ou sans masque ! se récria-t-il en s'emportant.

Surprise par la véhémence de ses propos, elle en resta muette. Puis, elle prit une expression peinée et ferma ses yeux bleus.

- Nous ne le saurons jamais, dit-elle à voix basse.

Elle se redressa et saisit son yoyo à la taille, prête à partir.

- Il suffirait que tu me le dises et ce serait réglé, lui lança-t-il avec amertume.

Soufflée par le ton qu'il employa, elle resta figée dans sa posture. Ses sourcils froncés annonçaient son agacement.

- Que je te dise quoi ? Mon identité secrète ? demanda-t-elle en espérant le contraire.

- On est partenaire depuis longtemps, maintenant. Ce serait légitime, affirma-t-il en croisant les bras.

Abasourdie, Ladybug en oublia de répondre. Chat Noir fut noyé dans un nuage d'étincelles vertes. L'héroïne, malgré son hébétement, se détourna aussitôt.

- Mais ça va pas ! De quel droit me forces-tu la main ?! lui cria-t-elle de dos.

- J'en ai marre de ne pas savoir, de chercher ton regard et ton sourire dans chaque brune aux yeux bleus que je croise dans la rue, avoua Chat Noir avec tristesse. Tu es la personne la plus importante de ma vie mais nous ne nous connaissons pas. Je ne le fais pas pour te forcer la main, je veux être honnête avec toi. Je veux que tu saches qui je suis.

Joignant le geste à la parole, il s'avança vers elle pour lui faire face. Mais elle s'obstinait à garder les yeux fermés et à se détourner.

- Ouvre les yeux.

- Non.

- S'il te plaît.

- J'ai dit "Non" !

Elle le repoussa avec force et il atterrit les quatre fers en l'air. Il était dans un état second, la seule chose qui importait, qui l'animait était qu'elle ouvre les yeux. Qu'elle le voit vraiment.

- Ça suffit ! cria Ladybug d'un ton furieux. Ton masque est là pour te protéger toi et tes proches ! Le Papillon pourrait frapper à tout instant, notre sécurité tient uniquement grâce à ce secret ! Et toi... tu le jettes aux orties pour des raisons égoïstes !

Le mépris et la déception dégoulinaient de sa voix. Adrien en eut des frissons et se sentit misérable.

- Elle a raison, gamin. T'aurais pas un camembert sur toi par hasard ?

Ne reconnaissant pas cette voix, Ladybug sursauta et ouvrit les yeux par réflexe. Elle tomba sur le kwami du Chat Noir.

- Enchanté, Ladybug ! Je suis Plagg.

Elle se rendit compte que la silhouette de son porteur était dans son champ de vision latérale. Son rythme cardiaque accéléra et une boule d'angoisse se logea dans son ventre. Elle mentirait en disant qu'elle n'avait jamais été curieuse de savoir qui se cachait derrière le masque et les oreilles de Chat Noir. Mais c'était un concept abstrait, un jeu plus qu'un besoin concret.

L'héroïne dut néanmoins user de toute sa volonté pour se détourner. Elle serra les dents en sentant une larme rouler sur sa joue.

- Prochaine patrouille, après-demain. Même heure, même lieu. Ne sois pas en retard.

Cette fois-ci, elle ne lui laissa pas l'occasion d'en placer une et disparut dans la nuit.

- Hé gamin, je crois que tu l'as vraiment énervé, cette fois-ci !

- Sans déconner, Plagg ? gémit Adrien en plaquant ses mains sur son visage. Sans déconner...

____________________________

Alya et Marinette étaient les meilleures amies du monde depuis la fin du collège. L'état d'esprit de l'une ne pouvait jamais échapper à l'autre. Et présentement, sa chère amie aux éternelles couettes était, au mieux, morose.

- Qu'est-ce qui ne va pas, Marinette ? lui demanda-t-elle en cherchant à résoudre un problème de chimie.

La tête reposant sur ses bras croisés sur la table, la lycéenne grommela. Elle avait pleuré et peu dormi. Elle était dans un état de confusion qui lui mettait les nerfs à vif. Néanmoins, elle se devait de donner le change. Elle ne pouvait légitimement pas expliquer la raison de son humeur maussade.

À savoir que Chat Noir avait avoué ses sentiments à Ladybug qui n'était autre qu'elle-même.

Elle se releva en soupirant, le menton soutenu par ses poings.

- Je me suis disputé avec mon meilleur ami.

La jeune Césaire jongla avec son stylo attendant la suite.

- Mais encore ? l'encouragea-t-elle avec délicatesse au bout d'un moment.

- Il m'a fait une déclaration.

Écarquillant les yeux, Alya abaissa ses lunettes pour regarder par-dessus celles-ci et mieux observer son amie.

- Woh ! Une vraie de vraie ?

- Plus vraie que nature. Imagine une scène romantique ? Multiplie-la par deux fois neuf et tu obtiendras l'équivalent de ce qu'il m'a réservé.

- J'en déduis à ta tête de dix pieds de long que ça s'est mal passé ?

Marinette se passa les mains sur le visage et soupira.

- En effet.

- Tu ne ressens rien d'amoureux pour lui ? Tu m'as pourtant dit que vous étiez très proches et que tu n'imaginais pas le perdre.

Ses doigts se crispèrent tandis qu'elle inspirait avec difficulté.

- Ce n'est pas aussi simple que ça.

- Ah bon ? La question l'est pourtant, lui répliqua Alya, pas convaincue. Tu l'aimes, oui ou non ?

La jeune Dupain-Cheng marmonna quelque chose que même en tendant l'oreille sa meilleure amie n'entendit pas.

- Quoi ? Parle plus fort !

- Je. Ne. Sais. Pas, articula Marinette, à bout de nerfs.

Alya eut un rire un peu moqueur, l'air de dire qu'elle n'était pas croyable.

- Et comment ça se passe avec Nino, au fait ? lui rétorqua Marinette, un sourire en coin.

La jeune fille rougit et trouva soudainement un intérêt tout particulier pour la mole.

- Pourquoi se passerait-il quoi que ce soit avec lui ?

Le ton mal assuré ne trompa pas son amie qui l'observait une étincelle ironique dans le regard. Elle souffla et se pencha à son tour sur ses devoirs. La vie continuait pendant qu'elle devait gérer le chaos émotionnel qu'elle était.

Rejeter quelqu'un, c'était une chose. Rejeter un ami, c'était autre chose. Rejeter son meilleur ami, c'était encore autre chose. Et rejeter son coéquipier superhéroïque, n'en parlons même pas. Et puis, ce n'était pas comme si elle pouvait couper les ponts avec lui, ni qu'elle en avait envie d'ailleurs. La situation était compliquée.

Et puis elle lui en voulait d'avoir voulu se révéler. Quel idiot, quel égoïste ! Ce n'était pas comme si elle n'avait pas eu le projet de le faire le jour où il vaincrait le Papillon, mais voilà qu'il avait entrouvert la boîte de Pandore. Elle avait failli savoir. Et n'était-ce pas là que le bât blessait ?

Elle aurait pu savoir qui il était sans son masque.

Mais il ne le fallait pas.

Il l'avait tenté et elle était passé à deux doigts d'enfreindre son code de conduite.

Elle repassait les images dans sa tête : le kwami du Chat Noir, Plagg, et cette silhouette dans son champ de vision latérale.

Elle l'avait vu sans le voir.

Si frustrant et irritant.

Constatant qu'elle n'arriverait pas à avancer dans ses devoirs, elle rangea ses affaires et décida de rentrer chez elle.

- Je vais y aller. À demain, Alya.

- À demain, miss ! la salua-t-elle avant de replonger dans ses problèmes.

De retour chez elle, Marinette se cala sur sa terrasse avec une infusion. Elle avait besoin de réfléchir au calme. Tikki grignotait en bas, elle était vraiment seule.

Avait-elle des sentiments pour Chat Noir ? C'était difficile à dire.

S'impliquer de cette manière pouvait compromettre sa mission, leur mission. Il fallait bien qu'il y en ait un sur les deux qui garde la tête froide. Il fallait qu'il y en ait au moins un qui sache se montrer raisonnable en ayant la tête bien sur les épaules.

Mais si elle mettait de côté le devoir héroïque ? Qu'est-ce qu'il restait ? Il n'y avait qu'une silhouette derrière le masque. Elle le connaissait sans savoir qui il était vraiment. Elle était attachée à lui, cela ne faisait aucun doute.

Il était courageux, dévoué, intelligent et, (elle ne le lui avouerait jamais même sous la torture) drôle. Ses jeux de mots horribles la navraient autant qu'ils l'amusaient. Elle avait compris depuis longtemps que c'était sa manière à lui de dédramatiser les choses. Le jour où il cesserait d'en faire, elle pourrait commencer à s'inquiéter.

Quelque chose attira son attention. En tournant la tête, elle sentit son cœur rater un battement. Une silhouette noire très familière bondissait au-dessus des toits parisiens. Mais qu'est-ce qu'il faisait transformé en fin de journée ? Ils n'étaient pas censés patrouiller avant demain soir. Bah. S'il avait du temps libre et pas de devoirs à faire, ça le regardait. Elle, en revanche... Marinette soupira et redescendit dans sa chambre. Ses problèmes de chimie l'attendaient avec impatience.

Au moment où elle disparut par la trappe, Chat Noir se retourna pour chercher le mouvement qu'il avait cru apercevoir. Ne remarquant rien de particulier, il continua sa ballade avec le sentiment fugace d'avoir raté quelque chose.

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- Un nouvel élève ? s'étonna Marinette le lendemain en s'installant à sa place.

- Marinette ! On est prévenu depuis une semaine de son arrivée ! Ça t'arrive d'écouter en classe, dis ? lui répondit Alya en levant les yeux au ciel.

- Parfois, oui. Alors ? Qu'a-t-il de si extraordinaire ce nouvel élève ?

- Tu ne sais donc pas, Dupain-Cheng ?

Marinette ferma les yeux et pria Sainte-Patience pour lui venir en aide. Lorsqu'elle les rouvrit, Chloé Bourgeois était en appui des deux mains sur son bureau. La jeune fille plissa le nez, la fille du maire ne savait toujours pas faire la différence entre se doucher et se parfumer. Invasion de son territoire : code jaune.

- Le nouvel élève est Adrien ! Et c'est mon ami d'enfance !

- Et c'est sensé me renseigner ? C'est qui "Adrien" ? lui répondit Marinette, un peu larguée.

Sabrina débarqua à ce moment-là et s'assit sur son bureau les yeux rivés à son téléphone. Elles s'étaient donc données le mot pour s'arroser ainsi. Marinette eut rapidement la nausée. Invasion de son territoire : code orange.

- Mais enfin ! Tu débarques, ma vieille ! C'est Adrien Agreste, le fils du grand styliste dont tu es pourtant fan, à ce qu'il paraît !

- Il est tellement génial ! Et c'est un mannequin de renommée internationale ! Avoue que tu es jalouse ! la pressa Chloé en se penchant vers elle.

Invasion de son territoire : code rouge.

Heureusement, Madame Bustier entra en classe, accompagné du nouvel arrivant.

- ADRICHOUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUU !

La fille du maire se précipita vers son ami d'enfance pour se jeter dans ses bras. Trop heureuse que cette dernière l'ait oublié, Marinette souffla un peu quand Sabrina suivit le mouvement. Quelqu'un avait dû oublié d'implanter la notion d'espace vital lors de la conception de Chloé et de Sabrina. Elle sentit venir les prémices d'une migraine. Génial.

- Salut Chloé, lui répondit-il, la voix un peu tendue.

Marinette dut avouer qu'elle était curieuse, elle avait déjà vu quelques publicités de lui. Le voir en vrai était quelque chose qui sortait de l'ordinaire. Il était plus grand qu'elle d'une demi-tête, plutôt mince. Quoi que... non, elle devait revoir l'évaluation de sa musculature. Il devait faire régulièrement du sport pour être aussi baraqué. Il avait les cheveux blonds sagement coiffés et les traits fins. Ce qui la surprit fut la couleur de ses yeux lorsqu'il les leva à la rencontre de ses camarades de classe.

Il décrocha doucement mais fermement Chloé pendant que leur professeur principal faisait les présentations.

Ses yeux étaient d'un vert magnifique. Lumineux et vif. Malgré la timidité qu'il dégageait, on sentait qu'il était très heureux à l'idée d'être ici et de les rejoindre.

Lorsque son regard balaya la classe, il accrocha le sien.

Elle en oublia de respirer.

Il se figea.

Le reste du monde avait cessé d'exister.

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