J'ai comme un doute

- ... seras donc le voisin de table de Nino. J'espère que tu passeras une bonne année parmi nous, conclut Madame Bustier.

Adrien fixait toujours Marinette qui le fixait toujours. Un étrange silence suivit l'invitation de leur professeur. Chacun prenait peu à peu conscience qu'il se passait quelque chose. Agacée par ce qu'elle voyait sans trop saisir ce "quelque chose", Chloé crut bon d'intervenir.

- Adrichou, si tu ne veux pas, tu peux venir t'asseoir à côté de moi ! s'exclama-t-elle en poussant vivement Sabrina.

La jeune Raincomprix émit un cri de surprise suivi d'un autre de douleur lorsqu'elle glissa du banc et tomba par terre.

- Chloé ! l'apostropha Madame Bustier. Ce n'est pas ainsi qu'on traite ses amis.

Cela suffit à briser l'envoûtement. Les deux adolescents revinrent sur terre, Adrien se précipita pour aider une Sabrina en pleurs à se relever.

- Ça va ? Tu ne t'es pas fait mal ? lui demanda-t-il avec sollicitude.

Elle secoua la tête et hésita à se rasseoir. Adrien vola à son secours :

- C'est gentil, Chloé, mais je ne vais pas obliger ton amie à changer de place alors qu'il y en a une de libre, déclara-t-il sans lui laisser l'occasion d'en placer une.

Joignant le geste à la parole, il prit place à côté de Nino. Donc, devant Marinette qui avait du mal à se remettre de ses émotions. Pendant que leur nouveau camarade faisait connaissance avec Nino et que Sabrina se faisait gronder par sa délicieuse voisine de banc, Alya fixait à son tour sa meilleure amie. Elle n'avait pas manqué l'étrange échange qui venait de se produire.

N'y tenant plus, elle lui donna un petit coup de coude en lui montrant des yeux son nouveau voisin de devant de manière appuyée et interrogative. Marinette lui fit signe de la main de laisser tomber, il lui fallait toute sa volonté pour garder contenance. Si Alya la harcelait, elle ne garantissait pas qu'elle finirait la journée en un seul morceau.

Oh non. Ce soir.

Le sang reflua de son visage, la faisant subitement pâlir. Des points noirs et blancs dansèrent dans son champ de vision en un ballet étourdissant. Manquant d'air, elle inspira précipitamment pour trouver l'oxygène dont elle semblait tant manquer. Tout ce qu'elle sentait était le parfum écœurant et étouffant de Chloé. Elle porta la main à sa poitrine, elle avait l'impression qu'on lui appuyait sur la cage thoracique à chaque inspiration. Sa respiration se faisait laborieuse et sifflante.

Oh non, elle se serait bien passée de ça.

- Marinette, ça va ? s'inquiéta Alya avant de réaliser ce qu'il se passait. Tu fais une crise ! Ta trousse de secours est bien dans ton sac ?

Toute la classe se retourna. Madame Bustier arrêta aussitôt son cours pour venir auprès d'elle.

- Gardez votre calme, s'il vous plaît. Marinette, je vais fouiller dans ton sac. D'accord ?

La jeune fille ne put que hocher de la tête, trop occupée à lutter contre la panique. Son professeur lui tendit l'inhalateur en lui posant une main réconfortante dans le dos. Pleine de reconnaissance et un peu rassérénée, Marinette agita le dispositif tout en vidant ses poumons le plus possible. Elle inspira une dose du médicament puis retint sa respiration quelques secondes. Elle grimaça, elle ne se ferait jamais au goût douceâtre du produit. Enfin, elle expira.

Elle inspira à nouveau plus lentement, plus librement. C'était passé.

- Merci, madame, dit-elle faiblement au bout d'un moment.

- De rien. Si tu souhaites aller prendre un peu l'air avant de revenir, tu peux sortir mais pas toute seule. Alya ?

- Oui, madame.

Emportant son inhalateur, Marinette suivit de près sa garde-malade d'amie.

- Alix ? Rose ? Ouvrez les fenêtres pour aérer la classe, s'il vous plaît, demanda leur professeur avant de reprendre le cours.

En sortant de classe, la lycéenne put respirer à nouveau. Littéralement. Les deux jeunes filles marchèrent un peu et se posèrent dans un coin au calme.

- Ça faisait longtemps que tu n'avais pas fait de crise, dit simplement Alya en s'asseyant sur le dossier.

Marinette se posa avec pesanteur, épuisée.

- En même temps, je suis fatiguée, et puis Chloé et Sabrina se sont aspergées de parfum. Toutes les conditions étaient réunies pour.

Sa meilleure amie lui tapota l'épaule.

- Tu ne peux vraiment pas la sentir, hein ?

Son interlocutrice releva la tête pour la regarder avec une expression atterrée. C'était vraiment digne de Chat Noir. Elle eut une pointe au cœur en pensant à lui.

- Je n'ai jamais vraiment eu quoi que ce soit contre elle, mais je reconnais que je ne suis pas du genre à tendre l'autre joue, avoua-t-elle en haussant les épaules.

Alya hésita un peu puis se lança.

- Et Adrien ?

Marinette fit tout pour ne laisser paraître aucune réaction. Elle déglutit et tenta de prendre un ton désinvolte.

- Quoi Adrien ?

- Miss, vous vous êtes fixés pendant au moins deux longues minutes ! Vous vous connaissez ?

Afin de dissimuler son visage, Marinette se redressa et mit ses coudes en appui sur ses genoux. Elle fixa une crevasse dans le sol.

- Je ne sais pas. Peut-être.

- Comment ça "peut-être" ?! Tu ne le connaissais pas tout à l'heure ! s'exclama Alya dans l'incompréhension la plus totale.

- C'est pour ça que j'ai dit que je ne savais pas. C'est juste...

Pendue à ses lèvres, Alya ne put attendre plus longtemps que son amie pousse sa réflexion plus loin.

- C'est juste que quoi ?! la pressa-t-elle au bord de la crise d'hystérie.

Son interlocutrice expira longuement.
- Tu vas trouver ça cliché et ridicule...

- Mari, je t'adore mais je vais t'étriper si tu n'accouches pas tout de suite !

Insensible à ses menaces, la jeune fille posa son menton dans sa main et soupira.

- C'est juste que j'ai l'impression que ses yeux me sont familiers.

Le silence s'installa jusqu'à ce que Marinette s'inquiète du manque de réaction de son amie. En se retournant, elle put constater que celle-ci était pensive.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Tu as raison, c'est cliché. Il est mannequin, ma belle. Son portrait est régulièrement affiché dans tout Paris. Il a les yeux verts les plus connus du monde entier. Et moi qui m'attendais à du croustillant...

Marinette aurait pu se ranger à son avis...

... si Ladybug ne connaissait pas quelqu'un qui possédait les mêmes prunelles.

- Du coup, ça veut dire qu'il a flashé sur toi ? relança Alya d'une voix excitée.

Marinette se passa une main sur les yeux et reconsidéra d'ériger une chapelle à Sainte Patience.

____________________________

Le reste de la journée s'écoula sans autre événement notable.

Chloé et Sabrina eurent droit à un rappel des différents déclencheurs de l'asthme ainsi que sur la juste quantité de parfum à porter. Elles vinrent s'excuser auprès de Marinette. Un peu du bout des lèvres pour la jeune Bourgeois, mais quand même. Marinette, pas rancunière pour un sou, accepta leurs excuses et se mit en mode automatique pour le reste de la journée.

Enfin, juste assez pour jeter régulièrement des coups d'œil à son voisin de devant.

Ce dernier sentait ses cheveux régulièrement se hérisser sur sa nuque. La journée avait été riche en surprises. Mais la plus grande fut certainement de croiser ces deux yeux bleus à la couleur si particulière. Il croyait rêver mais la jeune fille en question, Marinette, avait eu la même réaction que lui. Ou une absence de réaction pour être exact. Après, il était également possible que ce soit son aura de mannequin qui l'ait perturbé. Le fol espoir, il avait déjà donné. Et il donnerait encore s'il lui en était donné l'occasion. De cela, il en était tout autant certain que dépité. Il était un amoureux transi sans espoir de rédemption.

Sa crise d'asthme l'avait pris par surprise. Il ne s'attendait pas à ça. Il ne pouvait pas dire qu'il avait des attentes particulières mais cette affection, cette maladie lui avait fait un choc. Il n'était pas ignare mais y être confronté avait quelque chose de surréaliste. Sa vie de tous les jours était relativement tranquille. La voir manquer d'air, être le témoin impuissant de sa détresse... il en avait fait des cauchemars et venait d'en vivre un.

Peut-être qu'il s'emballait trop sur une simple paire d'yeux mais son instinct, ou plutôt son cœur, lui disait le contraire. Cette nuance de bleu, la forme, les cils, l'éclat particulier... Était-il en train de devenir fou ? Peut-être bien. Il en aurait le cœur net lors de la patrouille de ce soir. Il jeta un bref coup d'œil par-dessus son épaule.  Inconsciente des réflexions qu'elle engendrait chez son camarade, Marinette était plongée dans la recopie des cours dispensés.

Il eut un sourire qui n'échappa pas à son voisin et nouvel ami, Nino Lahiffe. À la pause de l'après-midi, il lui montra les endroits importants. À savoir : les toilettes, la cafétéria, la salle de travail et enfin la boulangerie "Chez Tom & Sabine" qui était littéralement à deux minutes du lycée.

- La meilleure de tout Paris ! Garantie ! fit le jeune garçon après avoir commandé des brioches fourrées caramel et chocolat.

- C'est gentil à toi, Nino, lui répondit la boulangère derrière le comptoir. Et que voudrait ton camarade ?

- Euh, eh bien...

Adrien avait un régime alimentaire très stricte et être ici... c'était comme être dans la caverne d'Ali Baba. Tellement de choix, tellement de tentations. Il était persuadé de prendre du poids rien qu'en regardant la vitrine.

- Devant l'indécision de mon ami, je vais choisir pour lui. Un croissant et une brioche parisienne, Madame Sabine.

- Tout de suite ! Ce sera tout ? lui demanda Sabine Cheng qu'il réalisa être la mère de Marinette.

C'était ça qui l'avait perturbé. D'elle, Marinette avait hérité ses traits asiatiques et ses cheveux noirs aux reflets bleus. Et puis... Elles avaient le même sourire chaleureux. Celui qui vous fait sentir chanceux d'être celui à qui elle le destine.

- Oui, merci ! 

Il régla sa commande et sortit. Lorsqu'il mordit dans le croissant, il laissa échapper une exclamation incontrôlée sous le regard amusé de son ami. Croustillant à l'extérieur, fondant à l'intérieur. Un délicieux goût de beurre qui fond dans la bouche. Chaque mastication laissait échapper des saveurs insoupçonnées. Il en eut les larmes aux yeux.

- C'est le paradis, hein ? fit Nino en croquant un macaron.

Il ne put que hocher de la tête puis avaler lentement sa viennoiserie. Il regretta presque de ne pas en avoir pris plus.

- T'inquiètes, mec. On pourra y revenir tous les jours. Cela te donnera peut-être même l'occasion de croiser Marinette.

Adrien faillit s'étouffer et toussa un peu avant de demander à Nino de quoi il voulait parler.

- Je crois que Kim et Alix ont déjà parié sur le temps que vous mettriez à sortir ensemble, continua-t-il en tapant dans le dos de son pote.

Ils repassèrent le portail du lycée.

- Ils ne vont pas un peu vite en besogne ? demanda Adrien qui ne savait plus où se mettre.

- Vous ne vous êtes pas vus. C'était digne d'une scène de rencontre dans un film romantique ! déclara-t-il en faisant un cadre avec ses doigts.

Au travers, il regardait Adrien qui ne savait vraiment plus où se mettre.

- D'ailleurs...

- En classe, jeunes gens ! La cloche vient de sonner ! leur lança vivement Madame Mendeleiev en se rendant dans la sienne.

Adrien remercia la providence qui l'avait mise sur leur chemin et se précipita à l'intérieur pour éviter des questions plus embarrassantes.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top