Le miracle de Noël

Pdv Louis

Je marche rapidement sur les trottoirs recouverts de neige de ma petite ville.

Emmitouflé dans mon manteau, mes mains gantées portant de nombreux sacs, le nez plongé dans mon écharpe et mon bonnet vissé sur la tête, j'évite de glisser sur les plaques de verglas qui se cachent sournoisement sous la couche de poudreuse. Il faut dire que les Vans, ce n'est pas vraiment adapté pour ce temps. Mais je n'ai rien d'autre alors je fais avec.

La neige continue de tomber avec insistance depuis ce matin, recouvrant de son grand manteau blanc chaque recoin de la ville. Et moi, j'ai vraiment froid bordel. J'aime la neige hein, mais seulement si ça inclut une maison chauffée par un immense feu de cheminée, un plaid tout doux sur mes genoux, un thé aux fruits rouges dans les mains et un bon film à la télé. J'ai dû être chat dans une autre vie.

Devoir sortir avec un temps pareil est une vraie torture pour moi, surtout quand la municipalité n'a pas encore salé les trottoirs et qu'ils se sont transformés en véritable patinoire. Les paquets qui m'encombrent n'arrangent rien, il faut bien le dire. Mais bon, les cadeaux de Noël ne vont pas se faire tout seuls il paraît, malgré tout ce qu'on nous a fait croire lorsqu'on était gosse.

Dommage...

Les vacances commencent bien !

Soupirant, je débouche sur la rue de mon enfance. Celle qui a été témoin de mes meilleurs moments comme des pires. Celle qui m'a vu grandir, faire mes premières expériences plus ou moins réussies, qui a vu mon père partir et mon beau-père arriver, celle qui a vu ma fratrie s'agrandir. J'aime cet endroit. Lorsque je partirai pour faire ma vie, pour me créer de nouveaux souvenirs ailleurs, ce qui arrivera immanquablement après la fin de mes études, j'aurais toujours un attachement particulier pour cet endroit.

Alors que je marche avec précaution, les yeux fixés devant moi, je dérape sur une plaque de verglas que je n'avais pas vue. Un moment d'inattention qui me vaut une belle glissade. Alors que je pense que je vais m'étaler au sol et me faire très mal, deux bras puissants me retiennent in extremis. Immobilisé dans la chaleur de cet inconnu, je souffle doucement pour me remettre de la jolie frayeur que je viens de me faire.

Remerciant mon sauveur, je me redresse sur mes pieds et lève la tête vers cette personne et là, mon cœur s'arrête avant de s'emballer comme un fou. Évidemment, entre toutes les personnes qui vivent ici, il fallait que ça tombe sur lui. Enfin... que je tombe sur lui. Ou du moins que ce soit lui qui m'ait rattrapé... bref, quoi qu'il en soit, je sens mes joues chauffer doucement tandis que je fais un pas en arrière pour retrouver un minimum de contenance. Mais comme les astres ont décidé d'être contre moi, je glisse de nouveau.

Et de nouveau, il me rattrape en laissant échapper un petit rire qui me retourne l'estomac. Je crois que si je pouvais m'enfoncer sous terre à ce moment précis, c'est bien ce que je ferais. Je n'ose même pas relever la tête pour le regarder en face. Ça m'est juste impossible. Nous restons un moment ainsi, en silence, lui me tenant toujours fermement et moi au bord de l'apoplexie, sans qu'un mot ne soit échangé. Je me sens tellement stupide.

Ce mec aura ma mort, c'est définitif.

Ça va ? s'enquiert-il finalement de sa voix rauque qui me donne un frisson.

Je hoche la tête et ose finalement lever le regard vers lui. Je tombe automatiquement dans ses prunelles émeraude qui me déstabilisent encore plus, si c'était encore possible. Il ne porte pas de bonnet et je me rends compte qu'il a coupé ses longs cheveux. Ses boucles ne se voient plus trop, mais la souplesse de ses cheveux les trahissent malgré tout. Enfin... à mes yeux à moi qui connais le moindre détail qui le caractérise. En tout cas, sa nouvelle coupe lui va encore mieux qu'avant, le rendant plus angélique, plus jeune, plus... sexy ?

Je me racle la gorge pour revenir à moi et fais mine de prendre un air détaché. Je suppose que je dois échouer lamentablement, car l'éclat d'amusement qui a traversé ses iris ne m'échappe pas. Il me tend un sourire qui fait ressortir ses fossettes et là je crois que je suis perdu. Je ne sais plus comment réagir, quoi dire, mon cerveau s'est mis en pause. Harry (c'est son prénom) finit par me relâcher et se reculer prudemment. Son regard ne lâche pas le mien. Lui aussi à des paquets dans les mains, mais il est a de bonnes chaussures qui lui permettent de tenir debout sans risquer de s'étaler à chaque pas.

Je cligne des yeux et finis par souffler pour me reprendre. Un nuage de fumée s'échappe de ma bouche.

Oui, merci, je finis par répondre, totalement à l'ouest.

Son sourire s'accentue encore et il hausse les épaules d'un air nonchalant.

C'est rien. Tu rentrais ?

Oui... j'ai froid, je me sens obligé de préciser, comme si ça pouvait expliquer mon absence de neurone temporaire et mes réactions lentes comme si elles-mêmes s'étaient congelées avec les températures négatives.

Je te raccompagne, ça me semble plus prudent, lance-t-il avec un naturel déconcertant.

Je n'ai pas le temps de lui répondre quoi que ce soit, qu'il s'est déjà décalé sur le côté et qu'il a passé tous ses sacs dans une main afin de pouvoir m'agripper le bras avec l'autre. Je suppose que c'est psychologique, mais l'endroit où il me tient semble tout à coup être devenu incandescent. Tout comme mes joues d'ailleurs qui, elles me brûlent carrément et pas que dans ma tête. Mon cœur bat tellement fort que je me demande comment il n'est pas encore sorti de ma poitrine et comment Harry fait pour ne pas l'entendre.

Nous reprenons notre marche en silence, moi concentré sur mes pieds pour m'éviter une nouvelle honte cuisante et parce que je ne sais pas vraiment comment réagir. Je ne sais pas quoi lui dire. Je suis plutôt d'une nature ouverte et sociable habituellement. Je parle beaucoup, avec tout le monde, je suis assez apprécié des autres comme je les apprécie moi-même. Je vis ma vie sans me soucier de grand-chose, plutôt bien dans mes baskets et à l'aise avec ma sexualité. J'assume ma bisexualité sans problème sans l'afficher non plus. Mais dès qu'il s'agit d'Harry, je ne suis plus personne. Je deviens un gars timide qui n'arrive pas à aligner deux mots de suite sans bégayer et qui devient maladroit.

Le vrai cliché de l'amoureux transi.

Ce que je suis au final, et ça depuis trois ans maintenant.

Il ne le sait pas, du moins pas officiellement. Mes réactions étranges ont dû le mettre sur la voie, à moins qu'il ne me prenne juste pour un abruti un peu bizarre qui arrive à peine à le regarder droit dans les yeux. Je suis tombé presque instantanément sous son charme dès la première fois que je l'ai vu. Il venait d'emménager dans la maison en face de la mienne avec sa mère, son beau-père et sa grande sœur. Ils étaient venus sonner à notre porte avec un gâteau et leurs plus beaux sourires. Ça avait matché immédiatement avec mes parents qui les avaient invités à boire un thé. Pour ma part, j'étais resté scotché sans n'oser rien dire.

La fin de journée s'était passée tranquillement. Harry avait bien essayé de me parler, mais j'avais comme oublié l'usage de la parole, ne répondant que par monosyllabes et avec des hochements de tête. Il n'avait pas paru s'en offusquer et avait continué sur sa lancée, sous le regard amusé de ma mère qui avait bien compris pourquoi j'étais subitement devenu muet. Malgré mon incapacité flagrante à communiquer avec lui, je m'étais vite rendu compte qu'en plus d'une plastique avantageuse, il avait une tête bien faite et qu'on avait les mêmes goûts.

Expliquez-moi comment j'aurais pu m'en sortir ?

Comment j'aurais pu ne pas craquer sur lui ?

Ce mec est définitivement un ange tentateur.

À partir de ce jour-là, Harry avait mis un point d'honneur à me saluer chaque jour. Lorsqu'on se retrouvait sur le chemin du lycée, il me parlait sans prêter attention à mon attitude plus que bizarre. C'est ainsi que j'avais appris qu'il était plus jeune que moi de deux ans, qu'il adorait lire et qu'il projetait de devenir un jour prof de lettres. Si moi j'étais incapable de formuler trois phrases cohérentes en sa présence, lui, ça ne semblait pas le gêner. Je n'ai jamais compris ce qui le poussait ainsi à venir vers moi. Quel intérêt il pouvait bien me trouver alors que je n'ai jamais été des plus avenant avec lui ?

Quoi qu'il en soit, je n'ai jamais réussi à me le sortir de la tête et de mon cœur. J'ai bien essayé d'avoir d'autres relations, mais immanquablement, filles comme garçons, ça ne me convenait jamais, principalement parce qu'ils n'étaient pas assez « Harry ».

Je me désespère tout seul.

Et puis, cette année, je suis entré à la fac et c'est devenu encore plus compliqué pour moi, car lui est toujours au lycée. Il m'était impossible de le voir au quotidien, comme je pouvais le faire avant. C'est à ce moment précis que je me suis rendu compte de l'étendue de mes sentiments pour lui. À quel point la situation me pesait et me rendait malheureux. J'ai donc imaginé mille stratagèmes pour lui parler, lui avouer ce que je ressentais tout au fond de moi, mais je n'ai jamais trouvé le courage nécessaire pour aller au bout de ma démarche. La peur du rejet est devenue bien trop puissante. Imaginer qu'il puisse me regarder autrement ou qu'il ne veuille même plus daigner poser ses yeux sur moi serait une épreuve bien trop difficile à supporter.

Je ne m'en remettrai pas.

En définitive, tout garder pour moi ce n'est pas mieux, parce que ça me bouffe littéralement.

Harry, de son côté, continue sa petite vie et semble bien dans ses baskets. Il a des amis, il participe à des fêtes et je l'ai même vu quelques fois en couple. Qu'avec des filles. Dois-je préciser que ça m'a valu de nombreuses nuits blanches et des litres de larmes mouillant mon oreiller ? Mais malgré tout, je n'ai jamais réussi à lui avouer ce que je ressentais ni à passer à autre chose et ça commence à me peser. Je souffre de ma solitude, j'ai besoin d'affection et d'attention, mais rien ni personne n'arrive à me le sortir de la tête. Or lui ne s'intéresse pas à moi de cette façon-là. Il est gentil, bavard, mais il n'a jamais montré autre chose qu'un intérêt poli, sans doute dicté par la bienséance qu'il doit y avoir entre voisins.

Je ne suis que le voisin d'en face un peu bizarre, après tout.

Alors que nous marchons lentement pour nous éviter une nouvelle glissade mémorable, c'est une nouvelle fois Harry qui brise le silence qui s'est installé entre nous. Quelquefois, je me dis qu'il a un sacré moral de toujours vouloir me parler alors que je suis une vraie huître en sa présence.

Ta mère t'a dit qu'on allait passer Noël tous ensemble ? s'enquiert-il en tournant son visage d'ange vers moi.

Heu... non, elle ne m'a rien dit, je réponds, partagé entre l'envie de hurler de joie et de pleurer de désolation.

Comment vais-je tenir toute une soirée avec de l'alcool dans le sang en sa compagnie sans risquer de lui arracher sa chemise ? Voilà une énigme qu'il va falloir que je me dépêche de résoudre, car Noël... et bien, c'est bientôt.

Tu... hum... tu seras là ? demande-t-il de nouveau, semblant hésiter.

Oui, bien sûr.

Il hoche la tête et se concentre de nouveau sur ses pas.

La fac, ça se passe bien ? demande-t-il au bout d'une poignée de seconde.

Je relève la tête vers lui et rencontre son regard qui brille particulièrement aujourd'hui. Je suis déstabilisé par sa question. Jusqu'ici, il se contentait de me raconter sa vie, ses envies, ses espoirs et quelques fois même ses contrariétés, mais il ne m'avait jamais posé de question sur moi. En même temps, il n'y a rien d'intéressant à savoir. Je cligne des yeux et lui réponds finalement pour ne pas passer pour un asocial fini.

Ça va oui... ça me plaît bien. C'est enrichissant même s'il y a beaucoup de travail.

J'ai hâte... souffle-t-il. Tu fais toujours du foot ?

Je suis étonné qu'il sache ça de moi. Ignorant mon rythme cardiaque qui s'est de nouveau emballé, je prends sur moi pour que ma voix ne trahisse pas mon étonnement et l'explosion qui vient d'avoir lieu dans mon ventre.

Oui... c'est grâce à ça que j'ai eu ma bourse.

Il me sourit et détourne son regard tout en continuant à avancer. Nous sommes presque arrivés et je me surprends à ne pas avoir envie qu'on se sépare. Pour une fois que j'arrive à aligner deux mots en sa présence. Poussé par un courage qui m'est venu de je ne sais où, pour la première fois depuis que je le connais, j'ose relancer la discussion en lui posant une question à mon tour.

Et toi ? Le lycée ? Ça se passe bien ?

Il reporte son attention vers moi et je vois à ses yeux qu'il est étonné par mon initiative. Je sens presque automatiquement mes joues rougir, mais je ne baisse pas la tête. J'ai envie, pour une fois, d'agir en homme et d'arrêter de fuir.

J'en ai un peu marre. J'ai hâte que ce soit fini pour aller à la fac moi aussi.

La fin de l'année va arriver à grands pas, ce sera vite fini.

Il hausse les épaules, l'air peu convaincu.

Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu as un souci là-bas ? je le questionne, subitement inquiet.

Hein ? Non, non, tout va bien. C'est juste que...

Il hésite et a resserré inconsciemment sa main autour de mon bras.

Oui ? je l'encourage doucement.

Certaines personnes me manquent. Fin... surtout une, finit-il par lâcher pendant que je sens mon cœur se fissurer.

Évidemment. Il a quelqu'un dans sa vie qu'il va s'empresser de retrouver dès qu'il aura son diplôme en poche.

Qu'est-ce que je croyais ? Qu'il allait s'intéresser à moi alors que je ne lui ai jamais montré qui j'étais vraiment ? Freiné par ma timidité et mon manque d'assurance que seul lui sait éveiller en moi ?

Au mieux, il m'a vu évoluer au milieu de mes amis quand j'étais encore au lycée et il a dû se dire que je le snobais parce que j'estimais que ce n'était encore qu'un gamin. Au pire, il pense que je suis un être creux, sans conversation ni aucun intérêt qui ne le divertit que le temps que dure son trajet.

Je me racle la gorge doucement pour me reprendre, car je commence à flipper et ce n'est pas le moment. J'aurais bien le temps de pleurer toutes les larmes de mon corps, une fois seul dans ma chambre. Autant donner le change en attendant.

Tu la retrouveras vite, je ne m'en fais pas pour toi.

Il tourne de nouveau sa tête vers moi, mais ne répond rien, une lueur que je ne saurais définir traversant ses iris verts. Nous arrivons finalement devant chez moi. Nous nous arrêtons et il me fait face, m'offrant un sourire qui fait retourner mon estomac. Bon sang, être aussi beau n'est pas humainement possible.

Ça devrait être interdit par la loi, tient.

C'est la première fois que tu me parles autant... me fait-il remarquer en se balançant sur ses pieds.

Il n'y a aucune méchanceté dans ses mots, aucun jugement, juste un constat. Mon cœur qui avait fini par se calmer s'emballe de nouveau. Il a raison et ça me fait plaisir qu'il s'en soit rendu compte. Je lui souris à mon tour et il se fige, comme hypnotisé. Et je me rends compte que je n'ai pas dû beaucoup lui sourire en trois ans.

Mais quel con ! Comment aurais-je pu espérer le charmer en restant froid et distant ? Je mérite des gifles parfois !

Je me demande brièvement si c'est trop tard pour rattraper les choses ou si cette fameuse personne qui lui manque tant a déjà pris toute la place. Au pire, je n'ai rien à perdre, non ? Ça ne peut pas être pire que ça ne l'est déjà... autant tenter le tout pour le tout...

Tu as un joli sourire... souffle-t-il en plongeant son regard dans le mien, me faisant revenir à moi.

Quoi ?! Wow... je ne sais même pas comment réagir là.

Je... heu... merci, je réponds bêtement, ne sachant pas trop quoi dire d'autre.

Il hoche de la tête et fait un pas en arrière.

Eh bien... à bientôt, Louis... lance-t-il de sa voix si particulière qui m'électrise à chaque fois que je l'entends prononcer mon prénom, ce qui n'arrive pas souvent, il faut bien le dire.

C'est le moment d'agir là. Si je veux un tant soit peu avoir la chance qu'il change son regard sur moi, c'est le moment où jamais. Je me sens un peu plus à l'aise avec lui, pour une fois, autant en profiter et faire perdurer le moment, non ? Je le regarde un instant, hésitant, avant de me lancer, au bord du malaise.

Tu... ça te dit de venir boire un truc au chaud, chez moi ? je propose en sentant mes joues chauffer une nouvelle fois.

Heureusement qu'il fait un froid polaire dehors et que j'ai la peau fragile, je pourrais toujours mettre mes rougeurs sur leur compte.

Oh... je... vraiment ?

Il s'est figé, les yeux légèrement écarquillés. Il semble décontenancé. En même temps, ce n'est pas étonnant. Jusqu'à présent, je ne me suis jamais montré aussi entreprenant avec lui, pensant plutôt à le fuir qu'à passer du temps à ses côtés.

Tu m'as sauvé d'une belle bosse après tout, je remarque en haussant les épaules, comme si tout ce qui se passait était tout à fait naturel et sans conséquence.

Techniquement, de deux belles bosses... me rappelle-t-il en riant, se passant une main dans les cheveux.

C'est vrai ! j'acquiesce en m'esclaffant aussi.

Il se calme presque instantanément et me regarde avec une telle intensité que ça me perturbe légèrement. Je crois qu'il ne m'a jamais entendu rire non plus en fait...

Alors ? j'insiste en me passant la main sur la nuque, mal à l'aise devant son silence insistant.

Avec plaisir, finit-il par accepter avec un sourire qui me retourne le ventre.

Sur ces mots, j'ouvre le portillon qui donne sur mon jardin, et nous gagnons mon perron. J'ouvre la porte et nous entrons au chaud. Pour une fois, il n'y a personne chez moi et je compte bien en profiter pour qu'Harry apprenne enfin qui je suis vraiment. Après nous être déchaussés et avoir posé gants, bonnets, écharpes et vestes à l'entrée, nous entrons dans la pièce principale. Je lui propose de s'asseoir sur le canapé pendant que je nous prépare nos boissons, mais il préfère me suivre jusqu'à la cuisine et s'asseoir sur un des tabourets hauts de l'îlot central.

Je tente d'ignorer son regard sur moi et fais chauffer du lait dans une casserole.

Je te prépare une de mes spécialités d'hiver, j'annonce pour meubler le silence.

J'ai hâte de découvrir ça.

Quand le lait commence à frémir, j'éteins le feu et sors deux mug du placard. Je sors également du chocolat en poudre et des chamallows. Je commence à verser le chocolat en poudre quand je sens une présence derrière moi.

Je me raidis légèrement quand Harry s'approche encore de moi et colle son torse à mon dos, posant son menton sur mon épaule. Je sens mon cœur tambouriner dans ma poitrine et mon ventre se retourner. C'est un miracle que j'arrive encore à me tenir sur mes jambes.

À quoi il joue là ? Il veut ma mort ?

D'une main tremblante, je commence à verser le lait sur le chocolat tout en touillant le liquide qui change peu à peu de couleur.

Ça m'a l'air très bon... remarque-t-il sans bouger d'un iota.

Bordel, qu'est-ce que je me sens bien là, tout contre lui. Comme j'aimerais que ce moment ne s'arrête jamais et qu'il passe ses bras autour de moi...

Une fois les deux tasses remplies, j'attrape le paquet de chamallows et en dispose quelques-uns dans la tasse. J'aimerais lui répondre, mais j'en suis incapable. Gérer la préparation des boissons et sa présence tout contre moi est déjà bien trop pour mon cerveau qui menace de griller à tout moment. Alors que je pense avoir déjà atteint le summum de la gêne, Harry enfouit son nez dans mon cou, à la jointure avec mon épaule.

Tu sens bon, souffle-t-il, me faisant frémir.

Wow, wow, wow... qu'est-ce qu'il se passe là ? Mon imagination m'a-t-elle créé un fantasme éveillé tant je me désespère de lui ? Je cligne des yeux et réussis, je ne sais comment, à retrouver ma voix pour lui répondre.

M... merci...

Je le sens rire contre moi et contre toute attente, il dépose rapidement ses lèvres sur ma peau, me faisant chavirer. S'il continue, je ne vais pas pouvoir tenir encore longtemps avant de me retourner dans ses bras et de l'embrasser comme un malade.

Louis... tu te calmes... tu respires... tout va bien... il est juste... câlin ?

Je n'ai jamais compris pourquoi avec moi, tu n'as jamais essayé de créer de lien, chuchote-t-il à mon oreille alors que je me fige. Je t'ai vu agir avec tes amis au lycée, sur le terrain de foot, avec ta famille. Tu es quelqu'un d'ouvert et de bien dans ta peau, mais pas avec moi. Avec moi, tu te fermes automatiquement, tu gardes tes distances. J'ai d'abord pensé que c'est parce que tu ne m'aimais pas beaucoup, puis j'ai pensé que mon âge te freinait... ça m'a fait mal, mais je me suis dit qu'avec un peu de persévérance, tu verrais que je suis peut-être plus jeune que toi, mais que je ne suis pas un gamin pour autant.

Je... je ne t'ai jamais considéré comme un gamin... j'arrive à lui répondre, le cœur battant à tout rompre. Je ne t'ai jamais détesté non plus.

Quand tu es parti pour la fac, je me suis rendu compte que tu me manquais. Je me suis rendu compte que si tu m'intéressais autant, c'était parce qu'il y avait une bonne raison à ça que je n'avais jamais essayé d'analyser jusque-là. Je me suis rendu compte que tu m'as toujours fasciné... quand je te voyais rire et que tout ton visage s'illuminait comme jamais, quand je te voyais sourire et que des petites ridules apparaissaient au coin de tes yeux, quand je te voyais vivre tout simplement, j'étais comme hypnotisé... et malheureux, parce que moi, je n'ai jamais eu la chance d'avoir droit à ces sourires-là, à ces rires-là...

Il soupire sans me lâcher pour autant. Je suis abasourdi. Il partage mes sentiments ! J'ai encore du mal à y croire. Je ne bouge pas, en suspends, attendant qu'il finisse ce qu'il a à me dire. Il dépose une nouvelle fois ses lèvres dans mon cou avant de reprendre, toujours sur le même ton confidentiel.

J'étais paumé alors j'en ai parlé à mon meilleur ami. Zayn te connaît un peu, vous avez déjà passé plusieurs soirées ensemble. J'avais besoin de son avis, de son recul, de son regard différent. Il m'a dit quelque chose à laquelle je n'avais jamais pensé.

Il t'a dit quoi ? je demande dans un souffle.

L'espoir est en train de naître en moi, tenace, galvanisant. Tout mon corps semble électrisé par ses mots. Mon cœur bat comme jamais il n'a battu jusqu'ici, mes poumons respirent comme ils n'ont jamais respiré jusqu'ici, mon sang circule dans mes veines comme jamais il n'a circulé jusqu'ici. Pour la première fois depuis longtemps, je me sens vivant. Entier.

Il m'a fait prendre conscience que j'étais tombé amoureux de toi.

À ces mots, j'ouvre de grands yeux. S'il savait à quel point j'ai rêvé de l'entendre me les prononcer. S'il savait à quel point j'ai pu pleurer de désespoir au fond de mon lit en me convainquant que ça n'arriverait jamais.

Sans même m'en rendre compte, je prends une grande aspiration, comme si j'avais retenu mon souffle jusqu'ici. Comme je l'ai espéré pendant de nombreuses années, il m'entoure de ses bras et me serre contre lui. Enfin.

Il... il t'a dit autre chose ? je m'enquiers, les larmes bordant mes yeux et la voix tremblante.

Il m'a dit que si toi tu te comportais aussi bizarrement avec moi, c'était peut-être parce que toi aussi tu ressentais la même chose que moi et que tu ne savais pas comment le gérer. Zayn m'a dit que tu n'étais pas du genre silencieux et mystérieux et que j'étais sans doute la seule personne qu'il connaisse à réussir à te faire taire.

Nous rions doucement. Il n'a pas tout à fait tort. Il se calme et plonge son visage dans mon cou. Il ne bouge pas quelques secondes avant de reprendre d'une voix hésitante.

Quand je t'ai vu tout à l'heure, j'ai pris ça pour un signe. Depuis ton entrée à la fac, je n'arrivais quasiment plus à te croiser et depuis ma discussion avec Zayn, plus du tout. Alors j'ai pris mon courage à deux mains et je me suis approché. Honnêtement, je ne sais pas ce que je cherchais, si j'allais trouver le courage de te parler. Tu m'as surpris en m'invitant ici et je me suis dit que c'était le moment ou jamais.

Un nouveau silence s'installe entre nous, nous laissant le temps de digérer ce qui vient d'être dit.

Si en me levant ce matin on m'avait dit que l'homme qui fait battre mon cœur depuis trois ans partageait en fait les mêmes sentiments et qu'il allait me faire une déclaration, debout dans ma cuisine, en me serrant contre lui, jamais je ne l'aurais cru.

Il reprend la parole en butant un peu sur les mots et ça me fait bizarre, parce que d'habitude il se montre si confiant, si sûr de lui... on a échangé nos rôles...

Louis, j'ai... j'ai besoin de savoir. Est-ce que j'ai raison d'espérer ? Est-ce que Zayn a raison quand il me dit que tu partages ce que je ressens ? Je n'insisterai pas, si tu ne veux pas de moi. Je disparaîtrai de ta vie et tu n'entendras plus jamais parler de moi. J'ai... j'ai juste besoin de savoir si je peux rester ou si je dois partir.

Je ferme les yeux, laissant mes larmes couler sur mes joues. Je prends une grande respiration et relâche mon souffle en lui donnant ma réponse.

Reste...

Je ne lui laisse pas l'opportunité de changer d'avis et me retourne dans ses bras. Nos orbes s'accrochent, nos souffles se mêlent, nos nez se frôlent, mon cœur va finir par lâcher sous la tension qui se dégage de nous.

Je m'approche doucement, je m'arrête un instant, hésite une seconde, avant de finalement l'embrasser. Il me rapproche un peu plus de lui tandis que nos lèvres apprennent à se découvrir. Un doux frisson me parcoure avant que je me recule de quelques centimètres pour accrocher de nouveau nos orbes.

Je peux y lire une telle tendresse, un tel amour que je sens de nouveau des larmes se former au coin de mes yeux.

Il me sourit et se penche à son tour pour sceller nos lèvres dans un doux baiser. Cette fois, sa langue rencontre la mienne pour entamer un ballet à la fois tendre et sensuel qui me remue tout entier. Ses mains me caressent le dos tandis que les miennes jouent avec ses mèches désormais courtes.

Bordel que c'est bon !

C'est meilleur que tout ce que j'avais pu imaginer, que tous les baisers que j'ai pu échanger avant, comme s'ils n'avaient été qu'une esquisse, un essai visant à me préparer à ce baiser-là. À cet instant, je me sens si bien que j'ai l'impression que la Terre tourne de nouveau à l'endroit, que chaque chose a retrouvé sa place dans l'univers.

En trois ans, j'ai eu le temps de fantasmer, d'imaginer, de rêver... mais rien n'a jamais été comparable à ce que je suis en train de vivre. Harry est tout ce que j'attendais sans jamais oser vraiment espérer que ça m'arrive un jour. J'avais fini par me persuader qu'il resterait un rêve inaccessible, que jamais il ne poserait mon regard sur moi.

Comme quoi, tout arrive quand on y croit très fort.

Nous nous détachons et il pose son front sur le mien. Ses yeux brillent tellement forts qu'ils semblent encore plus clairs que d'habitude. Ses mèches en pagailles, son sourire si franc que ses fossettes s'impriment dans ses joues me donne le tournis.

Je ne pensais qu'un jour, ça puisse arriver vraiment, m'avoue-t-il doucement, comme en écho à mes propres pensées.

Honnêtement ? Moi non plus... je murmure, les joues rouges.

J'aime quand tu rougis... j'ai toujours aimé m'imaginer que c'était à cause de moi. Je m'accrochais à ce genre de détail pour me donner un peu d'espoir.

Il n'y a que toi qui me fasses rougir, je reconnais en haussant les épaules.

Vraiment ? s'étonne-t-il.

Vraiment, je confirme.

Alors j'en suis fier, lâche-t-il avant de picorer mes lèvres.

On se les boit ces chocolats avant qu'ils deviennent gelés ? je propose, encore un peu timide et terriblement gêné par tout ce qu'il se passe.

Il se recule, toujours souriant, et attrape les tasses derrière moi avant de m'en donner une. Nos regards ne se lâchent pas, c'est comme si on ne réalisait pas tout à fait ce qui est en train de se passer. C'est tellement dingue. Il porte son mug à sa bouche et boit doucement avant de me regarder, les yeux brillants.

Hum... vous avez des talents cachés, Monsieur Tomlinson ! remarque-t-il avant de reprendre une nouvelle gorgée de sa boisson.

Et encore... tu n'as rien vu... je murmure en soulevant un sourcil, ce qui le fait éclater de rire.

Alors c'est lui, le vrai Louis ? demande-t-il au bout d'un moment.

Ça se pourrait bien.

Il était temps que je le rencontre alors, souffle-t-il en s'approchant de moi. Je suis ravi de le connaître enfin.

Il se penche pour m'embrasser de nouveau.

Oui... enfin... je chuchote contre ses lèvres.

Ces vacances de Noël ont été finalement bien plus intéressantes que ce qu'elles étaient prévues à la base. Harry et moi ne nous sommes pas lâchés, pour le plus grand bonheur de nos mères qui, visiblement, n'attendaient que ça, apprenant à nous connaître un peu mieux.

Je ne suis pas déçu. Harry non plus, si j'en crois la manière dont il cherche toujours mon contact. En définitive, on a trois ans à rattraper. On a beaucoup parlé de nos sentiments respectifs. Il m'a avoué être sorti avec des filles dans l'espoir de me rendre jaloux. Il m'a avoué sa tristesse et son désarroi devant ma froideur manifeste. Sa jalousie lorsqu'il me voyait avec d'autres, même mes amis. Son bonheur lorsque je lui accordais enfin un peu de mon attention.

Je lui ai alors aussi avoué tout naturellement mes larmes trop longtemps cachées, ma douleur trop longtemps enfouie et cette peur presque irrationnelle de ne pas être à la hauteur et qui me faisait perdre tous mes moyens en sa présence.

Finalement, on était pareil lui et moi. On a souffert en silence du manque de l'autre. Alors on profite. De chaque minute, de chaque seconde. On parle, on se câline, on s'embrasse et on a finalement fait l'amour pour la première fois le soir de Noël, alors que nos familles respectives étaient bien trop occupées à boire et à rire pour se préoccuper de nous. On s'est échappé chez Harry, on a fini dans son lit et on s'est découvert mutuellement avec un amour brûlant, une tendresse sauvage, un désir sans fin.

Ç'a été magique. Autant pour lui que pour moi.

Ce soir-là, on s'est promis de ne jamais se lâcher. De toujours être là l'un pour l'autre quoi qu'il arrive, quoi que la vie nous réserve.

Et nous avons tenu cette promesse. Envers et contre tout. Malgré les hauts, malgré les bas, malgré les obstacles que la vie nous a réservés. Parce que les bons moments ont toujours été plus forts, plus victorieux. Nos âmes ont communié ce soir-là, en même temps que nos corps. Elles étaient appelées à s'aimer, nous étions destinés. C'est du moins ce que nous aimons nous dire, ce que nous aimons raconter, à nos enfants comme à nos petits-enfants.

Ce soir-là, il est devenu mon tout. Mon amant, mon amour, ma vie.

Ce soir-là, il est devenu mon miracle.

Mon miracle de Noël.

Fin.

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Voilà, comme promis, c'était tout mimi, sans drama, tout en douceur. 😍😍😍

5400 mots quand même ! 😨😨😨 Je crois que je ne saurais jamais faire court ! ^^😂😂😂

N'hésitez pas à écouter la musique en fond, j'adore !👍👍

Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de mon chéri. ❤❤ Je le lui souhaite donc, même s'il ne vient pas ici. 😂😂😂

Vous pourrez également trouver cet OS sur le calendrier de @-literharry. 🤗🤗 Merci à elle de m'avoir contactée et à @lele2425 de m'avoir proposée. 😉😉😘

Je vous aime fort !😘😘

💙💚

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