2.
Je soupirais, je me demandais si je ne préférerais pas me trouver sur une plage avec au bras une séduisante femme, au lieu de mon bureau à repasser en revue le compte-rendu de la réunion d'hier. Ma secrétaire frappa à la porte mettant un terme à mes rêveries. Elle entra sur une autorisation de ma part et semblait particulièrement mal à l'aise. Ses yeux jetèrent un rapide coup d'œil à la pièce, un immense bureau dans les tons bleus et blancs. Il bénéficiait d'un petit coin salon avec un canapé confortable et au centre mon bureau de PDG derrière lequel je me trouvais actuellement. J'appréciais la décoration de la pièce bien que j'aurais souhaité une touche de bleu. Toutefois, la décoratrice d'intérieur avait affirmé que cela ne faisait pas assez professionnel. Je regrettais de lui avoir fait confiance, je n'aurais pas dû l'écouter et en faire qu'à ma tête.
Les immenses baies vitrées étaient mon seul réconfort, elles donnaient sur l'entrée du Jenson building. Ce lieu était le siège social de mon entreprise, une multinationale. Nous nous trouvions à Paris en cette belle matinée de septembre, la fin des vacances était survenue depuis un certain temps déjà, pourtant cela n'empêchait pas à ma secrétaire de garder un teint parfaitement hâlé. Elle semblait vouloir me dire quelque chose, elle hésita quelques secondes, sûrement avait-elle sentis ma mauvaise humeur du moment. J'étais fatigué et une surprenante rencontre m'avait chamboulé un peu plus tôt. Elle finit par se décider à parler avec sa voix criarde:
- Monsieur Jenson, êtes-vous prêt pour le début de l'entretien d'embauche ?
Je n'étais pas du tout prêt et je ne le serais jamais. Je n'aimais pas faire ce genre de chose, je préférais m'occuper de monter de nouveaux projets comme ma futur marque de petit déjeuner.
Je tirais ma mine la plus ennuyée possible ce qui fit tressaillir ma secrétaire. J'aimais bien joué avec les nerfs des gens surtout avec ceux de Madame Brown même si au fond je n'étais pas véritablement méchant. Je ne la trouvais pas belle et c'est justement pour cette raison que je l'avais choisi au moins je ne serais pas tenté de la séduire. Sauf que parfois je regrettais ce choix.
Je lui faisais indéniablement peur du haut de mes vingt-six ans alors qu'elle en avait cinq de plus. Un coup d'œil sur elle, de haut en bas de derrière mon imposant bureau, lui fit trembler des jambes. Je profitais de la situation mais je le cachais derrière mon masque de PDG sage. J'étais parfois un salaud et je le savais. Je la questionnais sèchement:
- Est-ce vraiment nécessaire de vous trouver un ou une secrétaire ?
Une secrétaire pour une secrétaire plutôt sympa comme concept. Mon entreprise avait vraiment pris de l'ampleur pour avoir les moyens de faire ça.
- Oui Monsieur Jenson, je suis surmenée et je pense que vous l'avez constatés ces derniers temps, surtout depuis le retour des vacances.
J'écoutais ma secrétaire m'expliquer cela pour la énième fois, je le savais bien. Je lui fis une petit sourire car je l'avais suffisamment taquiné, il était temps de débuter les entretiens d'embauche. Je me levais et affichais mon plus beau sourire en annonçant:
- Bon et bien que le défilé commence!
Elle partait déjà en direction de la porte. J'appréciais le travail qu'elle fournissait malgré que je ne lui montre pas spécialement.
- Parfait! Les candidats attendent déjà dans la salle d'attente, dit elle.
Au moment où ma secrétaire allait ouvrir la porte pour sortir de mon bureau, je la rappelais pour lui poser une question. Je le demandais si la femme que j'avais croisé faisait partie des prétendants. Cette question me tauraudait fortement depuis tous à l'heure:
- Madame Brown, avant de partir, n'y aurait-il pas une femme vêtue de rouge parmi les prétendants au poste? Une métisse, couleur caramel et long cheveux brun et ondulés.
Elle me regarda avec surprise puis elle se mit à chercher frénétiquement dans son calepin. Elle savait bien que je n'avais pas vraiment de patience. Une fois, sa recherche terminée, elle annonça fière d'elle:
- Oui en effet, il y a bien une candidate, du nom de Nora Dixon. Je crois que c'est bien la seule metisse. Vous voulez en savoir plus sur elle?
J'aimais bien ce nom, il sonnait étrangement bien. Je passais ma langue sur mes lèvres.
- Quel est son âge? Montrer moi sa photo!
Elle me tendit la photo, un fantôme du passé semblait refaire surface. Elle ressemblait comme deux gouttes deux à mon premier amour mais elle n'avait pas le même nom. Ce premier amour qui m'avait profondément détruit et changé à jamais. Je l'avais déjà croisé un peu plus tôt ce matin, je m'en souvenais parfaitement. Ma secrétaire mit fin à ma réflexion interne:
- Elle a vingt- quatre ans.
Je sentais qu'une foule de question trottaient dans sa tête de blonde peroxydée. J'observais ses grands yeux marrons écarquillés et son rouge à lèvre qui ne lui allait pas au teint.
Je savais Madame Brown très compétente, pourtant elle ne savait pas ce que je m'apprêtais à dire. Le plus tranquillement du monde, je donnais l'ordre suivant avec un sourire satisfait:
-Vous pouvez renvoyer les autres, je ne recevrais que cette femme.
Je jouais avec le feu et je trouvais cela excitant. Elle ouvrit grand les yeux mais ne dit rien.
Ma secrétaire partit chercher le candidat au poste, non sans afficher une mine de dépit. Je savais pertinemment qu'elle ne comprenait pas pourquoi j'avais réagi comme ça. J'avais refusé tous les candidats pour une femme qui n'était peut-être pas compétante. J'avais fait une sorte de pile ou face, prendre des risques de temps à autres ne faisait pas de mal. Madame Brown devait désapprouver ma manière de fonctionner mais je n'en avais que faire. En effet, il faut vivre pour soi et non selon le regard des autres. Si je pouvais éviter d'avoir deux secrétaires laides ça serait un plus, je ne raisonnais pas de manière logique. Je m'ennuyais dans cette vie. Je n'avais pas d'ami. Juste mon frère Émile Jenson. Est ce que je perdais la tête? Mon frère en médecine me disait toujours de faire attention à un éventuel craquage de ma part si je ne me reposais pas de temps en temps.
Émile, marié depuis quatre ans avaient déjà deux enfants alors que ses études n'étaient pas terminées. Il connaissait sa femme depuis le lycée. Mes deux neveux étaient adorables, je passais mon temps à leur offrir des cadeaux. Ma belle soeur avait peur qu'ils deviennent pourris gâtés par ma faute. Je me mis à rire légèrement en pensant au modèle de voiture miniature que j'avais offerte à mon neveu Évan. Je m'arrêtais instantanément et repris mon sérieux au retour de Madame Brown avec la fameuse Nora Dixon. Je la détaillais des pieds à la tête, c'était sans aucun doute la femme qui m'avait bousculé tout à l'heure. Elle était magnifique et elle dégageait quelques chose, beaucoup d' assurance au vu de sa manière de se tenir face à moi. Je me demandais si c'est parce qu'elle était le sosie de mon premier amour que je la trouvais si belle.
Ses cheveux bruns étaient très longs et ses lèvres donnaient envie de croquer dedans comme une fraise bien mure. Il était plutôt petite et très fine derrière son tailleur rouge. Une couleur qui marquait sa confiance en elle, en effet portait une telle couleur était forcément signe que l'on aimait se faire remarquer. Elle avait l'air de prendre soin d'elle ou en tout cas elle avait pris le temps de se préparer pour l'entretien. Nora observait la pièce avec des yeux ronds et fascinés. Je comprenais parfaitement son admiration, moi aussi j'arrivais encore à être admiratif de cette pièce. Son regard se posa enfin sur moi, elle ouvrit la bouche d'étonnement. Je crus qu'elle allait faire un arrêt cardiaque, elle eut enfin la décence de fermer la bouche puis elle s'avançait vers moi le visage marquait par l'appréhension. Je dis à ma secrétaire:
- Merci Madame Brown, laissez-nous maintenant!
Je lui fis signe à Nora de s'asseoir sur la chaise face à mon bureau:
- Enchanté, fis-je en lui serrant sa main qui tremblait.
Le pauvre chaton était effrayé, je trouvais cela amusant de donner ce genre de sentiment aux gens, surtout aux femmes irrespectueuses comme elle.
Je me trouvais désormais plus proche d'elle et ainsi je distinguais ses yeux verts, en voilà une chose peu banale. Je ne pouvais m'empêcher d'avoir un sourire ironique, je savais pertinemment qu'elle se souvenait de m'avoir bousculé un peu plus tôt dans le hall d'entrée.
- Je suis désolée pour tout à l'heure, j'étais stressée d'arriver en retard et je n'ai pas été poli. J'aurais du m'excuser, dit elle.
Je me mis à sourire et elle me regarda sans broncher attendant mon verdict.
- C'est bon ce n'est pas si grave ! Alors je vous écoute présentez-vous et convainquez-moi de vous embaucher, ordonnais-je.
Elle me fixa un instant dans les yeux. Elle me perturbait vraiment, j'avais l'impression de voir mon premier amour, la personne que je détestais le plus au monde. Elle monologua:
- Je me nomme Nora Diwon, j'ai vingt-quatre ans, j'ai fait des études de secrétariat puis j'ai travaillé trois ans dans une petite entreprise. J'ai posé dernièrement ma démission pour trouver un meilleur emploi.
Je la coupais:
- Pourquoi avoir quitté cette entreprise?
- Ils oubliaient souvent de me payer!
Je ne pus m'empêcher de détacher un air de pitié. Les entreprises qui ne payent pas leurs employés me révoltent. C'est à la limite de l'esclavage.
- C'est très courageux à vous de tout quitter alors que vous n'êtes pas sur de retrouver un travail. Cependant, vous êtes tombés entre de bonnes mains.
- Je n'en suis pas si sur..
J'ouvris grand les yeux face à cette affirmation. Elle qui semblait toute timide la minute d'avant. Je me rappelais qu'elle dégageait en réalité de la confiance en elle que j'avais décelé à son arrivée dans la pièce.
- Qu'est ce qu'il vous permet de dire cela? Demandais je froidement.
- Il faut toujours se méfier d'un homme séduisant en smoking..
€♡€
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top