Contes pour jeunes créatures
Les jeunes créatures sont bercées par des contes, comme pour les humains. Cependant, leur morale est plus proche de celle que nous avions avec les contes de Perrault, Grimm ou Andersen. Souvent sombres, ils ont pour but d'inculquer la méfiance, mais également la tolérance.
Voici ici trois de ces contes.
Contes des deux amants
Il était une fois une jeune créature mâle, nommé Auguste. Il vivait avec sa famille, ses parents et sa grande sœur. A côté de chez eux se trouvaient plusieurs autres familles de créatures. Il s'y fit un ami, une jeune créature mâle de deux ans son ainé, Lucius. Quoi de plus étonnant alors, qu'à la cérémonie de passage d'Auguste, il choisit Lucius pour frère d'armes. Mais cette belle amitié se transforma peu à peu, jour après jour, en un amour adolescent. Lucius attendit la majorité d'Auguste pour lui faire, un soir, la plus belle des déclarations. Leurs parents, heureux pour eux, les mirent tout de même en garde :
- Faites bien attention, surtout. Ne vous installez pas ensemble.
Mais les deux jeunes créatures ne suivirent pas les conseils de leurs parents et, sûrs de leur amour, s'installèrent dans une maison à l'écart de leur clan. Ils étaient attirés par les humains, et voulaient vivre près d'eux. Les premières années de leur union se déroulèrent tranquillement, ils s'occupaient de leur potager et avaient quelques humains qui moissonnaient leurs champs.
Un jour, le roi humain ordonna à tous les hommes valides et guerriers de rejoindre une guerre. Les soldats vinrent donc chez Auguste et Lucius pour que ce dernier s'engage dans les forces armées. Il accepta, voulant faire plaisir aux humains. Mais, au moment de quitter celui qui passait pour son ami aux yeux de tous, il l'embrassa. La réaction des humains ne se fit pas attendre. Ils fuirent immédiatement la maison et revinrent très vite avec toute une foule. Ne voulant pas blesser les villageois, Auguste et Lucius acceptèrent de les suivre jusqu'à l'homme de foi et se retrouvèrent enfermés dans une prison.
Croyant en les lois humaines, les deux créatures se laissèrent faire et attendirent patiemment d'être jugés.
- Sodomites ! Le bûcher pour les sodomites !
Les deux créatures furent choquées par ce jugement. Ils tentèrent de s'échapper mais les humains étaient bien trop nombreux. Le soleil se coucha ce soir-là avec les cris des deux amants et leurs regards absorbés par le feu.
Ainsi se termine le conte des deux amants. Ma jeune créature, n'oublie jamais deux choses. Ne t'éloigne jamais de ton clan car lui seul peut te protéger. Et prends garde aux humains, ils ne sont pas aussi tolérants que nous autres, créatures.
Conte de la femelle créature dirigeant son clan
Il était une fois une jeune femelle créature, nommée Augustine. Mais pas n'importe laquelle. Son père était le chef de leur clan. A la mort de ses parents, ce serait donc à elle de prendre les rênes et de veiller sur les autres créatures. Durant toute son enfance, elle apprit tout ce qu'elle devait savoir pour diriger un clan : se battre, défendre les autres, comptabiliser les naissances et les décès, connaître la valeur du verbe pour présenter une loi au Ministère ou en contrer une... Mais un jour, sa mère la prévint :
- Tu sais, quand tu seras grande, si un humain vient et demande le maître de ta demeure, tu dois désigner une créature mâle.
- Mais, pourquoi ?, demanda la jeune créature.
- Parce que les humains ne comprennent pas notre société.
Là-dessus, Augustine acquiesça, même si elle ne comprenait pas toutes les allusions de sa mère, et sa vie continua. Les décès de ses parents eurent lieu alors qu'elle était déjà majeure et, comme prévu, elle prit en main son clan. Au Ministère, sa maîtrise du verbe lui valut bien des applaudissements et elle était respectée de tous. Elle eut un mari, de qui elle eut une petite créature ravissante prénommée Aurora et lui enseigna tout ce qu'on lui avait appris.
Un beau jour, alors qu'Augustine était occupée, un représentant du royaume humain dans lequel ils vivaient vint toquer à leur porte. La jeune Aurora vint lui ouvrir en courant.
- Appelle le maître de ces lieux, enfant, lui ordonna l'homme.
- Maman !, cria Aurora.
Augustine se précipita dans l'entrée et, devant l'humain, répondit.
- Je vais chercher mon époux.
La petite Aurora, qui ne comprit pas, répondit :
- Mais, maman, c'est le maître des lieux que le monsieur veut voir.
Devant cette phrase, l'humain éclata de rire et dit, méprisant :
- Une femme, maîtresse d'un tel lieu ! Où irait donc le monde si tel était le cas ?
Augustine, vexée, lui rétorqua :
- Le monde irait peut-être mieux sans des êtres de votre genre ! Je suis le maître des lieux.
- Ne dis point ça, maudite femelle, et cours donc chercher ton époux. Une paire de seins ne peut remplacer une verge !
Là-dessus, le mari d'Augustine, qui avait été alerté par les cris, se fâcha contre l'humain, soutenant son épouse et sa fille, et le mit à la porte de leur demeure.
Le lendemain, lorsque les soldats vinrent chercher les créatures pour les emprisonner, ils découvrirent le village vidé de ses habitants. Toutes les créatures avaient dû fuir, ne prenant sur elles que leurs souvenirs et leurs âmes brisées.
Ainsi se finit ce conte, ma jeune créature. Garde bien en mémoire cet enseignement. Les humains ne croient pas, comme nous, à l'égalité entre mâles et femelles. Ils sont ignorants, mais ne supportent pas que l'on leur fasse comprendre. Méfie-toi d'eux et n'hésite pas à fuir pour protéger ta vie et celles de ton clan.
Conte du couple aimant :
Il était une fois une créature mâle, nommé Marius et une créature femelle, prénommée Prima. Tous deux appartenaient au même clan et étaient tombés amoureux lorsque la famille de Marius avait acheté celle de Prima à des marchands d'esclaves humains. Prima décida de rejoindre Marius chez lui. Une idylle, belle, romantique. Marius aimait profondément sa tendre et, chaque jour, il lui offrait une fleur en symbole de son amour. Prima, quant à elle, écrivait chaque matin un mot doux à son bien-aimé. La vie qui se dessinait devant eux leur semblait belle, simple, et loin des humains. Les mois, les années, les décennies passèrent tranquillement pour le couple.
Un matin, Marius fut appelé à combattre pour les humains. Le Ministère en avait décidé ainsi. Il partit donc à la guerre et Prima continua sa vie, seule. Lorsque Marius revint, il était heureux.
- Les humains ont changé !, s'écria-t-il en rentrant. Ils nous ont acceptés !
Si Prima était sceptique, le fait est que le Premier Pacte Inter-Espèces avait été voté par les créatures et les humains. Le couple fut ravi de cette nouvelle et s'installa près des humains. Mais, très vite, Prima comprit que quelque chose n'allait pas. A l'épicerie, tous la dévisageaient. Le boucher refusait de la servir. Elle s'en plaignit auprès des siens, ne comprenant pas. Marius décida de tester à son tour. Et il fut surpris. L'épicière lui souriait, le boucher discutait... Il pensa que sa femme était peut-être un peu trop sensible.
Les mois passèrent et le ventre de Prima s'arrondit. L'heureux évènement les transporta de joie.
- Nous l'appellerons Octavius, décida le couple.
Le jeune Octavius, comme toutes les créatures, eut son éducation à domicile, par ses parents. Mais, lorsqu'il eut atteint six ans, Marius et Prima décidèrent de le faire entrer à l'école des humains. Que ne furent pas leur surprise quand leur enfant rentra, en pleurs, du premier jour.
- Ils ont dit que j'étais un nègre et que je ne valais rien !, cria-t-il.
Prima se rendit aussitôt à l'école pour comprendre ses paroles. Elle fut la risée de tous.
- Négresse, singe !, hurlèrent les passants.
Prima rentra chez elle, décomposée. Elle n'eut qu'une phrase pour son mari :
- Non, Marius, les humains n'ont pas changé.
Et Prima pleura. Les humains, malgré les décennies passées, ne l'accepteraient jamais.
Jeune créature, ce conte s'achève ainsi. Prends garde à toujours défendre tes proches, ton clan et les clans alliés. Pour toi, peu importe la couleur de sa peau, une créature est une créature. Mais il n'en est pas de même pour les humains. Nous ne comprenons pas ce qu'ils appellent « racisme ». Mais méfie-toi. Les humains trouvent toujours une raison pour se détester... et nous détester.
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