Chapitre XXI : Paiement - Partie 2/3

- Ouranos !

Le hurlement déchirant de Jupiter coupa toutes les discussions mouvementées entre les différents chefs de clan, ainsi que la cellule d'enquête. Tous se tournèrent vers l'homme, tentant, non sans mal, de l'empêcher de prendre dans ses bras le cadavre méconnaissable de son époux.

- Attends avant de dire qu'il s'agit de ton mari, Ouranos, conseilla un des membres de la cellule. Le résultat de ton analyseur arrivera dans quelques minutes. Donne-le-moi, je vais m'en occuper.

Les secondes défilèrent, une à une, lentement, plongeant le regroupement de la trentaine de créatures dans une atmosphère lugubre, où pas une seule ne prononçait un seul mot. Au hoquet, suivi de pleurs, de Jupiter, tous comprirent que les résultats de l'appareil avaient parlé, et qu'il s'agissait bien de son époux.

Ce fut Rama qui stoppa la progression de l'homme, qui menaçait, épée à la main, Marie B. Il le plaqua violemment contre le mur opposé, en murmurant :

- Quelles que soient les fautes de Marie B, il n'en est pas moins que ton mari a tenté de kidnapper une des membres de mon clan. Ne l'oublie pas.

- Jupiter, Rama, séparez-vous ! Nous allons interroger tous les témoins, ainsi que l'accusée. Aurais-tu une pièce qui nous permettrait de travailler en toute tranquillité ?

Le tatoueur acquiesça et conduisit les six membres de la cellule de son sous-sol, où le cadavre avait été entreposé, à la salle de réception. Alors que Marie B se rapprochait des escaliers, Jupiter lui chuchota :

- Tu as peut-être assassiné celui que j'aime, mais sache que je prépare ma vengeance. Et que tu t'en mordras les doigts jusqu'au sang.


Marie B leva les yeux vers son époux et leurs amis, totalement hagarde. Le tribunal créaturien devait se réunir trois jours plus tard pour décider de son sort. Déjà quinze jours s'étaient écoulés depuis qu'Ouranos avait été tué, quinze journées et quinze nuits durant lesquelles elle ne parvenait presque pas à fermer un œil, tant elle avait peur que son instinct reprenne le dessus et qu'il ne la pousse à faire du mal ou à tuer un de ses proches. Elle vivait dans la crainte depuis plusieurs années déjà mais, depuis ce meurtre, elle avait été transformée par de la terreur. Afin d'être certaine de ne blesser personne, elle s'enfermait seule chez elle et n'avait pas vu son mari depuis la mort d'Ouranos. Orlando avait craqué le matin même et était venu la rejoindre dans leur maison, dont elle lui avait refusé l'accès le week-end précédent. Cette fois-ci, elle n'avait pas eu le choix. Ho Sang et Shinji avaient fait appel à leur ancien don pour forcer les serrures et ils avaient tous les trois pénétré dans l'habitat tandis qu'elle se trouvait sous sa douche.

Vêtue de son peignoir de bain, assise sur une chaise à la table, elle marmonna :

- Vous ne devriez pas être là. Je suis dangereuse...

- Et moi, je suis ton mari, au cas où tu ne t'en souviendrais pas. Et j'ai promis de t'aimer et d'être à tes côtés, dans les bons comme dans les mauvais moments.

- Oui, mais tu n'as pas promis de mourir à cause de moi... Ne m'approche pas !

Le cri qu'elle poussa ne fit pas reculer Orlando, qui la prit dans ses bras, posant la tête de la femme contre le bas de son torse. Marie B ferma les yeux un instant, se délectant du bonheur de pouvoir encore être aimée et profiter d'un moment d'affection. Mais, lorsque cette sensation laissa place à la vision du corps d'Ouranos, elle recula subitement.

- Je ne veux pas vous faire de mal...

- Nous savons cela, Marie B. Mais comprends-nous, et comprends Or. Nous nous inquiétons pour toi. Nous ne connaissons même pas les lois créaturiennes. Que risques-tu pour ce que tu as fait ?, demanda Shinji.

- La peine de mort est interdite...

- Encore heureux ! Mais... la prison... Et s'ils décidaient de t'enfermer pour plusieurs années ?

- Je l'ignore, ma Licorne. Rama et la comtesse de Kergianov étudient la ch...

- Attends, tu parles de celle qui a voulu réinstaurer la peine de mort contre toi et qui a fait la proposition de loi contre Hermès ?, s'énerva la Chinoise. Elle vous plantera une épée dans le dos avant que vous n'ayez eu le temps de comprendre !

- Non, Lóng, tu te trompes. Je n'aime pas la comtesse, et c'est réciproque. Mais c'est une femme de parole. Elle ne reviendra jamais dessus.


- Les témoignages d'Uranie, Lucifer et Gaïa, même si je désapprouve le fait qu'une si jeune enfant ait dû parler devant tout le tribunal, pourraient influencer le jury, Rama. Marie-Béatrice a déjà fait sa déposition et sa version est logique, même si elle peut leur sembler violente.

- Avez-vous une idée de ce que va bien pouvoir dire Jupiter pour défendre son époux ? L'enlèvement d'un enfant, qui plus est d'un autre clan, est un acte très grave.

- Je l'ignore... Pardonne-moi, je dois rejoindre les membres de mon clan.

Rama regarda s'éloigner la comtesse de Kergianov, et soupira lorsqu'elle croisa Wladimir et que celui-ci ne daigna pas lui adresser un regard. Quelles qu'aient été les erreurs de la femme, le fait était qu'elle se démenait depuis dix-huit jours pour atténuer la sentence du tribunal à l'encontre de leur protégée. Sa sœur d'armes se trouvait non loin de lui, isolée par elle-même, et aussi quelque peu par les autres créatures, qui la craignaient à présent.

- Petit loup...

- Je t'en supplie, ne m'approche pas...

- Ecoute, ma belle, il va falloir que tu nous laisses faire. Si tu t'isoles et que tu refuses que nous soyons proches de toi, les membres du tribunal vont finir par croire que tu n'arrives pas à te contrôler et que tu pourrais agresser n'importe qui.

- Et si c'était vrai ?

Le tatoueur remua la tête négativement, tandis que Wladimir enserrait la femme. Il ne voulait pas y croire, n'y même y penser. Sa sœur d'armes avait toujours été quelqu'un de bien. Elle avait su venir à bout de son pouvoir sur les animaux, et savait à présent le contrôler. Il était certain qu'il en serait de même pour cet instinct dévastateur. Elle avait juste besoin de temps... et de tranquillité. Peut-être également d'être loin de son demi-frère. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top