Chapitre XVIII : Confidences - Partie 3/3

- Tu es prêtes, Gaïa ?

La fillette hocha la tête en montrant ses petites dents blanches, impatiente d'avoir la chanson de la femme.

- Je ne suis pas fan de ces comptines mais, comme le dit ton papa, cela fait partie de notre culture ! Alors, on y va, tu fais comme moi ! Un, je vais me promener !

Au moment où Marie B montrait son pouce, l'enfant l'imita, et la femme continua alors la chanson, tout en marquant chaque changement de nombre en modifiant les doigts qu'elle mettait devant les yeux de la fillette et en attendant qu'elle en fasse de même.

- Deux, je vais d'abord m'habiller, Trois, à ma fenêtre, je dois regarder, Quatre, pas d'humains, on peut y aller, Cinq, les bruits, je dois écouter, Six, les odeurs, je dois analyser, Sept, mes amis, je dois surveiller, Huit, du poisson, nous avons pêché, Neuf, à la maison, nous allons retourner, Dix, c'est ici seulement, que je suis en sécurité !

Gaïa montrait ses dix doigts à la femme, qui l'applaudit pour l'encourager.

- Bravo Gaïa ! Oh toi, tu es fatiguée.

Elle l'avait senti, et s'approcha de Lucifer pour le mettre au courant de cet état. Wladimir, qui discutait à présent avec la créature, lui proposa alors :

- Et si tu allais lui lire un conte ? Nous pourrons en profiter pour parler calmement à tout le monde de notre petite épine !

- Et quelle est-elle ?, interrogea l'homme.

- Nous allons vous expliquer, répondit Rama, tandis que sa sœur d'armes, la fillette dans les bras, quittait la pièce.


- J'espère que Marie B va bien lire le conte que nous avions prévu pour Gaïa...

- Ne t'inquiète pas, mon cœur. Bien sûr qu'elle va le faire, le rassura son épouse. Maintenant, allons voir Wladimir et Rama. Il semble qu'ils aient quelque chose à nous confier...

Ils entrèrent dans le salon, où les attendaient déjà les deux hommes ainsi que le comte et s'installèrent sur un des canapés.

- Vous n'allez pas aimer ce que nous allons vous dire..., commença Wladimir. Mais, quoi qu'il en soit, ne reprochez rien à Petit loup...


Marie B coucha Gaïa dans le lit pliant qui avait été installé dans la chambre du fond, au premier étage. Après avoir mis la couverture sur elle, elle se posa sur un fauteuil et attrapa le livre que les parents avaient placé là. A la lecture du « Conte de la femelle créature dirigeant son clan », Marie B ne put s'empêcher de réprimer un soupir. Mais elle savait que tous ces contes, qui berçaient les créatures depuis bien longtemps, avaient une logique et pour but d'aider les jeunes créatures à comprendre leurs différences avec leurs cousins humains. Confortablement posée sur le fauteuil, le livre sur ses genoux et une main sur le front de l'enfant, elle commença donc à lire, prenant attention à l'intonation qu'elle employait.

- Il était une fois une jeune femelle Créature, nommée Augustine. Mais pas n'importe laquelle. Son père était le chef de leur clan. A la mort de ses parents, ce serait donc à elle de prendre les rênes et de veiller sur les autres créatures. Durant toute son enfance, elle apprit tout ce qu'elle devait savoir pour diriger un clan : se battre, défendre les autres, comptabiliser les naissances et les décès, connaître la valeur du verbe pour présenter une loi au Ministère ou en contrer une... Mais un jour, sa mère la prévint : « Tu sais, quand tu seras grande, si un humain vient et demande le maître de ta demeure, tu dois désigner une créature mâle. » « Mais, pourquoi ?, demanda la jeune créature. » « Parce que les humains ne comprennent pas notre société. »

Marie B sourit tristement en disant cette réplique. Il était vrai que leur société, très secrète, et aux façons de faire très différentes des humains, avait de nombreux points de désaccords. Elle continua sa lecture.

- Là-dessus, Augustine acquiesça, même si elle ne comprenait pas toutes les allusions de sa mère, et sa vie continua. Les décès de ses parents eurent lieu alors qu'elle était déjà majeure et, comme prévu, elle prit en main son clan. Au Ministère, sa maîtrise du verbe lui valut bien des applaudissements et elle était respectée de tous. Elle eut un mari, de qui elle eut une petite créature ravissante prénommée Aurora et lui enseigna tout ce qu'on lui avait appris. Un beau jour, alors qu'Augustine était occupée, un représentant du royaume humain dans lequel ils vivaient vint toquer à leur porte. La jeune Aurora vint lui ouvrir en courant. « Appelle le maître de ces lieux, enfant, lui ordonna l'homme. » « Maman !, cria Aurora. » Augustine se précipita dans l'entrée et, devant l'humain, répondit : « Je vais chercher mon époux. ». La petite Aurora, qui ne comprit pas, répondit : « Mais, maman, c'est le maître des lieux que le monsieur veut voir. » Devant cette phrase, l'humain éclata de rire et dit, méprisant : « Une femme, maîtresse d'un tel lieu ! Où irait donc le monde si tel était le cas ? » Augustine, vexée, lui rétorqua : « Le monde irait peut-être mieux sans des êtres de votre genre ! Je suis le maître des lieux. » « Ne dis point ça, maudite femelle, et cours donc chercher ton époux. Une paire de seins ne peut remplacer une verge ! » Là-dessus, le mari d'Augustine, qui avait été alerté par les cris, se fâcha contre l'humain, soutenant son épouse et sa fille, et le mit à la porte de leur demeure. Le lendemain, lorsque les soldats vinrent chercher les créatures pour les emprisonner, ils découvrirent le village vidé de ses habitants. Toutes les créatures avaient dû fuir, ne prenant sur elles que leurs souvenirs et leurs âmes brisées.

Marie B soupira. Cette époque semblait révolue, en partie, du moins dans leur pays. Mais ce n'était pas le cas de tous les gouvernements humains, loin de là. En effet, prémunir les jeunes créatures en les prévenant dès l'enfance semblait être un bon moyen.

- Ainsi se finit ce conte, ma jeune Gaïa. Garde bien en mémoire cet enseignement. Les humains ne croient pas, comme nous, à l'égalité entre mâles et femelles. Ils sont ignorants, mais ne supportent pas que l'on leur fasse comprendre. Méfie-toi d'eux et n'hésite pas à fuir pour protéger ta vie et celles de ton clan..., après une courte pause, elle ajouta : J'espère que cela ne t'arrivera jamais, ma belle.

Tout en caressant doucement la joue de la fillette, qui s'était endormie, elle entendit que l'ambiance, dans le salon, se dégradait passablement.


- Alors, en fait, Marie B nous a menti sur la mort du deuxième Messager et vous, vous le saviez ? Et il est chez Rama ? Il y a d'autres surprises dans ce genre ou c'est tout pour aujourd'hui ?, grogna Lucifer.

- Et tu voulais que nous fassions quoi ?, explosa Rama, qui conservait toute sa frustration en lui depuis bien trop longtemps. Que nous laissions la gamine se démerder toute seule ? Que nous le mettions sur un bûcher ?

- Je comprends mieux pourquoi tu es si fatigué, mon cher. Cela fait combien de temps que tu gères le deuxième Messager ?, interrogea Uranie.

- Fin 2027. Il y a trois ans...

- Et qu'est-ce que vous allez en faire ?, demanda le comte.

- Je vais le garder chez moi pour le moment, il n'est pas encore prêt à affronter seul le monde. Par contre, Dimitri, je vais le ramener au deuxième étage, cela sera moins fatiguant pour moi...

La discussion dura plusieurs heures et, lorsque Marie B entra dans le salon, personne n'osa, en voyant les regards peu aimables de Wladimir et Rama, lui reprocher quoi que ce soit.

Dimitri, assis dans un fauteuil, se rendit compte au fil des échanges, de la pression qu'il pouvait mettre à son fils adoptif depuis près d'un an, alors qu'il ne le méritait pas et qu'il avait déjà assez de poids sur les épaules. Plus encore, devant l'inquiétude de Lucifer et Uranie à son égard, il se demandait qui d'autre, au Ministère, avait pu se rendre compte de leur rupture, avec son épouse...


- Voilà une nouvelle très intéressante !, jubila Apophis.

La comtesse de Kergianov séparée de son époux. Satan lui-même n'aurait pas pu l'imaginer. L'enfant de Lucifer avait à présent plus de deux ans et ils pourraient bientôt la récupérer. Quant à Natacha... elle était enfin à nouveau vulnérable. Peut-être même plus encore qu'en 1914... Pour son plus grand bonheur. 




Bonjour à tous !

Un chapitre de plus en moins ! Tout devrait être fini normalement le 1er juillet ! Ensuite viendront les chapitres de l'ancien "Cultures et légendes créaturiennes" (je fais de la place sur mon profil ^^) !

Alors : 

- Que pensez-vous d'Hermès ? 

- De l'état de Dimitri ? 

- Du conte créaturien ? 

- Du fait d'avoir dit qu'Hermès était toujours en vie ? 

- Des idées sur le clan de Satan ? 

A demain pour un nouveau chapitre... original ;)

Sanguinement-vôtre, 

Gothycka

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top