Chapitre XVIII : Confidences - Partie 1/3

Arrivés devant la salle de concert, le Messager et son frère d'armes croisèrent Dimitri et d'autres créatures.

- Comment allez-vous, tous les deux ?

- Très bien ! Nous profitons un peu de bons moments, répondit la femme.

- Il est de retour, bien vivant, c'est ça ?, demanda une voix à côté d'eux.

Le Messager ne répondit pas aussitôt. Comme toujours lorsqu'il s'agissait de son demi-frère, elle était tiraillée. Même si les intentions d'Hermès n'étaient pas favorables, elle ne pouvait pas le jeter en pâture.

- Si jamais vous le trouvez, ne faîtes pas la même erreur que la dernière fois..., ajouta la même personne.

- Je sais que nous aurions dû parler..., soupira Rama.

- Je suis également responsable de ce qui est arrivé à cette époque, marmonna Dimitri.

Depuis toutes ces années, le poids de la culpabilité pesait toujours sur la créature. Il avait su et, pourtant, il n'avait rien fait.



Cela faisait déjà quelques mois que Dimitri s'était installé chez son fils adoptif. Toujours ravagé par sa rupture avec son épouse, il ne sortait presque pas, à part pour aller au Ministère, passant ses journées à attendre devant son téléphone des nouvelles de celle qu'il aimait. Mal rasé, sa barbe noire ressemblait à une broussaille dont il ne prenait aucun soin. Son visage, d'habitude légèrement creusé et harmonieux, était à présent beaucoup plus creux, presque blafard. Tous les jours, Rama devait le forcer à boire du sang pour qu'il continue de se régénérer et la créature obtempérait, soucieux de faire plaisir à son fils adoptif.

Il baissa son regard vers sa main, détaillant sa chevalière hexagonale en or blanc, de grande taille, dont la partie principale était creusée d'une tête de loup, présenté les babines ouvertes et les canines sorties. Pour les autres créatures, il était toujours le comte de Kergianov. Mais, pour lui, il n'était plus rien sans Natacha. Lors des dernières réunions au Ministère, son épouse n'avait pas tourné ses magnifiques yeux vert émeraude vers lui. Il n'avait pas échangé un seul mot, alors même que, comme leur rang leur imposait bien souvent, ils étaient assis l'un à côté de l'autre. Pour ne rien arranger à la situation, Wladimir en voulait également à sa mère de rendre son père malheureux, et il ne pouvait donc plus se confier à lui. Du coup, lors de ses sorties au Ministère, il se retrouvait dans la position délicate de devoir calmer son enfant et, en même temps, de tenter une approche auprès de la comtesse. A chaque fois, son épouse ne lui répondait pas, le laissant seul, isolé. A cause, ou plutôt grâce à cela, il commençait à comprendre ce qu'avait vécu Natacha durant toutes ces années où il n'avait jamais pris le temps d'essayer de la comprendre.

Quelqu'un frappa à la porte de sa chambre et il reconnut l'odeur de Rama. Tournant ses yeux vairons, il prit le verre de sang que lui tendait l'homme, le remerciant d'un pâle sourire, tandis qu'il ressortait de la pièce.


Après avoir donné son verre d'hémoglobine à son invité, Rama descendit les escaliers pour se rendre auprès d'Hermès. Il commençait à fatiguer de ces allers-retours entre le jeune homme et la créature. L'automne était presque fini et cela allait faire une année qu'Hermès habitait dans la petite maison éloignée du manoir, obligeant Rama à s'y rendre chaque nuit pour le rassurer et le laisser s'endormir calmement. Malgré le temps qui s'était écoulé, le demi-frère de Marie B semblait toujours aussi angoissé et le contact de la créature l'apaisait autant que cela pouvait exténuer Rama.

Sortant de son manoir, il traversa la partie jardin pour se rendre vers la forêt, devant laquelle se situait la maisonnette. Construite de plein pied, la maison en petites briques rouges comportait une cuisinette, une salle, une salle de bain, ainsi que deux chambres. Durant plusieurs années, elle avait été habitée par le plus ancien employé de Rama qui, après avoir trouvé l'âme-sœur, était parti vivre dans un village plus loin. Le reste du personnel vivait dans d'autres bâtiments, souvent plus proches du manoir, ou dans les villages aux alentours.

La créature soupira en avançant vers la maison. Comme Dimitri ne sortait pas beaucoup, Hermès n'était pas en danger à cet endroit et pouvait se promener, presqu'à sa guise, dans la forêt. Mais, pour le tatoueur, cette situation commençait à peser. Lorsque le jeune homme dormait dans son manoir, il était déjà contraint de se lever chaque nuit, mais n'avait qu'un étage à monter pour le rassurer. Là, il devait traverser une partie, heureusement infime, de sa propriété et, en plus, se retrouvait obligé de veiller sur Dimitri. Même si Wladimir et Marie B venaient régulièrement chez lui pour lui prêter main forte, il était bien souvent seul pour gérer un adolescent traumatisé et un homme dévasté par sa séparation.


Hermès vit par la fenêtre la silhouette de son hôte et se précipita pour ouvrir la porte. Il était soulagé de le voir enfin arriver car, seul dans la petite maison, il tournait en rond, ayant déjà terminé ses devoirs. Ses crises étaient toujours présentes, tout comme son instinct destructeur mais, en ce début de journée, il ne s'était pas encore manifesté.

- Tu as été long à venir !

Le regard presqu'éteint que lui lança la créature lui fit immédiatement regretter ce qu'il venait de lui reprocher.

- Je fais ce que je peux, Hermès. Je dois également m'occuper de Dimitri.

- Et pourquoi il ne rentre pas chez son fils ?, grogna le jeune homme.

- C'est compliqué... Tu ne vas pas me dire que tu commences une nouvelle crise de jalousie ?

Hermès regarda Rama se poser à la table pour corriger les exercices qu'il avait fait en début de matinée. Depuis les presque six ans qu'il avait retrouvé sa demi-sœur et qu'elle, puis la créature, l'instruisaient, il parlait et écrivait couramment le français et l'anglais et ses trois années de norvégien faisaient que cette langue était devenue presque normale à utiliser. En Mathématiques et Sciences, Rama se servait de livre de cours de première scientifique, en Histoire et en Littérature des ouvrages créaturiens.

- Et pourquoi Marie B n'est pas là ?

- Hermès, s'il-te-plaît... Je n'ai pas la patience, aujourd'hui, de supporter tes critiques. Elle est chez elle, avec son mari. Je ne sais pas ce qu'elle fait précisément. Elle vit, tout simplement, et c'est tant mieux.

- Et moi, alors ?

- Ecoute, Wladimir va passer cet après-midi. Tu pourras toujours discuter avec lui...

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