Chapitre XVII : Refus - Partie 2/3
Rama referma la porte de la maisonnette et arriva à son perron à temps pour constater l'entrée de la voiture de Dimitri.
- Eh bien, Wladimir, tu étais pressé de revoir ton frère d'armes... Tiens, la gosse fait aussi partie de mon comité d'accueil !
Le tatoueur manqua de s'étouffer lorsqu'il vit au loin le véhicule de sa sœur d'armes. Dans la précipitation, ils avaient laissé leurs portables dans le manoir et avaient totalement oublié de la prévenir, alors qu'il était certain qu'elle avait dû sentir leur confusion.
- Nous avions prévu une soirée ensemble, avec Marie B. C'est pour cela que Wlad est venu me voir. Il a dû essayer de m'appeler, mais j'étais dehors...
- Ah d'accord ! C'est vrai que j'aurais dû te prévenir avant, mon fils. Ne t'inquiète pas, je me fais tout petit et je ne sors pas.
Sur cette conclusion, Rama vit passer devant lui la créature, qui pénétra dans le manoir, attendant fort probablement qu'il lui attribue une chambre. Il murmura au musicien :
- Je ne sais pas ce qu'il se passe avec ton père, mais je me charge de lui. En attendant, tu briefes la gamine et surtout, fais attention à Hermès, il est encore très fragile.
Il rejoignit son Drêrerh et prit sa valise des mains.
- Je sais être un hôte civilisé, Dimitri. Cinq chambres sont disponibles au deuxième étage, laquelle vous plairait ? Venez, nous allons voir ensemble.
Précédant l'homme, la valise à la main, il pensa à lui faire tout d'abord visiter la chambre face aux sauna-hammam, pour terminer par la plus grande, qu'il avait avant cela attribué à Hermès, et qui offrait une très belle vue sur sa propriété. Connaissant les goûts de son invité surprise, et non temporaire, il savait très bien que cette dernière lui plairait davantage, mais espérait ainsi gagner du temps et permettre à son frère d'armes de mettre Marie B dans la confidence, tout en prenant connaissance de l'état d'Hermès.
Le jeune homme avait été presque catapulté, avec ses affaires, dans cette petite maison, proche de la forêt et un peu à l'écart des autres logements des employés de son hôte. Aucune des deux créatures ne lui avait fait part de la situation et, compte-tenu de leur nervosité, il avait préféré ne rien demander. A présent que la vague de stress semblait s'être atténuée, il aurait voulu les questionner, mais ils lui avaient formellement interdit de sortir. Déboussolé, debout dans cet endroit inconnu, il n'osait plus bouger de peur de commettre une erreur irrémédiable.
L'odeur rassurante de sa demi-sœur lui vint aux narines et il se rapprocha de la fenêtre pour la regarder venir vers la maison.
- Bon. Wlad m'a tout expliqué. Tu me reprends si je me trompe, Wlad ? En gros, le comte que Kergianov, qui vivait chez son fils depuis presqu'un an, a décidé d'emménager ici.
Hermès dévisagea sa demi-sœur avec des yeux ronds, ne comprenant pas tout de ce qui lui semblait tout à fait logique.
- Et il a le droit ?, finit-il par demander.
- Comment ça ?
- Il a le droit de s'imposer ainsi ?
- C'est compliqué. Rama doit énormément à mon père, il est normal qu'il l'héberge. Le problème, c'est que c'est quelque peu... précipité... J'avoue que je ne m'y attendais pas...
- Vous lui avez fait du mal ?
- Hermès, les gens ne quittent pas forcément un lieu parce qu'ils sont fâchés, heureusement ! Si tu veux tout savoir, la période n'est pas tout à fait agréable pour mon père, et je pense que cela peut lui faire du bien de se retrouver ici. Je ne suis pas souvent chez moi, avec la saison des concerts... Rama, si.
- Et moi ? Comment je vais faire ?
Le jeune homme commençait à se ronger les ongles et les cuticules d'angoisse, et ne releva la tête que lorsque sa demi-sœur prit ses mains dans les siennes.
- Ecoute Hermès, ne prends surtout pas cela pour un abandon, comme la dernière fois. Je sais que Rama trouvera un prétexte, une excuse pour sortir tous les jours te voir, et pour pouvoir te consoler quand tu n'iras pas bien.
- Comment sais-tu...
- Tu crois que c'est parce que je t'en voulais que je ne me souciais plus de toi ? Certes, je t'appelle moins, je t'écris moins, mais cela ne veut pas dire pour autant que je ne prends pas de tes nouvelles via Rama. Je sais que c'est compliqué pour toi, que tu as peur que Rama, Wlad ou moi t'abandonnions. Mais, il n'en est rien. Quoi que tu aies pu ou que tu puisses encore en penser, ça n'a pas été facile pour moi de te laisser chez Rama, comme ce n'est pas facile pour lui, aujourd'hui, de te mettre dans cette maison.
- Ecoute ta demi-sœur, Hermès. Elle te parle avec son cœur, et je sais que tu le sens. Elle veut ton bien, Rama va trouver une solution pour toi, d'accord ?
Il baissa la tête vers le musicien, qui lui semblait rassurant. En effet, il avait senti chez sa sœur beaucoup de compassion et d'amour. Elle le comprenait, elle voulait l'aider. Et Wladimir également. Après tout, depuis deux années qu'il vivait chez Rama, la créature avait été très gentille avec lui, supportant son instinct, ses destructions, ses nuits découpées et ponctuées de crises d'angoisse. Il n'avait presque jamais élevé la voix contre lui et, pour le jeune homme, il représentait une figure rassurante, presque paternelle. Avoir été séparé de sa demi-sœur avait déjà été un choc pour lui, il craignait à présent de se retrouver loin de celui qui l'avait recueilli.
- Cette chambre vous convient-elle, Dimitri ?
- Je ne vais pas être trop ennuyeux, tu sais, mon fils. Déjà que j'ai détruit ta soirée avec Marie B... Où sont-ils d'ailleurs ?
- Ils devraient rentrer, ne vous inquiétez pas. Je vous propose cet endroit car la vue est magnifique, et elle est à l'écart du sauna et du hammam ! Vous ne m'entendrez pas trop...
- Je ne veux pas te bloquer dans ta propre demeure... J'ai déjà l'impression d'avoir ennuyé mon enfant...
Rama ne répondit pas, attendant que le comte continue de parler. Par expérience, il savait que l'homme se confiait plus facilement à lui qu'à Wladimir, en particulier concernant les relations avec son épouse.
- Je ne l'ai pas vraiment dit à Wladimir mais... Natacha et moi sommes séparés par ma faute...
- En principe, dans un couple, les deux sont fautifs, vous savez...
- Oui, elle aurait dû me parler... et peut-être également te parler...
Le tatoueur retint son souffle, se demandant ce que la comtesse avait bien pu dire à son propos. Il espérait que Dimitri allait lui livrer ce secret.
- Elle m'a dit à quel point elle se sentait coupable de la mort de tes parents et de ta sœur. A quel point elle n'arrivait pas à aller vers toi car, chaque fois, tu lui rappelais qu'elle aurait dû les sauver...
- Pourquoi ? Ce n'était pas de sa faute..., parvint à murmurer Rama, au bout de quelques secondes de silence, les larmes au bord des yeux.
- Natacha a toujours eu ce complexe du survivant... Wladimir ne veut pas la comprendre mais, même si elle n'a pas toujours raison, elle ne fait rien par pure méchanceté, tu le sais...
- Je suis souvent en désaccord avec elle mais, s'il y a une chose qu'on ne peut pas lui reprocher, c'est de ne pas tout faire pour la paix.
Le comte s'effondra, alors que Rama l'aidait à sortir ses affaires de sa valise, et pleura longtemps sur l'épaule de son fils adoptif, laissant le poids de la tristesse l'envahir.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top