Chapitre XVII : Refus - Partie 1/3
Le téléphone coupa la conversation entre le Messager et Rama, qui s'empressa de répondre, ayant reconnu la sonnerie qu'il avait attribué à son frère d'armes.
- Oui, ça va très bien et toi ? Nous discutions de la soirée filles de la gamine ! Alors, cette tournée ? Sérieusement ? C'est fantastique !
- Mets le haut-parleur !, s'exclama le Messager.
- C'est un succès en Asie, en particulier au Japon ! Je vais devoir rester un peu plus longtemps, plusieurs dates m'ont été proposées à Tokyo !, répondit Wladimir.
- Que dirais-tu de le rejoindre, ma belle ? On pourrait en profiter pour visiter !
- Pourquoi pas... Cela me permettrait peut-être de renouer avec ce pays..., soupira le Messager, songeuse.
Après la séparation de Natacha, Dimitri s'était rendu chez son fils. Cela faisait à présent plusieurs mois qu'il vivait dans ce manoir, et qu'il n'avait croisé son épouse qu'au sein du Ministère. Ils n'avaient échangé que des banalités, ne permettant ainsi pas aux autres créatures de constater leur rupture. L'année 2029 était presque entièrement égrainée, les saisons s'étaient succédées, semblables en tous points pour le cœur brisé de la créature. Il était détruit. Natacha avait été celle qui lui avait appris l'amour, qui avait partagé sa vie durant de si longues années. Et lui, loin de lui avait permis de s'épanouir, l'avait souillée, lui avait manqué de respect. Emmuré dans un silence pesant, il n'avait pas parlé à son fils de cet état de fait et errait au premier étage, promenant ses yeux dans la chambre d'amis qui lui avait été attribuée, caressant du regard les pierres blanches, les moulures soignées, le parquet en point de Hongrie. Evitant de poser les yeux sur la peinture qu'il avait emmenée, une reproduction miniature faite par Lucifer de la peinture originale les représentant, son épouse et lui, lors de leur mariage, en 1826, deux ans après leur rencontre.
Un bruit à sa porte le sortit de sa torpeur et il vit Wladimir pénétrer dans la pièce, se mettant face à lui.
- Cela suffit, père. Tu dois sortir. Cela fera bientôt un an que tu es ici, et pourtant tu ressembles à un fantôme.
- J'ai tout gâché avec ta mère...
- Et tu penses peut-être que tu pourrais la récupérer en restant ici ?
- Tu connais aussi peu ta mère que moi, on dirait. Elle est trop fière pour me reprendre, maintenant. C'est trop tard...
- Et alors ? Que vas-tu faire ? T'emmurer ?
- C'est peut-être mon tour.
La phrase qu'il venait de dire à son fils le bloqua immédiatement. Pourquoi s'en prendre à lui ? Pourquoi lui rappeler, encore une fois, le long deuil qu'il avait eu, alors qu'il tentait juste de l'aider ? Dimitri ne se reconnaissait pas. Il devait changer et, pour cela, il ne voyait qu'une seule solution immédiate.
- Je suis désolé, fiston. Je n'aurais pas dû. Je vais partir quelques temps chez Rama, cela pourra te reposer...
- Non ! Tu es très bien ici !
Ne prêtant pas attention au ton presque paniqué de son enfant, Dimitri se leva, posa ses mains sur les épaules de Wladimir, et lui murmura :
- Non. Ce sera mieux pour nous deux. Chez lui, c'est plus grand.
Après avoir laissé son père préparer ses affaires, malgré toutes ses tentatives pour le convaincre de rester, Wladimir se précipita dans son escalier et sortit contacter Rama.
- Rama ! Non, écoute-moi attentivement ! Mon père va venir emménager chez toi ! Non, ce n'est pas une blague ! Maintenant ! Je prends les devants, j'arrive !
Laissant à son père le soin de clôturer son domaine, la créature s'engouffra avec hâte dans sa voiture. Ils devaient à tout prix cacher Hermès avant que Dimitri ne le découvre.
Rama, pris de court, dévala les quelques marches qui menaient de son perron à l'extérieur, cherchant Hermès. Il devait le retrouver au plus vite et surtout, le faire vivre à un endroit où il ne risquerait pas de croiser Dimitri. Tandis qu'il courrait, son flair de créature l'aidant à se guider, il décida de placer le jeune homme dans une maison qui se trouvait non loin, et qui abritait jusqu'à peu un de ses employés, aujourd'hui parti. Mais, pour cela, ils devaient faire vite.
- Hermès ! Tu ne poses aucune question et tu viens avec moi ! C'est urgent !
Tandis que Wladimir venait d'arriver et les aidait à déménager à la hâte les affaires du jeune homme, tous deux constatèrent que ce nouveau bouleversement risquait de le déstabiliser. Depuis que sa demi-sœur était venue vider son sac auprès de lui, ils avaient reparlé, mais leurs relations restaient tendues, et ni la fougue de Rama, ni la patience de Wladimir n'étaient parvenues à faire comprendre aux deux Messagers les attentes et problématiques du deuxième. Tandis que les trois hommes jetaient presque les affaires dans la petite maison, le stress et l'angoisse emplissaient chaque bouffée d'air qu'ils expiraient.
- Et après, nous irons à Kyoto. Il y a de magnifiques temples... Marie B, si ça t'ennuie, il faut nous le dire...
Passablement agacée, Ho Sang cessa de regarder la tablette avec Shinji et Orlando pour se tourner vers sa meilleure amie, qui semblait totalement accaparée par autre chose.
- Tu te souviens que nous partons tous les quatre au Japon dans cinq mois ?, questionna le Chinois.
- Il y a un problème...
- Nous avons les billets d'avion et les hôtels ! Il ne nous reste plus qu'à décider de ce que nous voulons visiter. Il n'y a pas de problème...
- Je ne parle pas de ça, Ho Sang... C'est Hermès...
- Tu ne vas pas encore recommencer..., soupira Shinji.
- Qu'est-ce qui se passe, ma chérie ?
- Il est angoissé...
- Il se joue de toi, une fois de plus, c'est tout ! Et, comme toujours, tu tombes dans le panneau !, maugréa la Chinoise.
- Non. Wlad et Rama sont stressés... Il doit se passer quelque chose de grave...
- Moi, je laisse tomber avant même de commencer ! De toute façon, ça va finir de la même façon que d'habitude ! On va essayer de te convaincre de rester et tu vas te barrer ! Et on aura de la chance si tu ne détruits pas la moitié de votre baraque en passant !
- Shinji ! Tu parles de Marie B, là ! De ma femme ! On se calme...
- Laisse-le dire ce qu'il veut, je m'en fous. Je n'ai pas de temps à perdre... Rama ne me répond pas et Wlad non plus, c'est forcément grave !
La femme mis son téléphone dans sa poche, attrapa ses clefs de voiture, son sac et un manteau avant de sortir rejoindre son véhicule. Pour que personne ne réponde à ses appels, la situation devait être préoccupante...
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