Chapitre XVI : Ruptures - Partie 2/3
- Et notre fils ! J'ai toujours voulu cet enfant, tu le sais ! Je voulais pouvoir l'aimer, l'éduquer, bien loin de l'instruction stricte et désagréable de mes parents ! Je voulais qu'il se sente entouré, choyé ! Mais je n'ai pas pu ! Parce qu'à ses sept ans, il a fallu que près de quatre-vingt-dix milles créatures viennent dans notre clan ! Tu crois que je n'en ai pas souffert ? Mais pour qui me prends-tu ? Tu crois que cela m'a plu de savoir qu'il se détruisait, juste parce qu'il était en désaccord avec moi, au Ministère ! Juste parce qu'il aurait voulu que l'entrée en guerre auprès des humains ne se fasse pas !
Elle se déplaça, donnant un coup de pied dans une bûche qui se trouvait là, énervée. Elle avait envie de lâcher tout ce qu'elle avait sur le cœur depuis si longtemps.
- Et toi, là ! Tu penses peut-être que cela m'a fait plaisir de devoir tuer Blanche ! Elle devait être seule chez ses parents ! Une balle dans la tête, elle n'a rien senti, elle ne m'a pas vue, elle n'a pas eu le temps d'avoir peur ! Je ne voulais pas qu'elle souffre ! Et ses parents et son frère qui sont revenus ! Et qui m'ont vue ! Tu crois que j'avais le choix ? Je les ai tués proprement !
- Par jalousie, comme toujours !
La remarque de Dimitri fut celle de trop. Natacha explosa.
- Par jalousie ? Toi, là, le gentil papa ! Tu n'avais même pas vu les changements chez ton fils ! Tu n'avais pas vu qu'il était de plus en plus blanc, de moins en moins agile et qu'il se fatiguait beaucoup plus vite quand nous lui parlions ? Non ! Tu n'avais pas vu ses signes avant-coureurs ! Moi, je les ai tout de suite reconnus ! Les mêmes que Miroslav ! Il avait arrêté de boire du sang ! Il en serait mort ! Dans d'atroces souffrances ! Et quand j'en ai parlé à Blanche, en lui disant à quel point c'était vital pour lui, sais-tu ce qu'elle m'a répondu ? Qu'elle ne supportait pas l'idée qu'il puisse boire « ça » ! Et qu'au moins il mourrait en humain ! Tu comprends ce que cela veut dire ? C'est elle qui ne voulait pas qu'il se nourrisse comme une créature ! C'est aussi ignoble qu'un humain qui vivrait avec un diabétique et ne voudrait pas qu'il prenne ses médicaments sous prétexte qu'il n'aime pas ça ! J'ai été jusqu'à la supplier, mais elle ne voulait rien entendre ! « Ton » fils en serait mort ! Et c'est moi que tu accuses ?
Aussitôt, il réfléchit à tous ces petits détails qui ne lui avaient pas sauté aux yeux tandis que Natacha reprenait une inspiration. Il avait été tellement heureux pour son fils qu'il n'avait pas vu qu'il se tuait à petits feux par amour. Si Natacha n'avait rien fait, il en serait mort. Que pouvait-il donc dire à cela ? En tuant Blanche, elle avait enfermé leur enfant dans un deuil difficile et avait transgressé les lois. Mais, en l'éliminant, elle avait également permis à leur fils de vivre...
- Je...
- Et pour cet animal, c'est pareil ! Tu es comme Wladimir ou Rama, tu vois une femme agréable, gentille, amusante et tout ce que tu veux comme adjectifs ! Sans jamais prendre en compte le danger qu'elle représente ! Qui a le mauvais rôle à chaque fois ? Qui a dû tirer Wladimir de toutes ses erreurs ? Qui s'est mis à dos l'enfant qu'elle a porté ? Ce n'est pas toi ! C'est moi ! Et toi, loin de me soutenir, tu te permets encore de me rabaisser devant lui ! Tu te permets de montrer que tu es en désaccord avec moi au sein même du Ministère ! Et ce n'est pas tout ! Tu continues à me critiquer alors même que nous sommes ici ! Tu crois que je ne t'entends pas ? Ce n'est pas parce que je ne réponds pas à toutes tes attaques que je ne t'écoute pas !
- Tu aurais pu transgresser les lois. Tu l'avais déjà fait, par le passé...
- Je l'ai fait pour protéger notre enfant ! Je l'ai fait pour sauver des enfants Juifs, qui n'avaient rien demandé à personne, et que le Ministère refusait de protéger, sous prétexte que les efforts devaient aller dans la guerre contre les nazis ! J'ai transgressé pour sauver, à chaque fois ! Pas pour ma personne ! Pas pour les lauriers ! Chaque transgression n'a jamais été connue et je n'en ai rien tiré ! Je me suis occupée seule de tout cela ! Pendant que toi, tu ne faisais rien ! Certes, tu as combattu contre les nazis, mais c'est tout !
Alors que Natacha faisait enfin une pose dans son monologue, Dimitri se leva et se rapprocha d'elle, lui touchant le bras. Mais, aussitôt, elle se dégagea.
- Je suis désolée, Natacha... Je... je n'avais jamais vu les choses sous cet angle...
- Ne me touche pas ! Tu te refuses à ton contact depuis toutes ces années, ne crois pas que je vais fondre pour toi dès que tu vas t'approcher !
Se rapprochant de son épouse, Orlando l'embrassa tendrement, caressant de sa main gauche son corps dénudé. La cérémonie de la naissance de Gaïa avait été un bon moment, qui leur avait permis de discuter tous les deux et de remettre à plat certains sujets compliqués. Profitant d'une journée en télétravail, ils étaient revenus dans leur maison et Marie B lui avait fait la surprise d'un bain éclairé aux bougies. C'était à présent à lui de s'occuper d'elle et les gémissements qu'il entendait prouvaient qu'elle se sentait bien.
- Ah !
Il se redressa subitement, se demandant à quel moment il avait pu lui faire mal, lorsqu'il la vit, se tenant le ventre.
- Excuse-moi...
- Ce n'est pas toi... Je vais le tuer !
Tandis que son épouse se levait et s'habillait, paniqué, Orlando lui demanda :
- Tu vas où ?
- Je vais le tuer, j'en ai marre ! Je sais qu'il le fait exprès ! Tu te souviens, la dernière fois, avec Ho Sang et Shinji, ça a été pareil ! Depuis la naissance de Gaïa, c'est comme ça ! Là, ça suffit !
- Attends, tu vas pas prendre la voiture dans ton état ?
- Bordel !
Marie B tomba sur les genoux et Orlando, fidèle à leurs habitudes, recula, la laissant seule. Au bout d'une quinzaine de minutes à entendre cris et bruits de coups, se demandant quels meubles, murs ou carrelages allaient cédé sous les assauts, il la vit apparaître sur le seuil de la cuisine, en sueur, ses courts cheveux blonds plaqués sur sa tête par la transpiration.
- Tu devrais aller dormir chez Jigoro et Rachelle, je rangerai à mon retour.
- Tu es sûre de ce que tu veux faire ? Tu ne veux pas que je vienne ?
- Certaine.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top