Chapitre XV : Cérémonie de naissance - Partie 2/4
Hermès regarda partir, non sans douleur, sa demi-sœur avec son hôte. Encore une fois, il allait se retrouver seul, dans ce manoir, loin d'elle. Depuis un peu plus d'un an qu'il habitait une chambre du deuxième étage, il ne se sentait pas chez lui. Sa vraie maison, son vrai chez lui, c'était Marie B et rien d'autre. Il ne lui en voulait plus autant de l'avoir laissé là, chez Rama mais, au fond de lui, cet abandon pesait toujours, tel un couvercle de plomb. Il ne la voyait plus aussi souvent et, même si elle passait régulièrement lui rendre visite, les cours avec la créature n'avaient pas la même saveur. Il apprenait peut-être de plus en plus rapidement, mais il en était arrivé à un stade où il avait l'impression que, dès qu'il serait prêt, son hôte s'empresserait de l'envoyer très loin. Et, s'il fut une époque où il désirait laissait à sa demi-sœur sa vie, ce n'était plus le cas depuis bien longtemps. Elle était de son sang, de sa chair, elle seule partageait et comprenait ce fardeau qui leur avait été imposé. Elle devait rester avec lui. Ils étaient une autre espèce et, à cause de cela, il fallait qu'ils vivent ensemble et se soutiennent.
Il remonta dans sa chambre, regardant au loin la forêt et les oiseaux qui, dans le froid de l'hiver, venait manger plus près de la demeure, dans les mangeoires que les employés de Rama remplissaient chaque jour. Il aurait voulu être comme ces animaux, libre de tous ses mouvements et aimés des autres. Le simple fait que Marie B aille passer plusieurs jours avec cet enfant l'agaçait. Il ne comprenait pas pourquoi elle accordait autant d'importance à un être qui n'était pas de son propre sang. Elle allait probablement le prendre dans ses bras, lui parler, sourire à chacun de ses actes qui, pourtant, seraient proches du néant. La jalousie s'immisçait en lui depuis déjà près d'une année mais, aujourd'hui, à l'idée qu'elle allait passer autant de temps avec cet être, elle venait d'atteindre son paroxysme.
Assise dans le train, aux côtés de Rama, Marie B restait silencieuse, essayant de comprendre les raisons de la jalousie qu'elle avait senti chez son demi-frère. Au fil du temps, elle parvenait de mieux en mieux à analyser les sentiments qu'il éprouvait et qui venaient se juxtaposer aux siens. Sans en être absolument certaine, elle se doutait que Gaïa devait être un élément central du ressenti d'Hermès. Depuis qu'elle l'avait laissé chez son frère d'armes, elle savait qu'il ne lui avait pas pardonné ce qu'il avait pris pour un abandon. Les milliers de messages échangés, les dizaines de discussions à ce sujet n'avaient rien donné. Rama avait eu raison, une fois de plus. Hermès était devenu très possessif et, à présent, il jalousait toutes les relations qu'elle avait. S'il était parvenu à se canaliser sur ses proches, l'arrivée de la petite Gaïa était un coup trop dur à encaisser pour lui, qui était encore, bien souvent, un jeune adolescent.
Elle souffla et posa sa tête sur l'épaule de son frère d'armes, qui passa son bras autour d'elle.
- Ça va bien se passer, ma belle, lui murmura-t-il.
- Je crains de ne pas être à la hauteur des espérances de Luci et Uranie...
- Etre Drêrerh est compliqué, c'est vrai. Mais surtout si les parents décèdent avant que l'enfant ait atteint l'âge adulte. Et cela n'arrivera pas... Mon cas est loin de représenter la majorité, tu sais.
Marie B leva les yeux vers Rama. Il était rare qu'il parle de son passé et, dans ces cas, elle préférait le laisser faire, sans interrompre son monologue.
- Dimitri a été un bon Drêrerh. Natacha aurait pu également mais, je crois que le versement des membres du clan de mes parents dans le sien a accaparé beaucoup de son attention. Elle n'était pas méchante, mais elle me fuyait comme la peste. Il faudrait que je lui demande pourquoi, un jour...
- Je ne sais plus quoi penser d'elle, je te l'avoue.
- Elle a essayé de te tuer, elle a assassiné Blanche. Je sais que ce n'est pas la méchanceté qui l'anime mais... cette femelle te tuera dès qu'elle en aura l'occasion.
- Peut-être n'aurait-elle pas tort...
Rama attrapa le visage de sa sœur d'armes et lui chuchota :
- Ne dis plus jamais ça, tu m'entends. Tu es quelqu'un de bien, tu mérites d'avoir une belle vie, tu ne dois pas penser à ta mort.
Des larmes perlaient au coin de ses yeux. Il ne comprenait pas que celle pour laquelle son cœur avait appris à battre puisse ainsi penser que la comtesse de Kergianov avait raison à son sujet. Elle n'était pas un animal dangereux. Elle devait juste apprendre à contrôler les pouvoirs que son statut lui avait infligés, au gré du temps. S'il lui arrivait quoi que ce soit, il n'était pas certain de vouloir continuer sa vie, entre toutes ses conquêtes d'un soir, son salon de tatouages, et les bars. Il se perdrait dans les méandres de la frustration et de la peine.
- Pardonne-moi, Rama, je ne voulais pas te mettre dans un tel état...
La douleur de son frère d'armes se juxtaposait à celle de son époux qui, elle le sentait, ne se sentait pas bien non plus, et à la jalousie d'Hermès. Avec tous ces sentiments mélangés, elle ne parvenait plus à savoir ceux qui lui appartenaient.
- Ce n'est pas ta faute, ma belle. Je suis un peu surmené depuis quelques temps. Et je te fais souffrir en plus, constata la créature, en voyant que son amie se pliait en deux.
- Tu n'es pas le seul, Orlando a mal et Hermès n'est pas mieux... Je n'aurais jamais dû te laisser récupérer Hermès, Rama, je sais que cela te fatigue.
- Ne t'inquiète pas pour moi, ma belle. Tu as déjà assez à faire avec tous ceux avec lesquels tu es connectée. J'espère que tu ne le seras pas avec Gaïa !, lança-t-il, avec un clin d'œil, soucieux de détourner la conversation et de détendre l'atmosphère.
- Rama ! Marie B ! Je suis tellement contente de vous voir !
Uranie les serra fortement dans ses bras, et son bonheur fut contagieux. La voir ainsi, resplendissante, fit aussitôt oublier aux deux amis leurs discussions du voyage.
- Par contre, la prochaine fois, n'essayez pas de me coller dans le siège bébé !, ironisa Rama.
- J'avais oublié de l'enlever, expliqua Lucifer. Du coup, j'ai fait toute la route entre la gare et ici avec les deux derrière, en mode taxi.
- Ah ! Gaïa est réveillée, je vais la chercher et j'arrive ! Installez-vous dans le salon et prenez un bon thé non empoisonné !
Rama rit à la remarque de la femme. Ils étaient enfin parvenus à faire table rase de ces événements dramatiques et cette expression était devenue un code dont ils affectionnaient l'utilisation.
- Regarde, ma chérie. C'est Drêrerh Rama et Drêrerh Marie B...
Les yeux de l'enfant croisèrent ceux de la femme, qui se retrouva le souffle coupé.
- Marie B, ça va ?, s'écria Lucifer.
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