- Expire profondément, Uranie... Lucifer, fais quelque chose !

L'homme se contenta de fixer la comtesse, totalement tétanisé par l'accouchement de son épouse, qui le ramenait dans le passé, lorsque sa propre mère avait donné la vie à son petit frère, Belzébuth, et était morte en couches. Il ne pouvait plus bouger. Il savait qu'Uranie avait besoin qu'il soit fort, mais il était impossible pour lui de faire quoi que ce soit.

- Lucifer, si tu n'y arrives pas, alors appelle quelqu'un !, hurla la comtesse pour le sortir de son état d'hébétude.

- Marie !

Le hurlement de son épouse, qui ne parvint pas à prononcer le prénom complet de leur amie, le sortit de sa torpeur et il se précipita hors de la chambre, dévalant les marches quatre à quatre.

- Marie B ! Uranie veut que tu viennes !

La femme lança un regard inquiet à son frère d'armes et son ancien tuteur créaturien. Elle craignait que son instinct ne prenne le dessus sur elle et qu'elle ne puisse faire du mal à Uranie.

- Ça va aller, ma belle, la rassura Rama.

Elle monta les escaliers, persuadée que se retrouver presque seule à seule avec Natacha allait être une épreuve dramatique.

Lorsque Natacha entendit Marie B entrer dans la pièce, elle poussa un soupir de soulagement. Accoucher une femme n'était pas chose aisée, et elle avait besoin que quelqu'un soit là pour rassurer la future mère, tandis qu'elle s'occupait de récupérer l'enfant. Uranie était assise sur un fauteuil, et la péridurale avait beau faire un minimum effet, elle souffrait tout de même énormément. Voir son mari partir semblait avoir été un choc pour elle et, même si la comtesse ne portait pas Marie B dans son cœur, elle était soulagée qu'elle puisse aider la créature.

- Mais bouge, Marie-Béatrice, tu ne vas pas rester devant la porte comme Lucifer !

- Marie-Béatrice ?

- Nous ne sommes pas là pour régler nos différents mais pour aider Uranie à accoucher ! Mais si tu préfères que je t'appelle l'animal, alors fais...

- Merde ! Taisez-vous ! J' ai mal !

La comtesse et Marie B s'échangèrent un regard. Elles n'étaient pas là pour se battre, mais pour Uranie. Un accouchement n'était pas le moment propice pour une joute verbale, et la femme s'approcha de Natacha pour lui demander :

- Que voulez-vous que je fasse, Natacha ? Je ne sais pas accoucher quelqu'un ! C'est la première fois que j'assiste à un accouchement !

La panique qu'elle entendit dans la voix de son ennemie fit sourire intérieurement la comtesse. Elle savait d'expérience qu'il n'y avait pas besoin de connaître les clefs de cet acte naturel pour aider une femme.

- Il y a une première fois à tout ! Donne ta main à Uranie et rassure-la, ça sera déjà très bien !

La femme obtempéra et plongea sa main dans celle de son amie, qui la serra très fortement immédiatement.

- Le col est entièrement dilaté ! L'expulsion devrait bientôt commencer !, informa Natacha.

- Je reviens de l'étage, apparemment l'expulsion va arriver !, s'exclama Polymnie, en revenant dans le salon.

- Tu veux y retourner, Luci ?, demanda Wladimir, en se posant à côté de lui.

- Je... je... je ne peux pas !

Les sanglots qui sortirent de la gorge du futur père prirent au cœur le musicien, qui l'entoura de ses bras, lui offrant une épaule réconfortante pour se soulager.

- Et si elle se vidait de son sang, comme ma mère ?

- Ta mère a accouché seule, Lucifer, il y a bien longtemps. Ce n'est pas pareil. Personne n'était là pour elle. Je ne comprends même pas comment tu as pu la voir..., expliqua Polymnie.

- Satan ne voulait pas que je sois là. Mais j'avais peur tout seul. La chanson, la chanson...

Wladimir leva les yeux vers Rama, et vit dans le regard de son frère d'armes que le même doute venait de pénétrer en lui. Était-il donc possible que Satan, âgé seulement de dix ans, ait tué sa mère alors qu'elle venait d'accoucher ? L'étreinte de Lucifer se fit plus forte encore, et le musicien l'entendit murmurer :

- Dans ma main droite, je tiens fièrement mon épée, Ma main gauche, je la garde fermée. Sous moi, le sol est fissuré, Au-dessus de moi, le soleil a arrêté de briller, Devant moi, des humains qui m'ont agressé, Derrière moi, mon Kerrer vient me sauver.

- Calme-toi, Luci. Il l'a tuée, c'est ça ?, chuchota Rama.

- Non. Il l'a laissée se vider de son sang !, hurla l'intéressé.

- Mais quels sont ces hurlements ?, grogna Natacha. Ce n'est pas le moment...

Marie B hocha la tête, sur la même longueur d'ondes que la comtesse. Elle ne comprenait pas ce qu'il se passait en bas, dans le salon, mais espérait que leurs amis allaient calmer Lucifer, au risque de faire totalement paniquer Uranie.

- Mon mari...

- Ne t'inquiète pas pour lui, belle panthère. Il est bien entouré, ça va aller...

- Je vois la tête ! Continue de pousser, Uranie !

Au bout d'une trentaine de minutes, la concentration à son maximum, la comtesse prit dans ses mains l'enfant, qui poussa un petit cri, et dont elle enleva de sa bouche tout ce qu'il avait pu avaler au cours de son périple, lui permettant de crier bien plus fort et ouvrir ses poumons à l'air de la pièce. Puis, elle le posa sur le ventre de la mère et appela Marie B :

- Tiens, coupe le cordon.

- Mais... Et si je me rate ?

Dans un sursaut de compassion, Natacha entoura les mains de son ennemie et l'aida à couper ce lien entre mère et enfant. La chaleur qui émanait du corps de la femme la surprit. Et si elle s'était trompée ? Et si la personne qu'elle avait à côté d'elle pouvait devenir une alliée de taille ?

Elle n'eut pas le temps de réfléchir davantage, car la porte s'ouvrit sur Lucifer qui, poussé par Wladimir et Rama, pénétra dans la pièce embrasser son épouse et caresser le petit crâne de leur fille. Le regard qu'elle attendit de la part de son fils et qui ne vint pas lui brisa le cœur à nouveau. Elle ne devait pas oublier que la femme qui l'avait aidée lors de l'accouchement représentait un danger pour les créatures et la paix. « Ne laisse pas tes sentiments te diriger », pensa-t-elle, tout en sortant de la chambre.

- Le clan Thorsen a eu un nouveau membre, informa Jupiter.

- Comment ça ?, grogna Apophis.

- Uranie et Lucifer viennent d'avoir un enfant, une fille.

- Mais c'est magnifique ! Envoyons un cadeau de naissance, comme les humains ! Sérieusement, nous sommes là, totalement exclus et pendant ce temps-là, ils continuent leur vie ! Je vais les tuer !, vociféra Aphrodite.

- Au contraire, c'est très bien, conclut son époux.

Apophis savait ce que cela signifiait pour eux. Les caractéristiques génétiques de la famille de Satan s'étaient probablement insérées dans cette enfant. Et un enfant ou un jeune étaient beaucoup plus manipulables qu'un adulte, ils l'avaient très bien vu par le passé et ce, bien avant Hermès. 

Bonjour à tous !

Et voilà, la petite Gaïa est arrivée, plus ou moins sans encombres ^^

Alors : 

- Que pensez-vous que va faire le clan de Satan ? 

- Qu'avez-vous pensé des rapports entre Marie B et Natacha ? Des moments d'introspection de la comtesse ? 

- La vision que Dimitri a de sa femme ? 

- La crise de Lucifer et les révélations sur son passé ? 

- La révélation sur la provenance des prénoms créaturiens ? 

- Les doutes d'Hermès et ses rapports avec Marie B et avec Rama ? 

Je sais, beaucoup de questions, mais il faut dire que ce chapitre était dense ;)

A demain pour un chapitre... riche en émotions ;p

Sanguinement-vôtre, 

Gothycka