Chapitre VII : Unions - Partie 2/3

Rama regarda Marie B sortir de la cabine d'essayage avec une nouvelle robe. Comme toujours, elle avait posé ses conditions à leur sortie shopping. Elle voulait faire le tour des boutiques humaines lambda, et non pas celles des créateurs qu'il avait l'habitude de fréquenter. Il se retrouvait donc en plein milieu de magasins remplis, au début des soldes d'été, entouré d'humains de toutes catégories sociales. Il avait bien tenté de convaincre son frère d'armes de venir avec eux, mais il avait décliné l'invitation, soucieux de ne pas être reconnu et abordé.

Le tatoueur sourit en voyant la nouvelle tenue de sa sœur d'armes. Qui aurait pu croire que l'héritier du puissant et aristocratique clan Thorsen se retrouverait au milieu de toutes ces personnes de classe inférieure ? Les Thorsen, les plus puissantes, riches et reconnues créatures au monde, dont faisait désormais partie Marie B. Ces anciens vikings venus de Norvège auraient probablement trouvé curieux la présence de leur descendant dans cette boutique parisienne.

- Et celle-là, t'en penses quoi ?, questionna Marie B.

Il se tourna vers la femme. Elle portait une robe rose pâle, décolletée dans le dos, avec des volants jusqu'à mi-cuisses. En tournant sur elle-même, elle fit voler le vêtement et s'en amusa.

- J'adorais faire ça quand j'étais enfant !

Il fut convenu que c'était la plus belle tenue qu'elle avait essayée et, après un long passage en caisse, ils se dirigèrent vers un restaurant pour manger.

- Je suis vraiment contente pour Uranie et Luci !, s'écria la femme après avoir commandé.

- Moi aussi, ma belle. Mais je me demandais aussi comment tu allais. Tu ne parles plus du décès d'Hermès...

Rama savait qu'il lançait une discussion compliquée, mais il aurait aimé que Marie B se confie à lui.

- Je vais bien. C'est mieux pour lui que tout soit fini, mentit-elle. Au moins, il n'aura plus la peur d'être récupéré par le clan de Satan...

- Pas comme toi ?

- Je ne sais pas. Quel est mon pire prédateur naturel, à ton avis ? Le clan de Satan ou celui de Kergianov ?

- Disons que les deux sont au moins d'accord sur une chose : nous casser les pieds !

Tous deux rirent à cette remarque et trinquèrent à la deuxième union qui aurait lieu près d'un mois plus tard.


Aphrodite était déçue de ne pas pouvoir semer d'embrouille durant la seconde union d'Uranie et Lucifer, dont elle avait eu vent par Jupiter, qui siégeait au Ministère. Elle aurait voulu pouvoir se venger de la traitresse qui avait finalement pris le parti de la première version et de Rama. Mais elle était trop lourde pour se déplacer loin et Apophis avait refusé qu'elle ne sorte ainsi. Dans son utérus bougeait leur héritier, le futur chef du clan de Satan et elle en était, pour le moment, l'unique garante et protectrice.

Tant pis pour sa vengeance immédiate, elle trouverait le moyen, grâce à ce fœtus, qui deviendrait leur allié, d'annihiler et de soumettre ces maudites femelles.


- C'est bon ? Tu es prêt ?, demanda Marie B à son mari.

- J'ai tout ce qu'il faut, les lumières sont éteintes...

- Oui, oui, parfait ! Allez, on y va ! C'est parti pour trois heures de train !

Une fois arrivés à la gare, tous deux s'engouffrèrent dans leur TGV et posèrent leurs valises avant de s'installer. Fidèle à ses habitudes, la femme avait du mal à tenir en place. Elle était excitée par la deuxième union à laquelle ils assisteraient le surlendemain. Pour l'occasion, Orlando avait pris quelques jours de congés et ils profiteraient de ces moments pour se promener dans les Pyrénées. L'air de la montagne leur ferait du bien.

- Quand je te regarde, j'ai du mal à penser que, dans à peine plus d'une semaine, tu auras quarante ans, analysa Orlando. Tu n'as absolument pas vieilli...

- Je sais..., soupira la femme. Et, ça te fait peur de continuer à vieillir sans moi ?

- Je crois que cela fait quelques temps que nous n'évoluons plus ensemble, tu sais. Je suis humain, pas toi... Mais je le savais en t'épousant, et pour rien au monde je ne changerais ma vie. Même si j'ai parfois du mal à te suivre.

Orlando profitait du fait que son épouse soit bloquée seule avec lui pour tenter de lui expliquer son ressenti sans qu'elle ne puisse clôturer la conversation.

- Ça fait longtemps que je veux te parler de façon posée, enchaîna-t-il. Mais ta vie mouvementée fait que nous n'en avons pas forcément l'occasion...

- Je sais que tu as été touché par Lucas et ce qu'Achille a fait pour lui. Mais, je ne suis pas Achille. Les mêmes menaces ne planent pas au-dessus de lui. Certes, je ne suis plus au Ministère, mais entre Natacha et le clan de Satan, je dois rester méfiante. Et... je crois qu'une vie « normale » ne me conviendrait pas...

- Je ne te demanderais jamais cela, mon cœur. Seulement de pouvoir se poser de temps en temps. Comme ce week-end. Quelques promenades, le grand air. Faire une pause dans cette course que tu t'imposes.

- Je te promets d'essayer, ma Licorne.

Mais, tout en faisant cette promesse, elle ne put s'empêcher de penser à Hermès, caché, seul, dans leur maison.


- Quarante ans, prononça Hermès en français. Et moi, j'ai huit ans. Mais, quel âge physique ?

Il se regarda dans le miroir de la salle de bain. La nuit n'était pas encore tombée et il pouvait se permettre d'errer dans la maison avant de rejoindre son grenier. Il avait fait de nombreuses recherches sur Internet à l'insu de sa demi-sœur sur les critères de beauté humains. Et son reflet ne lui plaisait pas. Il n'y correspondait pas. Il n'était pas « beau » humainement parlant. Déjà, dans un premier temps, il était hors-norme. Deux mètres trente pour presque deux cents kilogrammes de muscles. Rien qu'à sa silhouette, les gens auraient peur de lui. Une seule de ses mains faisait presque la taille de la tête de Marie B. Il n'avait pas de cheveux, mais possédait une barbe épaisse qui cachait ses joues creusées et blafardes. Ses yeux semblaient trop petits pour cette tête bien trop grande. Dommage, car leur bleu-gris aurait pu être attirant, et cette couleur, proche de celle de Marie B, était bien la seule chose qu'il appréciait chez lui. Ses lèvres, trop fines, étaient dominées par ce nez droit et son front large. Qui pourrait un jour aimer quelqu'un comme lui ? Ses pensées furent immédiatement pour Marie B. Il s'assainît une claque. Il ne devait pas penser ainsi à elle. C'était mal. Elle était sa demi-sœur. Leur amour ne devait être que fraternel. C'était juste... qu'il se demandait si quelqu'un d'autre qu'elle pourrait l'accepter tel qu'il était, dans toute sa monstruosité. Après tout, elle avait un mari. Après, il était vrai également qu'elle était belle, intelligente, drôle et gentille. Et lui, qu'était-il dans tout cela ? Le monstre créé et conditionné par le clan de Satan ou l'être qu'il semblait devenir au contact de sa demi-sœur ?

En pensant une nouvelle fois à elle, Hermès décida de remonter dans son grenier, dans le but de continuer le cadeau d'anniversaire qu'il lui préparait en secret.


- Alors, ce voyage ?, demanda Uranie au couple qui venait de rentrer dans sa voiture.

- Etonnement calme, répondit Marie B. Tu penses que demain, nous aurons le temps de faire une promenade, Orlando et moi, entre deux préparatifs ?

- Bien sûr ! Ce n'est pas au bagne que nous vous avons invités, mais à notre deuxième union ! Privilégie la fin de journée, la comtesse de Kergianov a prévu d'arriver en fin d'après-midi.

- Ça fait longtemps que je n'ai pas trinqué avec cette vieille bique... Wlad et Rama sont arrivés ?

- Il y a une heure environ. Astéria est là, elle-aussi.

- Elle doit être contente de voir Wladimir, chuchota, pour lui-même, Orlando.

- Oui ! Ils iraient bien ensemble !, répondit Uranie.

- J'avais oublié que je vais être entouré de créatures à l'ouïe aiguisée, ironisa l'homme.

- Et oui, tu n'auras aucun secret pour nous, Orlando.

« Lui, non... », pensa Marie B, se renfermant sur elle-même, telle une huitre, durant la totalité du trajet, laissant son époux mener la conversation avec la femme.


En voyant rentrer son épouse, Lucifer versa trois apéritifs et les sortit dans le jardin, sur la terrasse où étaient déjà installés Rama, Wladimir et Astéria. A leur arrivée, il eut à peine le temps de saluer Marie B qu'elle se fit réquisitionner par son frère d'armes, qui lui parla longuement du possible couple entre Astéria et leur frère d'armes qu'il voulait mettre en place.

- Comment vas-tu, Orlando ?, demanda le musicien. Cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas vus. Ta jeunesse fait plaisir à contempler !

- Tu veux rire ? Je fais plus vieux que vous tous !

- L'âge est dans la tête ! C'est ce que j'aime chez les humains comme toi. Tu resteras jeune jusqu'au bout !

Il regretta aussitôt ce qu'il venait de dire. Il avait oublié, l'espace d'un instant, combien les humains pouvaient craindre la mort.

- Excuse-moi, jeune homme. C'était déplacé de ma part...

- Non, pas du tout. Je voulais d'ailleurs parler avec toi en privé.

Ils s'éloignèrent tous deux plus loin dans le jardin et, lorsqu'il fut certain que son épouse était hors de portée de sa voix, Orlando demanda :

- Quand je ne serai plus là, tu t'occuperas de Marie B, n'est-ce pas ?

- Tu sais, nous ne connaissons pas son espérance de vie...

- Elle a arrêté de vieillir, tu l'as vu comme moi. Tout le monde l'a remarqué. Promets-moi juste que tu ne l'abandonneras pas.

- Je serai toujours là pour elle. Elle est... enfin...

- Ton rayon de soleil ? Ta muse ? Ton edelweiss bleu ?, lista Orlando. Je sais tout cela. Nous sommes trois à aimer Marie B. Si cette situation a pu me déranger à une époque, je l'ai aujourd'hui acceptée. Elle nous aime tous les trois.

- Tu es son époux, Orlando. Elle a bravé les lois créaturiennes pour toi. Elle t'aime plus que tu ne le penses... et plus qu'elle ne l'imagine !

Il offrit à l'homme un sourire triste, qui ne fut pas sans lui rappeler ceux qu'il voyait sur le visage de son père.

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