Chapitre VI : Revanche - Partie 2/3
- Je ferai la fête du printemps chez Wladimir cette année, informa Marie B.
- Pas de problème, ma chérie, répondit son mari.
- Ça n'a pas l'air de te réjouir. Tu es encore bloqué sur Achille et Lucas ? Remets-toi, ce n'était pas hier, leur mariage ! Déjà, tu devrais être soulagé. Il me reste encore quatorze ans à tirer sans le Ministère !
Orlando se retourna vers son épouse, passablement agacé. Il ne comprenait pas comment elle pouvait envisager qu'il serait heureux alors qu'elle souffrait. Elle le connaissait assez bien pour savoir qu'il faisait passer son bonheur bien avant le sien depuis toutes ces années.
- Je ne me satisfais pas de ton malheur. Je regrette juste que notre vie ensemble et avec nos proches ne te suffise pas. J'ai souvent l'impression de ne pas te suffire.
- Personne ne suffit à personne, ma Licorne. La fusion de deux personnes n'est qu'une illusion. Je t'aime, mais je ne suis pas prête à renier ma nature par amour. Tu l'as toujours su... Sur ce point, je ne t'ai jamais menti !
Sur ce point..., pensa Marie B. Et sur combien d'autres ai-je menti pour te protéger ou couvrir d'autres ?
Rama observait son frère d'armes. La fête du printemps aurait lieu le lendemain et Marie B ne devait plus tarder à arriver. Le tatoueur voyait bien que Wladimir était toujours réticent à l'idée d'embarquer leur protégée dans leur entreprise. Il était encore fâché contre Rama car celui-ci, pour lui forcer la main et le mettre devant le fait accompli, avait téléphoné seul à la femme pour l'inviter. La créature décida de détendre l'atmosphère.
- Et sinon, mon frère, aurais-tu encore une de tes délicieuses vodkas ? Ou n'y ai-je plus le droit ? Je bois toujours un verre avant de raconter mes aventures amoureuses !
- Amour ? Où est l'amour lorsqu'on lâche en pâture celle que l'on aime ?, maugréa le musicien.
Rama se leva et se plaça à côté de Wladimir, debout devant une fenêtre du salon. En lui posant une main sur l'épaule, il lui demanda doucement :
- Qui cherches-tu donc à blâmer ? Moi ? Ou toi-même ?
Les yeux émeraude de l'homme scintillaient, tels deux joyaux. Ils semblaient contenir toute la tristesse du monde, mais révélaient surtout la fatigue et la frustration de la créature.
- Je n'ai pas réussi à protéger Blanche contre Natacha... Pourquoi réussirais-je pour Petit loup ?
- Et moi, je n'ai pas réussi à sauver ma sœur. Si on suit ton raisonnement, Wlad, cela veut dire que la gamine ne peut compter sur aucun de nous deux... Or, elle croit en nous, elle nous fait confiance. Elle a cru en toi dès qu'elle t'a vu la première fois. Tu as été son premier sauveur à l'époque où j'étais son premier tortionnaire... Tu dois reprendre confiance en toi, mon frère ! Tu es son ancien tuteur ! Elle te suivrait les yeux bandés. Mais, ce n'est plus une enfant, elle doit savoir ce que nous projetons de faire.
- J'ai peur qu'un jour nous ne soyons plus assez forts pour la protéger..., murmura Wladimir. Le clan de Satan veut la récupérer, Natacha veut sa peau, Hermès est instable... Petit loup est certes forte et puissante, mais elle ne peut pas non plus soulever des montagnes ! Je voudrais tellement qu'elle ait une vie normale... Parfois, je regrette qu'elle te soit passée devant le nez il y a vingt-deux ans. Elle aurait été plus heureuse sans nous...
Il ne finit pas sa phrase. Il se tourna vers la porte du salon et prononça, plus fort :
- Tu es là depuis longtemps ?
Marie B était en colère et triste à la fois. A un tel point qu'elle ne répondit pas tout de suite à son ancien tuteur créaturien. Il venait de dire qu'il regrettait qu'elle soit arrivée dans leur vie. Elle était entrée doucement pour leur faire une surprise, une plante dans les bras comme cadeau de printemps. Elle aurait mieux fait de faire du bruit. Au moins n'aurait-elle pas entendu la fin de la phrase de la créature.
- Depuis trop longtemps..., siffla-t-elle.
Elle posa la plante devant la porte entrouverte avant d'avoir envie de la lancer à la tête de Wladimir et se retourna pour sortir, les yeux devenant gris et injectés de sang. Une main lui empoigna le bras et elle s'arrêta.
- Que veux-tu, Rama ? Je sais que tu n'y es pour rien mais je préfère partir avant de faire une connerie... Là, c'est trop...
- Ecoute-moi, il n'a pas dit ça contre toi.
- Non ! Contre la reine d'Angleterre, peut-être ?
Elle était énervée et cet instinct animal commençait à la traverser. Elle cachait son demi-frère et mentait à ses proches depuis plus d'un an, son mari était triste qu'elle n'ait pas pris le même chemin qu'Achille, elle était exclue du Ministère et de son ancien clan et là, son ancien tuteur créaturien regrettait son existence. C'en était trop. Elle détourna le regard et soupira. Puis, elle sentit une vague d'incompréhension et de rage l'envahir.
- Je te déteste !, cria-t-elle. Tu m'entends ? Je te déteste, Wladimir ! Comment oses-tu dire ça ? J'ai toujours cru en toi !
Elle s'apprêtait à partir, mais elle sentit l'emprise de Rama se refermer davantage sur son bras. Un grognement rauque sortit de ses lèvres. Elle aurait pu se dégager facilement mais ragea :
- Lâche-moi, Rama. Je ne veux pas te faire de mal...
- Calme-toi, calme-toi, ma belle, murmura son frère d'armes. Si tu veux me frapper, vas-y. Mais je ne te lâcherai pas...
Marie B hésita, puis serra son ami dans ses bras, enfouissant sa tête contre son torse et tentant d'apaiser cet instinct qu'elle comprenait comme dangereux. Elle avait soudain l'impression qu'il ne lui restait plus que Rama parmi ses anciens alliés. Elle ressentit une boule se créer dans son ventre, comme pour l'informer de la douleur de Wladimir, et regarda en-dessous de l'aisselle de son frère d'armes.
- Acceptes-tu que je m'explique sur mes paroles qui t'ont blessée ?, questionna son ancien tuteur créaturien, qui se trouvait dans l'encadrure de la porte.
La femme n'en avait pas envie. Elle livrait déjà en elle une bataille contre son instinct animal, qui semblait la pousser à se venger sans réfléchir. Elle aurait juste voulu partir, fuir loin de sa réalité. Mais, quelque chose la poussa à acquiescer. Wladimir était son premier véritable allié, et elle lui devait bien cela...
Hermès se rassit, le souffle coupé. Sa demi-sœur était un peu moins tendue, après avoir eu un pic de stress qui l'avait réveillé. Leur connexion les fatiguait tous les deux. S'ils ressentaient les sentiments de l'autre, ils ne savaient jamais pourquoi l'autre était stressé, fatigué, énervé ou triste. Hermès appréciait lorsque Marie B était gaie ou heureuse, mais il avait beaucoup de mal à supporter qu'elle puisse souffrir. Il se sentait inutile, seul dans la maison de la femme. Il était loin d'elle. Et pourtant il aurait aimé la rassurer et la consoler, surtout que, cette fois, sa rage avait été bien plus violente qu'à l'accoutumée.
Il sentit que sa demi-sœur se détendait. Il supposa qu'elle devait être arrivée chez son ancien tuteur créaturien.
- Petit loup, écoute-moi. Laisse-moi t'expliquer.
La femme était debout devant la même fenêtre que le musicien peu avant. Elle était enfin parvenue à calmer son instinct en regardant la nature. Elle jeta un œil sur lui tandis que Rama leur servait à tous les trois un verre de vodka.
- Je ne voulais pas te mettre au courant de nos plans avec Rama. Je voulais que tu sois un peu tranquille, voilà pourquoi j'ai dit que j'avais des regrets.
- Tu regrettes de m'avoir connue ! Te rends-tu compte ?, grogna-t-elle.
- Non. Je ne regretterai jamais de t'avoir connue, ma louve. Tu es mon rayon de soleil ! Je regrette juste toutes les conséquences qu'ont eues dans ta vie notre rencontre et le monde créaturien.
Il s'était rapproché d'elle et posa sa main sur son épaule, la caressant doucement pour la rassurer. La femme se tourna vers lui et murmura :
- Et personne ne me demande jamais, à moi, si elle me plait ma vie...
Elle s'en voulait de ce qu'elle avait crié à son ami et tenta de s'en excuser :
- Je suis désolée, Wlad. Je ne te déteste pas, au contraire... Je t'aime. J'en ai juste marre que tout le monde veuille décider pour moi...
Wladimir la serra dans ses bras. Finalement, Rama avait peut-être raison. Ils devraient peut-être stopper la spirale infernale dans laquelle s'était mise leur protégée en récupérant son demi-frère.
- De quoi vouliez-vous me parler ?, questionna la femme, après un long moment de silence.
- Assieds-toi avec nous, nous allons t'expliquer, Petit loup.
- Je me demande de quoi vont nous parler Wladimir et Rama..., s'interrogea Lucifer, tandis qu'Astéria conduisait.
- On va bientôt le savoir, répondit son épouse. Nous arrivons dans quelques minutes.
Wladimir répondit presque immédiatement à l'interphone et Astéria se gara devant le manoir. Ils furent aussitôt accueilli par leur hôte qui les fit entrer et leur servit un café dans le salon.
- Rama et Marie B ne vont pas tarder. Elle dort toujours mal...
- Elle s'inquiète pour le clan de Satan ?, questionna Uranie.
- Pour ça, pour les humains, pour le Ministère..., répondit le musicien, volontairement évasif.
- Bonjour tout le monde !
Les deux amis venaient d'entrer dans le salon. La fête du printemps, ou plutôt la réunion surprise, pouvait commencer.
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