Chapitre V : Envies - Partie 2/3
- Je serai de retour dans une semaine, annonça Marie B. Tu es sûr que ça va aller ? Au pire, tu n'hésites pas à m'appeler...
- Je sais, je connais la procédure !, ironisa son demi-frère. Amuse-toi, d'accord ? Moi, je vais réviser !
- Au rythme où tu vas, dans un an, on pourra se mettre à l'anglais ! Tu apprends très vite ! Si tu es aussi rapide pour l'anglais, tu parleras trois langues très bien ! C'est génial !
- Et je pourrai te quitter.
La femme bloqua sur cette phrase et se tourna vers l'homme, surprise par cette affirmation qu'elle n'avait pas vu arriver.
- Je comprends ton envie de vivre libre et par toi-même, Hermès. Je sais que mon grenier est loin de représenter le lieu de vie idéal. Mais, ne va pas trop vite, ne grille pas d'étapes, et ne te brûle pas, en passant... Tu es ici chez toi, tu peux rester autant que tu veux.
- Nous allons devoir nous séparer pour vivre. Moi, parce que je suis sous le joug de la loi, et toi, parce que tu risques beaucoup trop à me cacher. Mais, ne crains rien, je ne vais pas me sauver demain, ce serait suicidaire et stupide de ma part ! Etre parvenu jusqu'à toi pour me barrer !
Marie B ressentit le pincement au cœur d'Hermès et le serra fortement dans ses bras, ne parvenant pas à faire le tour de son corps musclé et disproportionné.
- Nous ne serons jamais loin l'un de l'autre, quoi qu'il arrive, murmura-t-elle. Nous sommes connectés.
En même temps qu'elle parlait, elle sentit une autre douleur au ventre. Cette fois, elle en était sûre, Wladimir et Rama étaient tristes. Sa connexion ne faisait pas d'elle un devin, mais elle fut persuadée qu'ils étaient au courant pour Hermès.
- Tu sais, mon frère, Hermès ne veut pas de mal à la gamine. Il doit être attaché à elle. Il ne restera pas accroché à elle toute sa vie, tenta de rassurer Rama.
Son frère d'armes venait de lui parler de ce qui avait tourmenté ses pensées durant la route qui séparaient leurs deux demeures. Rama essayait donc de rassurer Wladimir, mais lui-même ne parvenait pas à se convaincre. Les deux créatures ne connaissaient pas Hermès. Même le clan de Satan avait eu l'air, apparemment, d'ignorer qui était au juste leur propre création. Seule Marie B semblait pouvoir connaître son demi-frère, en espérant qu'il ne soit pas capable de maîtriser leur connexion en sa faveur. Cependant, le tatoueur pensait que cette maîtrise était quasi-impossible et se disait que, vis-à-vis d'Hermès au moins, sa sœur d'armes était en sécurité. Même si le deuxième Messager était plus fort, les pouvoirs de Marie B étaient plus puissants et elle n'avait pas à rougir face à son demi-frère. Mais, il ne savait pas si ce serait toujours le cas dans le futur. En plus, Hermès accepterait-il de rendre sa liberté à la femme, et elle-même parviendrait-elle à le laisser partir ?
- A ton avis, Wlad, combien de temps seront nécessaires pour qu'Hermès puisse apprendre à se débrouiller seul ?
- Si on part du principe que Petit loup va probablement lui apprendre le français, l'anglais, l'écriture, la lecture et vivre dans le monde humain ? Facilement trois à cinq ans... Il a été mis à l'écart de la véritable vie durant ses six premières années... Et, malheureusement, Marie B est sa seule fenêtre réelle sur le monde... Ils ne peuvent pas sortir... Hermès est trop... hors norme, trop reconnaissable !
- Alors, récupérons-le ici ! Il sera en contact avec nous deux aussi ! Cela soulagera Marie B !
- Ils refuseront. Hermès ne nous fera pas confiance. Il est sauvage et seule Petit loup est parvenue à l'apprivoiser pour le moment...
- Ecoute, mon frère, que tu sois ou non d'accord, je leur laisse trois ans ! Si, passé ce délai...
Rama ne finit pas sa phrase. Les deux créatures avaient entendu le portail s'actionner. Leur protégée arrivait.
Marie B installa sa valise dans sa chambre, où elle dormirait au mariage, avec son mari et ses deux meilleurs amis humains. Elle déplia avec plaisir la cape qu'avait posée sur le fauteuil son frère d'armes à son intention : verte foncée, un ours brodé au fil d'or dans le dos. Aux yeux de toutes les créatures présentes à la cérémonie, appartenant pour la plupart au clan Kergianov, elle serait une Thorsen. Et, pour les humains, elle serait une créature comme une autre.
Elle sortit de son armoire une robe mise sur cintre. Courte, verte foncée, décolletée au niveau du dos et, apparemment, cintrée. Elle n'avait pas de doute sur la personne qui l'avait choisie et déposée là.
- Elle te plait ?
La femme se retourna vers son frère d'armes et hocha la tête. Ils allaient passer trois journées privilégiées rien qu'à trois, avant l'arrivée des autres créatures, puis des humains, pour le mariage. Et, pourtant, elle stressait. Elle avait senti la tristesse de ses deux amis et la colère de Rama au moment où elle arrivait. Ce sentiment avait été tellement fort pour le tatoueur, si proche de la peur et de l'impuissance... La dernière fois qu'il avait ressenti cela, c'était lorsqu'elle avait été martyrisée par Apophis.
- Dis-moi, Rama. Pourquoi étais-tu en colère avant que j'arrive ?, parvint-elle à demander.
La créature n'eut pas beaucoup de temps pour inventer une réponse, et grogna la première chose qui lui vint à l'esprit.
- Personne ne sait où se cache le clan de Satan... où elle se cache...
- Je comprends ton envie de vengeance. Tu sais, ils finiront bien par sortir, ne serait-ce que pour essayer de me mettre la main dessus... ou de me détruire. Et, à ce moment-là, nous pourrons ramener Apophis et Aphrodite afin de les juger.
Elle reposait la robe dans l'armoire lorsqu'elle sentit les bras puissants de son frère d'armes l'entourer. Il lui avait menti, elle le savait. Et il savait qu'elle lui mentait...
Hermès regarda par la fenêtre les oiseaux qui fouillaient dans la terre les quelques vers de terre qu'ils pourraient encore trouver. Cela faisait plus d'un an qu'il avait quitté ses « parents » et le froid qui envahissait progressivement les jours lui rappelait sa longue traversée en quête de Marie B. Depuis quelques semaines, le calme et le chant des oiseaux avaient été rejoints du son creux et mât des coups de fusil. Si, au départ, il frémissait à chaque fois qu'il entendait cette sonorité particulière, il avait appris à avoir confiance en son enfermement. Il était en sécurité dans la maison de sa demi-sœur. Ni les créatures, ni les chasseurs ne pourraient lui faire de mal. Tous ignoraient son existence ou le lieu où il se trouvait et, en plus, Marie B lui avait promis de le protéger. Il avait confiance en elle. Elle lui avait sauvé la vie plus d'un an auparavant alors que lui-même essayait de la tuer, trompé par ceux qu'il avait considérés comme ses parents. Cependant, il se demandait qui étaient ses vrais parents. Son oncle, Arès, lui avait dit que sa mère humaine était une prostituée qui l'avait abandonnée à la naissance et qu'ils avaient retrouvée et tuée afin de le venger. Mais, sa demi-sœur semblait sceptique sur cette histoire. Son oncle lui avait également beaucoup parlé de son géniteur, en faisant le portrait flatteur d'une créature puissante, intègre, surdouée, prête à donner sa vie pour ses idéaux, qui avait été assassiné par le premier Messager, sous la coupe des humains et des Kergianov. Marie B l'avait dépeint comme quelqu'un d'haineux, prêt à tout pour atteindre son but : créer de nouvelles espèces afin de détruire un maximum d'humains.
Hermès se cacha instinctivement en voyant passer quelqu'un dans la rue, puis se ravisa. Personne ne pouvait l'apercevoir au travers les rideaux. Il avait toujours vu le monde au travers d'une fenêtre. Fenêtre virtuelle dans le clan de Satan, fenêtre physique chez sa demi-sœur. La seule fois où il avait vu le monde de ses propres yeux, tous lui avaient paru hostiles, créatures comme humains. Seule Marie B et les autres bêtes l'avaient accepté pour ce qu'il leur était semblable : un animal.
- Alors, tout le monde est prêt ?, demanda Wladimir. La cérémonie commence dans trente minutes. Tout le monde doit se mettre à sa place !
- Ça va aller, Lucas. Ça va être cool, le rassura Marie B. Wlad est un très bon maître de cérémonie ! Au besoin...
- Je sais... mais ça me dégoûte..., murmura l'homme.
- Le sang ?, questionna Orlando. Fais comme moi. Tu trempes juste tes lèvres.
- Je reste auprès de vous durant toute la cérémonie, promit Marie B. Et, après, c'est la fête !
Lucas prit la femme dans ses bras et une larme coula le long de sa joue.
- Merci pour tout, chuchota-t-il.
- Maintenant, tu peux me remercier, répondit Marie B. Regarde qui va finalement présider le mariage.
Devant les humains impressionnés passa un Ulysse au regard fier et droit, se dirigeant vers son fils afin de le donner comme époux à l'humain qu'il aimait. Si tel était son souhait, il ne pouvait pas aller contre son bonheur. Certes, il aurait préféré qu'il épouse une créature mâle, car il aurait moins à craindre pour la vie de sa progéniture mais, en tant que père, il resterait près de lui pour le veiller. Jamais le destin de son fils ne se rapprocherait de celui de Miroslav.
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