XIX. Dissolution / Partie 1

- Ils l'attendent, murmura le Messager à ses deux amis.

Pour l'occasion, les principaux membres du clan Kergianov au complet s'étaient regroupés, faisant abstraction de leurs divergences.

- Quel comité d'accueil !, s'exclama Arès, un sourire aux lèvres.

- Pour que tu saches que nous vous aurons toujours à l'œil, ton clan et toi !, rétorqua Dimitri.

- C'est la plus belle sortie de prison que j'aurais pu imaginer, ajouta Arès. Une sortie en grandes pompes !

« Ça y est », pensa le Messager. « Le clan de Satan est reconstitué... Cinquante ans après sa dissolution... ».



- Il faut récupérer Hermès !, déclara Marie B.

Plusieurs mois s'étaient écoulés depuis son kidnapping mais, cette idée était dominante chez elle. Elle voulait retrouver son demi-frère, l'arracher aux griffes du clan de Satan. Elle l'avait senti quand il était auprès d'elle ; il avait douté du bien-fondé de sa « famille », il avait été choqué. Mais, quand les animaux étaient venus la sauver, elle n'avait pas pu rester consciente et l'aider. Il avait dû fuir aux côtés de son clan et, depuis, ils étaient loin physiquement l'un de l'autre, et seule leur connexion permettait à la femme de savoir comment allait le jeune homme.

Le procès d'Arès avait été fixé au début de l'année 2024 et, juste après sa défaite, Apophis avait disparu du Ministère.

- Je ne pense pas que le Ministère approuve, rétorqua Rama.

- On ne peut pas le laisser à ces monstres !

- C'est devenu d'une idée fixe chez toi, lui reprocha son ancien tuteur créaturien.

- Je sais qu'il peut devenir... quelqu'un d'autre. Il a juste besoin d'aide...


Jigoro et Rachelle avaient invité Ho Sang, Shinji et Orlando à manger chez eux. Ils ne parvenaient toujours pas à comprendre pourquoi Arès ne serait condamné que par un tribunal créaturien.

- Pour la quinzième fois, papa. Les lois créaturiennes sont mieux adaptées que les nôtres pour lui. Il sera condamné à une peine plus forte.

Ho Sang commençait à être lassée de devoir se répéter. Elle aurait trente-huit ans cette année et aspirait à une vie plus tranquille. Elle n'avait pas envie de revoir le bourreau de sa meilleure amie. Lorsqu'elle reçut un message de Marie B, elle vit la photographie de son profil, qui avait été prise au Canada, deux mois plus tôt. Une bouffée d'air pour les deux couples, ainsi que pour Rama et Wladimir. Mais, depuis leur retour, elle avait remarqué que la femme était retournée en apnée, obsédée par le deuxième Messager.

- C'est quand même un beau bazar chez les créatures !, s'exclama Rachelle. Personne ne sait qui fait quoi et tout le monde passe son temps à se trahir !

- Comme chez les humains, défendit Orlando. Sauf que leur société est beaucoup plus petite. Et que Marie B y est directement impliquée...

- Comment se remet-elle ?, demanda Jigoro.

- Comme elle peut, Maître, répondit Shinji.


- Arès est retenu en prison et nous sommes en fuite !, s'énerva Aphrodite. Nous devons agir !

Apophis ne répondit pas. Ils avaient toujours des membres de leur clan et des alliés au Ministère mais, il avait dû le quitter précipitamment pour se cacher et éviter une arrestation. Ils devaient réagir, mais pas n'importe comment. Ils avaient encore une arme de poids en la personne d'Hermès, et il comptait bien s'en servir.

- J'en ai marre d'être ici ! J'ai l'impression d'être un animal traqué !

- Calme-toi, mon Amour.

La créature s'approcha de son épouse, mais elle rejeta ses bras ouverts. Apophis l'attrapa aussitôt violemment par le bras et l'attira vers elle.

- Fais attention à toi, mon Amour. Où vas-tu ?

Aphrodite voulut se dégager de l'emprise de son mari. Devant la pugnacité de l'homme, elle cessa de tirer sur son bras et s'approcha de lui.

- Et que vas-tu faire ?

- Je sais comment calmer tes ardeurs, Aphrodite.

Il glissa sa main libre dans le bas du dos de sa femme, la faisant se cabrer au rythme de ses caresses, qui se faisaient de plus en plus pressantes. Une fois son épouse sous son emprise sexuelle, elle serait beaucoup plus calme.


Hermès sortit dans la forêt. Il était troublé depuis sa rencontre avec sa demi-sœur. Il ne comprenait pas pourquoi ses parents, son oncle, et lui-même l'avaient torturée. Il n'acceptait pas qu'ils aient agi ainsi, en humains. Il mettait ça sur le coup de l'énervement et du besoin de faire revenir la femme dans le droit chemin mais, il doutait... Il commençait sérieusement à se poser des questions sur le bien-fondé des actes de sa famille. Il ne comprenait pas en quoi martyriser quelqu'un allait le faire changer de camp. Il pensait que ce genre d'actes était celui des Hommes, et non des créatures.

Il s'assit sur une souche. Marie B allait mal. Il ne savait pas pourquoi et comment il savait cela, mais son instinct animal ne le trompait pas...


Natacha fulminait. Un animal de l'espèce de Marie B était déjà amplement compliqué à gérer, mais alors deux. Ça faisait deux de trop. Elle craignait pour cette paix entre les créatures et les humains qu'elle avait eu tant de mal à instaurer et à garder. En plus, elle savait que Satan avait probablement un but bien précis pour avoir créé ainsi deux Messagers de la Vie et de la Mort. Elle avait bien peur qu'il ait eu en tête la légende de la création du monde. Evidemment, comme toutes les créatures, elle n'était pas sans savoir que ce n'était qu'une histoire inventée il y a bien longtemps mais, les deux animaux, eux, étaient bien réels. Si un accouplement avait lieu entre eux, personne ne savait quelle espèce allait bien pouvoir voir le jour, humain, créature ou autre. Le risque était bien trop grand pour ne pas être considéré. Elle avait travaillé trop longtemps à la paix entre les deux espèces pour qu'elle soit balayée par le clan de Satan.

Son regard se posa sur une posa sur les boites d'archives de son mari. Elle savait ce qu'elles renfermaient, mais ce sentait le besoin d'ouvrir l'une des deux. Tous les sommaires des archives du clan Kergianov s'y trouvaient. Des papiers bien souvent vieux de plusieurs siècles avaient été recopiés de sa propre main cinq ans plus tôt et les originaux avaient été rangés dans les archives du clan, dans ce lieu secret de tous, exceptés de la comtesse, son époux et leur fils. Plusieurs mètres linéaires de documents répertoriés, rangés, classés, faisant état de la vie de ce clan depuis sa fondation en 543 après Jésus-Christ, par son ancêtre, Hlodowig, qui avait hérité du même prénom que le roi des Francs. Jusqu'en 1594, le clan Kergianov avait été appelé « clan Hlodowig » et c'était Alyosha, le père de Natacha, qui avait apposé son nom de famille au nom du clan.

Toutes ces archives étaient sous la responsabilité de la comtesse et, régulièrement, elle les réécrivait afin de n'en perdre aucune trace. Là était la difficulté de chef de clan que son fils semblait bien souvent oublier. Certes, elle était dure, parfois cruelle, et tranchée. Mais cela, uniquement pour défendre la vie de son clan et la paix qu'elle avait tout fait pour instaurer avec les humains. Etre membre permanent du Ministère signifiait bien souvent mettre de côté sa vie, ses désirs et parfois même ses besoins. Elle aurait aimé pouvoir davantage élever son enfant, passer plus de temps à ses côtés. Mais son devoir avait souvent exigé, et c'était toujours d'actualité, de participer à chaque cérémonie de naissance, de passage, chaque mariage, chaque cérémonie d'adieu de toutes les créatures dont elle avait la charge, soit environ 250 000 âmes.

Elle soupira en refermant la boite. Elle avait donné sa vie pour son clan. Depuis qu'elle était devenue cheffe, en 1836, à la mort de ses parents, elle avait toujours œuvré dans ce sens. Et, pour le bien de tous, il fallait que le deuxième animal disparaisse. Un sourire se dessina sur ses lèvres rosées. Elle savait comment s'y prendre.


Uranie tenta une nouvelle fois de contacter son mari mais, il ne daigna pas répondre. Le lendemain de ce jour funèbre où elle avait ramené Marie B, ses proches humains et leurs alliés chez elle, et où elle avait dû avouer sa trahison, il l'avait mise à la porte de chez eux, sans prononcer un seul mot. La mort dans l'âme, elle avait dû louer un appartement en ville dans l'urgence. Elle ne souhaitait pas être accueillie par un membre de son clan, même si elle savait qu'Astéria lui avait proposé. « Elle pense juste que tu t'es brouillée avec Luci », pensa-t-elle. « Si elle savait la vérité, elle te rejetterait ». Uranie était rongée par le remord, tous les jours. En plus, n'ayant plus accès à leur villa, elle ne pouvait plus peindre et continuer à gagner son argent. Elle soupira en pensant à leurs toiles. Même si, la plupart du temps, elle et son mari peignaient chacun de leur côté, il leur était arrivé d'exercer leur art ensemble, sur une seule toile. Dans ces moments privilégiés, ils créaient de véritables œuvres d'arts, dans un néo-impressionnisme très intéressant qui avait plu à de nombreux connaisseurs. Mais, jamais ils n'avaient vendu une seule de ces peintures créées ensemble. Ils les avaient gardées pour eux, se contentant de monnayer celles qu'ils faisaient chacun de leur côté. Et leur reconnaissance faisait qu'ils n'avaient pas besoin d'un autre travail, et pouvait vivre aisément.

Cette petite vie parfaite lui manquait, et les larmes lui montèrent aux yeux. Elle savait que si quelqu'un l'écouterait, ce serait Wladimir. Elle décida donc de se rendre chez lui.


Wladimir était installé chez lui, regardant la première neige de novembre recouvrir les arbres dénudés. La vision de cette nature immuable le calmait et lui permettait de réfléchir tranquillement. Depuis les immenses fenêtres de son entrée, il observait les oiseaux qui venaient se restaurer dans les mangeoires qu'il avait installées. Malgré toutes ces visions de la beauté, son cœur se laissait aller à la mélancolie. Il craignait que le Ministère ne décide de sanctionner également Hermès, et que sa protégée ne prenne sa défense.

Le deuxième Messager devait également avoir un pouvoir de connexion car la femme avait plusieurs fois senti sa douleur. A cause de cela, elle commençait à s'attacher à lui, vivant avec le jeune homme ses sentiments, ses craintes, ses moments de doute. Le clan de Satan avait au moins réussi cela dans son entreprise. Marie B serait incapable de tuer son demi-frère.


- Je sais qu'il n'est pas aussi violons que nous le croyons, répéta encore une fois Marie B.

- Attends un peu. Tu parles bien du gars qui t'a tabassée et essayé de te violer, c'est ça ?, rétorqua Ho Sang.

- Il a été manipulé. Il n'a rien connu d'autre que la haine contre les humains. Mais, durant le peu de temps que j'ai été à son contact, je l'ai vu se poser des questions et avoir des hésitations.

- Ce n'est pas parce qu'on hésite que l'on est innocent, contra Shinji.

- Orlando, ma Licorne, ne me dis pas que tu penses comme eux ?

- Il t'aurait tué sans aucune hésitation, ma chérie.

- Non. Je sais qu'il ne l'aurait jamais fait.

- Parfois, je me demande si tu n'es pas victime du syndrome de Stockholm, marmonna la Chinoise.

Marie B ne répondit pas. Elle savait qu'elle détenait la vérité. Elle savait qu'Hermès, lui-aussi, souffrait.


Wladimir découvrit derrière sa porte une Uranie en souffrance. Il eut envie de lui la claquer au nez, mais se ravisa.

- S'il-te-plait, écoute-moi...

Le musicien maudit sa gentillesse naturelle et la fit entrer dans le salon.

- Veux-tu un thé ou un café, Uranie ? Promis, je ne t'empoisonnerai pas.

La remarque fit mal à la femme, mais elle était trop honteuse pour réagir. Et, au moins, Wladimir acceptait de lui parler. Plus encore, lui et Rama l'avaient couverte en ne prévenant, pour le moment, aucun membre du Ministère de sa participation à la torture de Marie B.

Il revint quelques minutes plus tard et déposa la tassa devant elle.

- Que me veux-tu, Uranie ?

- Je veux juste parler. J'ai porté le poids de la trahison pendant quatre ans, souffrant seule lorsque je pensais que Rama avait été tué. Je suis restée dans le clan de Satan ensuite pour protéger Marie B, qui était leur cible... mais ils ont menacé de tuer Luci et Rama... Mon mari m'a mise à la porte, Rama refuse mes appels, et je n'ose pas contacter Marie B après ce que je lui ai fait... Tu es le seul qui, je le savais, ne m'aurais pas rejeté directement... Je sais que ce que j'ai fait est impardonnable, mais je ne supporte plus d'être seule et isolée...

- Pour le pardon, il faut du temps. Surtout que je n'ai toujours pas compris exactement ce qui t'a poussé à nous trahir...

- La jalousie. J'aimais toujours Rama. Je voulais m'entretenir avec lui parce que Luci me l'avait demandé. Et... je suis tombée sur Rama et Marie B... qui criaient... Ça m'a mise hors de moi... J'avais tellement mal...

- Tu nous as vus... Je comprends mieux d'où t'es venue cette jalousie... Rama ne t'a jamais appartenu, tu sais. Et, pour te venger, tu lui as mis Aphrodite dans les pattes. Elle aurait réussi à le tuer... si Petit loup n'avait pas eu cette connexion et son sang !

- Je sais... Et il est tombé dans mon piège. Il l'a aimée.

- Je ne sais pas. Il a cru l'aimer, c'est certain. Il voulait oublier Petit loup. La première femelle venue aurait été la bonne. Je suis navré pour toi, Uranie, mais il n'aimera probablement jamais quelqu'un d'autre autant qu'il n'aime sa sœur d'armes. Il a toujours voulu éviter d'aimer. Avec Petit loup, il ne l'a pas vu venir.

- Je sais. Et moi, à cause de ma jalousie, aujourd'hui, je n'ai plus rien...

Le musicien la regarda. Elle lui faisait mal au cœur. Elle s'était punie elle-même. Il ne servait donc à rien de prévenir le Ministère sur ses agissements passés.


Ses alliés avaient prévenu Apophis qu'Arès serait jugé dans quelques semaines. Il ne servait à rien de tenter quoi que ce soit au tribunal. Malgré la force de la deuxième version, il n'aurait jamais le dessus. Ils devaient frapper au cœur du clan Kergianov et ce, avant qu'Hermès ne développe encore plus son intelligence. L'animal lui avait encore demandé pourquoi ils avaient agi en humains contre la première version. Ils avaient pensé et espéré qu'Hermès resterait stupide toute sa vie mais, à priori, c'est qu'il avait à cette époque, un développement de son cerveau proche de son âge réel. A présent, ces capacités intellectuelles étaient plus proches de celles d'un adolescent, et la première version avait réussi à semer le doute en lui. 2024 devait être l'année où ils frapperaient et détruiraient le clan Kergianov. La vengeance était un plat qui se mange froid... mais ils n'avaient pas le temps de le laisser refroidir.


Et me voici revenue de vacances !!! Pour vous remercier de toutes vos lectures, de vos 2.99K de lectures, de vos 687 votes et 13.4K de commentaires, une nouvelle partie !!!

Alors : 

- Les liens entre Hermès et Marie B, des idées ?

- Les informations sur l'histoire de Natacha vous plaisent-elle ? 

- Uranie ? Que va-t-il lui arriver à votre avis ? 

- Le départ d'Apophis du Ministère ? Vous avez des idées ? 

- Le plan de Natacha et ses motivations ? 

Comme toujours, n'hésitez pas à commenter, blablater, révolutionner et voter (si vous aimez ^^) !

A très vite, 

Sanguinement-vôtre, 

Gothycka

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