XI. Aveuglé / Partie 1
- Wladimir ! Action ou vérité ?, questionna Rama.
- Vérité, soupira la créature, qui craignait les questions de son frère d'armes.
- Quel est le moment que tu regrettes le plus dans ta vie ?
- Je ne sais pas. Peut-être... non, ce n'était pas ma faute... Lorsque je vous ai laissés pendant cinq ans, répondit-il, après avoir réfléchi et regardé le Messager. Et toi ?
- Lorsque je suis tombé amoureux d'elle...
- Ce sont nos erreurs qui nous construisent, rétorqua son frère d'armes.
- J'aurais préféré ne pas la faire...
- Si la créature était parfaite, elle serait Dieu !, ajouta le Messager. Si tant est qu'il existe et qu'il soit parfait !
- J'aurais aimé être parfait à l'époque, soupira Rama.
- Si tu étais parfait, tu serais chiant à crever, rétorqua la femme.
La sortie de sa sœur d'armes le fit rire. C'était entre-autre pour ses remarques qu'il l'aimait. Comment avait-il pu être aussi aveuglé ?
- Ils voudraient bien le tuer, résuma Marie B à son mari et leur couple d'amis.
- Il faut porter plainte !, s'écria Ho Sang.
- C'est une créature, Lóng.
- Mais toi, tu as été considérée comme humaine, analysa Orlando.
- Parce qu'il n'y avait aucun doute dessus. Imagine que cet enfant soit une créature « normale ». Il est interdit aux humains de le vérifier génétiquement. C'est l'une des premières protections du Premier Pacte Inter-Espèces. Les humains soignent et analysent leur espèce, les créatures, les leurs. Cela évite des dérives et des expériences. Et s'il y a bien une loi avec laquelle je suis d'accord, c'est bien celle-là.
- Donc, même s'il existe, il sera considéré par les lois humaines comme une créature. Et son sort appartient aux créatures, c'est ça ?, demanda son mari.
- Oui. Et moi, je devrais faire un choix.
- Comment ça ?, demanda Shinji, perplexe.
- Tuer, ou non, mon propre sang.
Les trois humains furent choqués par la révélation de leur compagne et amie. Ils ne concevaient pas qu'un tel choix puisse exister. C'était absolument inhumain pour Marie B.
Orlando ressentit une douleur dans sa poitrine. Il ne voulait pas que son épouse ait ce genre d'épée de Damoclès au-dessus de sa tête. La possibilité d'un autre Messager de la Vie et de la Mort était déjà un poids suffisant. Pourquoi les membres de son clan y ajoutaient-ils un possible futur meurtre ?
- Nous n'avons pas le choix. Le clan Kergianov est fissuré, mais pas encore mort..., commença Uranie.
Déjà trois mois s'étaient écoulés depuis le retour du clan de Satan au Ministère. Apophis et Arès étaient craints, mais leur proie n'était pas encore isolée.
- Nous allons accélérer les choses, décréta Apophis. Une fois seul, il nous sera facile d'avoir le dessus sur cet animal.
- Et comment allez-vous vous y prendre ?
- Ça, c'est une surprise, lui répondit la créature, en lui faisant un clin d'œil.
Uranie frissonna. Décidément, Apophis ne lui plaisait pas, il était beaucoup trop machiavélique pour elle. En plus, elle n'aimait pas ce genre de surprises. Mais, elle détestait encore plus la souffrance qu'elle endurait depuis si longtemps.
- Je t'aime, belle Aphrodite, déclara Rama, en lui offrant une rose. Une rose tous les jours de ma vie pour toi, ma fleur divine.
Dans le salon de Rama, les photographies de Marie B et Wladimir avaient été presque toutes ôtées des murs blancs, remplacées par des images de sa dulcinée. Seule la peinture de la cérémonie de passage de sa sœur d'armes était toujours présente. Aux côtés d'Aphrodite, il avait l'impression de revivre, de découvrir ce sentiment dont il avait eu peur pendant si longtemps. Elle le comprenait, elle l'acceptait, elle l'aimait pour lui, avec ses qualités et ses défauts. Pour elle, il se sentait plus fort, et prêt à tout pour son bonheur.
- Je t'aime, mon Amour. Nous devrions l'annoncer officiellement à ton frère et ta sœur d'armes, ne crois-tu pas ? Cela va faire six mois que nous sommes ensemble. Une annonce officielle serait la bienvenue.
Aphrodite avait enlacé son amant, après avoir posé délicatement la rose blanche sur la table basse. Elle plongea ses yeux clairs dans le regard de la créature, tout en caressant son dos. Excité, Rama lui saisit la tête et l'embrassa avec fougue. Avant qu'il n'aille plus loin, sa dulcinée l'interrompit et il lui répondit :
- Tu as raison. Je vais leur proposer de venir manger le week-end prochain. J'appelle Wladimir et, après, je m'occuperai de ton plaisir, belle rose.
Après l'appel de son frère d'armes, Wladimir téléphona à Marie B pour lui annoncer l'invitation.
- Je ne comprends plus rien. Cela fait plusieurs mois qu'on ne le voit qu'épisodiquement et là, il nous invite chez lui ?, interrogea la femme.
- Je sais. Mais ce serait l'occasion de parler de cet éloignement, tu sais. Je pense que nous devrions accepter, Petit loup.
- J'en parle avec Orlando et je te rappelle dans la soirée, Wlad.
Marie B raccrocha, perplexe. Elle ne comprenait pas pourquoi, tout à coup, Rama les invitait chez lui, sans véritable raison annoncée. Elle avait envie de s'attacher à l'idée qu'après tout, peut-être qu'ils lui manquaient et qu'ils voulaient juste les voir. Elle sentit une boule se former dans son ventre. « Encore cette saleté de jalousie », pensa-t-elle.
La femme en parla avec Orlando, qui, dans un premier temps s'était montré légèrement suspicieux. Finalement, l'homme avait trouvé l'invitation « géniale », et avait poussé sa femme à accepter. Il voulait qu'elle soit heureuse, et revoir son frère d'armes lui ferait forcément plaisir. Tandis que Marie B rappelait son ancien tuteur créaturien pour valider la date du rendez-vous, son mari la regardait d'un air espiègle. Il voyait le sourire qui illuminait le regard de son épouse tandis qu'elle parlait avec Wladimir au téléphone. Il espérait juste que ce n'était pas encore un masque qu'elle mettait pour l'épargner.
Marie B regardait par la fenêtre de la voiture le paysage qui défilait. Le printemps était revenu et, malgré la fine pluie, il avait apporté avec lui les feuilles sur les arbres, les fleurs au bord des champs et la promesse du retour des beaux jours. Elle était pensive et sentait que son ami l'était aussi. Mais, surtout, elle avait un mauvais pressentiment.
- Je sens que ça va mal se passer, déclara-t-elle.
- Ne dis pas ça, Petit loup. Ce n'est pas la première fois que toi ou moi nous éloignons de Rama. Et, pourtant, nous l'avons toujours retrouvé...
- Pas aujourd'hui...
Wladimir jeta un œil sur sa protégée. Elle était tendue et savait que si l'une des causes de ce stress était le retour du clan de Satan, l'autre était sa relation avec son frère d'armes. Marie B avait beaucoup de mal avec les départs, c'était une de ses plus grandes failles. N'ayant plus de parents depuis presque dix ans, elle avait une grande crainte de l'abandon, et l'éloignement progressif de leur frère d'armes n'avait pas arrangé les choses. Mais la créature voulait garder l'espoir que tout allait s'arranger en ce midi d'avril.
- Wladimir ! Marie B ! Je suis heureux de vous recevoir aujourd'hui !, s'écria Rama, en les prenant dans ses bras. Suivez-moi, donc !
Le duo s'exécuta et ils suivirent leur hôte dans la salle à manger, après avoir déposé dans l'entrée leurs vestes humides.
- Je vous ai demandé de venir afin de vous annoncer officiellement que je suis en couple.
Aphrodite pénétra dans la pièce, telle une star qui aurait défilé sur le tapis de Cannes. Elle portait une robe sirène couleur crème, légèrement décolletée, ses cheveux blonds étaient attachés dans une queue de cheval soignée, et ses talons aiguilles résonnaient tandis qu'elle se déhanchait pour rejoindre Rama. Marie B commençait déjà à être agacée. Elle se demandait si la créature avait conscience qu'ils étaient ici pour manger et non pour tourner un film. Elle ne put s'empêcher de se comparer une fois de plus. A côté d'Aphrodite, elle était vraiment fade... et tellement humaine.
La créature arriva enfin à destination, plaçant sa main dans celle de son compagnon.
- Je t'avais bien dit qu'il y avait une raison à cette invitation soudaine, dit Marie B à son ancien tuteur créaturien.
- Mais, venez vous installer, proposa l'hôtesse, de sa voix mielleuse qui horripilait la femme. Nous n'allons pas manger debout !
Marie B hésita, mais Wladimir la poussa délicatement vers les chaises qui leur étaient offertes. Il n'aimait pas cette créature, il la sentait fausse, il n'appréciait pas le ton qu'elle employait, mais il ne supportait pas l'idée de juger les gens trop rapidement. Ils devaient tous les deux au moins lui laisser le bénéfice du doute, et une conversation autour d'un bon repas était la bonne occasion de sonder la femme.
- Très bonne idée, cette promenade, même s'il pleut !, ironisa Shinji. J'espère pour Marie B que ses retrouvailles avec son frère d'armes se passent bien !
- Il n'y a pas de raison que ça se passe mal, répondit Orlando.
Après avoir marché jusqu'à la boîte aux lettres, ils rentrèrent dans la maison de l'homme et décidèrent, après s'être séchés, de jouer aux cartes. Ho Sang était au dojo avec son père et cet après-midi à deux leur plaisait. Ils aimaient tous deux leurs épouses, mais elles pouvaient parfois être fatigantes, toutes deux hyperactives. Au moins, en étant juste à deux, ils pouvaient prendre le temps de vivre et de jouer tranquillement. Les deux trentenaires discutaient de leur travail, de leurs couples, de ce qu'ils voulaient faire du reste de leur vie, dans une bonne ambiance, à l'opposé de ce qui se passait chez Rama.
Et voici pour la première partie de ce chapitre !
- Que pensez-vous des craintes des humains ?
- Des idées sur la mauvaise ambiance qui règne chez Rama ?
- La "surprise" que promet Apophis ?
Comme toujours, blablatez, commentez, votez !!! ^^
Sanguinement-vôtre,
Gothycka
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