VI. Fruit défendu / Partie 1

- Doucement, Rama, souffla le Messager. C'est la première fois depuis bien longtemps que je m'offre à nouveau à quelqu'un... Avec l'âge, la tendresse prend le pas sur le sexe...

- Je saurai être doux, lui murmura son frère d'armes. Plus doux que nous l'avions été la première fois que nous avions goûté ce fruit qui nous était défendu...

- Alors tais-toi et viens en moi.

Le Messager attira à elle la créature. Orlando lui manquait toujours, mais le contact charnel de son ami eut raison de son deuil. Elle se sentait bien, pour la première fois depuis longtemps.



- Alors ?, demanda Rama, impatient.

- Trente-huit !, s'exclama Marie B, qui venait de finir le décompte des baisers.

- Il ne manque plus que les vôtres, mes jolies !, indiqua la créature à Ho Sang et à sa sœur d'armes.

Devant l'agacement que commençait à montrer la Chinoise, car ce n'était pas la première fois que Rama leur demandait d'apposer leurs lèvres sur son torse, Marie B le repoussa gentiment.

- Dégage, sac à puces ! Et profites-en pour aller chercher nos verres au bar ! Demande à Rê de nous concocter son « spécial », il est divinement bon !

- Divinement bon, comme toi, ma belle, plaisanta la créature, avant de se diriger vers le bar.

Comme toujours, seul lui avait répondu présent à l'invitation de la femme. Wladimir avait préféré rester chez lui, à l'écart de la foule.

Tandis que les deux couples continuaient de discuter, il observait de loin sa sœur d'armes. Il avait beau tout faire pour passer outre la femme, il revenait toujours vers elle, tel un morceau de métal sur un aimant. Un aimant qu'il ne parvenait pas à démagnétiser. Mais en avait-il seulement envie ?


Wladimir était installé dans son salon de musique et laissait courir son regard sur ce qui l'entourait. Il avait enlevé la photographie de son mariage avec Blanche pour la remplacer par une photographie du mariage créaturien de Marie B. Bien sûr, il avait toujours des sentiments pour sa femme décédée, mais il devait continuer à avancer. L'amour qu'il ressentait pour sa protégée était toujours aussi fort, mais il s'inquiétait davantage pour Rama. Son frère d'armes avait toujours réussi à contrer ses sentiments, et s'était à chaque fois éloigné des femmes lorsque son cœur commençait à s'emballer. Et, pourtant, il était proche de sa sœur d'armes, très proche, trop proche même. L'union charnelle leur était interdite par les lois créaturiennes. Il sentait qu'à trop se rapprocher de ce soleil, Rama allait doublement se brûler les ailes... et entamer une longue et inexorable descente...


- Avoue qu'il te plait physiquement, chuchota Shinji à Marie B.

- Qui ça ?

- Arrête ton cinéma ! A chaque fois qu'on te pose la question, tu l'éludes, rétorqua Ho Sang.

- En plus, tu sais que ça ne me gênerait pas, ajouta Orlando.

- Oui, mais le Ministère et ses lois d'un autre millénaire eux, ne seraient pas d'accord, rétorqua sa femme.

- Donc, il te plait ?, insista Ho Sang. Allez, avoue ! Vous vous cherchez tout le temps, vous n'arrêtez pas de parler de sexe. Vous avez envie l'un de l'autre !

- Peut-être, on verra..., marmonna l'intéressée. Elle est pas mal, la nana !

Elle avait vu que son frère d'armes revenait du bar, et elle préférait détourner la conversation. Elle ne voulait pas qu'il entende ce dont ils venaient de parler. Ce fruit leur était défendu. Il ne servait à rien de remuer le couteau dans la plaie.


- Pourquoi me repousses-tu ? C'est encore à cause de Rama, c'est ça ?, s'agaça Lucifer en se levant du lit.

Uranie baissa les yeux. Elle aimait son mari, elle avait envie de lui. Mais, à chaque fois, c'était l'image de Rama qui lui revenait en tête. Elle ne comprenait pas pourquoi elle n'arrivait pas à l'oublier.

Elle leva les yeux vers Lucifer. Ses yeux bleu-gris étaient magnifiques, encadrés de cheveux lisses d'un blond cendré coupés dans un carré qui lui arrivait au milieu du cou. Son nez droit et sa barbe de trois jours rendaient plus viril ce visage qui aurait pu paraître angélique. Ses lèvres fines étaient d'un rose plus soutenu que sa peau claire et ses joues rosées lui donnaient un petit air enfantin. Uranie détailla son mari. Bien qu'il soit moins musclé que Rama, ses pectoraux étaient dessinés, et le regard de la femme fut attiré, ça et là, par des grains de beauté qui étaient parsemés sur ce corps qu'elle avait tant aimé.

Que pouvait-elle donc espérer de plus ? Lucifer était beau, intelligent, sportif, il avait le cœur sur la main. Il lui avait pardonné ses mensonges et sa trahison lorsqu'elle avait pris Rama pour amant et le lui avait avoué. Elle ne pouvait espérer mieux pour son bonheur que Lucifer. Alors, pourquoi continuer à penser à Rama ?

Son mari se posa dans le lit à côté d'elle et lui prit la main.

- Ecoute, ma chérie. Va parler à Rama. Une fois que tu seras fixée, tu viendras me rendre ton verdict.

- Mais, Luci...

- Non. Je ne peux pas te forcer à être heureuse avec moi. Tu dois prendre ta décision. Va le voir et parle-lui. Tu dois résoudre ton problème.

Uranie acquiesça. Son mari avait raison. Elle n'avait pas réussi à avoir une véritable discussion seule face à Rama depuis qu'il l'avait quittée. Elle irait le voir chez lui. Ainsi, si elle comprenait pourquoi il était parti, peut-être pourait-elle l'accepter et mettre enfin un terme à la torture qu'elle s'infligeait à elle-même et, plus encore, à Lucifer.


Rama avait rejoint les deux couples et observait sa sœur d'armes. Il y avait dans le bar tellement de femmes plus aguichantes, plus entreprenantes, probablement aussi plus belles qu'elle. Il y avait autour de lui des personnes de la gente féminine intelligentes, cultivées et intéressantes. Et, pourtant, il n'avait d'yeux que pour sa protégée. Pourquoi l'avait-elle à ce point envouté ? Etait-ce sa vivacité, son humour, son intelligence, ou ses yeux qui savaient vous transpercer et changer de couleurs ? Peut-être avait-elle d'autres défauts qu'il ne connaissait pas ? Mais elle était sa sœur d'armes, son amie, et il savait tout d'elle. Peut-être était-elle une mauvaise amante ? Mais, cela, il en doutait beaucoup. S'il pouvait l'avoir pour lui rien qu'une fois, cela romprait-il cet étrange sortilège qu'était l'amour ? Il l'espérait. Il devait la connaître charnellement, ce serait-ce qu'une fois, afin de pouvoir tourner la page. Il avait toujours fait ainsi lorsqu'il avait commencé à développer des sentiments, et à chaque fois cela avait fonctionné. Il n'y avait donc aucune raison que cela ne réussisse pas, une fois de plus.


- Maman, regarde ! Je tue ! Méchants humains !

Apophis et sa femme applaudirent Hermès. Ils ne manquaient jamais une occasion de le féliciter à chaque fois qu'il montrait des signes d'agressivité contre les Hommes. La haine était plus forte que l'amour et leur « fils » en était rempli. Arès l'entraînait sur des mannequins à figure humaine à tuer à mains nues. Et pas n'importe quelles effigies. Celles des amis de la précédente création de Satan.

A ce moment précis, il avait réussi à arracher la tête d'un d'eux et était en train de marquer profondément un autre à l'oreille en le mordant, à un tel point qu'il parvint à la détacher. Arès se précipita pour l'empêcher d'avaler le plastique dur, tant il était stupide. Mais ce n'était rien pour Apophis. La puissance de la deuxième version du Messager de la Vie et de la Mort était tout simplement incroyable. Vieillissant beaucoup plus vite que les humains ou les créatures, il allait l'accroître au fur et à mesure des mois qui s'écouleraient. Et, il vaincrait.


- C'est curieux, on ne t'entend plus, constata Orlando, en se tournant vers Rama.

L'homme avait fini par se lier d'amitiés avec la créature et, même si Rama pouvait se montrer usant et agaçant, Orlando avait appris à passer outre et à se focaliser sur les aspects sympathiques du frère d'armes de sa femme.

- C'est vrai !, s'exclama l'intéressé. Où en étions-nous restés déjà ? Ah oui ! Vous m'embrassez, mes poupées ?

Ho Sang leva les yeux au ciel. Il n'était donc jamais possible d'avoir une soirée « normale » avec la créature. Il l'énervait parfois... Comme à chaque fois, Marie B vola au secours de sa meilleure amie et s'avança vers son frère d'armes.

- C'est moi qui décide où je le veux, lui chuchota la créature. Et ce sera ici.

Il désigna son aine gauche, baissa légèrement son jean, montrant ainsi son bas-ventre musclé.

- Tu abuses, mon frère.

- Je t'ai connue plus courageuse pour les défis, gamine !

Piquée dans sa fierté, Marie B s'exécuta. Un frisson lui parcourut le corps, et elle sentit Rama tressauter légèrement sous l'effet de ce baiser, se contractant. Il était peut-être temps qu'ils cessent ce jeu dangereux, qui allait finir par les conduire hors des lois créaturiennes.

Lorsqu'il se rassit à côté de sa sœur d'armes, Rama posa aussitôt sa veste sur ses cuisses, sentant une proéminence d'un muscle qu'il aurait voulu calme. Marie B lui faisait de l'effet, c'était indéniable, et le gonflement qu'il sentait dans son pantalon, qui d'habitude lui plaisait, commençait à le gêner...


Wladimir rangea son violon fétiche dans son étui. Cela allait lui faire du bien de passer deux jours chez Rama, en compagnie de la créature et de leur protégée. Depuis trois mois que Marie B avait commencé un travail humain, ils n'avaient pas eu le temps de passer un week-end tous les trois, comme avant. Il avait envie de ses retrouvailles mais, d'un autre côté, il craignait toujours pour son ami. Il voyait bien que Rama n'avait toujours pas réussi à passer outre la femme, et cela l'inquiétait beaucoup. Peut-être ce week-end serait-il l'occasion pour eux de discuter tous les trois de ce feu qui pouvait les tirailler.

Son frère d'armes devait passer le prendre dans deux heures, après quoi ils iraient chercher la femme à la gare. Wladimir descendit les escaliers avec son violon, se prépara un thé brûlant dans sa cuisine, puis se rendit tranquillement dans son salon. Se posant dans un fauteuil, à côté de son mur de bibliothèques, il commença à lire le recueil de poèmes créaturiens qu'il avait traduit pour sa protégée quinze ans plus tôt. Il repensa avec nostalgie à cette période où la femme ne parlait pas un mot de créaturien, ne connaissait rien de ce monde qui lui était, en tant qu'humaine, interdit, et ignorait tout des arts de l'épée. Le temps à ses côtés semblait passer à une vitesse folle...


- Je rentre demain soir, ma Licorne ! Je te rejoindrai directement à Alfort ! Ce sera plus simple !

- Comme tu veux, ma chérie. S'il-te-plait, promets-moi une chose avant d'y aller...

La femme sentit son pouls s'accélérer. Elle détestait ce genre de demande, mais elle écouta tout de même son mari.

- Promets-moi de ne pas essayer, une fois encore, de repousser tes limites.

- Ne t'inquiète pas. En plus, Wlad sera là, tu le connais, il va nous surveiller, Rama et moi ! Bon, allez, je me sauve, sinon je vais louper mon RER et mon train ! Je t'aime, ma Licorne.

Elle embrassa Orlando, descendit les escaliers de la résidence et lui fit un signe auquel il répondit depuis la fenêtre de leur studio. Elle entendit le RER se rapprocher de la gare et se mit à courir. Elle avait hâte de retrouver ses amis.


- Qu'est-ce qu'il fait chaud aujourd'hui !, s'exclama Wladimir en entrant dans la voiture de son frère d'armes.

- C'est l'été indien ! La bonne nouvelle, c'est que l'on va pouvoir manger dehors ! C'est la gamine qui va être contente !

- En parlant de chaleur... j'ai eu des nouvelles de Luci il y a quelques jours via Astéria. Il s'est froissé avec Uranie... C'est très tendu entre eux, en ce moment...

- Je suis sincèrement désolé pour eux... Ils forment un très beau couple, ils sont faits l'un pour l'autre. Je ne comprends pas pourquoi Uranie refuse de faire une croix sur moi... Je me sens vraiment coupable...

- Tu as été coupable dans le passé d'avoir couché avec elle, et pas qu'une fois. Mais aujourd'hui, tu n'es pas responsable de ses sentiments.

- Que dois-je faire, à ton avis ?

- Peut-être pourrais-tu discuter seul à seul avec elle, lui expliquer pourquoi cela ne fonctionnerait jamais avec toi.

- Tu as raison, je l'appellerai demain soir, quand Marie B sera repartie ! J'ai vraiment envie que Luci et Uranie vivent leur amour !


Comme son mari le lui avait conseillé, Uranie avait décidé de s'entretenir avec son ancien amant. Elle prit quelques affaires qu'elle plaça dans une valise. Lucifer n'était pas là pour son départ, il avait préféré s'éclipser et l'embrasser après le petit-déjeuner. Ils avaient mangé dans un demi-silence, échangeant seulement quelques mots autour de leur café bouillant et de leurs cookies au chocolat blanc que la femme avait fait durant la nuit, n'arrivant pas à trouver le sommeil. Les gâteaux préférés de Lucifer, auquel elle voulait faire ce plaisir, pour se faire pardonner. Mais cette délicate attention n'avait pas permis à la tension de redescendre entre eux. A la fin du repas, le mari avait débarrassé, mis les tasses et couverts dans le lave-vaisselle, et avait apposé un baiser sur le front de sa femme, lui disant simplement : « Bonne route et bon courage, ma chérie ».

Après avoir fermé sa maison, Uranie monta dans sa voiture. En conduisant depuis le matin, elle devrait arriver chez Rama en fin de soirée, et s'expliquer avec lui, afin de retrouver enfin une vie de couple normale...



Et voilà la première partie de ce chapitre haut en couleur !!!

Alors, que pensez-vous du duo Rama / Marie B ? 

Qu'imaginez-vous pour la suite ?

Et les tracas d'Uranie ?

Comme toujours, commentez, votez, blablatez !!! ^^

Et, tout de suite, la deuxième partie ;)

Sanguinement-vôtre, 

Gothycka

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