XVII. Tentative
Mi-octobre 2072. La psychologue fit entrer le Messager dans la salle. Tout de suite, Hélène remarqua :
- Vous êtes souriante !
- Oui, je suis retournée chez Wladimir hier !, répondit Marie B. Ça m'a fait du bien de retrouver le monde créaturien. Plus jamais je ne tenterai de revivre sans cette partie de moi. J'ai déjà fait des tentatives, je ne le referai plus...
Après le mariage humain, Marie B trouva un emploi en tant que prestataire dans le doc control en janvier 2014. Huit mois de galère et de recherche de travail achevées. Le poste n'était pas très intéressant, et le client maussade, mais la jeune femme était heureuse d'avoir enfin un statut social humain, autre que le « en recherche d'emploi » de son mariage. Elle était enfin humaine, enfin, depuis si longtemps qu'elle avait voulu être de cette espèce ! Et Orlando en était ravi, elle en était certaine ! Ils devenaient ainsi un couple humain lambda, comme tous les jeunes gens de leur âge. Et peu importe si le travail était chiant, les collègues peu sympathiques, et l'ambiance morose. Le simple fait d'imaginer le bonheur de son mari lui suffisait !
Au bout de trois mois de période d'essai, elle changea de client. Le nouveau se situait à trois heures aller-retour de chez elle. Les trajets étaient longs, les deux changements de transport, sportifs, mais elle était soutenue par son mari et ses amis, Ho Sang et Shinji. Wladimir et Rama étaient toujours présents pour la jeune femme, mais elle continuait de s'éloigner peu à peu du monde créaturien au profit du monde humain.
Une année se déroula dans ce rythme effréné, mais Marie B voulait continuer de croire en son rêve, de continuer de croire qu'elle pouvait être juste humaine et peu importe la fatigue et l'usure qui lui pesaient...
- Alors, le boulot ?, demanda Marie B à Ho Sang, qui venait d'arriver chez elle.
- Ça va, et toi ?
- Comme toujours. J'en ai marre. Tout le projet s'est barré, on est mis à l'écart comme des pestiférés... Bref, le bonheur !
- Il faut que tu arrives à te détacher, conseilla Orlando, sortant de la salle de bain.
- Je sais... Tu me radotes ça tous les jours. C'est plus facile à dire qu'à faire, rétorqua Marie B.
Shinji arriva peu après, et ils mangèrent tous les quatre le plat préparé par l'hôtesse.
- En plus, ma boite est en train de couler ! Ce client, c'est leur seul client, et il est touché par la crise du pétrole, forcément !, ajouta Marie B. Je pense que je vais démissionner. J'ai plein de propositions d'emploi. Je vais changer !
- Dans tous les cas, on croit en toi, tu le sais, lui répéta Orlando.
- Je sais.
En mai 2015, après leurs troisièmes vacances dans les parcs d'attraction de la ville d'Orlando (dont ils étaient devenus accros), Marie B posa sa démission. En rentrant chez elle, elle chantait :
- Laissez-moi tenter ma chance ! J'ai besoin de changer d'air, je veux entrer dans la danse !
Ses anciens collègues étaient sceptiques sur son choix, mais elle savait qu'elle avait raison. Elle savait qu'elle allait réussir. Etre humaine à nouveau, libérée, délivrée ! Rester humaine, à tout prix !
- Es-tu sûre de ne pas vouloir venir au Ministère ? Etant à moitié humaine, nous pourrions te négocier un salaire, lui proposa Rama.
Marie B venait passer deux jours chez Wladimir, entre deux entretiens d'embauche.
- C'est gentil, mais non. Je me suis mariée avec un humain pour vivre une vie d'humaine. Je préfère avoir un boulot d'humain et non de créature...
- Tu devrais faire attention, Petit loup. Tu es trop dans le boulot, il va finir par te bouffer, rétorqua Wladimir.
- Mais non, t'inquiète pas !, ironisa Marie B.
Cependant, la jeune femme savait qu'elle risquait d'aller trop loin. Mais elle voulait parier sur son prochain travail. Elle le voulait, pour elle et pour Orlando. Elle devait être humaine ! Elle n'en avait pas le choix, elle ne voulait pas risquer la vie de son mari dans le monde créaturien. Elle ne voulait pas trembler pour leur vie tous les jours. Et surtout, il ne fallait pas que les créatures aient vent de leur mariage humain... Le souvenir de l'histoire de Blanche et de son sort planait toujours dans l'esprit de la jeune femme...
A peine un mois après sa démission, Marie B eut une proposition d'emploi qui lui semblait bonne et accepta. Sa nouvelle boite avait de nombreux clients, dont celui chez qui elle devait travailler, qui était seulement à quarante minutes de chez elle, sur les bords de la Marne. Un beau cadre, un été magnifique, des repas de midi avalés les pieds au bord de l'eau. Elle était heureuse. Elle allait enfin avoir sa vie d'humaine ! Cette stabilité à laquelle elle aspirait plus que tout... Cette vie qui allait la mener droit au burn-out un peu plus d'un an plus tard...
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