[En média, la musique de mariage humain]  

Jigoro, Rachelle et Takeshi discutaient autour d'un thé de la rencontre qui avait lieu le soir même entre Shinji, Ho Sang, Orlando et les créatures. Ils espéraient tous les trois que tout se passait bien. Ils suivaient de près le mariage entre Marie B et Orlando, Ho Sang et Shinji étant les témoins respectifs des jeunes gens, et tous étant invités aux cérémonies, au vin d'honneur et, bien sûr, au repas. La cérémonie civile aurait lieu à midi et demi, la cérémonie religieuse juste après, et le vin d'honneur devait commencer vers quinze heures, suivi du repas qui promettait de se terminer le lendemain matin. Ils avaient hâte d'y être et Jigoro espérait secrètement que ce mariage donnerait envie à sa fille et son fils adoptif.

- Qui dort où ?, questionna Shinji.

Il était près de quatre heures du matin et il commençait à fatiguer, tout comme les autres humains.

- Nous dormons moins que les humains. Il serait peut-être conseillé que nous dormions ici, dans le salon, Rama et moi.

- Je vais dormir ici aussi, décida Marie B.

Orlando, qui n'était pas d'accord, la prit à part et lui murmura :

- Pourquoi ne veux-tu pas être avec moi ?

- Ce n'est pas que je ne veuille pas être avec toi, mais je dois parler avec eux, en tant que créature.

- Mais tu peux venir avec moi après ?

- Tu es jaloux ou quoi ? Avec le nombre de fois que j'ai dormi avec eux, ne t'inquiète pas.

- Je sais, mais bon...

- On dort ensemble tous les soirs. On peut bien faire l'impasse de temps en temps, non ?

- C'est vrai, avoua Orlando.

Ils revinrent à table, puis les trois humains partirent se reposer.

- Alors, comment les trouvez-vous ?, demanda Ho Sang à son conjoint et son ami.

- Ils semblent bien. Ils sont lucides et je pense qu'ils seront toujours là pour Marie B, répondit Shinji.

- Oui, j'en suis sûr, ajouta Orlando.

- Bon allez, on vient dormir avec toi Or. Mode câlin collectif à trois !, décréta Ho Sang.

La remarque fit rire Orlando et Shinji, tandis qu'ils se couchaient tous les trois dans le lit.

Wladimir, Rama et Marie B s'étaient installés dans le canapé. La jeune femme, à qui Wladimir avait beaucoup manqué, avait posé sa tête sur les jambes de son tuteur, position qu'elle avait quand elle venait de découvrir, presque neuf ans plus tôt, ce qu'elle était réellement.

- Alors ça y est, Wlad est revenu et moi je n'existe plus ?, fit semblant de bouder Rama.

La jeune femme attrapa la tête de son frère d'armes et la posa sur son ventre. A cet instant précis, elle se sentait bien. Ses amis créaturiens étaient auprès d'elle, ses amis humains et son futur mari non loin pour pouvoir les défendre. Elle aurait voulu que toute sa vie se déroule ainsi.

- Je trouve ton futur mari et tes amis très bien, dit le tuteur créaturien. Certes, tu nous avais parlé d'eux, mais en les voyant en vrai, cela nous donne un bon aperçu !

- Je suis contente qu'ils vous plaisent !, s'exclama la jeune femme.

- Et même si nous ne sommes pas physiquement là à ton mariage, nous serons là par la pensée, de tout cœur, ajouta Rama.

Marie B ne répondit pas mais, au fond d'elle, elle se disait « Comme mes parents ».

Ils discutèrent encore quelques heures avant de s'endormir dans le canapé-lit.

Les quatre mois qui séparaient le couple de leur mariage passèrent plus vite que prévu. Ils partirent tous les deux en Floride, à Walt Disney World et Universal Studios, l'été, afin de faire leur voyage de noces. Les deux semaines furent un pur moment d'enchantement, qui tranchait avec la routine de la jeune femme, entre recherche d'emploi, entrainement aux arts créaturiens et deuil de sa mère, dont le décès était toujours frais dans l'âme de Marie B. Tous les trois week-ends environ, elle partait chez Wladimir et y retrouvait Rama et son tuteur créaturien. Les deux créatures évitaient de croiser les amis humains et le futur mari de la jeune femme, afin d'éviter que le Ministère ne les repère et n'ait écho du mariage.

Le matin du mariage, à six heures, toute la maison était réveillée. Ho Sang et Shinji avaient dormi sur place, ou plutôt ils avaient veillé chez leurs amis. Le sexe les avait tous les quatre maintenu éveillés jusqu'à presque deux heures du matin. Quatre heures plus tard, le réveil fut quelque peu compliqué, mais chacun alla tranquillement à la douche l'un après l'autre. Deux heures plus tard, ils partirent tous les quatre chez le coiffeur, où les retrouva le photographe, que le groupe amusait énormément. De retour à la maison, Ho Sang et Marie B se maquillèrent, avant que le groupe ne parte faire les photographies de couple des futurs mariés. Ils partirent tous les cinq à la mairie, où les attendaient Jigoro, Rachelle, Takeshi, Rê, Vulcain, quelques personnes du village, ainsi que la famille d'Orlando, avec laquelle Marie B n'entretenait pas des relations mémorables, mais dont un statuquo s'était mis en place.

La cérémonie civile passée, tout le groupe se dirigea vers l'église pour la cérémonie religieuse. Pour les deux cérémonies, Ho Sang et Shinji étaient les témoins respectifs de Marie B et Orlando.

La fin du vin d'honneur fut soldée par un montage vidéo qu'avait fait la mariée, prenant soin de ne pas mettre une seule allusion à son appartenance créaturienne. Entre l'inexistence de ses deux amis créaturiens et la vue de ses parents, la jeune femme eut un pincement au cœur qu'elle ne montra pas.

Le repas et la soirée se déroulèrent très bien, entre les pauses photos devant une toile, le light painting, les jeux de danse et de chant sur les consoles. La famille d'Orlando ainsi que Takeshi partirent en fin de soirée, puis Jigoro et Rachelle décidèrent de laisser les jeunes gens entre eux.

- Photo, photo, photo !!!

Le groupe de jeunes se regroupa pour la dernière photographie avant que le photographe, qui était là depuis huit heures du matin, ne parte.

Une fois qu'il fut parti, Ho Sang et Marie B sortirent de la salle des fêtes pour fumer.

- Alors, ce mariage ?, demanda la chinoise, dansant sur la musique de la salle tandis qu'elle expirait la fumée.

- Génial ! Dommage que mes parents ne soient pas là pour y assister... Dommage aussi pour Wlad et Rama... Pourquoi cela te fait-il sourire ?

- C'est un sourire de tristesse pour tes parents, répondit Ho Sang, dont les yeux ne voulaient rien refléter.

Marie B sentit deux odeurs et se retourna. Avant qu'elle n'ait eu le temps de prononcer un mot, une main se plaqua sur sa bouche.

- Chut !

Les deux jeunes femmes s'exécutèrent et rentrèrent dans la salle, à laquelle Vulcain et Rê avaient fermé les rideaux pour moins déranger les riverains.

- C'est qui eux ?, demanda Vulcain, suspicieux.

- Ce sont mes amis !, s'écria Marie B.

- Et nous ne sommes pas là, d'accord ?, insista Rama. On peut leur faire confiance ?

- Ils gardent le secret de mon père et le nôtre, à Shinji et moi, depuis toutes ces années. Ce sont mes frères adoptifs et des gens de confiance, oui, répondit Ho Sang.

- Nous ne voulions pas rater ta soirée, Petit loup. Tu es la reine aujourd'hui !

- Je suis tellement contente que vous soyez quand même venus !, lui répondit Marie B, en le prenant dans ses bras.

Elle enlaça également Rama.

- Bon, alors, tout le monde pleure ou on continue la soirée en musique ?, demanda Rê.

- On danse !, répondit Orlando.

Devant le jeu de danse, les six jeunes et les deux créatures s'amusèrent jusqu'au lendemain matin. Il était cinq heures lorsque la fatigue se fit sentir. Wladimir et Rama, désireux de ne pas alerter le Ministère, repartirent chez le tuteur créaturien, tandis que les jeunes se séparèrent en deux groupes, un allant chez Jigoro et Rachelle, et l'autre chez les mariés.

Au moment de dormir, Marie B était apaisée. Certes, ses parents n'étaient plus là, mais elle avait des amis proches, une famille de cœur appartenant à deux espèces, qui serait toujours là pour elle...

- Et ce sont ces souvenirs qui vous viennent en tête aujourd'hui ?, demanda la psychologue.

- Oui, et ils ont été là pour moi toute leur vie. Ho Sang, Shinji, et bien sûr ma Licorne. Rama et Wladimir sont toujours là, eux-aussi, et je ne sais pas ce que je ferais sans eux en ce moment.

- Une famille de cœur, remarqua Hélène.

- Une famille de cœur, acquiesça le Messager en souriant.