VI. Blanche / Partie 2

Marie B, enfermée dans son placard, tendait son oreille pour écouter la discussion qui se déroulait dans le salon. Elle pesta sur le fait de ne pas avoir son ouïe « finale », puisque les créatures évoluaient jusqu'à environ trente ans. Elle parvint tout de même à entendre la dispute entre Rama, Wladimir et les deux créatures qui semblaient être les parents de son ami. Wladimir ne lui avait jamais parlé d'eux, et elle commençait à comprendre pourquoi...


- Tu sais pourquoi nous venons te voir ?, demanda Natacha à son fils.

- Je ne vois pas, non, répondit-il.

- Et toi, tu restes ici, tu es aussi concerné, Rama, ajouta-t-elle.

- Et je vous les ramène comment vos boissons ?, interrogea Rama, agacé.

- Bien envoyé, lança Dimitri.

Natacha lança un regard noir à son mari, avant de se retourner à nouveau vers son fils.

- Le Messager de la Vie et de la Mort... Vous en savez plus sur cet animal que quiconque, je le sais.

- Ta mère a toujours une boule de cristal, commenta Dimitri.

- Satan est revenu au Ministère et il y est entré, le coupa Natacha. C'est qu'il prépare un coup et cherche d'autres alliés. Si sa création lui revient, il deviendra dangereux, très dangereux ! Rama, tu le sais toi aussi. Tu t'étais introduit chez Satan pour ça il y a quelques années si je ne m'abuse !

Rama ne répondit pas. Que pouvait-il dire ? Lui-même avait voulu tuer la jeune fille pour ces raisons.

- Alors, Rama, insista Natacha. Tu l'as retrouvé ce Messager de la Vie et de la Mort ? Et toi, le chevalier au grand cœur, tu es intervenu, Wladimir ?

Wladimir ne dit rien. Il avait beau ne pas s'entendre avec sa mère, elle le connaissait très bien et elle connaissait également très bien son frère d'armes.

- Qu'est-ce que vous allez faire avec cet animal ?, hurla Natacha.

- N'oublie pas, mon fils, ce qui est arrivé à Blanche, conseilla Dimitri.

En entendant le prénom de sa femme, Wladimir se contracta, tenta de rester calme, et explosa...


Marie B, toujours cachée dans son placard, commençait à stresser. Elle était partagée entre l'envie de rejoindre son protecteur et le fait d'obéir et de rester cachée. Elle entendit soudain son protecteur se mettre en colère. Elle discerna plusieurs voix hurler et un bruit de verre brisé. La peur au ventre pour son ami, elle sortit précipitamment de son placard, attrapa le poignard posé sur sa table de chevet depuis l'attaque de Satan, et s'élança dans l'escalier.


Natacha s'était levée rapidement et avait lâché son verre en voyant son fils s'énerver. Rama tentait de canaliser son ami, mais les reproches de la femme n'arrangeaient rien à l'humeur de Wladimir.

- Si tu as cet animal, donne-le-nous ! Tu as déjà fait une erreur avec Blanche il y a longtemps ! Cette fois-ci, tu dois suivre nos lois !, hurla Natacha.

- Je ne vous demande rien, vociféra Wladimir.

Natacha se rapprocha de son fils pour le secouer et une altercation commença, Rama et Dimitri tentant vainement de les séparer.

- Lâchez-le !

Le cri surpassa toutes les voix et Natacha fut bousculée sur le côté.

Marie B, craignant pour son mentor, avait dégringolé les escaliers et, arrivée devant le salon, fonça sur la créature femelle en hurlant, le poignard à la main. Elle devait essayer de sauver son ami.


Natacha vit, au-dessus d'elle, une jeune fille avec un poignard à la main. Elle se débarrassa de l'intrus en la poussant et se releva précipitamment pour la frapper, mais son fils se plaça devant elle, lui bloquant le passage.

- Bonjour Mademoiselle, vous êtes ?, demanda Dimitri, retrouvant son calme et son flegme habituels.

Cette phrase fit l'effet d'une bombe pour Marie B, qui se sentit brusquement démasquée. Dans un réflexe quelque peu inutile, elle se cacha derrière Wladimir et Rama.

- C'est le Messager de la Vie et de la Mort, n'est-ce pas ?, insista Dimitri.

- Pourquoi es-tu descendue ?, murmura Rama à Marie B, se penchant vers elle.

- J'ai eu peur pour Wladimir... et pour toi aussi, chuchota la jeune fille.

- Que fait-on, on tue tes parents ?, proposa ironiquement Rama.

- Oui, c'est elle, répondit Wladimir à son père.

- Et si tout le monde s'asseyait pour discuter tranquillement, proposa Dimitri, afin de faire descendre toute la pression accumulée en quelques minutes.

Chacun se posa à nouveau, le Messager calée entre les deux frères d'armes. Elle était intimidée et avait l'impression d'avoir fait une belle erreur.

- Désolée pour toi, jeune fille, mais nous devons t'éliminer, commença Natacha.

Marie B se tassa davantage derrière ses deux alliés, lorsque Wladimir se leva brusquement.

- Alors vous avez intérêt à aller chercher tout le Ministère, car il faudra me tuer pour ça, grogna-t-il.

Désemparée, la jeune fille se retrouva calée à Rama, son ancien tortionnaire. Son protecteur étant loin d'elle, il devenait sa seule protection. La créature passa un bras protecteur autour de Marie B.

- Wladimir... Le Ministère t'avait déjà prévenu à l'époque de Blanche, tu n'as plus le droit à l'erreur..., prévint Dimitri.

- Alors, ils m'élimineront, répondit son fils.

- Et moi aussi, ajouta Rama.

- Je ne suis pas d'accord, chuchota Marie B à la créature.

- Toi, ma belle, tu te tais. Je crois que tu en as assez fait pour le moment, répondit Rama.

L'argumentation continua du coté de Natacha, mais Wladimir n'écoutait pas. C'était les mêmes choses que lui avaient rabâchées Rama plus d'un an auparavant... L'existence du Messager de la Vie et de la Mort représentait un danger pour la paix avec les humains, Satan pourrait la plier à ses volontés...

- Tu n'as pas le choix Wladimir. Pense à Blanche, prévint Dimitri.

Wladimir ne supporta pas cette allusion, la troisième de son père depuis leur arrivée.

- Ne me parle pas de Blanche, ne prononce pas même son nom !

- Il va bien falloir que tu fasses ton deuil un jour, fiston, rétorqua le père. Quand même ! Tu n'es presque pas sorti depuis sa mort, tu as tout quitté, nous ne te voyons plus !

- Si je peux me permettre, cela fait un an qu'il est sorti de sa coquille, argumenta Rama.

- Et pour faire quoi ?, hurla Natacha. Sauver ça !

Elle pointa du doigt Marie B. La fierté de la jeune fille fut piquée au vif et elle se leva brusquement, oubliant sa peur.

- Ça, elle a un nom ! Je suis Marie B ! Et je vous emmerde, vieille garce !

La phrase eut l'effet d'un coup de tonnerre. Natacha voulut rétorquer, mais Marie B ne lui en laissa pas le temps.

- Vous allez foutre la paix à votre fils ! Vous allez laisser sa femme à son repos éternel ! Et vous n'allez pas me tuer, je sais me défendre et je ne me laisserai pas faire, ça, c'est clair !

- Personne ne va mourir et tout le monde va se calmer, décréta Dimitri.

Dimitri ne supportait plus de voir son fils énervé, sa femme en pleine crise d'hystérie et la sortie du Messager lui avait fait prendre conscience que ce n'était pas un objet, mais bien un être vivant. Il ajouta :

- Natacha, c'est un être vivant. C'est une jeune fille qui, certes, appartient aux deux espèces et représente un danger, mais c'est un être vivant !

- Comme Blanche..., murmura Wladimir.

- Moi, je ne l'aime déjà pas, cet animal, rétorqua Natacha.

- Ça tombe bien, puisque c'est réciproque, lui lança Marie B, qui s'était tassée le dos devant Rama.

- Nous ne pourrons pas cacher son existence très longtemps au Ministère, fiston, expliqua Dimitri. Et toi, Natacha, pour une fois tu vas m'écouter et laisser tranquille cette jeune fille. Maintenant, on part. Et je ne veux plus de discussion !

Tous les cinq sortirent du salon et se dirigèrent vers l'entrée. En sortant, Natacha chuchota à Marie B :

- Toi, l'animal, j'aurai ta peau.

- Ça m'étonnerait, répondit la jeune fille.

Dimitri et Natacha partirent, se disputant sur l'avenir de Marie B.


Marie B ne regarda pas le départ des parents de Wladimir. Elle partit en courant dans le salon et monta se cacher au-dessus du buffet en bois massif. Elle savait qu'elle n'aurait pas dû sortir de son placard, même si elle avait eu peur pour les deux créatures. Elle aurait dû rester enfermée comme ils lui avaient indiqué. Ils s'étaient fâchés avec les parents de son protecteur par sa faute. Et, à présent, elle était démasquée. Elle ne voulait pas les affronter, elle avait honte d'elle. Elle voulait qu'ils l'oublient et ne la retrouvent pas...


- Petit loup ?, appela Wladimir.

N'ayant pas de réponse de sa part, ils se dirigèrent vers le salon, n'ayant pas entendu grincer à l'étage. Leur odorat et leur ouïe leur permirent de retrouver très vite la jeune fille.

- Dis-donc, Tarzan, tu as oublié que nous sommes des créatures ?, plaisanta Rama. Nous t'entendons respirer et sentons ton odeur à plusieurs mètres.

- Allez, descends, Petit loup.

- Non, je ne veux pas vous affronter ce soir.

- Ce n'est pas à toi que j'en veux, mais à eux, rétorqua Wladimir.

- En plus, tu as cloué le bec de Madame la comtesse et, rien que pour ça, t'es exceptionnelle !, ajouta Rama en riant.

La jeune fille se tourna vers eux, étonnée qu'ils ne lui en veuillent pas. Elle descendit du buffet, aidée par Wladimir, qui la porta en dessous des aisselles. Ils s'assirent tous les trois dans le canapé et un silence pesant commença, chacun réfléchissant aux évènements qui venaient de se dérouler. Marie B prit une profonde inspiration et posa la question qui pouvait fâcher :

- Pourquoi t'es-tu fâché pour Blanche ? Qu'est-ce qu'il lui est arrivé ?

Wladimir ne répondit pas, ce fut Rama qui prit la parole :

- Elle a été assassinée.

La jeune fille baissa la tête et se leva pour sortir. Mais Wladimir lui attrapa la main et l'attira sur ses genoux.

- Je l'ai aimée et épousée alors que les lois créaturiennes l'interdisaient. J'ai caché cette union à tous, sauf à Rama. Mais le Ministère a eu vent de notre idylle. Elle a été tuée dans la maison de ses parents, qui a pris feu avec eux et son frère.

- Qui l'a tuée ?, demanda Marie B.

- Je ne sais pas. Personne ne l'a jamais su... sauf le tueur... Mais je suis certain qu'il s'agissait d'une créature.

- C'est une manie de tuer les gens chez les créatures ?, questionna la jeune fille.

- Malheureusement, oui..., répondit Rama, qui repensait aux supplices qu'il avait infligés à Marie B l'année d'avant.

- C'est mon sort, je crois..., ajouta Marie B.

- Non, je ne les laisserai pas faire. Et Rama non plus. J'ai perdu Blanche, je ne te perdrai pas, Petit loup.

Il entoura la jeune fille de ses bras, et elle posa sa tête sur son épaule, ses jambes posées sur celles de Rama...

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