IV. Une alliance obligatoire / Partie 2

Marie B était revenue chez ses parents après quelques jours chez Wladimir. Le mois de novembre approchait et, avec lui, la fin des feuilles orangées, le retour des arbres dénudés, les jours plus courts... Elle détestait ce mois, le plus triste de l'année selon elle. Cependant, cette année, le temps l'inquiétait moins que la menace qui pesait sur elle. Elle espérait progresser assez vite pour pouvoir se défendre seule.

Une fois arrivée au dojo, elle aperçut encore une fois le couple de jeunes Chinois. Elle les salua et partit se changer et enfiler son kimono. Ho Sang s'approcha d'elle et lui demanda :

- Marie B, c'est ça ?

- Oui, c'est ça ! C'est mon surnom, qui est devenu mon prénom. Et toi ?

- Ho Sang, mes amis me surnomment Lóng.

- Lóng ? Comme le dragon mythique ?

La remarque plut à Ho Sang, qui se dit que la jeune fille, en plus d'être douée au kung-fu, semblait connaître certains aspects de la culture asiatique.

- Tu es en couple avec le jeune homme là-bas ?, demanda Marie B en désigna Shinji.

- Oui, pourquoi ?, questionna Ho Sang en fronçant les sourcils.

- Comme ça, pour savoir ! Je trouve que vous allez bien ensemble !

Ho Sang fut rassurée et elle présenta la nouvelle à son copain, qui n'aimait toujours pas vraiment les femmes. Cependant, il salua poliment Marie B et semblait content que sa copine discute avec quelqu'un d'autre que leur groupe de New-York.


Rama ouvrit la porte de son manoir, après avoir vu que Belzébuth, Lucifer et Uranie venaient de se présenter. Il les fit entrer et les conduisit dans le petit salon. Son majordome, un ancien SDF qu'il avait sorti de la rue (comme tous ses employés), demanda ce qu'ils voulaient boire et, après avoir déposé les boissons, sortit de la pièce.

- Je suppose que vous êtes montés ici pour une raison particulière, et non pas pour prendre de mes nouvelles, commença l'hôte.

- Tu sais de quoi nous voulons parler, ne fais pas celui qui ignore, rétorqua Belzébuth.

Rama regarda ses interlocuteurs. En effet, il savait très bien pourquoi ils étaient venus et qu'ils voulaient parler de la rumeur concernant le Messager de la Vie et de la Mort.

- Tu as entendu parler de la rumeur, Rama, ne fais pas semblant, ajouta Uranie, agacée par son silence.

- Oui, comme beaucoup de monde, je pense.

- Et tu ne sais rien d'autre ?, questionna Lucifer.

- Je te signale que, si Messager de la Vie et de la Mort il y a, c'est Ton frère Luci, et non ma famille, qui l'a créé.

- Et Wladimir, sait-il quelque chose ?, interrogea Uranie ?

- Comment voudrais-tu qu'il sache quoi que ce soit, mentit Rama. Ça fait presque soixante-dix ans qu'il n'a quasiment aucun contact avec les autres créatures...

La discussion se poursuivit tard dans la nuit, puis les trois invités surprises repartirent. Rama regarda la voiture s'éloigner. Il avait protégé Wladimir et, par le pacte qui le liait à son ami, il venait de protéger celle qu'il avait tenté d'éliminer quelques semaines avant, le Messager...


Wladimir remonta la couverture sur le corps de Marie B. La jeune fille s'était écroulée au bord du feu, dans le canapé, après une journée d'entrainement à l'épée et d'apprentissage du créaturien. Il lui caressa le visage et elle sourit. Au fil des jours, une amitié était en train de se créer entre eux deux et ce sentiment insufflait une nouvelle vie à la créature. L'innocence de la jeune fille le faisait sourire, même si, de ce qu'elle lui avait raconté de son passé, elle avait déjà beaucoup vécu. Ses capacités d'apprentissage et d'adaptation le bluffaient. Il se sentait bien avec elle, il aimait sa compagnie. Il avait déjà détecté chez elle certains aspects créaturiens : sa force physique était supérieure à celle des humains, sa capacité de régénération était puissante. Mais il savait qu'elle pourrait se découvrir des pouvoirs jusqu'ici inconnus chez les deux espèces.

Marie B bougea. Elle cauchemardait sur Rama et les sévices qu'il lui avait portés. Elle sentit une main se poser sur son épaule et ouvrit les yeux précipitamment. Elle fut rassurée de voir Wladimir.

- Tu as toujours peur de lui ?, demanda la créature.

- Après ce qu'il m'a fait, j'avoue que je ne me sens pas très bien...

- Veux-tu que je reste avec toi ?

La jeune fille hocha la tête et Wladimir s'assit sur le canapé, la tête de Marie B sur ses genoux. Ils discutèrent encore un peu, puis la jeune fille s'endormit, la main de la créature lui caressant doucement les cheveux.


Après s'être fâché à nouveau avec sa copine, Orlando partit rejoindre Ho Sang et Shinji dans le restaurant des grands-parents de la jeune fille. Il était encore tracassé par cette récente dispute car, habituellement, il détestait les conflits et était amoureux de sa copine. De toute façon, il pensait qu'elle était la seule qu'il méritait, car il n'avait pas une grande confiance en lui.

Il arriva au restaurant et s'assit à la table où se trouvaient les deux jeunes Chinois.

- Salut les amoureux !

- Salut Orlando !, répondit ensemble le couple.

Ils commandèrent à manger et discutèrent des cours, de leurs deux couples, de leurs passions. Comme Orlando adorait les ordinateurs, il proposa à Shinji de lui apprendre à les monter. Le jeune Chinois accepta aussitôt. Il trouvait le jeune homme sympathique et intéressant, bien loin de ceux qui les regardaient comme des animaux de foire. Il dégageait quelque chose d'entrainant et de positif, et semblait aimer les gens tels qu'ils étaient.

La soirée se déroula tranquillement, dans une bonne ambiance qui étonna le couple, qui n'aurait pas soupçonné pouvoir devenir amicaux avec quelqu'un. De ce fait, ils décidèrent tous les trois de se retrouver un autre soir au restaurant pour discuter encore une fois en dehors du cadre scolaire.


Quelques semaines s'étaient déroulées depuis que Satan avait repéré sa création. Il avait eu le temps de peaufiner son plan pour kidnapper la jeune fille et avait décidé de frapper chez Wladimir début décembre. Après avoir observé son ennemi, il avait été rassuré de voir que Rama n'était jamais dans les environs du manoir de Wladimir. En plus, la créature n'avait pas de domestiques, ce qui leur faciliterait la tâche. C'était un loup solitaire, il n'y aurait donc que ce dernier pour défendre le Messager... et il ne ferait pas le poids.

Avec deux de ses fidèles amis et alliés, ils avaient préparé leurs armes. Il connaissait le manoir de Wladimir, l'ayant visité à l'époque où c'étaient Dimitri et Natacha, les parents de la créature, qui y habitaient. Ils savaient donc parfaitement comment s'y prendre pour y pénétrer en toute discrétion et enlever la jeune fille.


Pour la première fois depuis qu'elle était entrainée par Wladimir, Marie B arriva à contrer une de ses attaques et à le toucher.

- Je suis désolée !, s'exclama la jeune fille en voyant le sang couler du bras de la créature.

- Et moi, je suis fier, très fier, Petit loup !

Un peu plus de trois mois qu'il entrainait Marie B et il était tous les jours un peu plus fier. Son créaturien s'améliorait et, pour qu'elle apprenne plus vite, elle essayait de lui parler, par phrases très simples, dans cette langue inconnue et quasi-interdite aux humains. Sa relation avec son protecteur avait évoluée en une véritable amitié. Ils étaient très complices et, auprès d'elle, Wladimir retrouvait une seconde jeunesse et un certain amusement qu'il n'avait pas ressenti depuis la mort de Blanche. Les yeux de la créature pétillaient de joie et de fierté en regardant Marie B.


Rama avait entendu des bruits de couloir selon lesquels le Messager pouvait être en danger. Le clan de Rama commençait dangereusement à s'agiter et il avait vu la créature roder près du manoir de son ami. Ne voulant pas faire paniquer Wladimir pour rien, il avait décidé de les surveiller de loin, grâce à la vidéosurveillance de son ami dont il avait les codes. Leurs manoirs n'étant distants que d'une heure de route, il serait normalement assez rapide pour venir en aide à son frère d'armes en cas d'attaque. Pour être certain de ne rien rater, il avait demandé à plusieurs de ses domestiques de se relayer devant les écrans et de le prévenir immédiatement s'ils voyaient quoi que ce soit d'inhabituel. Et, étrangement, il avait la mauvaise impression que l'un d'entre eux n'allait pas tarder à l'appeler.


Satan et ses deux acolytes surveillaient le manoir de Wladimir. Ils avaient décidé d'agir pendant la nuit. Lorsque celle-ci fut bien levée, ils s'introduisirent par la forêt, dans l'immense parc qui entourait le lieu, passant au-dessus du mur qui séparait le manoir du reste du monde. Frapper vite et fort, tel était leur but.


Wladimir regardait la jeune fille dormir dans sa chambre, assis sur le bord de son lit. Lorsqu'elle dormait, elle ressemblait à une enfant. Ses paupières bougeaient rapidement, puis s'arrêtaient, montrant qu'elle venait de passer en sommeil profond. A ce moment précis, les muscles de son visage se détendaient, laissant apparaître l'adolescente qu'elle était encore peu avant. Les entraînements la fatiguaient, mais il avait déjà décelé en elle certaines caractéristiques de leur espèce commune, comme le besoin de moins d'heures de sommeil que les humains, la capacité de régénération ou encore les sens plus développés. Après s'être assuré une dernière fois que Marie B ne manquait de rien et l'avoir rebordée, il éteignit la lumière et repoussa la porte pour la laisser se reposer. Ensuite, il descendit dans le salon pour préparer le cours de langue créaturienne du lendemain avec Marie B. Il comptait rejoindre sa chambre d'ci une petite heure.


Marie B était en train de rêver lorsqu'une odeur forte et connue vint à ses narines... du chloroforme ! Elle se réveilla d'un coup, asséna par réflexe un coup à la personne qui se trouvait au-dessus d'elle et se mit à hurler. Elle sentit une lame près d'elle et décocha un coup de pied. Elle entendit son adversaire faire tomber la table de chevet dans sa chute. Au milieu de tout ce capharnaüm nocturne, la porte de la chambre s'ouvrit brusquement, éblouissant la jeune fille. Lorsque ses yeux se furent adaptés à la lumière, elle vit Wladimir fondre sur un de ses adversaires. Dans la bagarre, le bocal de chloroforme fut cassé et Marie B sentit que cette odeur la révulsait au plus haut point, et elle tenta de résister contre cette envie de dormir qui l'asséna tout à coup. Au moment où elle voyait Wladimir perdre ce combat contre les trois autres créatures, qu'elle repoussait comme elle pouvait leurs assaillants malgré l'action que le produit avait sur elle, elle vit dans l'encadrure de la porte Rama. Cette vision la paralysa un instant, d'autant qu'il avait une épée à la main.

A ce moment-là, un des assaillants empoigna la jeune fille, choquée et commençant, malgré elle, à s'endormir et la traîna par les bras vers la fenêtre par laquelle ils étaient passés. Elle vit Rama courir vers elle, empoigner son assaillant et le jeter par l'ouverture. De là, les deux autres adversaires sortirent également et s'enfuirent, laissant derrière eux Wladimir, Rama, et Marie B.

La jeune fille, complètement étourdie par les vapeurs du produit, regarda avec des yeux mi-clos les deux créatures. Wladimir vint vers elle, la prit dans ses bras et la porta jusqu'au salon, où l'odeur du chloroforme ne s'était pas répandue. Rama les suivait et prit soin de bien fermer la porte de la chambre. Puis, il entrouvrit les fenêtres du salon pour permettre à la jeune fille de respirer de l'air extérieur.

- C'est quoi ce bordel ?, parvint à demander Marie B, à qui l'air frais commençait à faire du bien.

- Satan et deux de ses alliés, répondit Rama, toujours debout face à la fenêtre.

- Et lui, il ne veut plus me tuer, ou il m'a sauvée pour me zigouiller plus tard ?, questionna la jeune fille en regardant Rama.

- J'ai commis une énorme erreur en te kidnappant et en te torturant, et je sais que tu ne me pardonneras pas. Mais Wladimir est mon ami et frère d'armes et toi, un atout, donc je suis de votre côté.

Wladimir expliqua donc à Marie B le pacte qu'ils avaient fait la concernant, et ayant pour but de la garder, la surveiller et la défendre, tout en essayant de maintenir secrète son existence. Rama rapporta la venue de Belzébuth, Lucifer et Uranie pour le questionner sur le Messager.

- Alors, si je comprends bien, mon tortionnaire devient une sorte d'allié ; tout le monde parle de moi mais personne ne doit connaitre mon existence ; je suis en danger mais je ne peux pas me défendre seule, analysa la jeune fille.

- Très vive et très intelligente, la gamine !, acquiesça Rama.

- Petit loup, Rama est un allié important à gagner pour toi. Je ne te demande pas de lui pardonner, mais il faut que tu l'acceptes.

- Je crois que je n'ai pas le choix, approuva Marie B en posant sa tête sur l'épaule de son ami.

- Non, nous n'avons pas le choix, renchérit Rama.

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