1. Joyeuse fête |Thaïs|

- Putain Thaïs, elle va s'étouffer dans sa gerbe si tu m'aides pas ! s'écrie Alice de la salle de bain.

Je ne suis moi même pas apte à aller l'aider, mais vu que la fête a lieu chez moi, je dois prendre mes responsabilités. Alice et Camryn ont lourdement insisté pour fêter mes dix-huit ans et à l'occasion la remise de mon diplôme. J'ai été promu cette année dans l'université de la baie de Tampa. J'ai travaillé dur pour pouvoir obtenir les meilleures notes en ingénierie mécanique. Mon père n'a pas vraiment approuvé mon option, mais je ne lui pas laissé le choix. Et si lui ne croyait pas qu'une fille puisse autant réussir dans ce domaine que n'importe quel homme, j'avais au moins pu compter sur le soutien de mes deux amies. Alors oui, je leur devais cette fête à elles. 

Quand je monte à l'étage,  ma meilleure amie se bat désespérément avec mon panier à linge sale. D'une main, elle serre un de mes pantalons et crie:

- Vite Thaïs ! J'ai dû lui tenir les cheveux, elle s'en mettait partout ! 

Ok. Elle est encore plus soûl que moi.

- Alice, c'est un pantalon que tu tiens dans ta main, pas des cheveux.

- Mais si...

- Non je t'assures, dis-je en m'approchant d'elle pour la soulever et la traîner jusqu'à ma chambre.

Je jette un coup d'oeil à l'horloge fixé en hauteur sur mon mur. Il est déjà quatre heures du matin.

- Mais alors pourquoi ça pue le vomi ? lance t-elle en sentant mon jean.

Je préfère ne pas lui répondre et lui retire sa veste avec une moue dégoûtée. 

- Putain, c'est toi qui pue le vomi ! T'as gerbé sur ton haut !

Je lui retire finalement son tee-shirt nauséabond et lui enfile un des miens. Elle ne s'en rend pas compte et se met à dormir dans mes draps, s'essuyant le revers de la bouche sur le taie de mon oreiller. Génial.

- Je vais lui chercher de l'eau, dis-je à Camryn qui rentre dans la chambre et s'écroule à côté d'Alice.

C'est presque comique de les voir toutes les deux morte ivres sur mon lit. Elle disait que j'étais la première à ne pas tenir. Si les deux ne peuvent même plus tenir debout, je n'imagine pas les autres en bas. 

Quand j'arrive dans mon salon, c'est presque calme. La moitié des jeunes sont complètement stones. Certains pataugent dans leur vomi mais je ne m'en préoccupe pas. Déjà parce que je ne les connais pas forcément ou alors parce qu'en dehors de mes deux amies, je ne touche pas à ce truc dégueu. Ça a jaillit de vos tripes. J'arrive à chasser ceux qui sont restés debout jusque là en m'assurant qu'ils ne voyagent pas ivre à bord de leur voiture. Je tombe nez à nez avec Tom Stoddard, le mec le plus cool de toute la baie de Tampa. Et ultra sexy, d'après Camryn.

- Salut... hum... Thaly?

- Thaïs, je corrige déçue. Tu peux conduire ce soir ?

Il s'étire et passe sa main dans ses cheveux auburn parfaits. Il doit sortir d'une sieste, mais je vois une blonde à moitié nue sortir derrière lui. Une sieste ou une baise.

- On a emprunter le lit de tes parents, m'informe t-il.

J'ai la gerbe.

- C'est celui de mon père, je lance furieuse.

- Ah ouais, si tu veux, tous les biens appartiennent au chef de famille hein ?

Whoua... Quel machiste ! Pure et dure. J'ai envie de lui dire que non, à l'époque ce lit aurait pu être celui de mes parents. Mais je n'ai pas eu le temps de connaître ma mère, morte à ma naissance. Donc jusqu'à ma majorité, tout revient à mon père. Mais je me retiens, une petite voix me siffle qu'il n'en vaut pas la peine. Et tout de suite, je regrette de l'avoir trouvé cool et sexy moi aussi.

- Ouais, marmonnais-je. Donc, tu peux conduire et rentrer chez toi ? 

- Je suis sensé ramener deux potes avec moi. Je suis leur sam.

- Bien, ils doivent être dans le salon. Retrouve-les.

Je ne supporte pas sa présence une seconde de plus. Il a des airs hautains, quasiment méchant. C'est à cause des gens soit disant "cool" de ce genre que je déteste organiser des fêtes. Bon okay, c'est ma première, mais je devais m'attendre à ce que la nouvelle se répande partout. Je vis dans un des quartiers les plus modernes de Tampa, à June Island. Ce genre de luxe est couvé par l'entreprise aéronautique Easfly de mon père, et rien d'autre. Mais ça, personne ne le sait à par Camryn et Alice. 

Une fois m'être assurée que tout le monde soit parti, ou du moins ceux qui pouvaient tenir debout, je m'écroule littéralement sur le sofa de mon père, en poussant une des filles de l'accoudoir, les fesses à l'air. Elle retombe sur un mec au sol qui a utilisé dix bouteilles pour en faire un coussin. Je ferme mes yeux, le temps de me reposer un peu. Instinctivement, je pense à la méca. Peut-être que mon père pourrait me trouver un poste dans Easfly pour travailler en temps que mécanicienne ? J'ai une soudaine envie de me défouler sur mes engins. Je m'apprête à descendre dans la cave mais je râle quand j'entends quelqu'un tambouriner à ma porte. Quand j'ouvre, c'est Tom qui m'accueille de son sourire soit disant "d'enfer". 

- J'ai oublié ma veste, dit-il en me montrant la veste sur le salon. 

Je me décale sur le côté pour qu'il la récupère. J'ai encore la tête qui tourne. 

- Je voulais m'excuser Thaïs. C'est vrai que c'est indécent de ma part de... squatter le lit de ton père, déclare t-il.

- Indécent ? Je ne savais pas que les mecs de ton genre utilisaient ce mot là. C'était plutôt irrespectueux oui.

Pour toute réponse, il sourit et me touche la mèche brune devant mon visage. Sans ajouter quoi que ce soit, il se retourne en lançant "Joyeuse fête Thaïs !" et je ferme la porte. Je me redirige vers la porte du garage, mais cette fois, on force à la poignée de l'entrée.

- Putain ! C'est une blague ! Qu'est ce que t'as oublié cette fois ? Me dit pas que...

Ce n'est pas Tom Stoddard. C'est un grand brun, aux yeux bleu-gris quasi clair comme la lune. Mais je m'attarde plutôt sur son... torse. Ce mec ne porte qu'un pantalon, à moitié déchiré. Il n'a même pas de chaussure. Et il a l'air exténué. J'en reste bouche-bée quand je vois les cicatrices sur son flanc et ses épaules. 

- Heu... Tu as oublié ta veste toi aussi ? dis-je bêtement.

Mais il n'a pas l'air d'aller bien. Comme s'il avait bu. Peut-être était-il présent à ma soirée? Et je n'ai même pas entendu Camryn parler d'un grand brun ténébreux au corps d'athlète ? Parce que c'est sûrement ce qu'elle aurait dit. Ou que je pensais !  Il marmonne quelque chose avant de s'écrouler dans mes bras. Mais il est tellement lourd que j'en perd l'équilibre. Grâce à la largeur du hall d'entrée, je ne prends aucun meubles dans ma chute, mais je retiens nos deux poids à l'aide de mon seul poignet. La douleur passe instantanément. Encore un autre qui va falloir traîner jusque sous la douche pour le réveiller. Il est encore pire que les autres et il a l'air d'être parti traîner dans la boue ! 

- T'aurais pas dû boire autant mec ! soufflais-je en le tirant péniblement.

- Je suis Tauri.

Je suis d'abord scotchée par sa voix. Pour la première fois de ma vie, je comprends ce que les héroïnes de mes livres veulent dire quand elle parle d'un "mec à la voix chaude". Chaude. Comment pourriez-vous comprendre ce qu'était qu'une voix chaude ? En fait, il faut vraiment l'entendre pour ça. 

- Tauri, c'est pas commun ! 

Je suis un peu remontée contre toutes ces personnes qui viennent déranger mon temps de repos. Je voulais aller bricoler deux trois vilebrequins, les remettre en marche ou assouplir un volant d'inertie pour mon nouveau moteur à vapeur. De quoi bien m'occuper. Au lieu de ça, je dois m'occuper d'un autre de ces bourrés. Je traîne vainement Tauri jusqu'à la salle de bain. En plus d'être grand, il a trop de masse. J'ai l'air tellement minus à côté, ça me fout en rogne parce que ça me rappelle ce que mon père me répète souvent: "Tu es trop frêle, regarde les autres mécano !". Mais je n'abandonne pas, je décide de le tirer par les jambes et le traîne jusque sous la douche. J'entends quelque chose cogner et quand je me retourne derrière moi, je vois sa tête coincée dans l'entrebâillement de la porte de la salle de bain. Merde, j'ai oublié que cette fichue porte se refermait d'elle même, va falloir que je change les joints. Heureusement qu'il est inconscient, ça a dû lui faire mal. 

- Désolée, je marmonne.

Quand j'arrive à le faire asseoir au pieds de la douche, j'allume le jet d'eau pour le débarrasser de toute sa crasse. Comme mon pull me gène, je le retire et je le rejoins sous le jet pour observer ses plaies. Une de ses cicatrices est profonde, comment il s'est fait ça celui-là ? 

- Nessa... 

- Pardon ? 

Il répète à nouveau. Je ne comprends pas ce qu'il me dit, mais je n'entends qu'un mot, ce prénom féminin. Sa copine a dû le larguer, ou alors c'est sa sœur qu'il vient de ... 

- Désolée Tauri, je ne suis pas Nessa. Moi c'est Thaïs.

Je ne peux m'empêcher de me dire que c'est carrément masculin à côté de Nessa. Au bout d'un moment, je suis carrément exténuée. Je crois que l'alcool me déshydrate plus que je ne le pensais, j'ai horriblement soif et j'ai envie de pisser. Bien évidemment, il fallait que nos toilettes soit situées dans la salle de bain. Je pouvais pas le faire entrer après avoir pisser ?! 

- Fait chier...

- Nessa ? murmure Tauri.

J'ai l'impression qu'il me regarde, mais à bien regarder, ses yeux sont presque vitreux. Ma parole, ce mec est pas que bourrée, il a l'air carrément shooté oui ! Je lance un soupir exaspéré. Vraiment, quelle soirée à chier ! Ça m'apprendra à laisser mes deux meilleures amies gérer une fête à la maison. Elles voulaient pas ce taper tout ce  bordel, c'est pour ça qu'elles l'ont fait chez moi, les garces. 

Je retourne dans le salon, complètement mouillée. Je vais dans la chambre la plus proche, celle de mon père et en voyant son lit défait, j'ai presque envie de gerber. Je lui pique un tee-shirt propre et je l'enfile après avoir retiré mon débardeur trempée. 
J'abandonne finalement l'idée d'aller bricoler avec mon matériel, de peur que le sort s'acharne sur moi en m'envoyant un troisième inconnu. L'eau de la salle de bain coule encore. Va falloir que tu le sorte de là Thaïs, il va chopper la crève ! Je retourne sur les lieux et je ferme l'eau de la douche. Quand je le vois, mon cœur se resserre douloureusement. Il a les yeux rouges, et soubresaute. Il pleure. Ce mec à l'apparence d'un dur, pleure. Il a replié sa tête sur ses genoux et barricade son visage avec ses bras. Mais j'entends ses pleurs. Il ne prononce qu'un seul éternel mot: Nessa. Je ne sais pas quoi faire, mais s'il est venu pour oublier cette fille, alors je ne lui en voudrais pas. Je m'assois à côté de lui et lui caresse ses cheveux sombres, comme un gosse de sept ans. 

- Ça va aller, elle va certainement te revenir un jour ta copine.

Je ne sais pas si j'ai de la peine pour lui ou si la situation m'amuse. Mais sa douleur paraît sincère. Il se tourne vers moi et comme un enfant il pose sa tête sur mon épaule. Je le laisse faire, un peu stupéfaite par la façon dont ce garçon se met à l'aise. Il est froid, terriblement glacé. Je tends ma main vers ma serviette sur la barre aimantée du porte-serviette, et l'entoure autour de ses épaules. Au bout de vingt minutes, sa tête devient trop lourde et je suis trop fatiguée pour le relever. Alors je le laisse s'assoupir, sa tête sur mes cuisses. Respire un bon coup Thaïs.

- Joyeuse fête Thaïs, je  baille.

Je m'aperçois du tatouage sombre sur son dos quand il se décolle légèrement du carrelage froid. Je n'arrive pas à voir ce que c'est exactement, mais je devine le profil d'un loup. Il est magnifique, presque dans un style natif, sauvage. Ce mec à l'air de revenir tout droit d'une autre planète. Alors je m'imagine toute une histoire autour de lui, peut-être que c'est un prince banni de son royaume. Sa bien-aimée n'a pas hésité à se jeter sous les lames de son ennemi pour le sauver. Se sentant coupable de sa mort, il a préféré fuir et venir s'abriter ici à June Island. Peut-être que sa douleur est plus profonde que toutes ces cicatrices sur son corps...












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