7. Vanesco |TAURI|
Chaque sang versé me revulsait. Ça me mettait hors de moi, comment les Griffins pouvaient-ils rester assis sur leur trône sans agir ? Je maudissais ces gardiens de la Sietha, ces prétendus dirigeants de Catamia. Un peuple était menacé, et personne ne savait pourquoi.
La seule chose dont j'étais certain, c'était que la fille était la clé. Elle allait jouer un rôle essentiel dans toute cette mise en scène démoniaque, et si j' étais tombé sur elle, c'était parce que je savais que j'allais devoir l'aider. À faire le bien ou à l'empêcher de manipuler avec le mal. Je l'avais vu à l'oeuvre, elle était douée, elle savait parfaitement utiliser ses membres même blessés pour se retirer d'une situation impossible à vu d'oeil. La rapidité et l'agilité avec laquelle elle avait renversé Soun et Jo m'avais épaté. Surtout face à ces deux colosses !
Elle paraissait forte et insondable, mais dans la forêt, je l'avais aussi vu vulnérable et désespérée. Cette fille inspirait la vie à elle seule. Calme toi Tauri... me murmurais-je intérieurement.
- J'ai quelque chose à t'informer, m'avais surpris Nessa.
Nous étions assis sur la terrasse en bois de Somme d'Aquila. Nos pieds pendaient dans le vide à cinquante semès du sol. De là, j'avais l'impression que la nature ne pourrait jamais m'atteindre.
J'écoutais Nessa, elle était persuadée que les Frappeurs étaient complices voire même qu'ils étaient eux même coupables des enlèvements. La Cession aurait en effet pu être une déroute pendant que d'autres tapis dans l'ombre, commençaient leur oeuvre macabre.
- Je fais sans doute une grave erreur en dénonçant mon propre peuple. Peut être que j'ai faux sur toute la ligne, mais les circonstances sont trop cohérentes entre elles.
Elle avait dû se creuser les méninges pour faire le lien avec le message sur le mur, elle cherchait un lien probable direct avec les siens. Et elle avait déduit que la Cession s'était déroulée en même temps que les disparitions. Ce n'était pas impossible, le problème c'était pourquoi ?
Il fallait en avoir le coeur net.
- Je vais aller dans les montagnes demain, déclarais-je .
- Je viens avec toi, a t-elle immédiatement rétorqué.
- De toute façon je ne comptais pas y aller sans toi, ais-je avoué.
Depuis que je l'avais vu combattre, j'avais moins peur de l'emmener chez les Frappeurs. Elle était douée, vraiment... Je n'en revenais toujours pas.
- Ok, on partira quand tu te sentiras prête.
Je savais qu'elle l'était, mais j'attendais qu'elle me le dise.
- On pourrait y aller ce soir, les Frappeurs évitent la nuit. On est peut être à un soleil de marche pour arriver aux montagnes. Si on décolle cette nuit, on arrivera également le lendemain dans la soirée.
Aquila était rentré et avait l'air déterminé.
- Vous prévoyez une Nuit Nocturne sans moi ?
J'avais regardé Nessa, gêné.
- Ça risque d'être dangereux Aquila, avertit Nessa.
- Je le sais, mais ma présence vous sera grandement utile, répondit-il en montrant sa trace au poignet.
Aquila n'avait pas tord, si il nous arrivait quelque chose, si Nessa devrait se blesser à nouveau, on pourra la guérir instantanément.
- C'est vrai, on a besoin de toi Aquila, affirmais-je.
Nessa n'avait pas rétorqué, elle avait décidé de mettre toutes ses chances de son côté pour sauver son père, et peut être, résoudre ce mystère d'enlèvement. Il ne restait qu'un seul problème. Mais je m'étais promis d'en parler à Nessa, le moment venu.
La nuit tardait à venir et en même temps, je n'avais pas vu le jour défiler. Le temps avait été court et long à la fois. Nous avions prévu de revenir dans deux jours, ou plutôt Sylli nous a ordonné de revenir dans deux jours. Il n'avait plus reparlé à Nessa, le grand chef se méfiait d'elle, mais il avait confiance en nous.
Nessa avait insisté pour être devant et pouvoir montrer le chemin, mais je m'étais fermement opposé.
- Mauvaise idée jeune Frappeur, avais-je dit.
Ça l'avait frustré.
- Je connais la forêt, pas besoin de guide pour nous ramener jusqu'à chez toi. Et il vaudrait mieux que tu restes entre nous deux.
- Je te signale que de nous trois, avait-elle dit sur le même ton, je suis celle qui se défend la mieux !
L'avais trouvé son audace extrêmement pertinente. Elle avait dû caractère.
- Tu te défendras si on est vraiment tous en difficultés Nessa. Ne sous-estime pas les Sylphes, ils peuvent être impressionnants ! ajouta Aquila.
- Ça, je te le fais pas dire ! marmonna la jeune fille.
Nous nous aventurèrent dans la forêt après avoir vérifier nos provisions. Aquila n'avait pas pu s'empêcher de prendre plusieurs sucreries à base de baies, et un grappin. Je n'avais pris que mon long bâton que j'avais pris soin de tailler avec une branche de Roselier. J'ai voulu faire quelque chose de ce bois qui devenait rare ces dernières années. Nessa quand à elle, était repartie avec ce qu'elle avait sur le dos. Nous avions marché la moitié de la nuit sans rencontrer personne. J'ai repéré deux grands Cagas dont les branches formaient un couchage parfait. Nessa s'était éloignée dans un autre arbre, elle craignait de les toucher. Même si ses membres étaient bien gardés par ses vêtements, elle ne supportait pas dormir avec ses gants. J' aurais aimé lui parler du Vanesco, mais je me suis dit qu'il s'agissait sans doute d'un sujet sensible à éviter.
***
Il y a cet homme, je ne le connais pas, et pourtant je le vois. Ces traits sont précis, il a l'air inquiet et en même temps il paraît sûr de lui. Il se trouve devant deux sentiers. L'un est vert, l'autre est rouge. Il semble perdu et indécis. Mais ce qui me perturbe c'est que cet homme a du sang sur les mains. Sa trace se situe à hauteur du bras. Finalemen, il a choisi le sentier rouge, mais avant il se retourne. J'ai l'impression qu'il me regarde, je suis derrière un buisson.
- Tauri Celieno...
Pourquoi m'appelle t-il? Comment connaît-il mon nom ?
- Tauri ?!
Il a une voix de fille...
- Tauri !
Nessa m'avais donné un léger coup de bâton dans l'épaule pour me réveiller.
- Lève-toi! Aquila va tomber ! s'écria t-elle les yeux remplis de larmes.
J'avais immédiatement bondit de ma branche, mais la corde que j'avais serré la nuit pour éviter de tomber de l'arbre dans mon sommeil m'avais bloqué violemment. Je regardais en direction d'Aquila. Mon ami saignait du crâne, il s'était pris un coup, ou alors on l'avait attaqué. Il était assommé, mais je remarqua aussitôt ce qui affolait Nessa. Sa branche était en train de se briser... Avec une chute de plus de cent semès de haut, Aquila n'avait aucune chance de survivre. Nessa s'était précipitée vers moi pour trancher la corde qui me bloquait contre le tronc. J'ai réagis aussi vite que possible et attrapais le bras d'Aquila avant que la branche ne cède. On l'a échappé belle... J'ai coincé Aquila au dessus de trois autres branches plus solide, et Nessa avait enroulé sa propre corde autour de sa taille et de deux des trois branches. Elle tremblait, elle n'arrivait plus à faire de nœuds.
J'ai dégagé le front d'Aquila pour observer sa plaie. Il avait dû recevoir un violent coup contre la tempe, l'ouverture était flagrante.
- On l'a attaqué ? suffoca Nessa.
- Je ne sais pas, soit on nous a attaqué, soit Aquila a fait un mauvais mouvement dans son sommeil.
Ce n'était pas normal. La corde d'Aquila avait été tranché, il était blessé. Si Nessa ne m'avait pas réveillé, nous l'aurions perdu. Le comble pour un Sylphe, c'est de ne pas pouvoir se soigner lui même. C'est stupide, on venait de débarquer et on nous traquait déjà.
- Ce n'est pas un hasard que notre guérisseur soit précisément blessé aujourd'hui, dit Nessa.
Elle ne portait plus ses gants, ils étaient en bas, sur le sol. Quelqu'un les avait jeté ? Elle suivit mon regard en direction du sol.
- Tauri, je n'aurai jamais eu la maladresse de les laisser tomber, m'informa t-elle.
- Je te crois, ais-je répondu. Apparemment, on est pas les bienvenus dans cette forêt.
J'ai saisi les bouts de la corde avec lesquelles Nessa essayait de nouer pour attacher Aquila. Elle paraissait tellement différente de celle que j'avais vu hier en train de mettre à terre deux Sylphes.
- Désolée, balbutia t-elle en me laissant la corde. J'ai cru que j'allais devoir le toucher pour...
Elle n'avait pas fini sa phrase. Sa voix tremblait comme pour contenir ses pleurs.
- C'est rien, ce n'est pas ta faute, tu n'avais plus tes gants.
Je la rassurais mal, je voulais qu'elle me parle. Comment vivait-elle avec cette malédiction ?
- Si, je ne pouvais rien faire...
Je m'étais assis face à elle. Elle ne me connaissait pas, mais j'ai senti qu'elle avait besoin de se confier.
- Je trouve que c'est complètement injuste pour votre peuple, je ne sais pas pourquoi les Griffins vous ont maudit.
- Pourtant le conflit est assez connu dans Catamia, me dit elle.
- Peut être, moi je n'en sais pas grand chose. À part que si n'importe quel être vivant touche un Frappeur, il est condamné dans le Vanesco.
Le Vanesco... Une prison dans un monde cauchemardesque, instauré par les Griffins pour dissuader les tueurs et les demonesses. Mais personne ne devrait y aller. C'est barbare, on raconte que le monde des morts est à envier à côté du Vanesco. Mais qui peut savoir ? Ceux qui pénétraient dans le Vanesco étaient enfermés à tout jamais et condamnés à vivre sans cesse leurs pires cauchemars.
- Oui, mais notre malédiction est inefficace sur les animaux, annonça Nessa. C'est pour ça que les nouveaux-nés sont nourris par les loups. Nos liens avec la meute des montagnes sont primordiales à la survie des Frappeurs.
- Mais si vous ne pouvez pas vous toucher entre vous, comment pouvez-vous mettre au monde des enfants ? demandais-je perplexe.
- Les Griffins nous ont laissé sept soleil pour que deux Frappeurs appariés puissent... Se reproduire, a t-elle dit d'un air penaud.
J'étais sidéré. Comment supporter l'absence de contact en dehors de septs soleil dans une lune ?
- Et comment... Comment la mère porte t-elle l'enfant ?
J'étais beaucoup trop curieux, mais je voyais les Frappeurs différemment depuis toujours. Si les Sylphes les considéraient comme une menace à la vie, j'avais pitié du sort qui s'abattait sur eux. Sur Nessa.
- L'enfant n'est maudit qu'au bout de sa première lune, m'informa t-elle. Ensuite, nous les laissons aux loups pour qu'ils les nourrissent, les élèvent.
- Donc pendant la première lune, la mère peut toucher son enfant ?
- C'est ça... Mon frère voulait nous sauver du Vanesco... dit-elle tristement.
Je ne disais rien. Je ne voulais pas la forcer à m'en parler. Je ne connaissais pas son frère.
- C'est possible de retirer la malédiction ?
- Je ne sais pas. Mais Abraham me parlait d'une pierre lunaire, elle réalise n'importe quel voeu. J'ai voulu réaliser son souhait, celui de tout notre peuple. Mais j'ai échoué à la Cession, souffla t-elle.
- Tu peux le faire Nessa.
Elle m'a regardé timidement avant de tourner la tête.
- Non, je perds souvent peu importe le domaine.
- Tu gagnes si tu as assez d'ardeur. Même face à ta plus grande peur.
À nouveau, elle m'a regardé, plus longtemps. Ses yeux ambres brillaient d'un nouvel éclat. J'avais retrouvé la Nessa, guerrière et imbattable.
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Nuit Nocturne: équivalent de la lune de miel entre deux jeunes appariés.
Un soleil: correspond à un mois. Sept soleil sont le temps nécessaire pour mettre au monde un nouveau né Frappeur.
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