4. Entre deux loups |NESSA|
Je pensais m'être endormie, ou évanouie, dans un tas de foin confortable. Mais j'étais allongée sur un par terre de feuille de Somme, ces grands buissons se reconnaissaient facilement à leurs épaisses feuilles, grandes d'environ trente minisemès de surface. J'étais dans mon ancien jardin secret, la cascade coulait non loin de moi, je revoyais les arbustes de Roseliers. Prise de cours par l'aménagement étonnant de mon lit, j'avais oublié mon coude luxé. C'est mon épaule blessé, baigné dans de l'huile de Cagas qui me remémora les scènes de lutte avec la meute.
J'avais soudainement aperçu Ora ainsi que le loup ambre à mes côtés, elle se leva et s'approcha vers moi. Elle n'avait pas changé, son regard me rappela aussitôt celui d'Abraham.
- Il t'avait bien trouvé, ton pelage et tes yeux sont de la même couleur que les siens, dis je dans un soupir. Tu m'as manqué...
Une fois de plus, Abraham m'avait sauvé aujourd'hui. Une partie de lui était en sa louve, j'en étais persuadée, ou plutôt je l'espérais.
Je conservais une main sur le dos d'Ora beaucoup moins dur qu'à l'époque, elle avait maigri, mais son regard n'avait pas perdu son éclat. Je l'aurais reconnue entre mille loup; à mes yeux, chaque loup avait un pelage unique, ils étaient tous différents. Le loup ambre s'était redressé, il était beaucoup plus grand et plus costaud qu' Ora. Je crois bien que c'était lui qui m'a transportée jusqu'ici.
- Vous deux contre la meute, c'est sûr qu'ils ne pouvaient rien faire, pas vrai ?
Le loup ambre s'était accroupi face à moi. Devrais-je profiter de cet instant pour lui faire avaler le cristal ? J'étais encore bien trop épuisée pour vouloir le défier. En plus, s'il m'avait sauvé, je devrais m'y prendre avec douceur.
- Je te suis reconnaissante, lui dis-je.
Les loups nous comprenaient. D'une certaine façon ou d'une autre, ils prenaient le temps de nous écouter et de nous obéir s' ils jugeaient nécessaires de le faire. Lorsque je tendis le cristal dans ma main pour le mettre sous ses yeux, les deux loups s'étaient reculés brusquement, leur regard méfiant scrutant le cristal. Ora poussa furtivement sur le dos de ma main avec son museau et mon cristal vola en éclat contre une roche avant de s'éparpiller dans le courant.
- Ora ! C'était ma seule chance ! m'énervais-je.
Pour toute réponse, elle disparut en sautillant de l'autre côté de la rivière.
- Non! Reviens Ora !
Mais déjà, le mur de Cagas m'empêchait de voir à l'horizon. Des retrouvailles qui m'avaient laissées un arrière goût amer. Et pourtant, je savais que j'allais la revoir.
- Toi aussi tu devrais partir, avant qu'un Frappeur ne te trouve. Je râgerai si tu devais devenir l'Egal d'un autre ! Alors file !
Je me levai difficilement et décida de me mettre en route pour la passerelle. Je ne sais même pas combien de temps j'ai dormi, mais avec un peu de chance, je suis toujours dans les temps. Je n'avais pas envie de rentrer les mains vides, sans mon compagnon. Si seulement Ora n'avait pas cassé mon cristal ! Qu'est ce qu'il lui avait pris ?! J'allai passé pour la bourreau... Et Ricey va bien me narguer en me voyant revenir sans mon Egal. Je ne vais que prouver ma faiblesse, et montrer à tous qu'on ne peut pas réussir sans l'entraînement des Glaviers. Une honte pour mon frère, que j'ai osé présenter comme l'un de mes professeur, et mon père qui a cru en moi.
Je devais me dépêcher, de tout façon je n'avais plus de cristal. Alors que je pensais marcher seule, le loup ambre continuait de me suivre. J'en étais stupéfaite et en même temps j'aurai trouvé ça bizarre qu'il ne bronche pas. Comment savait-il que ce lieu comptait pour moi pour m'avoir amené ici? Serait-ce Ora qui l'a guidé ? Cela ne me paraissait pas naturel qu'un loup qui avait attisé ma curiosité soit subitement allié à la louve de mon frère. Rien ne tenait la route...
Peut être que si le loup ambre me suivait, je n'aurais pas de mal à le présenter comme mon Egal, bien qu'il n'ait pas avaler le cristal ?
Il valait mieux ça que rien. En plus, ce loup était immense, bien plus que la primo de Shegnelly !
J'avançais avec peine dans la forêt, les ronces de Roseliers m'éraflaient ma plaie à l'épaule. Je n'avais pas remarqué jusqu'ici un mince bandage de fibres de Cagas, mon coude n'avait plus vraiment son angle bizarre. Les loups m'avaient fait un bandage et biensûr ils m'avaient remis le coude en place, je délirais totalement. En repassant sur cette route, l'envie de courir me démangeait, je savais sur quelle zone poser mon pied, et quelle était celle à éviter pour trébucher. Mais par précaution, je continuai ma marche. Je ressentis de nombreuses courbatures dans le dos, et mon bras s'endolorissait.
Je m'apprêtais à prendre du répit, je n'avais rien mangé depuis un jour. Vraiment, je n'étais pas faite pour la survie, et cette idée me faisait peur. Tout d'un coup, le loup qui m'accompagnait me barricada le chemin en se postant face à moi.
- Je dois avancer, tu vas quand même pas me forcer à rester ici.
Je le contournai mais il insista à nouveau, me présentant son dos poilus.
- Ah... Tu veux que je monte sur toi?
Je ne savais pas si c'était réellement ça, en fait, j'en doutais fortement. Il n'étais pas mon Egal, mais il se comportait comme si il avait avaler le cristal. Peut être l'avait il fait ? Non, sinon il n'aurait pas laisser Ora le jeter dans la rivière.
Je mis délicatement une jambe de l'autre côté de son dos, et je me rendis compte qu'il était trop grand pour que je me pousse complètement sur lui. Comme si il avait lu dans mes pensées, il se baissa pour me laisser monter plus aisément. Ce loup me surprenait de plus en plus. En général il fallait leur donner un ordre pour qu'il s'exécute. Il avait l'air de tout comprendre de lui même. J'en étais ravie !
Je n'étais pas étonnée de la robustesse de son dos, mais en revanche c'était aussi confortable que mon lit de feuille de Somme.
- Tu es génial, mais maintenant ça m'embête vraiment de savoir que tu ne seras jamais mon Egal.
Nous arrivâmes à la passerelle. Ils étaient pratiquement tous arrivés. Nous étions moins nombreux, et certains corps avaient été retrouvés, de quoi vous faire frissonner. On me vit de loin, et j'aperçus Shegnelly me rejoindre. Mon loup ambre avait fait un pas en arrière en l'apercevant.
- Calme toi, elle ne te fera aucun mal, lui chuchotais-je.
- Bravo Nessa ! Tu arrives en sale état, mais ton Egal à fier allure.
- Oui, mais ce n'est pas mon Egal, avouais-je.
Je me rendis compte que je n'aurais peut être pas dû dire la vérité.
- Comment ça ?
- Mon cristal s'est brisé, il ne l'a pas avalé.
- Mais alors pourquoi il te porte sur son dos ? Un loup sauvage ne ferait jamais ça!
- Je ne comprends pas moi même.
Ricey et Api se tenait juste derrière nous. Ils avaient tout entendu.
- Eh bien comme ça, on a procédé à de la magie noire pour ensorceler un loup? rétorqua Ricey.
- Qu'est ce que tu racontes ? me défendis-je.
- Si il n'a pas avalé ton cristal, c'est impossible qu'il te prête fidélité autant, il aurait plutôt décider de te réduire en pièce en profitant de ta vulnérabilité... m'informa Api.
- Sauf si tu as utilisé un sortilège ! lança Ricey.
Tous les yeux étaient braqués sur moi. Shegnelly s'était éloignée de moi, et tous m'observait de l'autre côté de la passerelle. Ricey et Api rejoignirent le groupe.
- Tu ne franchis pas la passerelle ! ordonna Ricey.
- Mais je ne sais même pas de quoi vous parlez ! Je ne savais même pas qu'on pouvait avoir recours à... À de la magie noire ! C'est absurde !
Je ne connaissais visiblement pas grand chose des coutumes Frappeurs.
- Nessa, si tu l'as fait dis le nous, tu pourras revenir au village, reprit doucement Api.
- Non Api! Ce loup m'a sauvé d'une meute entière qui m'attaquait !
À nouveau des chuchotements s'élevèrent parmi les jeunes recrues. Shegnelly m'observait sans vraiment savoir qui croire. Ils avaient l'air horrifié.
- Qu'il y a t-il ? demandais je.
Ce jeu de cachotteries m'énervait.
- Nessa, les meutes n'attaquent jamais les hommes. S'ils le font, c'est parce qu'ils ont senti une menace en toi, déclara Api.
- Cette fille est une demonesse ! hurla quelqu'un dans l'assistance. Il ne faut pas la laisser traverser la passerelle.
- Je ne comprends pas...
Pour la première fois depuis longtemps, des larmes me montaient aux joues. Les loups me voyaient comme une menace, et maintenant mon propre peuple me rejetait. Je ne comprenais plus rien.
- C'est une tricheuse ! Sale demonesse ! Elle doit être bannie !
- Son loup est maudit !
- Qui sont ses parents ?! Ils doivent être complice !
A l'évocation de mes parents, mon sang ne fit qu'un tour dans mon corps.
- Il est hors de question que vous vous en preniez à eux ! Est-ce clair ?! Si je suis une sorcière comme vous le prétendez, alors redoutez moi! Parce que je jure que s'il est fait du mal à un seul autre membre de ma famille, je détruirais jusqu'au dernier d'entre vous ! m'écriais-je.
Je les avais tut. Ils me regardaient avec des yeux effrayés, ils me voyaient comme un monstre, mais ça ne m'importait guère. Je ne supporterai pas perdre un nouveau membre de ma famille.
- Coupez les attaches ! Ne la laissez pas traverser ! ordonna Ricey.
- Non!
Mais les attaches se fendirent sous la lame des Anciens. Je n'en croyais pas mes yeux, j'étais condamnée de l'autre côté de la Frontière Verte. C'était un rêve, ça ne devait pas être réel !
- Je proclame officiellement la Frontière Verte comme une zone interdite durant 100 lunes, prononça Ricey. Le temps que cette jeune fille puisse y vivre en paix.
Ou "mourir". Il était fier de sa manigance, il avait profité du moindre instant pour proclamer mon expulsion. C'est à ce moment là que je compris à quel point le Peuple Frappeur avait été perverti de sa propre arrogance.
Api ne pouvait plus rien faire, Shegnelly ne me regardait plus. Puis, un homme surgit subitement de la foule.
- Papa ?
- Nessa ! m'appela t-il. Pourquoi l'avez vous laissé de l'autre côté ?! brailla t-il.
- Il se trouve que c'est une sorcière, Shenes, lui informa Api.
- Quoi ?!
- Une meute l'a attaqué, et ce loup ambre n'est pas son Egal. Son cristal à été brisé ! dit Ricey.
- Vous racontez n'importe quoi!
Il poussa de toutes ses forces Ricey contre un Ancien, lui posant le pieds sur le torse.
- TU SAIS TRES BIEN LA RAISON POUR LAQUELLE LA NATURE SE MÉFIE D'ELLE ! cria t-il. Et ce n'est certainement pas une sorcière !
Je ne comprenais rien à ce qui se passait. Je sentis le loup ambre s'éloigner petit à petit du gouffre. Il était énervé, et s'il bougeait trop, je risquais de perdre l'équilibre sur son dos.
Deux anciens attrapèrent chaque bras de mon père et le plaquèrent au sol. Ricey se releva pour dégainer sa longue épée.
- Tu vas être châtié Shenes pour avoir tenu tête à un Ancien.
- Non arrêtez ! implorais-je. Par pitié !
Mon père ne pouvait pas bouger, ils lui maintenaient les bras, prenant garde à ne pas toucher sa peau. J'étais pétrifiée, impuissante à nouveau. Je maudissais tous les cessionnaires qui ne faisaient qu'assister à un spectacle morbide. Api, le premier d'entre eux ...
J'aperçus aussitôt une ombre noire sauter par dessus la Frontière et atterrir derrière Ricey.
- Ora !
Elle avait réussi à sauter par dessus le gouffre. Atterrissant avec souplesse et fermeté de l'autre côté. Sans préméditation, elle fonça non sur Ricey mais sur les deux hommes qui immobilisaient mon père, le délivrant aussi vite que possible. Mon père se redressa, aussi ébahi que nous tous, mais Ora le poussa pour l'inciter à prendre la fuite. J'étais en admiration face à cette louve. Elle était maigre, mais elle avait beaucoup plus d'allure que tous les autres Egales derrière elle. Ora dirigea son puissant regard vers moi, ou le loup ambre, puis s'assura de voir que mon père était assez loin. Et dès lors, le loup ambre se mit à s'éloigner en direction de la forêt de Cagas.
- Qu'est ce que tu fais ?! lui criais-je.
Je me retournai et la scène me glaça le sang. Ricey avait saisit Ora par le garrot, après lui avoir asséner un violent coup de pieds dans le flanc, la propulsant parmi les jeunes Frappeurs, ces lâches trop effrayés pour agir.
- Non! Tu dois faire demi tour ! hurlais je au loup. Ora va se faire tuer!
Mais le loup ambre courait droit devant lui.
Lorsque je me retournai une nouvelle fois, Ricey avait tranché la tête de mon héroïne.
- ORA !
Le loup ambre accelérait deux fois plus. Et tandis que mon coeur se brisait en mille, mes yeux ne pouvait saisir l'effroi de la scène, deux Anciens se dégénèrèrent sur le corps de Ora et la balança dans la brume.
Je haïssais ma faiblesse, je haïssais le loup ambre, je haïssais ce trou, je haïssais mon impuissance.
Je sautai hors de son dos, heurtant méchamment la terre. Je ne pouvais pas aller plus loin.
- Tu t'es enfui ! pleurais-je désormais.
Je tombais à genou devant lui. Le loup se tourna vers moi et je sentis ses poils me caresser les bras.
- Pendant tout ce temps, je pensais qu'elle avait oublié notre famille...
Et ma haine se changea en un deuil profond qui n'aspirait qu'à la vengeance. Des flots de larmes me brouillèrent le visage. Je ne comprenais rien à ce carnage.
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Cristal : pierre enchanté, taillé dans une roche provenant de la galaxie Sietha. Cette roche se trouve dans la plus haute montagne dans le peuple Frappeur. Un cristal est attribué à chaque jeune participant à la Cession. Le loup qui l'avale ne perçoit plus le jeune Frappeur comme un ennemi, mais un frère, un fidèle allié.
Somme: buisson original par la taille de ses feuilles. On les utilise pour alimenter le feu, ou épaissir les lits.
Demonesse: jeune sorcière redoutable pour sa magie noire.
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