32. Solemines |TAURI|


Je suis complètement devenu dingue. Cette phrase résonnait toujours aussi vivement en moi. Elle a été la cible d'un pacte, je l'avais perdu, mais je refusais de me faire à l'idée. Je n'avais même plus envie de m'adresser à Sierra. A personne d'ailleurs. Ça va faire deux soleils que je n'ai pas vu de trou noir la recracher ici. Et personne n'était assez motivé pour livrer bataille sans elle. Tout ce qu'on avait fait de bien jusqu'ici, c'était d'avoir retrouvé les enfants enlevés. Sinon, pas de livre cosmique, même pas de pierre lunaire pour espérer faire le vœux de la revoir. Rien, je me sentais impuissant.

- Il va falloir que tu rentres maintenant Tauri, souffla Aquila. 

Notre grand chef Silly se trouvait près de lui. 

- Personne ne peut ressortir du monde des Gardiens au bout d'un seul soleil, dit ce dernier. Ton amie a été emporté avec.

Je ne pouvais pas accepter cette vérité, mais je détestais chaque mot qu'il venait de prononcer. Une fille aussi intelligente et forte qu'elle ne pouvait pas tout bêtement se perdre dans un monde perdu entre deux. Quelle peur as-tu affronter là-bas Nessa

Je me leva péniblement, et tenta de marcher jusqu'à la toile d'Aquila. Saeŕos m'administra une fiole d'artisane pour me nourrir. Je me sentais pitoyable, presque mort. 

- Allez Tauri ! Booste-toi un peu ! s'énerva Aquila frustré depuis qu'il était revenu dans son village.

Personne n'osait me regardait dans les yeux, sauf lui. Abraham paraissait tout aussi impuissant que moi, mais il ne le montrait pas. Je crois être le seul à ne pas avoir craqué et avouer qu'elle avait disparu à jamais dans les ténèbres. 

- Tauri, elle aurait voulu que tu continues cette quête même sans elle. Que tu donnes le meilleur de toi, dit Jenelly. 

Elle me réconfortait du mieux qu'elle pouvait. Ça aurait pu être ses mots, c'est vrai. Elle aurait voulu que je donne le meilleur de moi. Que nous donnions le meilleur de nous. Mais je venais de perdre ma dose de marsolia, mon énergie vitale. Je haïssais Sierra, je la trouvais tout aussi impuissante que moi.

  Saeŕos sortit en trombe de la toile, certainement pour prendre l'air. Il restait secret, mais je voyais que la disparition de Nessa lui pesait lourdement sur les épaules. Pourtant il aurait dû s'en défaire depuis qu'il avait appris que Corduan avait été traître dès le début. 

Le lendemain, j'avais décidé de me hâter à la fabrication de lames pour équiper les derniers Catams qui avait choisi de se joindre dans nos rangs. Je voulais me rendre utile, compte tenu du fait que je n'avais rien fait ces derniers temps, et m'occuper me permettait de ne pas penser à Nessa. Je taillais la lame dans les morceaux de roches des chutes qui restaient. Même l'eau de la rivière des torrents se mourrait. Autrefois, les toiles des Sylphes étaient situés en hauteur dans les arbres, désormais, ils devaient tenir lamentablement sur quelques branches de Cagas qui restaient. 

Une foule de personne s'était réunis autour de l'entrée du village. Mon coeur fit un bond quand je reconnus la voix que j'entendais dans mon esprit. 

Elle. est. là. avais-je lu sur les lèvres d'Aquila

Je me déplaçais avec force jusqu'aux portes. Un énorme trou noir virevoltait dans le ciel à deux semès de hauteur face à nous. Instinctivement, je tendais les bras pour la rattraper lorsque je vis une tignasse brune jaillir du brouillard. Ma respiration m'empêchait presque d'inspirer correctement. Je retenais mon souffle jusqu'à ce que je puisse voir la couleur de ses yeux qui m'avaient tant manqué en l'espace de trois soleils où j'avais cru l'avoir perdue à jamais. 
Je ne tenais plus sur mes jambes tant je tremblais, je devais m'asseoir pour éviter de la précipiter dans ma chute. Dès qu'elle reprit connaissance, elle se précipita sur mes cuisses et toucha du bout des doigt mon pendentif. Elle souriait plus que jamais, avant de murmurer des excuses de m'avoir tant fait stressé. J'écoutais plus sa voix que ce qu'elle me disait. Elle était tellement belle. Elle scruta quelques secondes mon rubis puis me lança un regard plein d'espoir. 

- Qu'est ... ce qu'il y a ? demandais-je.

Elle observa la foule autour de nous, et leur adressa un sourire fier avant de venir m'embrasser à pleine bouche. Bien que chamboulé par son arrivé, et l'audace qu'elle venait de faire part, je la laissais faire volontiers. J'avais le droit, après l'avoir cru morte ces trois derniers soleils ! Le marsolia qui se déversait en moi ne valait pas toutes les fioles d'artisane que Saeŕos m'avait forcé à boire pour me revitaliser. C'est lorsqu'Aquila toussa qu'elle éloigna son visage du mien. 

- J'ai tellement de choses à vous dire ! lança t-elle. 


- Bonnes ou mauvaises nouvelles ? dis-je en l'admirant de plus belle.

- Des mauvaises, déclara t-elle. Mais s'il doit y en avoir une bonne, enfin, quoique ça risquerait de te chambouler un peu, il faut que je te le dise maintenant!

- Je t'écoute, souriais-je à moitié inquiet. 

- Tu n'es pas le fils d'Amon...

- Pitié Nessa, taquina Aquila. On dira rien sur votre relation, mais pitié, plus d'affaires de famille ! J'en ai ma claque ! 

- Non c'est important cette fois, surtout pour Tauri.

Je voulais l'entendre, d'un côté, je savais que ce qu'elle me dirait n'allait pas m'étonner plus que ça. Elle retira le pendentif autour de mon cou, et toucha les lettres E et L, ainsi que le symbole " Jamais sans". 

- Ce ne sont pas les initiales de l'Elphège, commença t-elle. Ça veut dire "Elliot jamais sans Liousa". Solemines, jamais sans, répéta t-elle. La princesse Rosalie ne pouvait pas avoir d'enfant, ça ne m'avait pas frappé avant, mais Corduan m'avait dit qu'elle ne pouvait offrir d'héritier à Amon ! 

- Q-quoi ? 

- C'est dingue je sais, mais Elliot est ton père ! C'est pour ça que lorsque tu as décidé de rejoindre notre sol, il a aussi voulu te suivre en prétendant vouloir s'occuper du royaume des Elvs ! 


J'étais à la fois reconnaissant et complètement perdu. Je ne savais pas si je devais me réjouir ou pleurer mon passé qui ne devait pas être le mien. La réponse était juste là, sur ma poitrine. Et je ne le savais même pas. Jusqu'à ce que cette Frappeur ne vienne basculer mon existence. 

- Tu n'es pas triste ? dit-elle en voyant mon large sourire.

- Si, mais j'en ai ma claque de me désoler pour une vie que je pensais en avoir le contrôle. Mon père aurait bien pu être Amon, comme Elliot, ma mère peut être Liousa, ou Rosalie. Tu peux ou non être ma demi-soeur. Ça ne change en rien le fait que je suis raide dingue de toi, Nessa Shenes, peu importe qui que tu sois toi aussi. Tes ancêtres ne feront jamais de toi, ce qui te fait ...toi. 

Elle se lève et ne me quitte pas des yeux. Il y a toujours foule autour, et je crois que personne n'arrive à nous convaincre que nous ne sommes pas seuls. 

- Ravis de savoir qu'on soit frère alors, ajouteSaeŕos en souriant et en venant m'administrer une tape dans le dos.

- Ouais, ça, faudra le digérer, lançais-je en souriant. 

On passe plus de la moitié de la fin de la journée à accepter le fait que Nessa soit vivante. Même si une partie de moi n'avait jamais abandonner cette idée, il faut croire que ça m'avait rendu fou. On explique à Nessa comment on a procédé pour ravitailler notre armée. On serait presque autant que l'armée de Teryel. Moins nombreux tout de même, mais aussi déterminé que ses soldats. Elle nous annonce qu'elle doit nous parler de quelque chose qu'elle a découvert grâce à son gardien. Je me suis retenu de lui demander pourquoi elle ne l'affrontait pas, contrairement à nous tous, parce que je ne voulais pas lui raconter ce que moi j'avais vécu dans l'entre monde face à ma gardienne. J'effaçais cette idée de pacte, ou de malédiction qui pourrait planer sur elle. J'en avais sûrement payé les frais ces trois derniers soleils. 

- A quoi tu penses ? dit-elle en me rejoignant dans la toile d'Aquila. 

- A toi.

Ma réponse ne la suffisait pas, elle haussa adorablement son sourcil gauche et attendit patiemment que je développe.

- Je ne lis pas dans tes pensées, je trouve ça juste que tu me fasses part de ce que toi tu penses. 

- Je me disais juste que tu me manquais, lui dis-je. 

Elle ne parut pas convaincue mais se contenta de venir s'asseoir entre mes jambes. 

- C'est la vérité Nessa, la persuadais-je. J'ai passé les trois pires soleils de toute ma vie à te croire perdue à jamais. Et ça m'a fait prendre conscience de la reconnaissance que je devais avoir pour ce que m'offrait le présent. 

- On gagne en sagesse dite moi ! taquina t-elle. 

Je la retournais pour faire face à moi et ajouta: 

- Je suis sérieux, chuchotais-je. Tant que tu vivras sous le même ciel que le mien, je savourerais cette saveur infinie que m'offre cette vie. 

Elle me regarda d'un air paisible et triste à la fois. Je savais à quoi elle pense, elle aurait aimé que son avenir soit moins perturbé par la menace, elle ne comprenait pas à quoi servait la palingénésie dans un moment pareil, et pourtant, elle ne changerait rien de tout ça.

- Je suis venue pour te parler de ce que j'avais appris, mais finalement ça attendra. Toi, je t'ai trop attendu.

D'un geste naturel, elle retira tous ces empiècements et se dévêtit sous mes yeux. Je me trouvais soudain réellement fort d'avoir tenu tout ce temps sans lui forcer la main. Ce corps était à elle, et là, tout de suite, elle me l'offrait. 

- Tu aurai aimé que je fasse le premier pas ? m'amusais-je. 

- Pas forcément.

Je la portais doucement jusqu'à mon lit de l'autre côté du mur sur lequel je l'appuyais deux minutes avant. Elle ne portait plus qu'un haut léger couleur écorce des bois, ses cheveux en bataille attiraient ma main à s'en mêler encore plus. Nos souffles saccadés se perdaient dans des baisers incontrôlables, épris de passions et d'émotions aussi puissantes les unes que les autres: la peur de perdre, la passion qui me faisait vénérer ce corps, l'amour que mon âme ne tenait plus, le désir qui nécessitait tout le marsolia en moi... 
Elle chuchotait mon nom comme si j'étais l'espoir à lequel elle se rattachait. Elle caressait mon visage pour connaître parfaitement les traits qui me formait. A chaque nouvelles caresses, je serrais l'étreinte de ses cuisses musclées autour de ma taille, et m'enfonçais de plus en plus en elle. Je n'étais pas tombé amoureux d'elle, j'avais complètement volé.

- Comment dis-tu "sous le même ciel" en Hahime ? demandais-je en tentant de ralentir mon poul.

Nessa posa délicatement sa tête sur mon torse et me toucha le torse du bout de ses doigts. J'étais tellement chanceux d'être le seul à pouvoir avoir contact avec elle. Ses caresses étaient magiques, elles m'apaisaient. Je me laissais me faire emporter par le sommeil. 

- Setou vénoussa, murmura t-elle. Soleminesia Setou vénoussa.



______________________________________________________

Solemines: Jamais sans


Setou vénoussa: sous le même ciel.


Soleminesia Setou vénoussa: Jamais sans toi sous le même ciel.






Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top