31. Séraphina Sekkala |NESSA|

Mon gardien était toujours le même, je n'étais pas à l'aise devant lui, contrairement à la dernière fois. Le Buffel-Tahal semblait peiné de m'avoir face à lui. Je le suivais en marchant derrière lui sur le grand rempart sombre de la dernière fois. Je ne savais pas depuis combien de temps j'étais ici, mais je savais que je ne devais pas trop tarder. 

- Tu es là depuis deux soleils, me répondit-il en lisant dans mon esprit. Tu vas rentrer les rejoindre, ce n'est pas pour ça que tu devrais t'inquiéter Nessa.

- Pour quoi alors ? 

Je le suivais péniblement prenant la sage décision de ne pas poser trop de questions pour avoir le plus de réponses. 

- Il y a des choses que tu peux découvrir par toi même, mais certains secrets te seront révélés par ceux qui se trouveront sur ta route, déclara t-elle.

- Ce n'est pas moi qui va te contredire, soufflais-je en repensant à Tauri.


Si cela fait deux soleils que je suis dans ce monde intermédiaire, il devait être mort d'inquiétude. 

Nous arrivâmes au bord du mur sur lequel nous marchions. C'était là que j'avais sauté pour retourner à Catamia. 

- Quoi c'est tout ? Je te laisse maintenant ? Je saute et c'est fini ? dis-je éberluée.


- Si c'est ce qu'il faut faire.


- Non, attends, je ne te crois pas, tu as quelque chose à me dire. Pourquoi attendre que je te le demande pour me l'avouer ? 


Mon gardien me faisait face à présent. Ses  yeux étaient ambres, l'étaient-ils la dernière fois ? 

- Le temps presse et je ne sais pas si tu réussiras à gagner cette guerre, lança t-il. 


- Je fais confiance à Sierra, si elle m'a élue palingénèse c'est certainement pour une raison qui permettera à Catamia de survir. Je suis confiante, même si je ne sais pas exactement quoi faire. Elle me guidera.


Comme si il prenait une grande inspiration, il gonfla son buste et s'allongea face à moi. 

- Qui t'as dit que Sierra voulait ton bien ? 


Sa remarque m'a fait froid dans le dos, mais je n'étais pas étonnée non plus. Si elle voulait utiliser ma vie pour sauver notre planète, je l'accepterais moi même. 

- Nessa, une mère ne pas oublier le visage de sa fille, même après dix-sept année de séparation.

- Où veux-tu en venir ? rétorquais-je méfiante.

- Teryel a bien vu que tu étais vivante, soupira t-elle comme si ça paraissait évident. Elle sait que sa fille n'est pas morte. Elle le sait même si Corduan le lui a caché. Elle le voyait, elle sait tout.


C'était mauvais, si c'était le cas, alors la bataille était inévitable. 

- Pourquoi continuerait-elle à vouloir enterrer notre Monde alors ? Si elle sait que je suis vivante, elle n'a plus de raison d'en vouloir aux quatre peuples ! Si ma mère a réellement était cette Frappeur courageuse et téméraire, pleine d'amour pour ses proches, je ne peux pas croire qu'elle puisse être autant aveuglé par la haine. Si c'est son amour maternelle qui a nourrit son désir de me venger, elle devrait se satisfaire de me savoir en vie ! 


J'avais haussé le ton sans m'en rendre compte. Je ne savais plus quoi faire, si elle savait qui j'étais, alors je ne comprenais pas. 


- Je suis d'accord avec toi Nessa. La vraie Teryel aurait cessé son combat dès l'instant où elle te saurait encore en vie. 


- Comment ça la vraie ? 

Pitié, pas encore de fausse personnalité ou de faux semblants. J'en ai assez. Comme mon gardien tardait à me répondre, je commençais à m'énerver. Je savais qu'il avait toutes les réponses. 

- Pourquoi je ne combat jamais contre ma peur quand je suis ici ? dis-je.

- Parce que tu n'en a pas, ta vraie peur est de ne pas obtenir de réponses pour te permettre de sauver les tiens. C'est pourquoi tu es souvent là à discuter avec moi plutôt que me combattre. 

- Et tu vas me donner ces réponses ? soufflais-je énervée. Qui est Teryel ? J'en ai assez de tourner en rond. Si elle détruit Catamia, c'est aussi votre monde qui va disparaître, plus de portail, plus de gardien. Tout va partir dans l'oubli. Alors si il y a une personne en qui tu dois croire maintenant, c'est moi, parce que je dois être la seule qui va te permettre à toi aussi de trouver un semblant de vitalité ! 


Je devais le savoir une bonne fois pour toute. Et tant pis si mes mots étaient crus, trop durs. J'en avais marre d'attendre les réponses de Sierra en rêve. Visiblement, j'avais touché dans le mille. Il s'approcha de moi et son regard adoucit me calma aussitôt.


- Connais-tu la légende de la Séraphina Sekkala ? me demandat-il.


Evidemment que je la connaissais. Abraham me la racontait pratiquement tous les soirs. Toutes les petites filles de Catamia la connaissait.  

C'est l'histoire d'une princesse dont la beauté était comparable à l'ensemble des étoiles de la Sietha, elle était l'héritière des déesses du Cosmos, Luna et Rassa. Elle était doué de sagesse et on la vénérait pour sa magie protectrice et bienveillante. Un jour, elle tomba amoureuse d'un jeune gardien de l'autre côté de la galaxie.  Malheureusement le jeune garçon était rusé et plein de vice, profitant de cet amour aveuglé pour s'emparer lui aussi de la toute puissance. Quand il lui demanda l'immortalité, Séraphina alla prier la déesse Rassa, maîtresse du monde des morts et de la guerre. Elle lui accorda une pierre taillé dans un astéroïde sacré, qui pouvait exaucé un voeux, dont le désir de vivre à jamais. Mais le jeune homme désirait plus, il voulait la gloire, la protection sûre, et le savoir. Alors à nouveau, la princesse s'adressa à Rassa, qui lui confectionna un arc divin pour s'assurer la victoire lors d'une guerre, le hissant jusqu'à la gloire et le succès. Pour garder les remparts de son palais, elle fit descendre un oiseau majestueux dont les ailes protégeait le royaume d'une quelconque invasion, nul ne pouvait briser le mur invisible autour des remparts. Enfin, Rassa confectionna un livre magique dans lequel les secrets de l'univers étaient inscrits. Elle l'offrit au jeune homme, qui prit le contrôle sur la création et les armées grâce à toute la connaissance que lui procurait le livre. Avec le temps Séraphina pris conscience de l'erreur qu'elle avait fait. Elle s'adressa à sa deuxième mère, la déesse de la prospérité et de la sagesse Luna. Celle-ci ne pouvait pas éteindre ce que sa sœur avait déjà entamé, elle décida donc de diviser l'humanité en quatre peuples qui posséderait chacun un des objets divins de Rassa. Elle persuada sa sœur de retirer le jeune homme du monde des vivants pour rétablir la paix qu'il avait brisé sur la planète. Séraphina s'inspirait d'avantage du côté bienveillant et protecteur de Luna et enterrait au mieux ses sombres désirs insufflés par Rana.

Ce conte est la légende maîtresse de la création des quatre peuples de Catamia. Même si aujourd'hui on considère que Séraphina n'est autre que Sierra, on n'a jamais réellement prié pour ses deux déesses mères Luna et Rassa.


-  Ne peux-tu donc pas faire de liens avec ce qui menace Catamia aujourd'hui ? demanda mon gardien.


Absolument pas. Je ne voyais rien en rapport avec la menace qui arrivait à grand pas et ce conte pour jeunes filles. Sierra avait peut-être eu deux mères pour la guider, l'une inspirait la lumière, et l'autre la mort et le désordre, mais à mes yeux, il fallait un équilibre entre ces deux éléments pour faire de l'homme ce qu'il était. Je suis convaincue que l'imperfection en chacun est la marque de fabrique de Sierra, et ça ne me déplaît pas; l'imperfection est notre normalité à tous. Cela fait de nous des êtres réellement intriguant. Alors je ne voyais pas le rapport avec la menace... A moins que cette équilibre n'était plus respectée. Et si le côté obscure de Rassa avait pris le dessus sur Sierra ? Je repensais aussitôt à la chanson de mon enfance.  

Cours au loin,
À quoi bon s'arrêter,
Si jamais le noir t'emporte
Quand l'amour t'a enlevé
Il te possédera,
Tu pourras te relever,
Il te dominera,
Et aider les tiens,
Tu fuiras
Sans craindre le contact
Et je ne serai plus avec toi.
Et tout renaîtra de ses cendres.


Abraham avait raison, il y avait un problème d'équilibre entre le bien et le mal. Moi qui pensait que Teryel était à l'origine du chaos, je m'étais encore trompée. Notre propre déesse voulait en finir avec sa propre création, elle s'était laissée détruire par ses sombres désirs. Voilà pourquoi Teryel était indifférente à me savoir en vie, elle n'était plus ma mère. D'une manière ou d'une autre, Sierra avait pris possession de son corps pour mener sa destruction. La raison de ces nombreuses révélations étaient le fruit de son travail, elle aimait nous torturer l'esprit. Et dire qu'on implorait son aide ! J'étais submergée par l'émotion de ce que je venais de découvrir grâce à mon gardien. En même temps, j'étais terrifiée. Comment pouvais-je prétendre défier notre déesse en personne ?


- Ça ne veut pas dire que la "bonne" Sierra a disparut, dit-il. Je suis certain qu'une partie de sa personne bienveillante subsiste encore. Je la vois dans la bonté des Golicorfes, dans la solidarité des meutes de loups, je la vois en l'amitié que tu portes pour les tiens et l'amour que tu as pour Tauri. Elle savait qu'elle était en train de sombrer, elle a mis toute sa confiance en vous deux pour espérer sauver le désordre qu'elle était en train de provoquer malgré elle. Je pense que Rassa a réussi à pénétrer dans l'esprit de Sierra, beaucoup plus que Luna. 


- C'est compliqué ces histoires de familles, dis-je d'un humour triste. 


- Tu as déjà pris conscience du plus gros, d'autres révélations ne vont pas tarder. Mais tu les découvriras toi même, il est temps que tu partes. Rien que notre conversation a duré un soleil. Il ne te reste plus que deux soleils avant la grande finale. 


J'étais impatiente de les revoir, de leur raconter ma découverte. J'étais poussée par un nouveau désir de restaurer la planète. Je voulais revoir son visage, Tauri.


- Dis moi qu'on se trompe quelque part, dis moi que Tauri n'est pas mon frère... Une bonne nouvelle ne serait pas de refus ? dis-je. C'est peut-être la dernière fois que je croise ta route.

Étonnamment, malgré la situation dérangeante, nous parvenions à sourire. 


- La réponse est inscrite sur le pendentif rouge qu'il porte à son cou, me dit-il.

Je ne pus lui en demander plus. Déjà, je tombais le long du rempart pour rejoindre mon monde qui partait à la dérive.

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Séraphina Sekkala: image pour illustrer la déesse Sierra, déesse fille de Luna et Rassa.


Luna: déesse mère de la prospérité et de la sagesse, elle illumine le bon côté du Cosmos.


Rassa: déesse mère de la mort et de la guerre, elle contrebalance la perfection de la Sietha.




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