22. Séparation |Nessa|

- Qu'est ce que tu as dit ? murmura Tauri.

- C'était mon frère...

J'étais sous le choc. Au départ, mon cœur refusait de le croire, mais mes yeux ne mentaient pas. Je l'avais reconnu, c'était Abraham. Ses yeux sombres comme le pelage de Ora m'avaient mis le doute, jusqu'à ce que je retire son masque. C'était lui, il avait le visage endurci, les cheveux plus longs, mais c'était bien mon grand frère. Comment le croire après cinq années où je l'ai cru mort, carbonisé dans la brume verte de la Frontière ? Abraham était vivant... Mais pourquoi ne m'avait-il pas reconnu ? Ou faisait-il semblant ? Pourquoi c'était lui le bras droit de Teryel ?

Je n'étouffais pas mes sanglots, je l'avais revu. Mais j'étais partagée entre la joie et la crainte, celle de le perdre à nouveau, celle de le voir basculer dans le camp ennemi. J'aurais dû voir qu'il était un Frappeur quand il avait envoyé un des Luneur dans le Vanesco. Tauri me serrait plus fort contre lui et les autres nous avaient rejoint. Jenelly... Il n'y avait qu'elle qui l'avait connu avec moi. 

- Nessa, chuchota t-elle. Qu'est ce qui ne va pas ?

Je m'étais redressée face à elle, son visage se déformait face à la peur qu'elle lisait sur mon visage. J'avais été incapable de faire le moindre geste quand j'avais vu son visage, je n'ai pas voulu le combattre, j'étais prête à me laisser tuer. Si j'aurais pu, je l'aurais prise dans mes bras.

- Abraham, dis-je entre deux sanglots. Il est vivant.

- Quoi ? marmonna t-elle.

- Il est vivant, c'est ... Moragor. Je lui ai retiré son masque. 

- J-je te crois, bredouilla t-elle. J'avais des doutes depuis longtemps.

Quoi? C'est tout ? Elle avait juste des doutes, et maintenant que c'était confirmé elle me croyait ? 

- Je n'ai jamais réellement cru à sa mort Nessa, me souria t-elle tendrement en voyant mon visage incompréhensif. Quand j'ai su que j'étais une Sylphe, je me suis permise de tout remettre en question. D'après les rumeurs, tu as l'a laissé tomber dans la brume verte parce que tu as refusé de le toucher pour ne pas l'envoyer dans le Vanesco. Tu as préféré pour lui la mort plutôt que la peur éternelle, et je t'en ai voulu pour ça. Mais je sais que tu as plus de remords que n'importe qui dans ce monde.

Elle le savait, elle avait touché dans le mille. La disparition d'Abraham m'avait anéantie car je ne pouvais pas me pardonner pour ce que j'avais fait. J'avais refusé de le toucher au risque de l'envoyer dans le Vanesco ce jour là, oubliant complètement qu'il pouvait s'en sortir seul. Je pensais qu'il avait été consumé par la brume acide au fond du gouffre, mais en fait, le Vanesco l'avait absorbé avant. 

- Peu importait les rumeurs, je savais que tu l'avais touché avant qu'il ne tombe. Pour moi, Abraham allait survivre dans le Vanesco, peu importe de quelle manière. Et quand Ora est venue à ton secours, je savais qu'elle savait elle aussi que son Egal était toujours en vie quelque part.

Si Ora servait encore notre famille, c'était bien forcément parce que Abraham était encore vivant. Tout était lié, les morceaux se rassemblaient. Jenelly avait été celle de nous deux qui a été la plus fidèle à Abraham, et je lui accorda dès cet instant, ma confiance éternelle.

- Whoua... Le frère de Nessa est le meilleur de soldat de Teryel, répéta Aquila. Déjà qu'il me fichait la frousse, savoir que c'est ton frère, c'est encore plus... Effrayant.

J'étais étonnée par sa rapidité et sa façon de bouger, mais maintenant que je savais que c'était Abraham, je n'étais plus si surprise. Tauri était toujours à mes côtés, je remerciais Sierra de lui accorder l'immunité. Il pouvait me rassurer, j'avais une solide épaule sur qui me reposer.

- Je me disais la même chose, murmura t-il. Je me trouve chanceux d'être le seul à pouvoir te toucher.

Ils étaient tous partis descendre les enfants des arbres. Saeŕos leur distribuait des fioles jaunes pour leur donner une dose de protéine.

- Tu es à moi, souffla t-il dans mon oreille.

***

Andromède a fait deux tours pour récupérer les enfants. Ils avaient d'abord voyagé à bord d'une Golicorfe avec Saeŕos et Tauri. Pour être sûr qu'ils soient en sécurité, nous les avions tous envoyer au village des Sylphes. On s'était mis d'accord pour rester sur l'île encore un peu, le temps de découvrir plus d'indices sur l'armée de Teryel, et ce qu'elle comptait faire. Tauri voulait également qu'on envisage la possibilité que les cinq autres enfants Sylphes étaient toujours vivants. Mais cette fois, nous allions nous risquer à une tâche plus complexe.

- Le livre Cosmique doit être près d'elle, déclara le jeune Elv. Il faut qu'on sache où elle demeure.

- Sur l'île non? repondit Jenelly.

Un mystère entier planait sur l'île, pourquoi les enfants étaient-ils ici ? Pourquoi des monstres restaient enfermés dans cette île sans aucune raison ?

- Pas sûr, les Luneurs sont de plus en plus présents dans Catamia, elle peut être n'importe où, dit Aquila.

- Le mieux serait de demander à l'un d'eux pour savoir où se trouve leur reine...proposa Tauri.

- Tu crois vraiment qu'ils vont nous répondre ? rétorqua Saeŕos.

- On forcera, dis-je. Il y a plusieurs personnes que je suspecte chez les Frappeurs.

- Ricey, devina Jen. Ça fait longtemps qu'on ne le voit plus dans les montagnes.

- Et Api?

- Il est là, mais en même temps il a l'air ailleurs. Surtout depuis la Cession. Quelque chose le tracasse.

Tant mieux pour lui, à mes yeux il n'avait été qu'un traître. Il a été lâche, comme ma mère. Peut être que je réussirais à nous faire avouer où se cachait Teryel ?

- Je pense que je saurais convaincre ma mère, annonçais-je.

- Ce n'est pas risqué pour toi? demanda Aquila. Leur dernière fois, on a failli y passer.

- On sera plus prudent, mais on a besoin d'armes.
On était trop à découvert. Trop vulnérable. Il fallait que nous puissions nous défendre mieux. Jenelly avait l'Eliott, mais elle ne l'avait toujours pas utiliser. Saeŕos avait sa magie, mais Aquila et Tauri ne comptait que sur leurs pouvoirs.

- Pourtant, rien qu'avec deux poignards tu te débrouilles pas mal, déclara Tauri derrière moi.

Je m'étais retournée pour lui face. J'adorais la couleur brute océan de ses iris, depuis quand je fantasmais autant sur un de ses atouts physiques à des moments pareils ?

- C'est vrai que jusqu'ici, je ne te croyais pas capable de tuer, Nessa.

C'est vrai, j'avais tué des Luneurs. Qu'avais-je ressenti à cet instant ? Rien de culpabilisant, juste une poussée d'adrénaline, un désir de venger le plus d'enfants possible. La plupart des gens qui tuaient la première fois ne s'en remettait pas, mais j'avais l'impression d'avoir fait déjà pire.

- Je pense que Morag... Abraham, se recorrigea Aquila, se trouve encore sur l'île. Peut être de l'autre côté de la montagne. Si Andromède n'a pas pu traverser l'océan, ces phénix rouges non plus. Ils ont sûrement un autre moyen pour traverser la mer.

Nous nous mettions en route pour arpenter la forêt insulaire à la recherche d'une base idéal pour l'armée de Teryel. Mais l'île était trop vaste, et nous manquions de temps. J'avais entrepris de nous nous diviser pour être plus efficace.

- Il nous faut un signal en cas de détresse. L'autre groupe pourrait localiser le lieu et venir en aide rapidement, lança Aquila.
- Qu'est ce que tu entends par "en cas de détresse"?

- Si on se fait choper par les Luneurs, répondit-il à sa soeur. Au mieux, restez sur vos gardes et éviter de nous faire repérer par ces soldats. Si c'est une bête femme, et si on est vraiment mal barré, essayez de vous en sortir, sinon tant pis.

- Je peux lancer une onde aérienne jusqu'à vous, proposa Saeŕos. Ça ferait un signal discret, vous ressentirez un léger écho, comme une mélodie qui siffle dans les tympans. Un peu désagréable, mais rien d'insupportable.

- Ça marche, opinais-je. Pour ce qui est de l'autre groupe, je pense que je pourrais communiquer avec Tauri par la pensée. Saeŕos renverrait des ondes pour que je sache si il m'a reçu.

- À quelle distance tu peux l'entendre ? demanda Saeŕos.

- Quand elle était au royaume des Elvs, j'étais au bord de la plage, prêt à traverser l'océan. Je l'entendais encore.

Ce qui me faisait penser, comment avait-il fait pour traverser la mer ? Mais je lui demanderai plus tard, d'autres préoccupations m'attendaient.

- Whoua... La palingénesie, c'est fort quand même ! s'étonna Jenelly.

Nous étions mis d'accord: un signal ondulatoire signifiait que Tauri avait reçu mon message. Deux signaux voulaient dire qu'ils étaient en danger. J'étais partie avec Jenelly et Aquila, et les deux héritiers ont dû se mettre ensemble.

- Je déteste être loin de toi, susurra Tauri.

- C'est pas ce que j'ai cru comprendre il y a moins d'un soleil...

Il avait rit et me déposer un baiser franc sur le front.

- À tout à l'heure, me dit-il.

Nous nous retrouverons de l'autre côté de la montagne. Aquila menait la marche avec Jen, je les suivais à l'arrière. À deux fois on risquait de se faire repérer par les femme-monstres, mais nous les évitions de  justesse. "Tout va bien jusqu'ici" pensais-je fort. Aussitôt, une légère vibration vînt résonner aux creux de mon tympan.

- C'est vrai que c'est pas très agréable, maugréa Jenelly. Mais c'est supportable.

Le don de Saeŕos était extrêmement puissant. Il était certainement le plus intouchable de nous tous. 

A chaque nouveau pas dans la forêt, je redoutais de recevoir deux signaux d'onde. Je voulais à tout prix en finir et trouver le repère des Luneurs au plus vite. Nous étions arrivés face à une cascade qui ressemblais énormément à celle près de la Frontière Verte.

- C'est trop calme...commenta Aquila.

J'avais perçu une ombre courir autour de nous. Instinctivement, nous avions formé un cercle. Je n'aimais pas ça, nous étions à découvert. Jenelly avait subitement gémit de douleur. Une flèche venait de se planter dans sa cuisse.

- Jen ! s'écria Aquila.

Il se précipita sur elle, et se pressa pour invoquer sa trace. Une autre flèche avait été tiré , mais je l'arrêtais avant qu'elle n'atteigne le crâne d'Aquila.

- Nessa ! Derrière toi!

Mais trop tard, un coup brutal avait frappé ma  nuque. Mes dernières pensées ont été tourné vers Tauri.
Sauve Aquila et Jen...

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Onde-air: ondes sonores provoqué par la maîtrise de  l'air. Les Elvs peuvent choisir de maîtriser un des éléments primaires, l'eau, le feu, la terre ou comme Saeŕos, l'air.







































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