20. Quelle Quête |NESSA|
Je ne savais pas nager, et pourtant je restais à la surface de l'eau sur le dos. Toujours à l'intérieur de la bouche du Golicorfe, j'ai décidé d'attendre qu'elle se remplisse d'eau pour m'emmener vers l'orifice situé bien trop haut pour que je l'atteigne en sautant. Quand l'eau avait atteint une bonne hauteur, il me suffisait de tendre mes bras pour sortir par le trou. Comme si elle savait que j'étais encore en elle, la Golicorfe avait attendu sagement devant la plage sombre de l'île. Lorsque j'avais rejoins la terre ferme, elle avait réalisé un magnifique plongeon avant de s'enfoncer dans les profondeurs abyssales de l'océan. Elle nous avait aidé. Tandis que j'observais encore la surface de l'eau comme ensorcelée, des cris au coeur de l'île m'avaient tiré hors de mes pensées. C'était Jenelly. Une voix féminine, mais bestiale avait fait frémir tout mon marsolia. Sans plus attendre, je courais à l'intérieur de la jungle épaisse en me laissant guider par les hurlements ou plutôt les rires étranglés de cette bête qui me paralysait presque.
Ce monstre était énorme. Il ou elle n'avait rien de la beauté naturelle de Catamia. Les Buffel-Tahal étaient majestueux, puissants; les Golicorfes étaient impressionnants, mais cette bête n'avait rien de catamiaque. Ce n'était pas une créature de Sierra, comme les Motlous. Elle avait le visage ensanglanté, des orbites sombres qui ressortaient de ses paupières, et cette large bouche qui ne cessait de sourire. Seule un bandeau autour de sa taille cachait son intimité. Un véritable démon.
Saeŕos, Jenelly et Aquila étaient protégés par le bouclier enflammé de Tauri. Mais ce dernier avait le visage blanc, son marsolia s'épuisait. Et d'un coup, il chuta du haut de son arbre. Aquila avait sauté à temps pour rattraper ses épaules mais sa tête avait déjà heurté la racine de l'arbre.
- Merde ! Il a utilisé trop de marsolia aujourd'hui ! hurla Aquila tandis que le monstre tendait déjà sa main pour les saisir tous les deux.
Aquila ne pouvait rien faire à part utiliser sa trace pour soigner le choc derrière le crâne de son ami. Jenelly et Saeŕos tentaient vainement de détourner l'attention, mais elle ne voulait que les deux garçons. Hors de question...
Je montais le plus haut possible dans un arbre derrière elle et sauta sans réfléchir sur sa tête. Brandissant les deux poignards de Saeŕos derrière mon dos, je les plantais au niveau de ses tempes, et les retournais d'un geste sec pour être certaine de l'achever. Elle avait d'abord rugi en cherchant avec sa main ma localisation sur son crâne, puis tomba raide contre le sol. Sa tête s'était enfoncée dans un pic de racines mortes par terre. Une des racines avait complètement traversé sa tête et frôla mon pied de justesse.
Jenelly avait sauté pour me rejoindre au sol.
- Ça va ? S'inquièta t-elle.
- Oui, que s'est-il passé ? demandais-je.
- On l'a vu en train de bouffer un Buffel-Tahal, elle nous a poursuivi, expliqua Saeŕos.
Quelle autre bête nous attendait sur cette île ? Allions nous tous rentrés sains et saufs ? J'avais accouru vers lui sans plus attendre. Il était allongé et toujours inconscient.
- Il est mal, il a besoin de marsolia, déclara Aquila.
- C'est pas un problème, répondis je.
À présent que je pouvais le toucher sur Catamia, et non seulement dans le Vanesco, je pouvais lui transmettre mon marsolia sans craindre le moindre trou noir.
Ses lèvres étaient toujours puissantes, mais froides. Même si je sentais son coeur battre sous ma main, j'implorais silencieusement Sierra pour qu'elle ne l'emporte pas. Je sentais mon marsolia se vider en lui, je n'avais pas fait attention au dosage.
- Nessa arrête toi! C'est bon, il en a assez ! me prévena Aquila.
J'étais toute engourdie en me redressant.
- Pourquoi il ne se réveille pas ? Paniquais-je.
- À cause de sa blessure à la tête, réponda Saeŕos. Laisse lui le temps de s'en remettre.
- Il faut qu'on se mette à l'abri en attendant qu'il se lève.
La main de Tauri avait fraulé mon épaule nue. Il avait murmuré mon nom.
- Pourquoi tu es toute gelée ? souffla t-il.
J'avais caressé sa joue avant de lui sourire.
- Pendant un temps, tu étais beaucoup plus froid que moi Tauri, dis-je. Et pourtant tu n'as pas nagé dans l'océan toi.
- Les Frappeurs ne savent pas nager, souria t-il faiblement.
Il avait refermé ses yeux avant de se laisser emporter à nouveau.
- Il est fatigué, dit Aquila. Laisse le temps à ton marsolia de le rebooster.
Jenelly avait repéré une espèce de petite grotte derrière un rideau de lierres. Saeŕos et Aquila étaient partis l'inspecter avant que nous décidions d'y entrer. Les garçons étaient trop grands et ils devaient carrément se déplacer à genou à l'intérieur. Surtout Saeŕos qui était le plus grand d'entre nous. Quoique Tauri et lui faisaient sans doute la même taille...
L'Elv avait sorti deux fioles jaunes de son sac et nous les tendit.
- De l'artisane. Ça va remplacer les protéines qui nous manquent, on a rien mangé.
J'avais instinctivement partagé la moitié de la fiole jaune avec Jenelly tandis que Saeŕos et Aquila vidaient la seconde.
- Bénadote, artisane... Et la fiole verte ? questionnais-je.
- De l'encens de Roseliers, me répondit Saeŕos. Ça, c'est pour endormir l'ennemi. Une goutte de ce machin et la personne sombre dans un sommeil de trois soleil minimum. Buvez toute la fiole et soyez sûr de vous endormir jusqu'à ce que ayez atteint deux cent lunes.
- Whaou... s'exclama Jenelly. Bellina crée toutes ces potions elle même ?
- Ouais, elle a inventé l'encens de Roselier en voulant soulager la maladie de son père.
- Il avait quoi? demandais-je.
- Le colersolia, dit-il.
Cette maladie n'était pas rare chez les Catams les plus âgées, soit ayant plus de deux cent lunes. Leur marsolia ne se régénérait plus assez vite, ce qui provoquait des contractions musculaires atrocement violentes. Bellina voulait certainement créer une potion pour endormir son père dans un sommeil profond qui l'emporterait doucement au delà de la Sietha.
- Et toi? demanda Aquila. Les Elvs peuvent contrôler un des éléments primaires. C'est lequel le tien ?
- L'air, répondit-il.
Je ne savais pas que les Elvs pouvaient maîtriser un élément de la nature. C'était réellement rageant de savoir que les Griffins leur avaient accordé ce don unique.
- C'est pour ça, on n'a pas forcément besoin d'Egal pour nous défendre. Notre don primaire nous suffit.
- C'est vous qui le choisissez ? dis-je.
- Non, on passe une épreuve, plusieurs enfaite. Comme vous avec la Cession.
Je n'avais jamais vu Saeŕos utiliser son don encore, mais ça risquait d'être incroyable à voir.
- Tauri ? murmura Aquila. Comment tu te sens ?
Je m'étais rapprochée de lui, il avait retrouvé des couleurs.
- Ça va, dit il en se relevant.
Il s'était cogné la tête contre le plafond de la grotte.
- Doucement, nous refait pas un autre malaise mon gars, souria Aquila.
Quel nul...
- J'ai entendu Nessa, chuchota t-il.
J'avais oublié qu'il lisait en moi. Mais tant mieux, il n'avait qu'à pas me laisser au Royaume Elv.
- On a pas été très intelligent c'est vrai, dit-il. Mais je pensais que tu aurais voulu découvrir tes propres secrets à toi plutôt que de te préoccuper d'une histoire d'enlèvements...
- Tu as eu tord, rétorquais-je. D'une façon ou d'une autre, cette histoire d'enlèvements concerne tout le monde. Vous n'aviez pas à partir à deux sur une île inconnue. C'était clairement stupide.
Il me lança un doux sourire, épris de culpabilité et me prit ma main. Son pouce caressait tendrement ma paume. Savoir que l'élu de la palingénésie se trouvait à mes côtés me rendait plus confiante, je ne portais pas toute la responsabilité de Catamia sur mes épaules. Nous le portions tous.
- À votre avis c'était quoi cette bête ? demanda Saeŕos.
- Je n'en sais rien, mais ce n'était pas une créature de Sierra, comme les Motlous, répondit Aquila.
Ces créatures m'inquiétaient. Elles n'avaient rien de biens, rien de naturelles. Quelqu'un les créaient, Teryel.
- Teryel doit sûrement les créer, un moyen pour compléter son armée de monstres redoutables, dit Tauri. C'est Nessa qui a eu l'idée.
- Je me disais juste que Sierra ne pouvaient pas créer de bêtes simplement pour les isoler sur une île...
- Tu as raison, trancha Saeŕos.
C'était plaisant s'entendre ça de sa bouche. C'est lui qui avait toujours raison !
- Comme si elle utilisait pour expérimenter ces créations, continua t-il.
- On serait sur un territoire expérimental des nouvelles créatures de Teryel ? déduit Jenelly.
Ça donnait froid dans le dos. Combien de nouvelles créatures allions-nous croiser ?
- D'abord, il faut qu'on trouve les enfants, déclara Aquila.
- Ensuite, les enfants Elvs, chez nous aussi ils ont disparus, rétorqua Saeŕos.
Tauri hocha de la tête l'air de dire "tous les enfants de Catamia sont nos frères et soeurs".
- Il faut récupérer le Livre Cosmique, lui retirer son savoir, dit Tauri. Peut être même le détruire pour éviter que quelqu'un d'autre s'en empare.
- Ça fait beaucoup de missions pour cinq personnes, admettait Jenelly.
J'étais d'accord avec elle, nous étions peu armé, peu expérimenté.
- Mais nous t'avons toi Nessa, lu Tauri en moi. Tu n'as pas encore eu ton troisième sort palingénésique, mais je suis certain que Sierra te l'accordera et qu'il sera puissant. Tu es déjà la plus rapide de nous tous. Saeŕos contrôle un des éléments primaires, on a deux guérisseurs. Un groupe de choc. Je crois que Sierra a un vrai plan pour Catamia. Regarde... Elle a réuni une Frappeur, un Griffin, un Elv et deux Sylphes pour sauver le monde. En donnant le meilleur de nous, on montrera à tous les peuples que la division doit cesser.
Après sa longue tirade, je n'avais qu'une seule envie: le serrer fort contre moi, mais j'étais restée figée. Tauri me donnait suffisamment de marsolia pour que j'osais prétendre que oui, nous réussirons. En donnant le meilleur de nous, avec ardeur.
- On réussit tout avec de l'ardeur, murmurais-je.
- T'as tout compris ma belle, commenta Tauri.
- Bon ça va ! C'est trop roselier pour moi là, souffla Aquila. On a des enfants à sauver, vous nous ferez les votre plus tard ?
- Fais attention toi, je peux toujours t'envoyer dans le Vanesco, le menacais-je en souriant.
- Je sais pas vous, mais Tauri m'a motivé à bloc, déclara Jenelly. Je savais que je n'étais pas à ma place chez les Frappeurs, je devais avoir une quête.
Une quête. C'était ça l'enjeu ! Biensûr ! Tout était réellement lié ! J'observais ce groupe que nous avions formé, je m'étais subitement dit qu'ils étaient ma famille, une idée que beaucoup ne devait pas partagé. Nous étions tous issus des quatre nations de Catamia. Saeŕos devait trouver les enfants, tout comme les deux Sylphes. Tauri devait détruire le Livre Cosmique, mais moi? Quelle était ma quête ?
- On le découvrira assez tôt Nessa, murmura Tauri. Je te le promets.
Ils avaient tous un but à atteindre. Tandis que je ne savais toujours pas où me mènerait mes pas.
On entendit subitement des enfants. Des pleurs incessants, des cris... des coups.
- Tu as assez récupérer Tauri? s'exclama Saeŕos.
- Ouais, j'ai eu ma dose ! On y va !
Nous étions sortis de la grotte en fonçant droit vers une haute montagne d'où provenait les pleurs. Je ne savais pas qu'elle serait ma quête, celle des Frappeurs. Mais pour l'heure, je considérerais que temps que l'un de mes amis n'aura pas achever sa mission, je l'aiderai coûte que coûte, et ce sera ça mon objectif: s'assurer qu'ils aient tous une épaule sur qui compter.
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C'est roselier: à l'eau de rose.
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