11. Le Griffin |TAURI|

Elle me bluffait. Physiquement, déjà. Et visiblement, c'était réciproque. Je la bluffais, mais même si je parvenais à lire dans ses pensées, je ne savais pas si ça l'énervait ou si elle adorait ça.

- Amon Callking ? Le... Roi?

Quand elle m'avait raconté l'origine du Vanesco. Je n'en croyais pas un mot. Mon père avait refusé de me raconter son histoire, il ne voulait pas que je sache. Aucune trace n'était resté sur ce que t'était le Vanesco. Je n'en savais rien. Et je détestais encore plus mon peuple pour son indifférence. C'était comme ça, plus je restais sur Catamia, plus je haïssais les Griffins. Mon propre peuple.

- T'énerve pas encore, dis-je. Je t'en supplie... Écoute moi jusqu'au bout.

Elle inspira longuement... Je l'entendais penser "Dire que j'allais m'autoriser à tomber dans les bras d'un Griffin !". Elle venait de se rappeler que je pouvais l'entendre. Ses joues avaient cramoisi.

- Je ne voul...

- Non non. Je suis heureux de l'apprendre, souriais -je.

- C'est pas le moment des explications je crois bien, déclara soudainement Aquila.

Nous avions continuer de marcher. Devant nous, des jeunes Frappeurs avaient été massacré dans les bois. Ils étaient tous au sol, en parfaite alignement. Un frisson m'avait parcouru le long de mon dos. Aquila était le seul à avoir bougé, Nessa restait muette, la bouche grande ouverte.

- Qui a pu faire ça ? chuchota t-il.

- Je ne sais pas, lui répondis-je sans quitter la scène des yeux.

Aquila avait saisi la veste de l'un des cadavres au sol.

- Qu'est ce que tu fais ? murmura Nessa.

- Pour lui, il est à poil , faut peut être qu'il ait des vêtements, lui répondit-il.
Mince, j'avais oublié que j'étais à nu depuis tout ce temps. Mais porter les vêtements d'un cadavre me semblait être indécent, voir insultant.

- Tu n'as pas le choix, un homme nu dans les bois ça peut faire flipper ! lâcha Aquila.

- Il a raison.

Depuis notre retour du Vanesco. Ses pensées avaient été tourné sur ma nudité, ça me faisait presque envi de rester comme ça, juste pour la taquiner.

- Vous êtes vraiment de petites natures, leur balançais-je.

Porter le haut d'un mort n'était pas si terrible que ça, mais le bas...

- Allez Prince de la Sietha, il est temps de t'intégrer dans ton peuple, a pouffé Aquila.

J'avais décidé de l'ignorer, comme Nessa. Elle était encore sous le choc. Je pouvais lire dans ses pensées depuis qu'on était dans le Vanesco, je n'arrive pas à comprendre pourquoi je n'y arrivais pas avant. Elle s'était approché d'un jeune garçon au sol. L'alignement était inhabituel, c'était comme si il s'était laissé exécuter sans broncher.

- Je le connais, il allait bientôt s'apparier à Rebecca, fille de Kan et Shoua. Mais je ne connais pas son nom.

Sa voix tremblait légèrement, mais elle tentait de contenir son émotion. Elle était forte.

- Il a renoncé à la Cession le jour même, à cause de son appariement, je crois qu'on l'a exécuté pour ça. Mais ce serait bien la première fois que ça arrive.

- Non, affirmais-je. C'est déjà arrivé il y a un soleil.

- Comment ça ?

- Avec Aquila, on a trouvé cinq Frappeur dans l'eau de la rivière. Il y a déjà eu des exécutions.

Elle était sous le choc. Elle n'en savait rien.

- C-comment...

- Ton peuple n'est plus aussi protecteur et sociable qu'il était avant, commenta Aquila. Je pense que c'est dangereux pour un seul esprit de rébellion.

- Il faut partir d'ici, dis-je.

On pouvait être exposé. Et la tuerie paraissait récente.

- Tu seras plus efficace en loup Tauri. Au cas où on aurait à courir, Nessa serait sur toi.

Aquila avait raison. Elle serait plus en sécurité sur mon dos.

- Et toi, on s'en va et tu traînes derrière ? demanda t-elle.

- Non, les Sylphes aussi ont leur Egal ! souria t-il.

Et de ce fait, il siffla son aria jusqu'à ce qu'Andromède jaillisse au dessus de nous.

- Salut mon beau, m'exclamais-je.

Si j'enviais Aquila pour quelque chose, c'était bien ce phénix blanc. Aquila faisait toujours impression avec, le chanceux ! Comme moi la première fois que je l'avais vu, Nessa était restée bouche bée.

- Il est...

- Magnifique on le dit souvent, se flatta Aquila.

- Ouais... Complètement majestueux.

Chaque Sylphe avait le droit à son oiseau. En hommage à leur grand rapace protecteur, Sylles.

- Contrairement aux Frappeurs, on ne les appelle pas Egal. Et on a pas à les combattre. Ce sont juste des frères, ils viennent devant ton berceau dès ta naissance. Et ils sont libres de repartir quand ils veulent. Ce sont tous des enfants de Sylles, ils ne nous appartiennent pas, expliqua Aquila.

J'ai toujours aimé ce concept de liberté chez les Sylphes. Sylles mettait les habitants sur le même pieds d'égalité que ses oiseaux. Le respect mutuel était conservé grâce à cela.

- Bon assez traîné ! Déchire moi ces vêtements Tauri! déclara t-il.

Sans répliquer, mais en lançant un regard sombre à Aquila, mon corps s'enflamma avant que je ne me transforma en loup. Je m'étais rapprochée de Nessa et je m'étais agenouillé devant elle pour l'inviter à monter sur mon dos. Elle avait passé délicatement sa main dans ma fourrure et sauta au dessus de moi. C'était la deuxième fois que je la portais, mais les choses avaient changé depuis qu'elle avait appris qui j'étais. Parfois, elle arrivait à me bloquer l'accès à ces pensées, je ne savais pas comment elle faisait. Je voulais savoir ce qu'elle pensait de moi maintenant qu'elle savait que j'étais le fils de Amon.

Aquila avait ramasser des vêtements d'un autre... cadavre, (pour moi) avant de lui aussi, monter sur le dos d'Andromede, nom qu'il avait choisi en clin d'oeil à l'une des galaxie voisine. Aquila était passionné par les autres galaxies: Andromède, Magellan, ou encore la Voie Lactée. Personne n'a jamais osé s'y aventurer. Mais il nous était pas impossible de penser que la vie soufflait ailleurs que dans la Sietha.

- On se retrouve à la passerelle ! s'écria mon ami avant de monter dans les airs.

Je m'étais mis à en route, sans courir, d'une manière ou d'une autre, je voulais profiter de ce moment avec elle. Même si je ne pouvais pas lui parler. Si seulement elle pouvait lire dans mes pensées. Je sentais sa main tenir mon collier autour de mon cou. Depuis ma première lune, je ne l'ai jamais retiré. Le pendentif était rouge écarlate. On pouvait voir les deux premières lettres de la ville maîtresse de mon peuple "Elphège".

- Je me demandais pourquoi tu étais ici, avec les Catams et pas en haut sur le satellite avec ton peuple.

Je ne m'attendais pas à cette question. Et pourtant, elle était inévitable. Les Griffins vivaient sur un satellite que l'on voyait distinctement la nuit. Cette petite planète tournait autour de Catamia et seuls les Griffins vivaient dessus. Nous sommes considérés comme les dirigeants, les nobles de la planète. Et pour éviter tout renversement, nous avons choisi de vivre à l'écart sur le satellite. Autrefois, on pouvait voir un véritable arche de lumière bleu relier la planète à son satellite. Tout le monde pouvait s'y rendre. Mais mon père a préféré être prudent et rendre ce pont invisible.

- Enfin peu importe, tu es ici et tu veux sauver le peuple Sylphe, chuchota t-elle.

Elle avait une voix triste. Je ressentais sa solitude et son désarroi. Elle mourrait d'envie de se confier, mais elle pensait que je devais déjà avoir assez de problèmes. Je ne pouvais pas lui parler, c'était déjà une bonne chose que nous pussions nous toucher vu que j'avais la forme d'un animal, je devais donc me contenter de l'écouter.

- Je regrette un peu l'absence d'Aquila, ce Sylphe débitait n'importe quoi, ça me changeait les idées.

Holà, jeune Frappeur, commence pas à me comparer à Aquila. Pour lui faire comprendre mon désaccord, j'avais accéléré brusquement en faisant attention à ne pas la renverser.

- D'accord doucement, ria t-elle. La vérité... C'est que ta compagnie me fait du bien.

Je ne savais pas ce qui m'avait perturbé, le ton intime de sa voix ou son aveu en lui même.

Nous étions arrivés à la passerelle bien trop vite. Les cordes étaient toujours arrachés. "Pour me rappeler mon bannissement" pensa Nessa. Je pris un léger élan, et sauta de l'autre côté de la Frontière Verte. Je me félicitais parce que même Ora n'avait pas atterri avec autant de grâce. C'est de l'humour évidemment , j'ai failli faire renverser Nessa. Aquila était déjà arrivé et me fit signe de venir m'habiller. Je ne m'étais pas fait prier et revins immédiatement sous ma forme humaine. Nessa était descendue précipitamment dès qu'elle vit les flammes bleus autour de moi.
Une fois redevenu moi, j'avais lâché les premiers mots auxquels je pensais depuis plus d'une dizaine de minutes:

- Moi aussi Nessa, ta compagnie me fait du bien. Vraiment.

Elle avait équarquillé ses beaux yeux ambres avant de se retourner brusquement.

- Nom d'un loup Tauri! Ne me refais plus jamais ça ! s'exclama t-elle avant de foncer droit devant elle.

- Ne jure pas sur au nom des loups ! ais-je répondu.

Je pensais lui avoir fait plaisir, mais j'avais compris sa réaction. Elle le pensait tellement haut qu'elle l'avait dit.

- Bordel, ce type est nu !

***

Nous avions contourné le centre du village afin d'éviter les Anciens. L'expulsion de Nessa avait dû être répandue dans toute la ville depuis. Il ne fallait pas la repérer. Nous nous étions dirigés vers les montagnes, la plus haute à l'extérieur de la foule.

- C'est chez moi.

Elle dégagea un rideau de lierres et de branches dures derrière lequel se trouvait un gigantesque escalier de terre.

- Des marches à l'intérieur même d'une montagne ? s'étonna Aquila.

- On en a eu marre de grimper par les parois. Tu peux laisser Andromède ici.

- Non ça va aller, il est plus en sécurité si il s'en va ailleurs. Les Phénix des neiges sont rares, tes Frappeurs vont me le voler...

- Pas faux.

Elle m'avait surpris en train de la regarder. Je lui avais souri sans espérer qu'elle me le rende.

Nous montions prudemment les marches. En haut du grand colimaçon, un calme menaçant régnait. Et comme je m'y attendais, il n'y avait personne.

- Papa ?

Tout était en place, il n'y avait pas de trace de lutte, ni de vols. Nessa fouillait sa tanière tandis que mon regard s'était posé sur une image peinte de rosier écrasé verni à l'huile de Cagas. Je voyais le visage d'un homme plutôt mure, il tenait deux enfants dans ses bras. Son visage me disait quelque chose...

- Ma mère m'en a parlé, dit Aquila derrière moi. Les Frappeurs aiment peindre. Si on est bon dans la sculpture, ce sont les meilleurs dans la peinture.

C'est vrai, c'était distincts. On voyait le moindre traits sur leur visage. J'arrivais même à reconnaître Nessa enfant. L'autre garçon que j'avais deviné être Abraham était clairement l'opposé de sa sœur. Il avait les cheveux extrêmement clairs, mais des yeux très sombres. L'homme qui les tenait tendrement dans ses bras devait être son père. Et puis je l'avais reconnu, il était dans un de mes rêves.

- Nessa ! l'appelais-je.

- Je suis juste là...

Elle semblait inquiète. Je m'en voulais de ne pas lui en avoir parlé plus tôt !

- J'ai fait un rêve l'autre nuit quand Aquila a failli tomber de l'arbre. Tu peux me l'interpréter non ?

- Tauri, c'est pas...

- Non, c'est important. Il y avait ton père dedans et je suis persuadé que Sierra a voulu nous aider pour savoir où il serait allé.

Elle avait bondi vers moi, mais recula aussitôt, se rappelant qu'elle ne devait pas me toucher.

- Raconte !

- Je ne me souviens pas de tous les détails. Mais il devait faire un choix. Prendre un chemin rouge ou un chemin bleu. Ou vert, je ne sais plus. Mais je suis convaincue qu'il a choisi le rouge. Au dernier moment, il s'est retourné en prononçant mon nom.

- Pourquoi tu ne m'en a pas parlé plus tôt ?!

- Je n'y pensais plus ! Aquila allait tomber d'un arbre et...

- Oh le Griffin, met pas la faute sur mon dos, me coupa t-il.

Nessa avait baisser les yeux au sol comme à chaque fois qu'elle faisait pour réfléchir.

- Il est allé au royaume des Elvs.

- Sûre ?

- Oui. Le rouge est la couleur prédominante qui définit les Elvs. Leurs remparts sont rouges, leurs capes sont rouges, même leur palais. Il a hésité à se rendre chez les Sylphes, mais il s'est dit que les Anciens auraient moins de chance à le retrouver si il allait plus loin.

- Alors on y va ? m'exclamais-je.

- Ma mère... Je ne sais pas où elle est.

- Elle doit être avec lui, dit Aquila. De toute façon Nessa, on ne pourra pas se permettre de partir à la recherche de ta mère sans savoir où elle peut se trouver dans ce village. Il refait quasiment nuit, on doit partir trouver un abri avant de ne plus rien voir.

D'un côté Aquila avait raison, on manquait de temps. On ne savait toujours rien sur les enfants disparus et toujours pas de traces pour nous mener sur une bonne piste. Je voulais venir ici pour déduire moi même de la situation, et nous devions rencontrer une famille des montagnes pour nous la décrire. En revanche, il avait tord de dire qu'on ne voyait rien à la nuit tombée. Sierra nous éclairait toujours, faisant apparaître les plus beaux astres dans ciel étoilé.

- Tu sais à qui tu pourrais avoir confiance ici ? demandais-je.

Je m'attendais à ce qu'elle me dise non. A part son père, personne ne lui était venu en aide à la fin de la Cession. Pourtant...

- Je ne sais pas, ça peut-être dangereux, mais je dois connaître une personne.

- Si c'est risqué on ne va pas le faire.

Aquila m'avait volé les mots de la bouche. Pas de risque.

- On en a déjà assez pris pourtant, marmonna t-elle. Vous avez fait pire en vous jetant de vous même dans le Vanesco.

- C'était différent.

- C'était du suicide !

- Non, on croyait en toi Nessa, et on avait raison.

- Alors si vous me faites confiance, croyez-moi. Je sais qu'on peut compter sur quelqu'un ici.

La personne vivait au dessus de nos têtes, nous avions simplement continué à monter dans l'escalier terreux. Nessa était passé par un trou qui amenait directement dans la tanière de l'étranger. Ou de l'étrangère. Elle nous dévisagea longtemps avant que nous fassions de même.

- Nessa ! s'exclama t-elle. J'aurais aimé te prendre dans mes bras, mais dommage que ça soit impossible.

- Moi aussi Shegnelly, quel dommage cette malédiction.

Elle l'avait dit avec une certaine ironie. Apparemment, ces deux filles ne s'appréciaient pas plus que ça, mais elles semblaient se supporter. L'inconnue avait une tignasse blonde, des cheveux crépus et des yeux verts, aussi verts que ceux d'Aquila. Non, elle lui ressemblait comme deux gouttes d'eau. Elle ressemblait à sa soeur. D'ailleurs le nom de Shegnelly...

- Jenelly ? suffoca Aquila.

Nous nous étions tous retournés vers lui. Je n'avais pas connu Jenelly, mais je savais à quel point elle manquait à Aquila depuis qu'elle était tombée dans ce trou quand le tonnerre avait frappé.

- Non, Shegnelly, corrigea t-elle. T'as balancé dans le camp des Sylphes ou quoi ?

- Pas du tout, ils me collent partout.

Aquila s'était approché d'elle. Elle avait reculé d'un bond, agacé et paniqué.

- Jen, c'est moi, Aquila !

- Je t'ai déjà que je m'appelais She...

Mais déjà, Aquila l'avait serré dans ses bras. Nessa avait étouffé un cri s'attendant à ce que le Vanesco vienne l'emporter. Mais rien ne s'était produit. Pas de trou noir. Pas d'aspiration. Les filles étaient sous le choc, tandis que les yeux d'Aquila brûlait d'émotion.

- Tu m'as manqué petite soeur.

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Aria: une mélodie unique sifflé par un Sylphe pour appeler son Oiseau. Tout comme les Frappeurs émettent des ondes en tapant le cristal contre une roche pour appeler leur Egal. Chaque mélodie doit être unique pour ne pas appeler l'oiseau d'un autre. Même si en général, celui-ci reconnait le sifflement de son maître.

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