Nouvelle vie


Pendant deux longues semaines, Thomas avait survécu sur l'île du capitaine Hawkins. Robert et Marty lui avaient appris les bases d'un combat à l'épée, à reconnaître ce qui était comestible ou non sur l'île et l'enfant avait été étonné par ces deux hommes qui semblaient relativement instruits. Après tout, son père n'avait cessé de lui dire que les pirates étaient des brutes sanguinaires, alcooliques et sans cervelle. Mais Robert et Marty étaient des hommes intelligents et Thomas avait très vite compris qu'il ne gagnerait rien à s'opposer à eux. Juste avant leur départ vers Port Saint-Mary, ils lui avaient donné les noms des trois personnes à qui il devait communiquer toute information intéressante qu'il récolterait au sujet du médaillon de Lord Ascott et quand Thomas avait embarqué à bord du Blue Diamond, il avait presque regretté de quitter l'île de Samuel Hawkins.

Le vaisseau avait fait halte dans une crique à distance respectable de la ville et Thomas avait été obligé de descendre seul dans une chaloupe. Marty lui avait fait quelques dernières recommandations puis il s'était retrouvé seul.

A présent il observait perplexe la forteresse construite sur la montagne qui surplombait la ville et qui abritait la prison où croupissaient des centaines de pirates en attente d'un jugement ou d'une pendaison.

Avec un peu de chance, le gouverneur ne serait pas à son domicile quand il s'y présenterait. Thomas avait compris qu'il s'agissait d'un homme dangereux et qu'il valait mieux gagner sa confiance en se faisant d'abord accepter par son épouse.

Fatigué d'avoir ramé pendant plus de deux heures le jeune garçon arriva dans le port totalement épuisé.

Un vieil homme qui déchargeait de lourds sacs d'un navire le vit et il l'aida à grimper sur le ponton de bois.

- Et bien mon garçon, que fais-tu tout seul dans cette vieille barque ?

- Je...le bateau où je me trouvais a fait naufrage et je...

- Viens avec moi, je vais demander à Jane de te donner à boire et à manger.

Thomas se sentais si fatigué qu'il ne songea pas à protester. Il suivit l'homme jusque dans une taverne qui ne lui inspirait pas tout à fait confiance mais il avait si faim qu'il ne protesta pas.

L'intérieur de l'auberge était extrêmement sombre malgré le soleil qui brillait dehors et l'odeur qui y régnait était tout simplement insupportable.

Thomas se laissa conduire dans un recoin où une femme, aux vêtements laissant voir une bonne partie de sa poitrine généreuse,  semblait réfléchir, avachie sur une table en bois.

- Jane, donne à manger à ce petit. Je viens de le trouver seul dans le port. Il vaut mieux qu'il n'y traîne pas surtout qu'il est seul.

La dénommée Jane, qui était la propriétaire de la taverne, dévisagea le jeune garçon des pieds à la tête puis elle se leva péniblement et revient très vite avec un bol contenant une sorte de mixture entre le ragoût et la soupe mais qui, au grand étonnement de Thomas, sentait délicieusement bon.

L'enfant se restaura très rapidement puis il demanda à la femme où se situait la demeure du gouverneur Beckett.

Jane le regarda surprise et elle lui demanda pourquoi il tenait à s'y rendre. Thomas lui débita le mensonge que Samuel Hawkins lui avait demandé de relayer à tous ceux qui s'étonneraient qu'un jeune garçon seul cherche à se rendre chez John Beckett.

- Mon père devait travailler pour lui. C'est pour cela que nous avons quitté Londres.

- Et où est ton père à présent ?

- Il est mort madame. Notre bateau a coulé à cause de la tempête.

- Oh...je suis désolée.

Jane indiqua ensuite à Thomas comment se rendre à son imposante demeure puis elle lui indiqua qu'il devrait sans doute attendre la fin de la journée car il se rendait fréquemment à la prison pour assister aux exécutions.

- Les exécutions ?

- Monsieur Beckett a décidé de chasser tous les pirates de la région. Il veut faire de Port Saint Mary une ville sûre où pourront s'installer de riches familles anglaises. Et moi,...bien que je n'apprécie pas forcément tous ces hommes, sans ces forbans, ma taverne ne marcherait pas autant. Enfin...tu devrais partir à présent, ce n'est pas...

Le regard de Jane se dirigea vers un endroit de la vaste salle puis elle poussa gentiment Thomas vers la sortie.

Avant de quitter la taverne, le garçon aperçut un homme vautré sur une chaise avec une femme assise à califourchon sur lui et il comprit pourquoi Jane ne souhaitait pas qu'il reste dans cet endroit.

Il marcha un bon quart d'heure avant d'atteindre l'imposante résidence de John Beckett qui était entourée d'un haut mur et dont le portail d'entrée ressemblait à un ensemble de lances pointues dirigées vers le ciel.

Thomas comprit qu'il était sans doute impossible sans se blesser gravement de pénétrer à l'intérieur de la propriété.

En tremblant, il actionna la petite cloche qui se trouvait à côté de la grille et il attendit. Il vit alors sortir de la maison une domestique qui ne devait avoir que quelques années de plus que lui.
La jeune femme dévisagea Thomas avec surprise puis à travers les grilles lui demanda l'objet de sa visite.

Une nouvelle fois l'enfant expliqua son souhait de rencontrer le gouverneur. La servante allait sans doute lui indiquer un refus quand une voix claire s'éleva derrière elle.

- Qui est-ce Virginia ?

- Un enfant qui demande à voir Monsieur votre époux.

- Un enfant ?

Thomas sourit en comprenant que la dame à l'allure distinguée qu'il voyait se diriger lentement vers lui était sans doute Lady Sarah Beckett.

Le garçon fut alors extrêmement surpris quand il découvrit l'épouse du gouverneur car elle était à peine adulte et ne devait sans doute pas être plus âgée que sa domestique.

- Bonjour. Comment t'appelles-tu ?

- Thomas Stanford Madame. Mon défunt père devait travailler pour le gouverneur et comme je n'ai aucune famille, je...

- Serais-tu orphelin ?

- Oui Madame. Mes parents sont décédés dans le naufrage du bateau qui devait nous amener ici. Je suis le seul survivant et je n'ai nulle part où aller.

- Oh mon dieu ! Virginia, ouvrez la porte je vous prie. Nous n'allons quand même pas laisser cet enfant à la rue !

Thomas serra brièvement la main que lui tendait Lady Sarah puis il la suivit dans l'allée qui menait à l'immense résidence du gouverneur Beckett.

Il se demanda alors comment le capitaine Hawkins pouvait connaître la jeune femme car il avait prédit qu'elle ne le rejetterait pas et qu'elle serait touchée par son malheur.

Le pirate lui avait également recommandé , comme il était beau garçon, de ne pas avoir peur d'user de son charme auprès de Lady Sarah car tôt ou tard il serait sans doute obligé de séduire l'une ou l'autre femme pour obtenir des informations utiles au capitaine et à son équipage.

Légèrement mal à l'aise, l'enfant essaya de prendre un petit air attristé puis il lança de nombreux sourires qu'il espérait enjôleurs à la jeune femme.

Quand il pénétra dans le vaste hall d'entrée, Thomas eut le souffle coupé. La maison était meublée sobrement mais il se dégageait de cette première pièce une impression de richesse infinie, de luxe et d'aisance.

Lady Sarah conduisit le jeune garçon dans une chambre si vaste qu'il manqua d'en tomber à la renverse : il s'agissait en réalité d'un appartement complet comprenant un petit salon, un bureau, une salle de bain et la chambre à coucher.

- Voilà, je pense que tu seras bien installé ici. Je vais demander à Virginia de te trouver de nouveaux vêtements. Et...je te propose d'habiter avec mon mari et moi. Nous n'avons pas d'enfants et les rues de Port Saint Mary ne sont pas les plus sûres. Je suis d'ailleurs soulagée que tu n'aies pas fait de mauvaises rencontres.

Thomas prit son air le plus innocent quand il tourna la tête vers Lady Sarh pour s'arracher à la contemplation de l'endroit où il allait vivre désormais.

- De mauvaises rencontres ?

- La région, malheureusement, est envahie de pirates, de voleurs et d'assassins. Mon mari a été nommé gouverneur pour tenter de faire de cette ville un endroit agréable et surtout tranquille. Il n'est pas bon de sortir le soir. Aussi, je préférerais que tu ne sortes pas sans être accompagné. Le domaine est assez vaste, tu es libre d'aller où bon te semblant à l'exception du bureau de John naturellement. Est-ce que cela te convient ?

- Oui Madame. C'est...c'est très gentil de votre part.

Thomas attendit le soir avec impatience et pour tromper son ennui, il s'aventura dans les allées du parc qui entourait la maison du gouverneur.

Lady Sarah lui avait expliqué que la demeure était la réplique exacte d'une plantation de Virginie qui avait été construite dix ans auparavant par un riche propriétaire qui était parti il y a six mois à peine, lassé par les attaques incessantes des pirates.

Le jeune garçon parcouru lentement les allées parfaitement entretenues mais il n'eut pas la force de parcourir l'ensemble du domaine : né et ayant vécu toute sa courte vie dans la grisaille de Londres, la chaleur écrasante qui régnait à Port Saint Mary l'étouffait.

Il décida qu'il était sans doute plus sage d'écourter sa promenade pour se réfugier dans la fraicheur de sa chambre.

Quand Lady Sarah le vit rentrer, les joues rouges et le visage couvert de sueur elle s'inquiéta :

- Thomas ? Mon dieu mais vous êtes malade ?

- Oh non Madame, j'ai seulement...un peu chaud.

- Venez, je vais demander à Virginia de vous donner un verre d'eau. Il fait très chaud ici, moi-même j'ai encore bien du mal à m'y faire et pourtant je suis là depuis presque trois mois.

Thomas accompagna ensuite Lady Sarah dans un vaste salon et il l'écouta ensuite pendant plus de deux heures. La jeune femme, bien qu'elle ne voyait que très peu son époux, semblait heureuse de sa situation jusqu'à ce qu'elle confie à l'enfant ce que Samuel Hawkins savait déjà, son incapacité à donner un héritier à John Beckett.

- Je t'avoue que ton arrivée est une bénédiction pour moi. Je ne sais si John consentira à t'adopter puisque tu es orphelin mais il sera très heureux de ton arrivée, n'en doute pas. Oh, je crois qu'il est rentré ! Reste ici un instant je vais lui expliquer la situation.

Thomas acquiesça de la tête puis sans trop savoir pourquoi il se tourna vers Virginia qui était occupée à débarrasser la table où elle avait servi le thé à Lady Sarah. Habituellement très discrète sur la vie privée de sa maîtresse, Virginia trouva cependant important d'informer le jeune garçon au sujet de Lady Sarah.

- Elle le cache merveilleusement bien mais elle n'est pas heureuse vous savez.

- Oh, pourquoi ?

- Le gouverneur l'a épousée il y a deux ans déjà, elle avait à peine seize ans et lui trente. Naturellement c'est un mariage arrangé, Lady Sarah est issue de l'une des plus riches familles anglaises. Monsieur Beckett veut un héritier et il n'est pas très délicat avec elle. Jusqu'à l'année dernière il était encore assez prévenant mais comme neuf mois après leur mariage elle n'avait pas donné naissance à un fils, il a commencé à devenir violent. Il la soupçonne même de prendre un médicament l'empêchant de tomber enceinte de lui. Il y a un an environ il a commencé à s'absenter régulièrement de leur maison à Londres et, comme tout le monde par la suite, Lady Sarah a appris qu'il avait eu plusieurs maîtresses. J'ai cru qu'il allait demander le divorce mais un conseiller de la famille royale le lui a déconseillé s'il voulait devenir gouverneur ici à Port Saint Mary. C'est pourquoi elle a été forcée de venir avec lui. Elle est seule à longueur de journée, elle ne fait que lire ou se promener. Vous verrez cependant c'est une femme vraiment très aimable et très gentille.

- Je n'en doute pas. Je suis sincèrement désolé d'apprendre tout ce que vous me dites.

- C'est pourquoi votre présence ici lui sera bénéfique. Tu n'es plus un bébé mais...tu seras sans doute une compagnie agréable pour elle.



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Voilà la suite !

Thomas a donc réussit à entrer chez le gouverneur Beckett et à s'y installer.

Comment voyez-vous sa future cohabitation avec Lady Sarah ? Avec le gouverneur ?

Pensez-vous qu'il va obéir aux ordres de Samuel Hawkins ?

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