Média : le Storm ( photo du navire Endeavour dans Pirates des Caraïbes, c'est comme ça que j'imagine le bateau de Samuel Hawkins donc photo d'illustration)

Kathryn avait dévisagé Samuel Hawkins la peur au ventre quand il avait éclaté de rire en évoquant son fils et quand l'un des matelots du Storm l'avait aidée à grimper sur le pont principal du navire, la jeune anglaise avait regardé les flots en se demandant s'il n'aurait pas mieux valu mourir pendant la tempête.

A présent l'ironie du sort voulait qu'elle se trouve au cœur d'une autre tempête, bien différente de celle qui lui avait fait perdre sa famille au grand complet. Kathryn regarda autour d'elle complétement perdue : les hommes qui travaillaient pour le capitaine Hawkins ne lui inspiraient pas confiance et ils la regardaient comme s'ils n'avaient jamais vu d'enfant auparavant.

La jeune fille remarqua également qu'ils étaient tous très sales et que leurs vêtements étaient bien souvent usés ou déchirés. Certains pirates étaient même torse nu et leur musculature impressionnante terrifia la pauvre enfant. Kathryn, qui était encerclée par tous ces hommes, n'osait faire un pas et elle fut presque soulagée en entendant la voix puissante du capitaine Hawkins derrière elle.

- Hola messieurs, un peu de respect pour notre invitée. Le navire qui emmenait Mademoiselle Rotherfiled à Port Saint Mary a fait naufrage et cette charmante enfant s'est retrouvée sur mon île. Pour ne pas la condamner à un triste sort, elle va désormais nous accompagner et je vous demander de vous montrer galants avec elle. Mon fils se chargera de son apprentissage.

La jeune fille vit alors approcher un garçon assez grand, bien bâti et au regard mystérieux. Les yeux verts de Peter Hawkins qui la fixaient intensément terrorisèrent Kathryn et elle se demanda pourquoi il arborait ce sourire étrange sur les lèvres. Le fils du capitaine l'emmena alors sans rien dire à l'intérieur du bateau et il s'arrêta d'un air songeur devant une lourde porte en bois.

- Mon père a souhaité que tu loges dans ma cabine, je te la laisse donc, j'irai dormir avec lui. Je vais t'apprendre à devenir un véritable membre de cet équipage. Ne t'attends pas à ce que je te facilite les choses parce que tu n'es qu'une gamine. Soit tu fais ce que je te dis, soit tu crèves.

Kathryn écarquilla les yeux puis incapable de se retenir, elle éclata en sanglots.

- Oh ça va je plaisantais. Si tu n'as aucun sens de l'humour tu risques d'avoir de drôles de surprises ici. Les hommes de mon père ne sont pas...des anges. Autant que tu le saches. Tu as beau être une enfant, certains...A propos tu as quel âge ?

En reniflant, la jeune anglaise releva la tête et répondit d'une toute petite voix :

- Dix ans.

- Ha. Tu es grande pourtant.

- Mon père et ma mère l'étaient.

- Et vous, quel...

- Oh ça va, pas la peine de me parler sur ce ton. Appelle-moi Peter. J'ai dix-sept ans. Alors comme ça, tu devais aller à Port Saint Mary.

- Oui.

- Pourquoi ton père devait-il aider le gouverneur ?

- Je ne sais pas. Il a simplement dit que nous allions nous installer là-bas.

- Tu as le mal de mer ?

- Je...je ne crois pas. Je n'ai pas été malade pendant la traversée si c'est ce que vous...ce que tu insinues.

- Arrêtes de me regarder comme ça et de prendre des grands airs quand tu parles. Tu n'es pas chez le gouverneur ou chez tous ces riches marchands qui...Bon, je vais te laisser te reposer. Tache de ne pas vomir dans mon lit.

Peter Hawkins sortir de la cabine en soupirant et il se réfugia un instant dans l'une des cales du navire de son père. Quelle idée avait-il eu de ramener cette gamine ! Il était déjà assez difficile pour lui d'être obligé de faire abstinence quand il était en mer mais à présent avoir cette jolie anglaise sous le nez n'allait certainement pas lui faciliter les choses. Le jeune homme tapa du poing contre un baril de rhum : si Kathryn avait eu trois ou quatre ans de plus...

Saurait-il attendre ? Elle était ravissante mais son innocence d'enfant l'empêchait de comprendre à quel point elle était déjà désirable pour un homme vivant à la dure comme lui.

Peter finit par aller rejoindre son père qui, pour une fois, tenait le gouvernail.

- Pourquoi l'avoir amenée ?

- Elle ne te plait pas ?

- Elle a dix ans père !

- Et bien c'est l'occasion de me montrer que tu peux être patient.

- Est-ce que vous avez vu la tête de Shark, d'Howie et de Morgan ? Ils ne se préoccuperont pas de savoir qu'elle n'est encore qu'une enfant ! Nous n'avons plus été à terre depuis bien longtemps. Si vous voulez éviter que...enfin si vous voulez éviter les ennuis je pense que nous devrions faire une escale à Port Saint Mary.

- La jolie Annabel te manque ?

- Elle est fiancée père...Et elle déteste les pirates.

- Mais elle te plait mon fils, ne le nie pas. Avoue que tu ne trouveras le repos que lorsque tu l'aurais mise dans ton lit.

- Vous détournez le sujet.

- Et bien, je te confie cette mission : veille sur cette enfant pour qu'il ne lui arrive rien de...fâcheux.

Pour éviter d'attiser la convoitise des hommes de son père, Peter retourna dans la cabine de Kathryn et il lui jeta à la figure des vêtements qui lui appartenaient et qui étaient à présent trop petits pour lui. La jeune fille n'osa pas discuter ses ordres et quand il fut parti, elle revêtit à la hâte le pantalon troué et la vieille chemise informe que le fils du capitaine Hawkins avait apporté. Elle réfléchit ensuite aux paroles de Peter : il ne semblait pas la croire assez solide pour évoluer sur ce bateau sans se faire marcher sur les pieds mais elle était bien décidée à lui montrer qu'elle avait du caractère. Après tout, ses tantes ne cessaient de lui répéter qu'elle pouvait se comporter comme une véritable peste.

Décidée, Kathryn sortit de la cabine et elle se dirigea vers le pont. Le navire filait sur les vagues et tous les pirates s'activaient à leur poste. La jeune fille manqua de percuter l'un d'entre eux qui portait une lourde corde et un peu perdue par tant d'agitation elle se recula près d'un mat pour observer un instant l'équipage travailler. Quand elle repéra Peter elle se dirigea vers lui d'un pas assuré et elle lui tapa vigoureusement sur l'épaule. Celui-ci se retourna et il eut l'air assez mécontent de se trouver face à elle.

- Qu'est-ce que tu fais ici ?

- Vous ne croyez quand même pas que je vais rester enfermée tout le temps. Que puis-je faire pour me rendre utile ?

- Si tu pouvais cesser de me parler sur ce ton dans un premier temps, tu es sur un bateau, pas au beau milieu d'une réception de la famille royale d'Angleterre. Il y a les filets à réparer, on t'a appris à coudre dans ta jolie maison je suppose ?

- Bien entendu ! J'ai fréquenté l'un des meilleurs pensionnats pour jeunes filles d'Angleterre, je sais lire, écrire, calculer,...

- Ça va ça va, j'ai compris. Va t'installer là-bas, et mets-toi au travail tout de suite.

Oh, Kathryn, tu sais cuisiner ?

- Un peu.

La jeune anglaise s'éloigna rapidement en voyant le visage contrarié de Peter Hawkins et elle s'installa à l'avant du navire d'où elle pouvait observer la mer tout en effectuant son travail. Ses yeux se perdaient souvent dans la contemplation des flots bleus et Kathryn se demandait ce qui allait advenir d'elle. Elle n'avait aucun moyen de fuir mais elle était bien décidé et convaincue qu'un jour ou l'autre elle fausserait compagnie à cette affreuse bande de pirates.

Tandis que Kathryn s'affairait à sa tâche elle ne remarqua pas que Peter Hawkins l'observait avec attention. Le jeune homme supervisait le travail des matelots mais il restait également attentif à ce qu'aucun homme ne s'approche trop près de la captive de son père. Il avait très vite remarqué que Morgan, un imposant colosse noir, ne cessait de reluquer la jeune anglaise bien plus que nécessaire. Agacé, le fils du capitaine Hawkins s'approcha du pirate :

- Mon père ne te paie pas pour lorgner sur cette gamine.

- Il n'y a rien de mal à se rincer l'œil de temps en temps Monsieur Hawkins...

- Morgan,...si je dois encore te le demander une fois, je n'hésiterai pas à te faire grimper sur la planche. Tu as déjà beaucoup de chance de faire encore partie de l'équipage du Storm. Je ne dois pas te rappeler ta petite mésaventure à Port Saint-Mary tout de même ?

- Seriez-vous jaloux ? Le beau et jeune Peter Hawkins aurait-il des vues sur cette adorable enfant ?

- Je crois que je vais aussi te couper la langue si tu continues. Tu as entendu les ordres de mon père. Je ne viendrais pas te les répéter une nouvelle fois.

Kathryn avait suivi de loin l'altercation enter Peter et le dénommé Morgan et elle commença à trembler. Tous ces hommes qui la dévisageaient du coin de l'œil comme si elle n'était qu'un objet la terrifiait. Elle baissa les yeux vers le filet qu'elle raccommodait et elle ajusta son tricorne pour qu'on ne puisse apercevoir son visage entièrement. Pendant une semaine la jeune fille trima comme une esclave sur le Storm : elle devait nettoyer les ponts, réparer les filets, raccommoder les vêtements des pirates, préparer leur repas et surtout, subir leurs moqueries incessantes.

Même s'il veillait à ce qu'aucun homme ne s'approche trop près d'elle, Peter ne prenait jamais sa défense et il se contentait de lui donner des ordres tout en rageant contre l'idée stupide de son père de ramener cette fichue gamine à bord. Le jeune homme voyait bien que malgré le fait que Kathryn soit encore une enfant, sa beauté pure engendrait tensions et frustrations chez tous les pirates : tous, ils vivaient pendant de longs mois à bord du Storm en ne descendant que rarement à terre et Peter connaissait bien les effets de la présence d'une femme sur le navire. Tôt ou tard, cela entraînement des querelles, des jalousies et sans doute,...

Le fils du capitaine Hawkins, passa une main dans ses cheveux en se laissant submerger par la colère : beaucoup étaient convaincus que la venue de Kathryn sur le bateau allait porter malheur à tout l'équipage et un sentiment de malaise ne cessait de croitre chez les pirates.

Un matin, le Storm faisait route vers un petit port nouvellement installé par les anglais dans l'une des iles de la région qu'ils venaient de coloniser quand Peter aperçu un navire de la Royal Navy foncer droit sur eux. Immédiatement il hurla ses ordres à tous les pirates puis il se précipita vers l'avant du navire à la recherche de Kathryn. Interdit, il remarqua que la jeune anglais avait disparu. Pendant quelques instants il essaya de la chercher parmi les matelots mais l'imminence de l'affrontement l'obligea à se concentrer sur le chargement des canons.

Kathryn pendant ce temps s'était réfugiée dans les profondeurs du navire, là où les pirates stockaient leurs vivres. Cachée entre deux immenses tonneaux de rhum, la jeune fille tremblait de tous ses membres. Et quand les premiers coups de canon furent tirés, la pauvre enfant se recroquevilla encore plus, plaquant ses mains sur ses oreilles et en fondant en larmes.

Sur le pont du Storm la bataille faisait rage : des soldats anglais avaient réussi à grimper à bord et ils luttaient férocement contre les hommes de Samuel Hawkins. Rapidement, ces derniers eurent le dessus sur les anglais. Avec l'appui de leurs cent canons, les pirates n'eurent pas trop de peine à couler rapidement le navire ennemi qui n'avait pas réussi à se positionner correctement pour se protéger des tirs provenant du Storm.

Au bout d'une éternité, Kathryn n'entendit plus le moindre bruit mais elle n'osa pas quitter sa cachette. C'est alors que la porte de la réserve s'ouvrit brutalement et la jeune fille vit apparaitre dans l'encadrement Peter Hawkins visiblement très énervé.

- La prochaine fois, tache de prévenir avant de disparaitre comme ça !

- J'ai eu peur ! Je ne...

La gifle monumentale que lui donna Peter fit basculer Kathryn en arrière.

- Tais-toi ! J'en ai plus qu'assez de devoir te surveiller en permanence. Ha mon père a vraiment eu une riche idée...

En pleurs, Kathryn se redressa lentement puis sans oser prononcer le moindre mot elle suivit Peter Hawkins sur le pont. Quand elle aperçut dans la mer les restes du navire anglais et les dizaines de cadavres qui flottaient entre les planches de bois, la jeune fille eut un terrible haut-le-cœur et elle vomit dans un coin.

Le fils du capitaine la redressa sans ménagement et lui dit :

- Toi, il est grand temps que je m'occupe de ton éducation !