Morning


Lord Grantham avait passé une nuit blanche, une nuit de tourments. Comment dormir alors que Jane se trouvait dans une chambre voisine à quelques mètres de lui ? Comment calmer ses pensées alors qu'elle était subitement réapparue ? Au petit matin, ne parvenant pas à trouver le sommeil, échauffé par les heures d'insomnie, Robert ouvrit la fenêtre pour se rafraîchir. L'air hivernal diffusait ses relents mélancoliques. A la joie de retrouver Jane et de constater qu'il faisait toujours partie de sa vie succédaient des myriades de questions, comme autant de portes qu'il ne pouvait ouvrir. Qu'elle ait conservé son médaillon ne prouvait que peu de choses en soi : certes elle ne l'avait pas oublié, mais elle pouvait l'avoir conservé dans un coin de sa mémoire sans continuer à l'aimer pour autant. Elle lui en voulait peut-être encore de l'avoir laissée partir. « A-t-elle refait sa vie ? Elle est si belle qu'il paraît peu probable qu'aucun homme ne la fréquente. Et même si ce n'est pas le cas, quel avenir pour nous deux ? » Ces questions le taraudaient depuis des heures. Impuissant à en trouver la réponse, il résolut de se perdre dans ses lectures en attendant le lever du jour.

Je soleil pointa enfin des rayons timides. La maison s'anima des bruits quotidiens. Ils sont toujours anodins, puis un jour ils deviennent rassurants, indiquant que la vie suit son cours. Bates se présenta pour habiller le Comte. Il remarqua tout de suite les traits tirés de Robert.

"N'avez-vous pas dormi, Milord ?

_ Pas assez, en effet.

_ Est-ce vrai ce qui se dit ?

_ Je présume qu'Anna vous a informé...

_ Oui, elle m'a raconté le retour de Jane, mais elle ne l'a dit qu'à moi seul.

_ Oh, tranquillisez-vous, Bates. Je ne doute pas un seul instant que la nouvelle fasse le tour du château d'ici quelques heures.

_ De toute façon, vous n'avez pas de raison de vous cacher.

_ Je suis toujours marié, Bates, en tout cas, d'un point de vue administratif. Vous n'ignorez d' ailleurs pas le retentissement d'un éventuel divorce. Ma mère en mourrait !

_ Il faut parfois affronter mille périls pour mériter l'amour de sa vie, Sir."

Robert descendit prendre son petit déjeuner. Les mots de Bates résonnaient dans son esprit. "Mille périls. L'amour de sa vie". Il entra dans la salle à manger où se tenait déjà Carson qui ordonnançait l'arrivée des différents entremets. Robert prit la décision de lui parler tout de suite. Autant prendre les devants, assumer et ne pas attendre que l'arrivée de Jane prenne des allures de scandale. Il valait mieux cadrer les choses tout de suite, et ça, Robert savait le faire.

"Good morning, milord.

_ ' morning, Carson, répondit Robert.

Comme à son habitude, il se versa une tasse de café et pris place à la table.

_ Carson, une ancienne femme de chambre s'est présentée cette nuit, elle avait besoin d'aide : son fils a disparu. Il s'agit de Jane.

Carson s'était dressé de toute sa hauteur. Robert vit tressaillir ses sourcils de vieux hibou dans un mouvement désapprobateur. Impassible, le Comte reprit :

_ Elle est installée dans une chambre d'amis, et j'entends qu'elle soit traitée comme mon invitée.

_ Très bien, milord. Et combien de temps compte-t-elle rester ?

_ Hé bien, je ne sais pas. J'attends que le capitaine Sipley retrouve l'enfant d'un moment à l'autre. Ce ne devrait pas être trop long.

_ Je vais faire le nécessaire, milord."

L'air pincé de celui à qui on force la main, Carson quitta la pièce, drapé dans sa dignité.

Il était horrifié, Robert le sentait. Peu importe : Jane n'est plus employée comme femme de chambre, et quelle que soit sa condition, le statut d'invitée la protègerait des rodomontades de Carson et de l'hostilité du personnel. Au moins pour un temps, au moins d'ici qu'il sache si elle l'aimait toujours.

Une heure plus tard, Carson se rendait dans la bibliothèque pour annoncer à Robert que le capitaine Sipley, deux hommes de main et un enfant s'étaient présentés à l'entrée du château.

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