Le mariage de sa meilleure amie
-Ouhou, la Terre appelle Nino, dit une voix féminine au loin
Le concerné se secoua la tête et se concentra sur la femme qui se tenait devant lui. Il lui sourit pour lui prouver qu'elle avait toute son attention.
-Alors tu en penses quoi ?
-C'est bien, c'est parfait même, répondit-il sans savoir de quoi elle parlait.
-Tu trouves que mettre des roses rouges est plus judicieux que de mettre des orchidées blanches sur la table d'honneur ?
-Quoi ? Non, quelle horreur ! S'exclama l'homme.
-C'est bien ce que je pensais, tu n'écoutais pas ce que l'on disait, se plaignait la femme brune se tenant devant le libraire. Je ne sais pas ce que tu as depuis le début mais tu n'es pas attentif, j'aimerai que tu t'impliques plus dans cette journée, c'est important pour moi.
-Je suis désolé Ombe, je suis fatigué, mais je vais me reprendre pour toi, dit l'homme en posant une main rassurante sur le bras de son interlocutrice.
Nino se tenait dans une grande salle vierge de décoration avec un petit comité de personne joyeux et énergique voulant à tout prix imposer leur point de vue. C'était un jour important mais il n'avait pas le cœur à partager ses sentiments avec les autres. Aujourd'hui se déroulait la journée de répétition du mariage de celle qu'il considérait comme sa meilleure amie, et étaient présents : les futurs mariés bien évidemment, les témoins et les parents respectifs ainsi que les frères et sœurs. Dans quelques semaines, Ombeline Martin allait se marier avec Marius « trou du cul ». On ne peut pas dire que Nino portait le futur marié dans son cœur, donc pour atténuer la chose, on va dire qu'il n'entretenait pas une relation cordiale avec lui et rêvait secrètement de le voir mourir avant son mariage.
On peut dire que Nino était jaloux de Marius car il a eu ce qu'il n'a pas eu le courage d'avoir et s'était uniquement contenté de l'amitié d'Ombeline. Nino la connaissait depuis qu'il est arrivé au lycée, ensemble ils refaisaient le monde, à leur manière, à coup de citation de Maupassant, de Shakespeare, de Victor Hugo ou encore de J. K. Rowling. Ils ont suivi les mêmes études sont allés dans la même fac, c'est donc tout naturellement, par amour pour les mots qu'ils ont décidé d'un commun accord d'ouvrir un café-librairie. Leur petite affaire marchait correctement, les habitués venaient boire un café noir comme leur âme avec un thriller dans les mains alors que les passants buvaient un thé anglais en feuilletant un livre parlant d'amour. Tout deux aimaient ce qu'ils faisaient, ils aimaient sans compter, ils faisaient ça par passion. Mais cette passion est vite devenu un enfer pour Nino quand Marius, qui était encore étudiant en médecine à l'époque, venait réviser ses partiels dans leur café. Au départ, il était juste un client régulier qui venait au calme mais quand il a du passer son master et qu'il l'a brillamment réussi, il a commencé à s'intéresser à Ombeline, lui continuant ses études et elle lui servant un café au lait sans sucre un après-midi par semaine.
Lentement, leur relation a pris un tournant que Nino n'aimait guère. Son amie, fleur bleue, à la recherche de romantisme, de fleurs et de chocolats s'entichait d'un fils à papa, futur médecin car son père l'était lui-même. Un sourire ultra-brite comme dans une vieille publicité, des cheveux avec un style coiffé-décoiffé et un costard griffé a suffi pour qu'elle tombe dans ses bras. Très vite ils ont emménagé ensemble et ce n'est que quelques mois plus tard, par un jour d'hiver ensoleillé qu'Ombeline annonça la grande nouvelle à son ami et collègue. Elle resplendissait de joie alors que lui souriait faussement pour lui faire plaisir alors qu'il voyait cette relation d'un mauvais œil.
La journée de répétition continuait et Nino en avait déjà plus que marre de voir le père du futur marié dicter les choix de son amie. Telle la marâtre de Cendrillon, il dictait les ordres et corrigeait ce qui ne lui plaisait pas. Cela allait de la disposition des tables à la décoration en passant par la musique et le repas qui ne lui convenait plus. Tout le monde en prenait pour son grade, même le traiteur qui avait fait tout le nécessaire et avait écouté toutes les requêtes de Monsieur-Parfait-Fils. Le pauvre quand même. Nino avait de la peine pour lui car il allait devoir revoir tout le menu et repasser des commandes à quelques semaines du grand jour. Mais quand on est fortuné, on se moque des autres et de leur travail apparemment. Après le traiteur est venu le tour de la fleuriste qui aurait raté la composition florale de la salle alors que sur les photos, le rendu était tout simplement somptueux aux yeux de Nino. Non, mais vous vous rendez compte, des pivoines roses au lieu de lys blanc peut provoquer la troisième guerre mondiale. Et dans tout ce chamboulement de dernière minute, Ombeline acquiesce, elle ne dit rien. Elle accepte tous ces changements faisant s'envoler ses rêves de mariage, c'est elle la mariée et elle n'a même pas le droit de dire son mot pour la décoration, le repas, les invités et tout le reste. Elle est là, aux cotés de Marius le despote, la tête baissé, croisant de temps à autres le regarde de Nino. Elle prend quand même la parole quand le sujet de la conversation lui tient à cœur comme les fleurs. Elle voulait des orchidées mais le père du marié voulait des roses, mais le regard de ce dernier l'a dissuadé de répliquer à nouveau en incluant Nino dans leur débat. Ce sera finalement des roses rouges.
Il est temps pour moi de vous expliquer à quoi rêvait Ombeline pour son mariage. En premier lieu, elle voulait faire ça en intimité, la famille, et une poignée d'amis, les plus proches. Puis l'endroit serait magnifiquement décoré, une petite salle de réception dans un petit village charmant un jour d'hiver où la neige serait tombée en abondance la veille de la cérémonie. Pour la bague, elle voyait un simple anneau fin en or à son annulaire, quelque chose de sobre mais de tellement symbolique. Mais aujourd'hui, à trente-deux ans, ses rêves de petite fille s'écroulent un à un. Le mariage aura lieu en été, en plein mois d'août avec plus de trois cent invités, connaissances de la future belle-famille de la jeune libraire. Et pour clore cela, à son doigt trône un très gros solitaire valant une belle petite fortune à lui seul. Nino connaissait les rêves de son amie, il les connaissait très bien même car c'était ce qui caractérisait le romantisme des livres qu'elle lisait. Quelque chose de simple et raffiné, pas de tape-à-l'œil et de faux-cul.
Nino se sentait mal vis-à-vis d'Ombe et de sa famille qui supportaient toutes les remarques incessantes et méchantes de la famille de Marcus « trou du cul ». La journée passa lentement, l'heure avoisinant les vingt heures, il était temps de passer à la musique pour la soirée dansante. Il a été décidé sans consulter la mariée, qu'elle changerait de tenue pour pouvoir danser. Un orchestre et un chanteur ont prévu d'animer la foule jusqu'au bout de la nuit où des valses et fox-trot rythmeront la folle nuit que voulait la libraire. Adieu, Jean-Jacques Goldman et Taylor Swift, ils vont laisser leurs places à des medleys de violon et de clarinette. Un verre de champagne à la main, Nino était assis à l'une des tables rondes qui avait servi à déguster le repas du soir. Il observait la journée se clôturer aux cotés de l'une des sœurs de son amie.
-Tu penses qu'il saura la rendre heureuse ?
-On dit que l'argent ne fait pas le bonheur, mais je pense qu'il peut la combler de petite attention si elle ne se lasse pas de ça entre-temps.
-Personnellement, je pense qu'elle va ouvrir les yeux au dernier moment et quand elle le fera, elle sera malheureuse, dit le littéraire. Il se peut même qu'elle se rende compte de son erreur le lendemain de son mariage.
-Pourquoi tu dis cela ?
-C'est pas elle tout ça ! Les roses c'est pas elle, le foie gras c'est pas elle, elle n'aime pas les truffes et a horreur de la musiques classique autant que le hard rock. Elle accepte de détruire son rêve de petite fille pour bien se faire voir par Monsieur et Madame « j'ai un balai dans le cul ». Elle mérite tellement mieux. Pourquoi est ce que l'on la laisse faire ça ?
-Parce qu'on l'aime et que l'on n'a pas envie de la voir malheureuse, répondit la sœur.
Nino soupira grossièrement avant de finir sa flute. Il regarda les parents d'Ombeline qui restait dans leur coin, trop timide pour s'imposer face au charisme de la famille « je gagne plus que toi alors tu t'écrases ». L'ainée de la fratrie de son amie se leva pour rejoindre ses parents, puis quelqu'un s'installa à sa place. Cette personne racla sa gorge de façon gutturale pour marquer sa présence auprès de Nino.
-Ecoute mon pote, je crois qu'on est parti sur de mauvaises bases toi et moi, et je pense que pour ma fiancée il faudrait que l'on améliore notre relation.
-Mmh.
-Vois-tu, elle va devenir ma femme, la mère de mes enfants et puis elle n'aura plus le temps pour votre café et donc tu vas devoir trouver un autre patron car elle va vouloir le vendre et...
-Pardon ? Réagit férocement le libraire. Tu te fou de ma gueule là ? Mais pour qui tu te prends franchement ? Parce que tu as de l'argent tu penses pouvoir gérer la vie des autres ? Mais en fait tu n'es qu'un petit con, ouais c'est ça le roi des cons au pays des emmerdeurs ! Ombeline est libre de ses choix et ce n'est pas parce que tu lui imposes un mariage puant la vantardise et l'argent que tu pourras lui demander de quitter son travail. Et puis pour ta gouverne, nous sommes associés donc je suis autant le patron qu'elle et puis ce n'est pas un café mais une librairie avec un coin café.
-Calme-toi mec. C'est bon. Ne gâche pas cette journée en venant foutre le bordel, pense à Ombeline.
-Mais c'est toi qui viens foutre le bordel en me disant cela comme si j'étais de la merde, l'argent ne résout pas tout, et sache que l'amour ne s'achète pas alors ce que j'espère c'est qu'elle se rende compte qu'elle va épouser une triple buse.
Nino était à présent debout et toute l'assistance le regardait, y compris Ombeline qui dans sa petite robe à l'imprimé vichy avait les armes aux yeux. Nino la décevait. Elle venait de comprendre qu'il n'acceptait pas le mariage avec Marius, son beau médecin en devenir. Le père de Marius frappa dans ses mains pour attirer l'attention des personnes présentes dans la grande salle de bal du château loué pour l'occasion. Il demanda à son fils de faire danser sa belle pour l'ouverture de bal du mariage pour que tout le monde puisse admirer le couple mais surtout pour vérifier si Ombeline avait bien pris ses cours de danse pour égaler les compétences de Marius. Le père leva une main et l'orchestre commença à jouer quelques notes. Notes que Nino reconnu sur le champ puisque que c'était sa chanson et Ombeline et lui. Ils avaient trouvé le moyen de faire de sa chanson préférée, la chanson d'ouverture de bal. La voix du chanteur s'éleva doucement, au rythme de la musique. Le couple au milieu de la piste, tournoyaient. Nino, lui, ne pouvait qu'observer les yeux grands ouverts et la bouche pendante Ombeline, sa Ombeline dans les bras d'un autre homme dansant sur une chanson, la chanson qu'ils aimaient. Elle était belle, magnifique, que dis-je, splendide ! Elle brillait de mille feux. Nino ne voyait qu'elle comme si tout le reste n'était que superflu. Et c'est là, qu'il s'en rendit compte. C'est à ce moment, qu'il savait qu'il se mentait dès le début et que l'amitié homme-femme cachait plus de secret que les concernés voulaient en dévoiler. Cette amitié est bien souvent à sens unique, mais c'est en se voilant la face que l'on créé les meilleurs mensonges.
La tête lui tournait. Il ne voulait pas y croire et pourtant la vérité était en fasse de lui, envoutante telle une déesse grecque.
-Enfin tu ouvres les yeux, lui dit Madame Martin.
-Je suis désolée de ne pas l'avoir fait plus tôt.
-Que comptes-tu faire maintenant ?
-Rien, malheureusement. Je souhaite son bonheur et si elle l'a trouvé avec lui alors je ne peux qu'accepter et vivre avec le sentiment d'être incomplet.
Elle hocha la tête et souria tristement. Elle aurait préféré Nino comme gendre plutôt que Marius mais ça elle ne le dira jamais à sa fille. Parce que pour que les autres vivent pleinement heureux, il faut accepter leur choix et non leur imposer même si l'on pense que c'est la meilleure chose pour eux.
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