8 Nola
Nous nous séparons dans le hall d'entrée du musée. Je prends la relève de ma collègue qui termine sa journée, et Léo file au PC Sécurité rejoindre le gardien de nuit. Mes horaires à la fac ne me permettent pas de faire des heures en journée, alors j'effectue les deux nocturnes hebdomadaires.
C'est sympa de bosser dans un endroit pareil quand tout devient calme. Pas de classe en sortie scolaire à gérer, pas trop de touristes paumés, seulement les habitués qui aiment l'endroit et qui veulent savourer la sérénité d'une ouverture en soirée.
Je m'installe derrière mon comptoir quand mon portable vibre à nouveau. D'un coup d'œil, je vois que c'est Kyle qui me répond.
Je pose mes affaires puis regarde le SMS.
** Kyle : Demain soir, c'est cool ? J'ai entendu parler d'un pub privé dans le 8e, ça peut le faire ! **
Un pub privé ? Sympa !
** Nola : Top, je préviens les autres ! **
Je transmets tout de suite à Ella et Léo avant d'oublier et je tire sur le gros fauteuil à roulettes pour m'installer. C'est là que je vais passer les quatre prochaines heures. J'ai Internet, de quoi écrire, Léo via talkie dès que l'envie m'en prend et un petit frigo rempli de sodas. La soirée parfaite !
Très vite, quelques couples se présentent, puis un homme plus tout jeune qui vient tous les mercredis soir et avec qui j'échange quelques mots polis chaque fois, puis c'est le calme plat.
J'ouvre mon sac, en sors mon livre en cours de lecture et me plonge sans hésiter dans l'histoire.
***
— Hello !
Je sursaute et détourne mon attention des lignes noires. Léo est planté devant le comptoir avec un air de conspirateur.
— Tu m'as fait peur ! grondé-je.
Il ricane et se redresse un peu avant de déposer un petit paquet mal emballé juste devant moi. Un léger sourire étire mes lèvres sèches.
— Léo... soupiré-je.
— Ne me remercie pas, ça me fait plaisir. Et puis c'est un cadeau, ça ne se refuse pas !
Il file continuer sa tournée sans attendre de réponse de ma part. J'attrape le paquet et le pose devant moi sans l'ouvrir. Il m'a coupée à un moment qui ne mérite pas d'attendre plus que je le lise. Et puis je connais les cadeaux de Léo, c'est notre petit délire récurrent. Je ne compte plus les bouchons de bouteille ou les couverts en plastique offerts avec amour. Je jette encore un œil sur l'emballage en secouant la tête. Qu'est-ce que ça peut bien être cette fois ?
Il parvient tout de même à piquer ma curiosité, mais pas assez. Je me replonge dans ma lecture.
C'est le grésillement du talkie qui m'oblige à relever le nez une trentaine de pages plus tard. Une seconde passe, puis la voix de Léo résonne, étouffée par l'appareil de mauvaise qualité.
— Tu n'as pas ouvert mon cadeau, Nola. Je le prends super mal ! décrypté-je.
Je lance un coup d'œil vers le coin du mur sur ma gauche et j'attrape le talkie pour répondre :
— Mater une fille par vidéosurveillance pendant des heures est puni par la loi, tu sais !
Il explose de rire
— Mais ouvre mon cadeau ! râle-t-il.
— Ok !
J'attrape le petit paquet, arrache le papier journal qui entoure le présent et découvre vite de quoi il s'agit. Je lève l'objet vers la caméra sur ma gauche.
— Sérieusement, Léo ? Une bague en fil de fer ?
— Faite avec amour, Nola. Tu devrais l'adorer !
Je réprime le ricanement qui menace de franchir mes lèvres et fais non de la tête.
— Offre-moi une vraie bague, que je puisse au moins la revendre et payer mon loyer !
Je l'entends rire.
— Nola, essaie la bague ! Il a passé une heure dessus, ce con.
C'est la voix grave du gardien de nuit qui vient de résonner dans le talkie.
— C'est mal de choisir un camp, Luc !
Ils sont atteints... Mais il est vrai que les soirées sont moins ennuyantes avec eux.
Un claquement soudain qui retentit non loin de moi me fait sursauter, et j'en perds la bague artisanale de Léo. Je me penche vers les portes d'entrée pour constater d'où provient le bruit. Il n'y a personne, mais un des battants est ouvert, comme si quelqu'un était entré en fonçant dessus.
Je lance un coup d'œil vers la caméra. Aussitôt, la voix de Léo résonne :
— Qu'est-ce qu'il y a ?
Je fais signe que j'ai entendu quelque chose et je me lève.
— Il y a quelqu'un ? demandé-je avec une voix assez peu assurée.
Pas de réponse.
— Vous avez vu quelqu'un entrer ? questionné-je à voix basse dans le talkie.
Pas de réponse. Je m'apprête à leur demander de vérifier quand l'horrible sensation d'avoir quelqu'un juste dans mon dos me prend aux tripes. Je me retourne d'un bond, mais il n'y a personne.
— Nola ! Un type super louche est entré dans le musée ! dit brusquement Léo.
Mon cœur manque plusieurs battements. Je n'ai qu'une seule idée en tête : est-ce que ce type est accompagné de papillons ?
— Quitte ton poste, j'arrive tout de suite ! ajoute Léo précipitamment, comme s'il courait.
Je me penche sous le comptoir, enfonce le bouton qui rallume toutes les lumières et je tourne les talons pour percuter un torse musclé. Je lâche un cri de terreur. Il est là ! Non, c'est impossible !
Je recule pour fuir en me débattant.
— Nola, c'est moi !
Dans ma panique, je croise le regard de Léo et je comprends.
— Panique pas, c'était une blague ! ajoute-t-il en m'attirant vers lui.
J'envoie mon poing dans son épaule.
— Mais ça va pas ? J'ai eu la peur de ma vie ! m'écrié-je. Quelqu'un est entré au moins ?
Il est mort de rire, cet imbécile.
— Non, personne ! Je pense que c'est le vent qui a ouvert la porte.
Je le repousse tandis qu'il ricane comme un phoque. Il est fier de lui, en plus !
Je repose mes fesses sur mon fauteuil à roulettes en lui lançant un regard noir. Il passe sa paume sur ma joue avec un regard tendre, ignorant ma colère.
— N'aie pas peur. Je te protège, Nola.
Je le fixe une seconde.
— N'importe quoi, soufflé-je.
Il ricane. Ce type ne prend jamais rien au sérieux !
— Allez, va bosser, abruti ! Et ne recommence jamais ça !
Je reprends mon livre avec les mains presque tremblantes.
Calme-toi, Nola... Ça n'aurait pas pu être le type de tes cauchemars, puisqu'il n'est que le fruit de ton imagination !
Léo disparaît, et moi, je reprends contenance lentement. Je lance quelques regards autour de moi. C'est désert, mais j'ai le sentiment terrifiant de ne pas être seule. Je suis déjà parano, Léo ne m'aide pas avec sa blague merdique.
Le talkie grésille, et la voix de Luc résonne près de moi :
— Je lui avais dit que c'était une mauvaise idée !
— Tu aurais dû le frapper, c'est pas la première fois que je te le dis.
Il se met à rire.
— Essaie au moins sa bague... Il se donne du mal, ajoute-t-il.
Je lance un regard colérique vers la caméra sans répondre.
— Ok, ok ! N'essaie pas la bague...
Je lâche un petit rire en faisant non de la tête.
— Au fait, même si tu m'en veux, tu viendrais voir les objets de la mythologie nordique de l'exposition temporaire avec moi ? entends-je la voix de Léo me demander.
Je relève à nouveau le nez de mon livre.
— Non, et laisse-moi tranquille !
J'avais très envie d'y aller, mais ma colère est trop grande. La frousse que j'ai eue ne laisse pas ma colère retomber aussi facilement. Alors tant pis !
La porte du musée s'ouvre, poussée par un jeune couple. Parfait ! D'un signe de tête vers la caméra, je refuse pour de bon l'invitation de Léo.
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