31. Feu de camp

Il se faisait tard et les voyageurs décidèrent de faire un bout de chemin, puis d'allumer un feu et de dormir sur place. On traverserait la montagne le lendemain. Après tout, tout le monde avait besoin de se reposer.

Les quatre ami.e.s s'assirent en cercle, déballèrent leur repas et firent passer les gourdes. Stenvald souriait béatement, toujours aussi ravi d'avoir survécu à toute cette aventure. Rsltvx, quant à lui, tirait la tronche. Au bout d'un moment, il finit par se tourner vers sa voisine :

- Katt, je peux te dire un truc ?

- Evidemment.

- Je te reproche rien, t'as été super. Tout le monde ici a été super. On a fait un très beau travail d'équipe. Mais enfin, pourquoi tu m'as pas laissé porter le coup final ?

- Pardon ?

- C'est moi, l'Elu. Il est écrit dans mon prédilivre que je devais mettre fin au règne de Kronnart. Au lieu de me laisser faire ça, tu as lancé ta hache et libéré les dragons, et c'est eux qui l'ont tué à ma place. Ça me fait beaucoup de chagrin !

Katt resta immobile, puis éclata de rire. C'était la chose la plus ridicule qu'elle avait jamais entendue. Comment pouvait-il lui reprocher une chose pareille ?

- Tu réalises que tu m'as fait beaucoup de chagrin ? insista-t-il.

- Chaton ! gronda Borg en lui tapant sur l'épaule.

- J'm'en fous ! lança Katt en mordant joyeusement dans son sandwich.

- Mais enfin, c'est moi qui devais porter le coup final !

- Le résultat est le même, non ? intervint Stenvald. Chaque personne ici a participé au combat et on a réussi ! On a libéré le pays ! C'est pas génial ?

- Mais c'est moi, l'Elu !

- Hé ! lança Katt. Je t'ai sauvé la vie en relâchant les dragons. Un petit merci, ce serait bien !

- Tu veux que je te remercie de m'avoir volé mon destin ?!

- Je t'ai rien volé du tout.

- En fait, vous avez abusé, tous les trois. Je voulais affronter le tyran seul. C'était MON destin, c'était à MOI de le faire. Comment vous avez pu me poignarder dans le dos comme ça ?

Stenvald et Borg restèrent bouche bée. Sten était sur le point de répliquer durement quand Xevandra se matérialisa dans un nuage de flammes. Livide, les cheveux en bataille, elle le fixa du regard et s'écria :

- Mais tu vas arrêter avec tes ouin-ouin, oui ou merde ?! Elle t'a sauvé la vie, tes amis se sont comportés comme de vrais amis, vous êtes tous vivants, tu devrais être ravi ! Maintenant, tu vas arrêter de te lamenter, compris ? J'essaie de ruminer dans ma solitude et de préméditer de devenir la grande méchante du tome 2 et tout ce que tu trouves à faire, c'est me déranger dans mes idées noires ! J'ai pas le droit à un peu de paix et de solitude ?!

- Quoi ?!

- Il est toujours comme ça ?! ajouta Xevandra en se tournant vers Katt.

Celle-ci leva les yeux au ciel mais ce fut Borg qui répondit :

- Petit.

- Tu trouves que ce que je dis, c'est petit ?! s'offusqua la magicienne.

- Non ! protesta Stenvald. Il a un handicap. Il ne sait pas faire de phrases.

- C'est vrai, ajouta Rsltvx. Quand on était enfants, il a fait une chute et il s'est cogné la tête. Il n'a plus jamais parlé normalement.

Intriguée, la magicienne se tourna vers Borg.

- Tu as quelque chose à nous dire, non ? Je peux te rendre l'usage de la parole, mais cela ne durera que quelques heures. Tu veux que je fasse ça ?

Le géant sembla hésiter, puis hocha la tête. Xevandra s'agenouilla, puis posa ses mains de part et d'autre de son visage. Une douce lumière apparut et Borg cligna des yeux.

- Ouah, dit-il. Ça chatouille. Merci. Toto, je voudrais te parler de l'époque à laquelle on était petits. Tu te souviens ?

- Evidemment, répondit Rsltvx.

- On a grandi dans la même ferme et on était inséparables. Tu étais comme un frère comme moi. On faisait les corvées ensemble, on jouait ensemble et tu partageais toujours ton goûter avec moi. Et c'est ça, qui est important. Quand je te regarde, je ne vois pas l'Elu. Je vois le gentil garçon qui partageait son goûter avec moi et qui a passé des semaines à soigner le chien quand il est tombé malade. Tu te souviens ?

- Oui. Mais je suis l'Elu.

- Je m'en fous, insista Borg. C'est pas ça, qui te rend spécial. Ta grandeur d'âme, elle vient pas de la couleur de ton prédilivre. Quand tu as soigné le chien, tu l'as fait sans rien attendre en retour et tu m'as consolé quand il est mort. J'aurais aimé que tu restes ce petit garçon mais il s'est effacé petit à petit quand le Grand Décideur t'a donné le prédilivre de l'Elu. Il me manque.

- Tu voudrais que je redevienne un bébé ?!!

- Non, je voudrais que tu retrouves ta nature de l'époque. Parce que c'est ça, la vraie grandeur d'âme : faire des choses gentilles sans rien attendre en retour.

- C'est à elle qu'il faut dire ça ! cria Toto en désignant Katt. Elle veut me voler ma gloire. Elle a pas le droit !

Borg soupira profondément et se tourna vers la guerrière.

- Je suis vraiment désolé. Katroussia, ce fut un honneur de combattre à tes côtés. Tu nous as préparés au combat, tu as fait preuve d'un courage phénoménal, tu t'es montrée forte et droite et tu nous as tous sauvé la vie.

Il la serra dans ses bras sans crier gare, lui coupant le souffle au passage. Katt balbutia un « merci, toi aussi » en lui tapant dans le dos. Ensuite, le géant desserra son étreinte et se tourna vers Sten.

- Stenvald, ton esprit brillant et sans failles nous a guidé.e.s tout le long du chemin. Tu as combattu à nos côtés sans montrer de peur alors que de nous tous, c'était toi qui avait le plus de raisons d'avoir peur. C'est un immense honneur d'être ton ami.

- C'est moi qui suis honor... ouh !

Il ne termina pas sa phrase car le géant le serrait lui aussi dans ses bras. Ensuite, Borg se tourna vers Xevandra.

- Grande Magicienne, tu nous a aidé.e.s alors que tu avais de bonnes raisons de ne pas le faire. Tu as utilisé ta magie et tes capacités pour servir une juste cause. Je sais qu'on ne se connaît pas mais je suis sûr que tu es une personne formidable et j'espère qu'on se reverra.

- Oui, moi aussi je crois qu'on se reverra, répondit Xevandra avec un petit sourire.

- Maintenant, j'aimerais que tu me rendes mon handicap, s'il te plait.

- T'es sûr ?

- Oui. On peut avoir une vie parfaitement heureuse avec un handicap, j'en suis la preuve.

La magicienne passa à nouveau ses mains près de sa tête. Borg cligna des yeux et s'assit.

- Bouffe ? demanda-t-il en se tournant vers Xevandra.

- Il te propose de dîner avec nous, traduisit Katt.

- J'avais compris. Merci, c'est sympa mais j'ai besoin de solitude.

Elle s'envola loin du petit groupe. Rsltvx n'avait pas dit un mot et les fusillait du regard, furibard. On venait de féliciter chaudement quatre personnes qui n'étaient pas lui et cette injustice lui nouait le ventre.

- Bouffe ? demanda Borg en se tournant vers lui.

- Ouais, de la bouffe. C'est ça...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top